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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entend les réponses du Koweït

12 Mai 2011

APRÈS-MIDI

12 mai 2011

Le Comité contre la torture a entendu cet après-midi les réponses de la délégation du Koweït aux questions posées hier matin par les experts.

La délégation koweïtienne, qui était dirigée par M. Dharar Razzooqi, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, a notamment estimé que la réserve exprimée à l'égard de l'article 20, relatif à l'ouverture d'enquêtes confidentielles sur des allégations de recours systématique de la torture, devrait pouvoir être levée. Pour ce qui concerne la définition de la torture, la délégation du Koweït est prête à plaider auprès des autorités nationales en faveur de l'introduction d'une disposition en ce sens dans le code pénal.

La délégation a par ailleurs assuré que tout fonctionnaire reconnu coupable d'avoir commis des actes de torture était sanctionné. En outre, toute personne ayant subi des tortures peut prétendre à une réparation équitable. Les forces de l'ordre reçoivent une formation quant aux règles à suivre dans le traitement des suspects. La délégation a indiqué qu'entre 2001 et 2011, la justice avait eu à connaître 623 affaires de torture ou de mauvais traitements, 248 peines ayant donné lieu à une condamnation pour 242 acquittements, le reliquat demeurant en instance de jugement.

En réponse à d’autres questions, la délégation a notamment expliqué qu'il était très difficile d'abolir la peine de mort dans la mesure où elle est inscrite dans la religion et dans la loi. Toutefois, son application est soumise à un encadrement très strict, et de fait, il n'y a pas eu d'exécutions au Koweït depuis près de cinq ans.

À l'ouverture de la réunion, le président de séance, M. Xuexian Wang, a exprimé les condoléances du Comité aux victimes du séisme de Lorca en Espagne. M. Razzooqi a fait de même au nom de sa délégation.

Lundi matin, le Comité entamera l'examen du rapport du Ghana tandis qu'il aura un échange avec les États parties dans l'après-midi.

Suite de l'examen du rapport du Koweït

Réponses de la délégation aux questions du Comité

M. DHARAR RAZZOOQI, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué le retard dans la présentation du rapport de son pays par l'instabilité qu'a connu la région du Golfe et les séquelles de l'invasion de son pays par l'Iraq.

Répondant aux questions des membres du Comité sur le problème des sans-papiers dans son pays, le représentant a affirmé que le Koweït entendait le résoudre d'ici cinq ans. Le pays compte deux millions d'habitants avec près de 200 nationalités. Le Gouvernement entend faire le maximum pour remédier à cette situation. Le Koweït est un État providence: l'éducation et la santé sont assurées gratuitement dans le pays, ou à l'étranger lorsque cela n'est pas possible au Koweït. Il n'y a pas d'impôt sur le revenu, le logement est garanti par l'État, celui-ci fournissant un terrain et un prêt d'au moins 200 000 dollars, lorsqu'il ne peut fournir de logement disponible. Tous les résidents au Koweït profitent de cet État providence, la citoyenneté koweïtienne étant assortie de nombreux privilèges.

Si les résidents illégaux constituent un problème délicat pour le pays, le Koweït s'est toujours efforcé d'alléger leurs souffrances. La question la plus délicate est en effet celle de satisfaire les besoins humanitaires de ces populations, notamment en matière de santé. Ces personnes doivent pouvoir bénéficier de soins médicaux.

M. Razzooqi a rappelé que son pays aidait financièrement de nombreux pays. Il a cité l'existence du «Fonds koweïtien», créé dans les années soixante, au départ pour aider les pays voisins du Golfe. En outre, le Koweït a doublé sa contribution à des organisations onusiennes telles que le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR). Des organisations non gouvernementales koweïtiennes sont à l'œuvre un peu partout dans le monde, en Afrique en particulier. Ce que le Koweït fait à l'étranger, il doit pouvoir le faire sur son propre sol et c'est la raison pour laquelle il s'engage à régler le problème des résidents ne jouissant pas de la nationalité koweïtienne.

«S'il faut un ingénieur pour bâtir une maison, il suffit d'un fou pour la détruire», dit un proverbe koweïtien. C'est pratiquement ce qui s'est passé lors de l'invasion de 1991, a déclaré M. Razzooqi, en relatant son expérience personnelle des événements, alors qu'il était diplomate à New York au moment de l'invasion. Les événements ont montré les lacunes du droit humanitaire, incapable par lui-même de faire respecter les Conventions de Genève, si le Conseil de sécurité ne réagit pas. S'agissant des 62 personnes disparues suite é l'invasion, dont un expert a fait mention, des recherches ont été effectuées en vain, a-t-il expliqué.

La délégation a par la suite indiqué que le Koweït n'a pas de prisonniers de guerre et que les personnes jugées après la libération du pays l'ont été par des tribunaux civils.

Répondant aux questions posées sur l'application de la peine de mort au Koweït, la délégation a expliqué qu'il est très difficile de l'abolir dans la mesure où elle est inscrite dans la religion et dans la loi. Toutefois, son application est soumise à un encadrement très strict, a-t-il assuré. De fait, il n'y a pas eu d'exécutions au Koweït depuis près de cinq ans. Quant à l'application de la charia, il a assuré qu'il n'avait jamais été question de couper des mains, contrairement à ce que certains ont cru pouvoir affirmer.

S'agissant du cadre législatif d'application, la délégation a notamment estimé que la réserve exprimée à l'égard de l'article 20, relatif à l'ouverture d'enquêtes confidentielles sur des allégations de recours systématique de la torture, devrait pouvoir être levée. Pour ce qui concerne la définition de la torture, il est exact qu'il n'y ait pas de loi spécifique qui la définisse. Mais la délégation du Koweït est prête à plaider auprès des autorités nationales en faveur de la promulgation d'une loi en ce sens, a assuré le représentant. Il a précisé que le droit international prime sur le droit national.

Un autre membre de la délégation a précisé que les instruments internationaux ratifiés par le Koweït avaient tout autant force de loi que les lois nationales. La justice koweïtienne garantit le respect des dispositions de la Convention. Un comité est chargé, au sein du Ministère de la justice, de veiller à ce que la législation locale corresponde aux textes internationaux ratifiés par le pays. Lorsque la Convention va plus loin que la législation locale, c'est l'instrument international qui s'applique. En ce qui concerne la garde à vue actuellement d'une durée de quatre jours, un projet de loi est en instance afin d'amender la loi de manière à réduire cette durée de moitié et la ramener à 48 heures.

La délégation a indiqué que tout traitement cruel, inhumain ou dégradant est interdit par la loi. En outre, tout accusé est présumé innocent tant que sa culpabilité n'a pas été établie. La délégation a énuméré plusieurs instruments internationaux dont le Koweït est partie et qui sont donc considérés comme faisant partie de la loi nationale. Plusieurs lois koweïtiennes sont inspirées directement de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation a expliqué que tout fonctionnaire coupable d'avoir commis des actes de torture était sanctionné. Elle a aussi énuméré et lu de manière détaillée les dispositions du code pénal en cas de crimes et d'abus de la part des représentants de l'autorité. Il a indiqué que toute personne ayant subi des tortures pouvait prétendre à une réparation équitable; si elle n'a pas survécu, cette indemnisation revient à ses proches.

Par ailleurs, les forces de l'ordre reçoivent une formation quant aux règles à suivre dans le traitement des suspects. En outre, toutes les instances de supervision se doivent de suivre de très près les procédures en cours. Le Ministère de l'intérieur n'épargne aucun effort pour former ses fonctionnaires. Certains membres du personnel d'encadrement à bénéficié d'une formation aux droits de l'homme, certains fonctionnaires ici même à Genève. Un stage sur les droits et les obligations des membres de la fonction publique a notamment été organisé.

Répondant aux questions sur les moyens mis en œuvre dans la lutte antiterroriste, la délégation a expliqué que le terme de terrorisme ne figure pas explicitement dans la loi, ce qui ne signifie pas que des peines ne soient pas prévues pour ce type de crime. Le Koweït s'efforce de réhabiliter les personnes ayant commis des actes terroristes afin de les réintégrer au sein de la société. Toutes les sanctions prononcées sont susceptibles de recours.

La délégation a indiqué qu'entre 2001 et 2011, la justice avait eu à connaître 623 affaires de torture ou de mauvais traitements, 248 peines ayant donné lieu à une condamnation pour 242 acquittements, le reliquat demeurant en instance de jugement. Un autre membre de la délégation a cité plusieurs affaires de mauvais traitements mettant en cause les forces de sécurité dont le cas soulevé hier par le Président du Comité relatif à des poursuites pour meurtre, alors que la victime présumée était finalement réapparue en vie. Dans cette affaire, le meurtrier présumé avait donc été mis finalement hors de cause dans ce cas précis, a-t-il indiqué.

Le système judiciaire est basé sur la séparation des pouvoirs, a souligné la délégation. Par conséquent, les juges prennent uniquement leurs décisions sur la base du droit. Le juge est indépendant et il n'obéit à aucune autorité. Les dispositions en vigueur permettent de garantir l'indépendance des juges, qui, par exemple, ne sont révocables en aucune circonstance.

Un membre de la délégation a abordé la question des réfugiés en expliquant que personne n'était expulsé du pays sans l'aval du Haut Commissariat pour les réfugiés. Il a indiqué que le Koweït contribuait à hauteur de deux millions de dollars à l'action du HCR en 2011. Le pays a en particulier fourni une assistance en faveur des réfugiés et déplacés de Libye.

La délégation a aussi abordé la question des permis de séjour et des expulsions administratives, celles-ci obéissant à des règles précises, étrangères à tout arbitraire. Des recours sont toujours possibles. Un certain nombre de cas, comme celui des «bidounes» en particulier, qui ne disposent pas de titre de séjour mais qui résident depuis longtemps dans le pays, ne sont pas expulsables.

Un membre de la délégation, responsable de la réinsertion dans les prisons, a indiqué que le pays comptait deux réseaux de centres de détention. Il existe un réseau de prisons A, pour les délits mineurs, le réseau B étant dévolu aux cas les plus graves. Les détenus ont accès à leur avocat. En cas de placement en garde à vue, tout détenu a la possibilité de prévenir ses proches et a accès à un médecin. Aucune personne n'est incarcérée sans ordre écrit du bureau du ministère public. Par ailleurs, le Comité international de la Croix-Rouge a accès aux prisons, ainsi que certaines organisations non gouvernementales. La délégation a aussi précisé que toute personne mise en cause peut refuser de s'exprimer sans la présence d'un avocat.

Le service de médecine légale, est composée au Koweït de spécialistes, hommes ou femmes, capables d'établir un rapport médico-légal après examen d'une personne susceptible d'avoir subi la torture ou de mauvais traitements. Pour les enfants subissant des mauvais traitements, c'est le département des mineurs qui est en charge de les placer en famille d'accueil le cas échéant.

Les personnels en charge de personnes handicapés sont contrôlés par les autorités compétentes pour s'assurer qu'aucun mauvais traitement n'intervient. En réponse à la question de savoir pourquoi le pays n'a pas ratifié la Convention sur les droits des personnes handicapées, la délégation a expliqué que la loi koweïtienne allait au-delà de la Convention, le pays consacrant un budget considérable à cette catégorie de la population.

Le fait que le code du travail ne prend pas en compte le travail domestique est dû au fait qu'il n'était légalement pas possible d'autoriser les 400 inspecteurs du travail du pays à effectuer des inspections dans les domiciles privés sans autorisation spéciale. Pour ce qui concerne les cas de rétention du passeport par l'employeur, un recours peut être présenté en justice pour permettre à tout travailleur étranger de récupérer ses documents de voyage, dans un délai d'un mois après le dépôt de la requête en justice par le plaignant.

La délégation koweïtienne a également indiqué que l'enseignement des droits de l'homme a été intégré dans le programme scolaire du secondaire, et comprend notamment un chapitre sur le respect de la dignité humaine et la prévention de la torture.

Questions complémentaires des membres du Comité

Un membre du Comité a demandé s'il existait au moins un exemple de personne qui n'aurait pas été expulsée parce qu'elle risquait d'être torturée dans son pays, comme le prévoit l'article 3 de la Convention. Il a aussi demandé pour quelle raison le Koweït n'avait pas ratifié la Convention relative au statut des réfugiés, surtout si l'on considère la collaboration étroite de l'émirat avec le HCR. Il a souligné par ailleurs que l'interdiction absolue de la torture devrait faire partie de la formation des forces de l'ordre. Quant aux personnes disparues, et dont le pays ne trouve pas trace, les choses devront être tirées au clair, a-t-il souligné.

Une experte s'est enquise du sort des femmes victimes de la violence domestique, demandant s'il était question de rendre ces violences passibles de poursuites. Elle a aussi à nouveau demandé si la loi interdisant l'homosexualité était susceptible d'être amendée.

Un de ses collègues est revenu sur l'absence du délit de terrorisme dans le droit pénal et a demandé quelle disposition permettait de mener des poursuites contre des personnes responsables d'actes terroristes.

L'expert a par ailleurs demandé quel était la position du Koweït s'agissant de l'apatridie, question cruciale pour la minorité «bidoune».

La politique active du Koweït en faveur des handicapés place favorablement ce pays dans les efforts de l'ONU en faveur des personnes concernées, a souligné par ailleurs un membre du Comité.

Une experte s'est félicitée sur l'engagement pris par la délégation à lever la réserve sur l'article 20 et à définir le crime de torture. Elle a demandé à la délégation si elle pouvait s'engager clairement, comme elle l'a laissé entendre, à ce que soient promulguées des lois sur l'interdiction de tout châtiment corporel, châtiments qui violent l'essence même de la Convention.

Une autre experte a demandé comment étaient organisées les inspections dans les prisons et de quelle manière on luttait contre les abus sexuels en milieu carcéral.

Réponses de la délégation koweïtienne

La levée de la réserve au titre de l'article 20 dépend de négociations en profondeur au niveau gouvernemental, a indiqué M. Razzooqi. Il s'agit d'une question de souveraineté, ce qui ne constitue pas pour autant une excuse pour ne rien faire, a-t-il aussitôt précisé.

La procédure suppose d'en passer par le Conseil des ministres pour inscrire la définition du délit de torture dans la législation et pour décider des sanctions pénales.

En ce qui concerne le renvoi d'étrangers menacés dans leur pays, le représentant koweïtien a cité le cas d'un Iraquien qui risquait d'être assassiné s'il avait été renvoyé dans son pays en 2002. Après avoir consulté le HCR, le Koweït a décidé de ne pas procéder à son expulsion.

En raison du manque de temps, M. Razzooqi s'est engagé à répondre à d'autres questions par écrit.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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