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Communiqués de presse Organes conventionnels

Comité contre la Torture : Le Ghana répond aux questions des experts

17 Mai 2011

Comité contre la torture
APRÈS-MIDI

17 mai 2011

Le Comité contre la torture a entendu cet après-midi les réponses de la délégation du Ghana aux questions posées hier matin par les experts.

La délégation ghanéenne, qui était dirigée par M. Ebo Barton-Odro, Vice-Ministre de la justice et Procureur général adjoint du Ghana, a notamment fait valoir que la transposition de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants figurait dans l'agenda gouvernemental. La lenteur du processus s'explique par plusieurs facteurs, en particulier du fait des retards enregistrés dans l'adoption des lois au Parlement. C'est ce qui explique aussi que le Protocole facultatif n'ait toujours pas été ratifié. Interrogée sur l'absence de définition de la torture dans la législation ghanéenne, M. Barton-Odro a souligné que différents délits apparentés allant de l'agression aux mutilations sexuelles, notamment, étaient passibles de poursuites et de sanctions sévères. Le Président, M. Claudio Grossman, a rappelé que du point de vue du Comité, la situation idéale serait que les États parties adoptent une définition uniforme de la torture en reprenant la formulation de la Convention. Il a estimé par ailleurs que la transposition de la Convention dans le droit interne devrait être accélérée.

La délégation a aussi indiqué que la formation aux droits de l'homme des policiers, du personnel pénitentiaire et des travailleurs de la santé était essentiellement assurée par la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative, institution chargée notamment de surveiller l'application des dispositions légales dans les lieux de détention. La délégation a aussi répondu aux questions sur la pratique de la flagellation dans les lieux de détention, assurant que les procédures exigées rendent son application difficile, ainsi que sur la peine de mort qui, a fait valoir la délégation, n'est de fait plus appliquée depuis plus d'un demi-siècle. Elle a toutefois ajouté que l'abolition de la peine capitale ne fait pas l'unanimité dans le pays. Quant aux pratiques traditionnelles telles que les mutilations génitales féminines, celles-ci sont certes toujours largement pratiquées, mais elles ont considérablement diminué, a assuré la délégation.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport du Ghana, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 3 juin prochain.

Demain matin, le Comité entamera l'examen du rapport de la Finlande (CAT/C/FIN/5-6). Il entendra dans l'après-midi les réponses du Turkménistan aux questions posées ce matin.

Suite de l'examen du rapport du Ghana

M. EBO BARTON-ODRO, Vice-Ministre de la justice et Procureur général adjoint du Ghana, a notamment indiqué, en réponse à des questions sur la transposition de la Convention dans la législation ghanéenne, que le bureau du Procureur général attendait le feu vert du Gouvernement à ce sujet, celui-ci devant préparer un mémorandum gouvernemental. Une fois cela accompli, le Procureur général transmettra la Convention au Parlement. S'il n'y a pas de définition de la torture en tant que telle, le chef de la délégation a souligné que différents délits, depuis l'agression aux mutilations sexuelles en passant par l'attaque à main armée, l'assassinat et le meurtre, sont passibles de sanctions. Tout citoyen peut intenter une action en justice contre tout auteur d'abus, y compris les fonctionnaires de l'État. Il existe en outre une institution de surveillance des activités de la police appelée «Police Intelligence and Professionnal Standards» (PIPS).

En vertu de l'état d'urgence en vigueur, tout suspect doit être informé dans les 24 heures de son interpellation des charges qui pèsent sur lui. Dans un délai de dix jours, une notification des chefs d'inculpation doit être publiée au Journal officiel (Gazette). Dans le même délai, un processus d'examen géré par trois juges doit confirmer ou pas la décision d'incarcération.

En réponse à la question du Comité sur les mesures prises pour améliorer le financement de la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative, un membre de la délégation a indiqué son budget provenait du «Fonds consolidé». De fait, la Commission ne bénéfice pas d'un financement suffisant de la part de l'État, comme la plupart des institutions, et doit faire appel à ses partenaires de développement, parmi lesquels le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

À une question portant sur la ratification du Protocole facultatif pour la prévention de la torture, la délégation ghanéenne a indiqué qu'un groupe de travail avait été créé en 2006 pour étudier la question sous les auspices de la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative. Ce groupe de travail est en contact avec l'Association pour la prévention de la torture à Genève. Le Gouvernement a donné son accord de principe pour cette ratification avant de transmettre le projet au Parlement. Au début de l'année, le président de la Commission a plaidé auprès du Président du Parlement en faveur d'une ratification au plus tôt. Le groupe de travail doit se réunir en juin afin d'envisager ce qu'il convenait de faire pour permettre la ratification du Protocole par le Parlement. Toutefois, celui-ci accuse un retard considérable dans l'examen des projets de textes qui lui ont été soumis.

S'agissant du rôle de la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative en matière de visite des centres de détention, la délégation a expliqué qu'elle concentrait ses inspections sur l'état des installations, sur la situation sanitaire, sur les services médicaux, la nourriture, etc. C'est ainsi qu'elle a découvert par exemple que la prison de Gambaga ne répondait pas aux normes minimales, ce qu'elle a souligné dans son rapport 2002-2003.

La Commission a par ailleurs créé une unité chargé des femmes et des enfants qui reçoit est s'efforce de résoudre les plaintes qui lui sont soumises, voire de saisir la police, notamment en ce qui concerne des affaires de violences sur mineurs, a indiqué la délégation en réponse à une autre question. Quant à la violence domestique, une unité spéciale organise des ateliers de sensibilisation relatifs à cette question ainsi qu'à la protection infantile, au trafic et au travail des enfants, entre autres.

En ce qui concerne les violences liées aux activités des compagnies minières, une enquête a été menée en 2006 à ce sujet qui a révélé des abus de nature diverse de la part de la police, notamment des interpellations aussi violentes qu'illégales, ainsi que des actes de torture. La Commission a publié un rapport en mars 2008 qui comporte un certain nombre de recommandations au Gouvernement. Celui-ci a mis sur pied à son tour une commission d'enquête. Les compagnies minières, conformément aux recommandations de la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative, ont entrepris de consulter les villageois afin de résoudre les conflits potentiels. Par ailleurs, une indemnisation substantielle a été versée à une personne qui avait été blessée par balles.

En ce qui concerne la présence des avocats pendant les interrogatoires, la délégation a indiqué qu'un conseil doit être présent, la loi étant tout à fait claire à cet égard, afin d'éviter notamment le risque de mauvais traitements. Une pièce spéciale est prévue pour cela, pratiquement dépourvue de mobilier pour éviter de distraire les acteurs de la procédure. Les dépositions sont enregistrées ou filmées.

S'agissant de la formation des policiers et des travailleurs de la santé en matière de droits de l'homme, c'est la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative qui est chargée de cette tâche. En outre, un programme spécial intitulé «Accès à la justice» pour la police a été organisé avec l'aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

Rappelant que le Ghana compte plusieurs milliers de réfugiés originaires de Côte d'Ivoire, la délégation a indiqué que son pays s'efforce d'ouvrir des camps dans le centre du pays, de concert avec les agences onusiennes. Elle a émis l'espoir que ces personnes pourraient regagner leur pays une fois que la paix aura été complètement rétablie.

La délégation a expliqué que la visite du Rapporteur spécial sur la torture, M. Manfred Nowak, avait dû être reportée du fait que le Ghana a été averti à trop brève échéance. Le Rapporteur spécial a été de nouveau invité mais il n'a pas déposé de nouvelle demande à ce jour.

Quant aux pratiques traditionnelles nocives, dont les mutilations génitales, celles-ci sont toujours pratiquées mais elles ont diminué de 25%, a indiqué la délégation. Quant à l'exploitation sexuelle des domestiques, le Ghana n'a pas de statistiques à ce sujet. S'agissant de la pratique traditionnelle du «trokosi», qui consiste à attacher des «prisonniers» dans des lieux sacrés afin qu'ils expient les péchés de leurs ancêtres, la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative a constaté que celle-ci était extrêmement répandue et enracinée dans la région de la Volta. Elle a recommandé un travail de sensibilisation et d'éducation qui a porté ses fruits puisque des cérémonies de libération se sont tenues sous les auspices des prêtres de plusieurs communautés. De l'argent a été versé aux victimes pour leur réinsertion sociale.

En ce qui concerne la traite des êtres humains, 43 affaires sont en cours d'instruction tandis que 25 ont été jugées, les coupables étant condamnés à des peines supérieures à huit années.

S'agissant de l'obtention d'aveux, la délégation a indiqué que toute allégation de torture de la part d'un prévenu entraîne la tenue d'une audience spéciale - appelée «voir dire» (portant sur l'admissibilité des preuves) - qui entraîne la suspension des procédures en cours.

L'état déplorable des prisons s'explique par le fait que la plupart d'entre elles étaient des fortins bâtis par les Européens comme comptoirs commerciaux avant la colonisation britannique de 1844. Le manque d'entretien a provoqué leur fermeture dans de nombreux cas. Les autorités pénitentiaires ne sont pas opposées en principe à recevoir des organisations non gouvernementales. Un plan stratégique décennal a été défini afin d'améliorer la situation en introduisant notamment des activités économiques susceptibles de bénéficiers aux détenus. Quant à l'alimentation des détenus, si l'État ne consacre pas plus d'un dollar par jour par prisonnier, c'est uniquement en raison de contraintes budgétaires. La délégation a dit espérer que le Gouvernement finirait par prendre en considération le salaire minimum afin de fixer l'allocation à consacrer à l'alimentation dans les prisons afin que celles-ci puissent assurer trois repas par jour et non plus un seul comme actuellement.

S'agissant du recours à la flagellation contre des détenus, il s'agit d'une question «délicate» a reconnu un membre de la délégation. Cette punition doit faire l'objet d'une procédure spéciale, le directeur devant réunir un médecin, un avocat, un travailleur social, un représentant des services pénitentiaires de la prison et un dignitaire religieux. Le médecin doit assurer que le détenu est suffisamment en bonne santé pour subir les coups et déterminer quelle partie de son corps peut être frappée. Une fois la sanction infligée, un rapport est rédigé. Dans les faits, cette sanction n'est pratiquement jamais appliquée, selon la délégation.

Quant à la durée excessive de la détention provisoire, elle s'explique par une combinaison de facteurs: insuffisance de tribunaux, pannes informatiques généralisées, incapacité des suspects à obtenir un avocat lorsque la loi les y contraint, etc. La délégation a confirmé par ailleurs que des salles d'interrogatoires avaient commencé à être équipées de caméras, afin de garantir qu'aucun mauvais traitement ne soit infligé.

En réponse à des questions sur les pratiques dans les hôpitaux psychiatriques, la délégation a indiqué que les électrochocs sont utilisés principalement pour les épileptiques. Un projet de loi a été déposé devant le Parlement afin d'accroître le nombre d'institutions psychiatriques dans le pays. Des efforts sont également déployés pour réinsérer les malades guéris, ce qui n'est pas sans poser de difficultés avec leurs proches en raison des stigmates liés à ces pathologies. À la question posée sur l'incarcération de femmes dans des cages, le chef de la délégation a démenti cette affirmation, expliquant qu'il s'était simplement agi d'empêcher des femmes internées dans des institutions psychiatriques de quitter les lieux sans autorisation.

S'agissant des cas d'extradition pour les délits les plus graves, y compris sexuels, le Ghana a signé des conventions avec plusieurs pays dont les États-Unis et le Royaume-Uni. Il existe aussi une loi d'assistance juridique mutuelle adoptée en 2010 pour l'application de certains instruments internationaux.

Face au problème de la surpopulation carcérale, une nouvelle prison d'une capacité de 3000 places est prévue dans le centre du pays. Il est aussi question de mettre sur pied de nouveaux camps ruraux pour les condamnés à des peines légères ou pour une première condamnation. Il s'agit de centres ouverts ou les condamnés peuvent se consacrer à des activités agricoles. Par ailleurs, le chef de l'État proclame des amnisties, à l'occasion de la fête nationale ou de Noël. La délégation a par ailleurs souligné qu'une formation aux droits de l'homme est dispensée au personnel pénitentiaire.

La délégation a reconnu que le public percevait le système judiciaire comme corrompu. Lorsque des preuves peuvent être établies, les autorités font le maximum pour combattre ce phénomène. Un code d'éthique des juges et du personnel judiciaire a été mis en place avec l'aide du Fonds de développement de l'Allemagne. Il existe par ailleurs plusieurs instances chargées d'enquêter, des commissions d'intégrité et d'éthique et une unité des plaintes. Cinq juges sont actuellement poursuivis pour corruption, a précisé la délégation.

Répondant à des questions complémentaires, la délégation ghanéenne a notamment déclaré que la peine de mort était de fait abolie puisque la dernière pendaison remontait à 1966. Toutefois, pendant le régime militaire, des exécutions ont eu lieu par fusillade, la dernière exécution de cette nature ayant eu lieu en 1993. Mais la question divise profondément la société, les familles des victimes de criminels n'étant pas favorables à une abolition formelle, a répondu la délégation. Le chef de l'État peut commuer une peine de mort en réclusion à perpétuité. Les condamnés à la peine capitale ayant passé plus de dix ans derrière les barreaux sont passés de 400 l'an dernier à 120 aujourd'hui, a indiqué la délégation.

Priée de fournir des renseignements complémentaires sur les questions relatives aux pratiques de sorcellerie, la délégation a indiqué qu'il s'agissait d'une pratique traditionnelle à laquelle on s'efforce de sensibiliser la population par l'intermédiaire des chefs de tribus, particulièrement dans le nord du pays.

En fin de séance, une experte du Comité a déploré, s'agissant de la détention provisoire, que des suspects puissent être purement et simplement «oubliés». Elle a estimé que le système de justice pénale devrait bénéficier d'une réforme beaucoup plus importante que celle actuellement prévue par le Gouvernement.
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