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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Ghana

CDH examine le rapport du Ghana

24 Juin 2016

Comité des droits de l'homme

24 juin 2016

Les questions relatives à l'administration de la justice et aux pratiques traditionnelles sont particulièrement débattues

Le Comité des droits de l'homme a examiné, aujourd'hui, le rapport initial du Ghana sur les mesures prises par le pays pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 

Présentant ce rapport, M. Dominic Ayine, Procureur général adjoint et Vice-Ministre de la justice du Ghana, a expliqué que la Constitution de son pays avait ancré les dispositions garantissant les libertés et droits humains fondamentaux stipulés par le Pacte.  Pour la première fois, un tribunal des droits de l'homme a été mis sur pied, ainsi qu'une Commission indépendante des droits de l'homme et de la justice administrative, a-t-il fait valoir.  Outre l'indépendance de la justice, le Ghana garantit la liberté des médias afin de permettre à la population d'occuper l'espace nécessaire avec la société civile pour que le Gouvernement réponde de ses actes, a-t-il ajouté.  À l'heure actuelle, a fait valoir le Vice-Ministre de la justice, le Ghana est parmi les pays africains les mieux classés non seulement en Afrique mais dans le monde en matière d'indice de liberté de la presse.  La population est déterminée à faire en sorte que l'actuel progrès démocratique ne puisse régresser, a assuré M. Ayine. 

L'imposante délégation ghanéenne était également composée, entre autres, de M. Sammie Pesky Eddico, Représentant permanent du Ghana auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères de l'intérieur, du genre, de l'enfance et de la protection sociale, de la santé, des affaires étrangères et de l'intégration régionale.  Elle comprenait également des représentants de la Commission parlementaire des affaires constitutionnelles et juridiques; de la Cour d'appel; de la Commission judiciaire; de la Division en charge de l'élaboration des lois; de la Commission indépendante des droits de l'homme et de la justice administrative; du Département de l'enfance; de la Direction des services pénitentiaires; du Conseil des réfugiés; et un responsable des enquêtes au sein de la police.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne; de la question de la peine de mort et de la ratification du deuxième Protocole facultatif au Pacte visant l'abolition de cette peine; de la Commission indépendante des droits de l'homme et de la justice administrative; de l'indépendance de la justice; des discriminations; de l'incrimination de l'homosexualité; des questions de mariage; de la violence domestique et sexiste; des mutilations génitales féminines; des camps de sorciers, des «camps de prière» et des sanctuaires trokosi; du comportement de la police; de l'incrimination de la torture; de la politique carcérale; de la justice pour mineurs; du non-respect du délai maximum de 48 heures avant présentation d'une personne gardée à vue devant un juge; de la mortalité maternelle et de l'avortement; du travail des enfants; et du projet de loi relatif au droit à l'information.

Plusieurs membres du Comité ont fait remarquer que ce premier rapport du Ghana arrivait avec un retard considérable de quatorze années.  Le Ghana affiche une volonté d'aller de l'avant, tout en conservant son identité forte, enracinée dans son histoire très ancienne, a relevé un expert; en témoigne l'institution de la Maison nationale des chefs, qui a pour mission d'évaluer les coutumes et usages traditionnels en éliminant ceux qui sont dépassés et néfastes pour la société. 
Ont par ailleurs été déplorés la stigmatisation envers les personnes handicapées; la discrimination envers les personnes atteintes d'albinisme; l'incrimination de l'homosexualité; ainsi que l'internement de personnes, souvent âgées, pour sorcellerie.  Un expert a déploré que le délai maximum de 48 heures avant présentation de la personne gardée à vue devant un juge ne soit pas respecté.  Quant à l'aide juridictionnelle, le système n'apparaît pas à la hauteur des besoins, a-t-il été relevé.  Des personnes demeurent en détention alors qu'elles sont libérables: ces personnes sont «littéralement oubliées», y compris lorsqu'elles sont reconnues innocentes, a fait observer un expert.  Un expert s'est ensuite interrogé sur l'indépendance du judiciaire, alors que le Procureur général est aussi Ministre de la justice. 

Un membre du Comité a par ailleurs abordé le problème posé par le travail des enfants, alors que les statistiques donnent à penser que dans le pays, plus d'un enfant sur cinq âgé de 5 à 17 ans travaillerait, 14% étant employés à des travaux dangereux.

Alors que nombre d'experts ont relevé le retard pris dans l'adoption d'une loi sur la torture, le Président du Comité, M. Fabián Omar Salvioli, a conclu ce dialogue en insistant sur l'importance pour le Ghana de se pencher sur le rapport du Rapporteur spécial sur la torture, qui contient des informations importantes, sensiblement différentes de celles mises en avant par la délégation lors du présent examen. 

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Ghana et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 15 juillet prochain.

 

Lundi matin, le Comité débattra de ses méthodes de travail, avant d'entamer, l'après-midi, l'examen du rapport de l'Equateur. 

 

Présentation du rapport du Ghana

Le Comité est saisi du le rapport initial du Ghana, ainsi que des réponses du pays à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

M. DOMINIC AYINE, Procureur général adjoint et Vice-Ministre de la justice du Ghana, a exprimé ses regrets pour l'envoi très tardif des réponses du pays à la liste de points à traiter soumise à l'avance par le Comité.  Il a expliqué que la Constitution de son pays avait ancré les dispositions garantissant les libertés et droits humains fondamentaux stipulés par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Pour la première fois, un tribunal des droits de l'homme a été mis sur pied, ainsi qu'une Commission indépendante des droits de l'homme et de la justice administrative.  Outre l'indépendance de la justice, le Ghana garantit la liberté des médias afin de permettre à la population d'occuper l'espace nécessaire avec la société civile pour que le Gouvernement réponde de ses actes, a-t-il ajouté.  À l'heure actuelle, a fait valoir le Vice-Ministre de la justice, le Ghana est parmi les pays africains les mieux classés non seulement en Afrique mais dans le monde en matière d'indice de liberté de la presse.

Il y a vingt-cinq ans, après des décennies de régime militaire, le peuple du Ghana s'est doté par référendum d'une démocratie constitutionnelle, a rappelé M. Ayine.  Hier, lors d'une conférence publique organisée par une association de la société civile sur le thème des élections en tant que condition sine qua non pour le progrès de l'Afrique, l'ancien Secrétaire général de l'ONU M. Kofi Annan a dit que l'approfondissement de la démocratie constituait un combat essentiel, a rapporté le Vice-Ministre.  M. Annan a ajouté que le Ghana avait prospéré par la démocratie depuis son introduction, une prospérité dont ont bénéficié l'économie et la société dans son ensemble.  L'ancien Secrétaire général a aussi observé que, quel que soient les défis, les critiques devaient conduire à faire des réformes plutôt qu'à instaurer une dictature.  La population est déterminée à faire en sorte que l'actuel progrès démocratique ne puisse régresser dans le cadre des efforts pour la promotion et la protection des droits de l'homme, a ainsi assuré M. Ayine.

Le Vice-Ministre de la justice a ensuite souligné que le Ghana avait joué un rôle actif au sein du Conseil des droits de l'homme, se faisant le champion de causes destinées à élargir la démocratie et les droits fondamentaux.  Il a invité les titulaires de mandat des procédures spéciales du Conseil à visiter le pays.  Le Ghana se consacre aussi avec ses partenaires à la protection des enfants dans les conflits armés; il participe à l'Initiative en faveur de la Convention contre la torture, ainsi qu'aux actions lancées pour protéger les populations du génocide, a poursuivi M. Ayine.  Le Ghana participe en outre aux réflexions sur les entreprises et les droits de l'homme, a-t-il précisé.  Le Ghana a aussi parrainé des résolutions visant à renforcer le respect de la société civile et les défenseurs des droits de l'homme aussi bien au sein du Conseil des droits de l'homme que de l'Assemblée générale des Nations Unies.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a remarqué que ce premier rapport du Ghana arrivait avec un retard considérable de quatorze années; il s'est toutefois félicité de la substance des réponses écrites apportées à la liste de points à traiter soumise à l'avance par le Comité, même si ces réponses lui sont parvenues au dernier moment.  Il s'est aussi félicité que le Ghana ait ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte et a appelé de ses vœux une ratification identique des Protocoles facultatifs au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à la Convention relative aux droits de l'enfant.  Le Ghana affiche une volonté d'aller de l'avant, tout en conservant son identité forte, enracinée dans son histoire très ancienne, a relevé l'expert; en témoigne l'institution de la Maison nationale des chefs, qui a pour mission d'évaluer les coutumes et usages traditionnels en éliminant ceux qui sont dépassés et néfastes pour la société.  L'État partie aborde les défis sans tabou, a insisté l'expert, mentionnant à cet égard le VIH/sida, la discrimination et la violence à l'égard des femmes ou encore la lutte contre les mutilations génitales féminines.  Toutefois, les réformes législatives ne se traduisent pas toujours dans les faits, a fait observer l'expert.  Si dans d'autres pays la volonté politique manque, ce n'est manifestement pas le cas du Ghana, a-t-il reconnu.  Bien qu'affecté par un fort taux de pauvreté, le pays dispose d'atouts grâce à d'importantes richesses naturelles, comme le démontrent sa croissance impressionnante et son choix d'opter pour une économie de service, ce qui est de bon augure pour surmonter des défis qui ne sont pas insurmontables.

Le même expert a noté que si la Constitution énumérait presque tous les droits reconnus par le Pacte, celui-ci n'était toutefois pas incorporé dans le droit interne.  Les tribunaux s'appuient sur le droit constitutionnel et non pas sur le Pacte proprement dit puisque la Constitution prévaut sur le droit conventionnel, a-t-il ajouté.  Il semble nécessaire, du point de vue du Comité, d'incorporer le Pacte de manière à ce que les juridictions nationales puissent recourir au droit conventionnel, en cas d'insuffisance ou de lacune du droit constitutionnel, a insisté cet expert.  Un second manque apparaît avec l'absence de procédure spécifique pour l'exécution des constatations du Comité, du fait même de l'absence d'incorporation du Pacte dans le droit interne, a-t-il ajouté. 

L'expert a ensuite noté que si le Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales de droits de l'homme a octroyé l'accréditation avec statut A à la Commission des droits de l'homme et de la justice administrative, ce même CIC avait toutefois formulé des réserves quant au processus de nomination des membres de cette Commission ainsi qu'en ce qui concerne son pluralisme, la stabilité du mandat des commissaires, le financement et l'absence de mandat clair pour visiter les prisons.

Un autre membre du Comité a évoqué la stigmatisation envers les personnes handicapées et relevé la discrimination à l'encontre des travailleuses du sexe au Ghana.  Un grand nombre de ces dernières affirment être contraintes à des relations avec des policiers, a-t-il fait observer.  Il a aussi évoqué la discrimination envers les personnes atteintes d'albinisme, qui perdure en dépit de la volonté affichée du Gouvernement de lutter contre les préjugés à leur encontre.  L'expert a souhaité avoir des précisions sur les mesures prises en matière de prévention et de lutte contre la xénophobie.  Quant à la communauté LGBT, on a le sentiment d'une absence de préoccupation quant au sort qui est réservé à ses membres, a poursuivi l'expert, rappelant que le Code pénal lui-même incrimine l'homosexualité.  Cette dernière disposition est-elle appliquée, a-t-il demandé, s'inquiétant de la discrimination à l'encontre de ces personnes au travail et des discours homophobes de la part de responsables?

Une experte a souhaité connaître l'état d'avancement du projet de réforme touchant à la succession des époux.  Un autre membre du Comité a abordé la question des pratiques traditionnelles néfastes, souhaitant avoir des précisions sur les actions menées contre les mutilations génitales féminines – qui concerneraient 3% des femmes.  Quelles mesures sont-elles en outre prises contre le trokosi (servitude rituelle)? Par ailleurs, il semble que 27% des jeunes filles seraient mariées avant l'âge légal de 18 ans; dans ce contexte, des poursuites sont-elles engagées contre les mariages précoces?  Des inquiétudes ont en outre été exprimées s'agissant de l'internement de personnes, souvent âgées, pour sorcellerie. 

Un autre expert a mentionné les «camps de prière» où des personnes malades préfèrent souvent se rendre dans l'espoir de guérir.  Comment les autorités justifient-elles que ces camps accueillent un si grand nombre de patients ?

Un autre expert s'est enquis de la position du Gouvernement ghanéen en ce qui concerne la peine de mort, qui est toujours prononcée par des tribunaux même si elle n'est pas appliquée et est fréquemment commuée en réclusion à perpétuité. 

Un membre du Comité s'est interrogé sur le retard pris dans l'adoption d'une loi sur la torture, alors que le Ghana avait pris un engagement en la matière en 2011.  Cet expert a fait observer qu'il n'était pas nécessaire d'avoir ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture pour adopter un tel texte.  Il s'est en outre enquis de l'indépendance des mécanismes d'enquête susceptibles d'être chargés des plaintes pour mauvais traitements dans les centres de détention.  Cet expert a par ailleurs fait observer que de très nombreux barrages étaient mis en place sur les routes par les forces de sécurité – points de contrôle où les voyageurs se voient réclamer des frais de «péage» totalement indus. 

Se référant à des rapports du Rapporteur spécial sur la torture, un membre du Comité a relevé de très nombreux cas de mauvais traitements à des fins d'extorsion d'aveux par la police, ce qui tend à indiquer que les mesures gouvernementales en matière de prévention et de lutte contre la torture n'ont guère d'effet, la situation ayant même tendance à s'aggraver. 

Un expert a déploré que le délai maximum de 48 heures avant présentation de la personne gardée à vue devant un juge ne soit pas respecté, notamment en abusant des arrestations pendant les week-ends.  Quant à l'aide juridictionnelle, le système n'apparaît pas à la hauteur des besoins, avec seulement 14 avocats disponibles pour cette aide pour une population totale de 24 millions de personnes.  Où en est le projet de révision de la Constitution pour établir une commission d'aide juridictionnelle, a demandé l'expert?  Il a en outre insisté sur la nécessité de rendre effectif le droit de recours en habeas corpus, qui figure dans le droit interne mais ne semble pas mis en œuvre.  Ce même expert s'est inquiété que des personnes demeurent en détention alors qu'elles sont libérables: ces personnes sont «littéralement oubliées», y compris lorsqu'elles sont reconnues innocentes, a-t-il insisté, faisant état de «cas effrayants» comme celui d'une personne en détention préventive depuis au moins vingt ans.  L'expert a rappelé que la Constitution prévoit que toute personne détenue doit être libérée si elle n'est pas jugée dans un délai raisonnable.  Il s'est félicité que le Ghana ait mis en place un programme intitulé «Justice pour tous», afin de décongestionner les prisons en examinant les cas litigieux de détention préventive.  Il s'est toutefois inquiété de la pérennité de ce programme.  Le même expert a posé une série de questions sur les établissements psychiatriques, notant une faiblesse criante des moyens, en locaux et en personnel, alors que le pays ne compte qu'une douzaine de psychiatres et trois hôpitaux psychiatriques.

L'expert s'est ensuite interrogé sur l'indépendance du judiciaire, alors que le Procureur général est aussi Ministre de la justice.  Comment, dans ces conditions, pourrait-il intenter des poursuites contre ses collègues du Gouvernement?  Ce même membre du Comité a par ailleurs abordé le problème posé par le travail des enfants, alors que les statistiques donnent à penser que dans le pays, plus d'un enfant sur cinq âgé de 5 à 17 ans travaillerait, 14% étant employés à des travaux dangereux, dans la pêche ou dans les mines.  Quelles mesures peuvent-elles être prises pour dissuader les parents de mettre leurs enfants au travail, a-t-il demandé?  Il s'est enfin félicité de la loi de 2005 sur la lutte contre la traite de personnes, souhaitant avoir des informations sur la mise en œuvre de ce texte, notamment pour ce qui est de la formation des acteurs concernés et de la poursuites des auteurs.  Peu de moyens semblent avoir été affectés à ce fléau, a-t-il estimé. 

Un autre expert a demandé à la délégation de préciser sa politique en matière de droit d'asile et d'accueil des réfugiés.  En outre, l'enregistrement des naissances des enfants ghanéens dans les régions reculées reste problématique, a-t-il relevé.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de la faiblesse de la justice pour mineurs, la capitale, Accra, ne comptant qu'un seul juge spécialisé pour enfants.  La présomption d'innocence ne semble pas exister s'agissant des mineurs et les délinquants présumés sont couramment entendus sans la présence d'un parent ou d'un tuteur, a-t-il fait observer.  Il a par ailleurs demandé où en était le projet de loi sur le droit à l'information.  

Un de ses collègues a abordé la question des châtiments corporels des enfants, souhaitant savoir quelle suite avait été donnée à l'engagement du Ghana d'y mettre un terme lors de son Examen périodique universel, il y a quatre ans, devant le Conseil des droits de l'homme. 

Un autre expert a fait observer que le recours au référendum pouvait être inapproprié, ainsi que le démontre un vote qui vient tout juste d'avoir lieu, ailleurs, hier; il apparaît encore plus inadapté pour régler certaines questions fondamentales comme la peine capitale ou les droits des personnes LGBT.  Selon lui, on ne peut attendre l'organisation d'un référendum et son résultat incertain pour reconnaître un droit fondamental de la personne.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le Ghana suivait un cap en ce qui concerne la polygamie; cette dernière renvoie en effet à une situation d'inégalité flagrante, non seulement parce que les femmes n'ont pas la lattitude d'avoir plusieurs époux, mais aussi parce que ce régime matrimonial les dévalorise. 

Réponses de la délégation

S'agissant du cadre juridique et de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne, la délégation a expliqué que les dispositions du Pacte étaient incorporées progressivement dans la jurisprudence ghanéenne. 

Quant à la peine de mort, si la Constitution reconnaît le droit à la vie, elle prévoit aussi la peine capitale pour les crimes les plus graves, a souligné la délégation.  Abolir cette peine impliquerait d'amender la Constitution par référendum, avec l'exigence d'une majorité d'au moins 70%.  En outre, il n'est pas envisageable d'organiser une telle consultation avant les prochaines élections générales prévues en novembre prochain.  Il y a eu 129 condamnations à mort l'an dernier et aucun condamné à mort n'a été exécuté depuis 1997, a ensuite précisé la délégation. 

L'éventuelle ratification du deuxième Protocole facultatif au Pacte, visant à abolir la peine de mort, impliquerait l'organisation d'un référendum, a déclaré la délégation.  Si on a tous aujourd'hui le «blues du référendum», a-t-elle ajouté – précisant faire allusion au vote britannique de la veille sur la sortie de l'Union européenne –, il n'en demeure pas moins que c'est pourtant le seul moyen permettant de résoudre démocratiquement certaines questions, bien que ce processus ne soit pas sans défaut. 

La nomination des membres de la Commission indépendante des droits de l'homme et de la justice administrative se fait de manière similaire à la nomination des juges d'une cour d'appel, ce qui signifie qu'ils sont très difficilement révocables, a ensuite fait valoir la délégation.  S'il est exact que la Commission dispose de ressources insuffisantes, le Ghana étant un pays en développement, cela n'affecte en rien son indépendance, a-t-il en outre assuré, tout en admettant le caractère problématique de la situation, qui ne concerne pas uniquement cette institution.  Cette Commission peut s'autosaisir sur les questions de corruption, par exemple, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a d'autre part souligné que la Constitution interdisait la discrimination sous toutes ses formes, envers toute personne résidant sur le territoire. 

Les personnes ayant un handicap mental sont couvertes par la loi sur la santé mentale, a-t-elle par ailleurs indiqué.  Le personnel des hôpitaux psychiatriques est tenu de respecter la dignité de la personne, conformément à la loi et ces établissements font l'objet d'inspections pour s'assurer que tel est bien le cas, a précisé la délégation.

Si la prostitution est réprimée par la loi, cela n'autorise pas pour autant la police à porter atteinte à la dignité des travailleuses du sexe, a ensuite reconnu la délégation. 

Par ailleurs, les autorités ghanéennes s'efforcent de promouvoir une image positive des personnes atteintes d'albinisme, en mettant en avant leurs talents dans le cadre de campagnes d'information. 

On a beaucoup œuvré pour éduquer la population face aux personnes handicapées, a assuré la délégation, avant de souligner que les préjugés ne se déracinent pas facilement – et cela dans n'importe quelle société.

S'il n'existe pas de politique délibérée de stigmatisation des personnes LGBT, les «relations sexuelles contre nature» sont néanmoins constitutives d'une infraction pénale, la «normalité» impliquant un rapport entre un homme et une femme, a expliqué la délégation, avant d'ajouter qu'il n'était pas prévu d'abroger cette disposition légale.  Toutefois, le Gouvernement est convaincu de la nécessité d'effectuer un travail de sensibilisation en direction de la population afin qu'elle fasse preuve d'une plus grande tolérance envers l'homosexualité, a précisé la délégation.  Un système en ligne de signalement des cas de stigmatisation et de discrimination à destination des personnes LGBT a été mis en place, a-t-elle indiqué.  La majorité des pays africains représentés au Conseil des droits de l'homme, à l'exception notable de l'Afrique du Sud, s'opposent aux résolutions relatives aux droits des homosexuels, le Ghana choisissant désormais de s'abstenir lors des votes sur cette question aux Nations Unies, a précisé la délégation.  Il n'est toutefois pas envisageable à ce stade de légaliser le mariage homosexuel, a-t-elle tenu à préciser. 

Les relations sexuelles, qu'elles soient naturelles ou pas, ne sont pas passibles de poursuites dans la mesure où elles sont consenties, a ensuite assuré la délégation.  En revanche, elles sont interdites dans tous les cas avec des mineurs de moins de 16 ans. 

En matière de mariage et de concubinage, un projet de loi visant à mieux protéger les droits des conjoints et de leurs enfants est en cours d'élaboration, à la suite d'une injonction constitutionnelle, a poursuivi la délégation.  Ce texte bénéficiera aussi aux couples de fait, notamment en permettant aux veuves d'hériter des biens de leur compagnon disparu.  Il existe trois catégories de mariages: chrétiens (monogames), musulmans et coutumiers, c'est-à-dire traditionnels.  Les deux dernières catégories peuvent être polygames.  La charia islamique permet au mari d'avoir jusqu'à quatre épouses, les unions traditionnelles ne fixant aucune limite au nombre possible de coépouses, a précisé la délégation. 

Si le mariage polygame contredit l'égalité des sexes, la majorité de la population ne serait toutefois pas d'accord pour l'abroger, a ensuite expliqué le chef de la délégation, attirant l'attention sur le fait que la majorité de ses membres étaient le fruit d'unions polygames.  Même si la coutume le permet, il semble que ce type de mariages soient moins répandus aujourd'hui et qu'ils soient davantage l'exception que la règle. 

La police a mis sur pied une unité contre la violence domestique et sexiste, a d'autre part fait valoir la délégation.  Des tribunaux ont été mis en place dans plusieurs régions du pays pour sanctionner ce fléau et le nombre d'affaires est, de fait, en augmentation, a-t-elle précisé.  Le problème est complexe, a fait observer la délégation, indiquant que les cas de rétractation de plaignantes n'étaient pas exceptionnels car ces dernières sont soumises à des pressions familiales.  Il est donc fréquent que ces affaires soient classées, ce qui explique le faible nombre de jugements rendus, a expliqué la délégation. 

La justice peut être saisie de plaintes pour mutilations génitales féminines, a d'autre part souligné la délégation, s'engageant à en préciser le nombre ultérieurement.

Le phénomène des femmes accusées de sorcellerie existe encore dans trois régions du pays, a ensuite indiqué la délégation.  Le Ghana a néanmoins progressé, avec l'aide d'ONG locales, dans le processus de règlement des camps de sorciers, qui seraient au nombre de six, a-t-elle ajouté.  Les autorités ghanéennes condamnent sans restriction tout mauvais traitement susceptible d'y être commis, a-t-elle insisté.  La délégation a attiré l'attention sur le fait que certains des résidents de ces camps se revendiquaient eux-mêmes comme sorciers, ce qui explique le caractère problématique de leur réinsertion, a fortiori lorsqu'ils n'ont aucunement l'intention de quitter ces lieux, d'où la difficulté à ce stade d'imposer leur fermeture. 

Les sanctuaires trokosi (mot signifiant «servitude» dans une langue locale) concernent les personnes dont les ancêtres ont contracté des dettes et qui sont envoyées dans ces lieux de culte afin en quelque sorte d'y expier, a par ailleurs expliqué la délégation.  La Commission pour les droits de l'homme et la justice administrative surveille ces sanctuaires en œuvrant avec des ONG locales pour demander et organiser la remise en liberté de femmes et de filles qui y sont asservies, a-t-elle indiqué.  La Commission a constaté que si le nombre de victimes avait considérablement diminué au cours des dernières années, cette pratique demeurait répandue, de nouveaux esclaves entrant constamment dans les sanctuaires.  Le phénomène est difficile à éradiquer en raison de son ancrage dans la population, a souligné la délégation, ajoutant qu'il y avait même des cas où ces lieux étaient voisins de postes de police. 

Le Gouvernement s'efforce de lutter contre les éventuels comportements inacceptables de la part de policiers, a poursuivi la délégation, avant de reconnaître que ces efforts ne sont guère probants à ce jour.  Une commission indépendante chargée des plaintes au sein de la police a été constituée, à laquelle ont participé des ONG, a-t-elle fait valoir; à la suite de la réflexion que cette commission a menée, il a été décidé de saisir le Conseil général de la police.  Les autorités aident les ONG à déployer des juristes, y compris des étudiants en droit, dans les commissariats de police afin d'assister les personnes placées en détention. 

Par ailleurs, des patrouilles, au nombre  de neuf, ont été déployées, le Gouvernement estimant que cette méthode est plus efficace, en matière de prévention des vols, que les barrages (points de contrôle) disposés sur les grands axes. 

S'agissant de la fréquence des brutalités policières, la délégation a dit avoir le sentiment qu'il s'agissait en partie d'une exagération journalistique.  Des policiers fautifs ont néanmoins été sanctionnés, a reconnu la délégation, s'engageant à fournir des statistiques ultérieurement.

S'agissant de la politique carcérale, la délégation a indiqué que les détenus faisant preuve de bonne conduite sont sélectionnés pour être donnés comme exemples à suivre en tant que prisonniers.  Relevant que le Comité avait demandé au pays d'abolir cette sorte de tableau d'honneur, les experts ayant eu le sentiment que les autorités demandaient à ces «prisonniers modèles» de se substituer aux gardiens, la délégation a estimé qu'il s'agissait là d'un malentendu.  On s'efforce dans le même temps de réduire la population pénitentiaire, par des libérations anticipées notamment, a-t-elle indiqué. 

Interpellée sur le retard pris dans l'adoption d'un texte de loi réprimant la torture, la délégation a déclaré que s'il n'était certes pas nécessaire de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture pour légiférer en la matière, l'exécutif ghanéen estime toutefois qu'il vaut mieux signer d'abord un traité avant d'en transposer les dispositions dans la législation interne. 

D'une manière générale, une politique de tolérance zéro est en vigueur s'agissant de la torture et des mauvais traitements, a par ailleurs fait valoir la délégation.  Tout aveu obtenu par la force est écarté de la procédure, ce cas de figure s'étant déjà produit à plusieurs reprises par le passé, a-t-elle ajouté.  Par ailleurs, le Protocole facultatif à la Convention contre la torture a été ratifié hier par le Parlement, a annoncé le chef de la délégation; il reste maintenant à en transposer les dispositions dans la législation interne, de manière à disposer d'un texte de loi définissant la torture et d'incriminer l'excuse du lien de subordination, a-t-elle précisé.

Les «camps de prière» ne sont pas enregistrés car ils sont gérés par les églises, a d'autre part indiqué la délégation.  Elle a rappelé que déjà, le régime militaire, en son temps, avait vainement tenté de les fermer; aujourd'hui, pour les autorités constitutionnelles, le défi apparaît au moins aussi insurmontable dans l'état actuel des choses.

En ce qui concerne l'indépendance de la justice, la délégation a reconnu que la double casquette de Procureur général et Ministre de la justice pouvait poser problème dans le cas où des poursuites devraient être intentées contre un autre membre du Gouvernement.  Il est néanmoins arrivé que certains ministres aient été poursuivis, même si cela n'a pas été très fréquent, a-t-elle ajouté. 

Le système de justice pour mineurs du Ghana est conforme aux normes internationales, a ensuite assuré la délégation.  Il tient compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et il est rare qu'un mineur soit emprisonné, a-t-elle fait valoir.  Pour les mineurs, on s'efforce de faire en sorte que le procès se tienne dans les six mois.  Par ailleurs, il n'y a pas d'inversion de la charge de la preuve, s'agissant des mineurs délinquants: c'est bien au Procureur de démontrer la culpabilité et non pas à l'accusé de démontrer son innocence, a assuré la délégation.  Chacun des districts de la capitale dispose d'un tribunal qui se mue en tribunal pour mineurs un jour par semaine, a en outre indiqué la délégation.  Quand un jeune est interpellé, il est remis à la garde de ses parents ou de son tuteur, avant sa présentation à un juge en présence de ceux-ci; en cas d'absence d'un parent ou d'un tuteur, l'enfant est défendu par un assistant social. 

S'agissant précisément du non-respect de ce délai maximum de 48 heures avant présentation à un juge, beaucoup a été fait pour que la police s'abstienne d'interpeller sciemment des suspects le vendredi ou le week-end afin de disposer de davantage de temps pour les interroger, a poursuivi la délégation.  Il va de soi que ce problème ne concerne pas les arrestations en flagrant délit le week-end, a-t-elle ajouté. 

La délégation a par ailleurs indiqué que l'aide juridictionnelle serait renforcée dans un avenir proche. 

Des personnes ayant été détenues pendant de longues périodes dans le cadre de détentions provisoires abusives ont demandé réparation, a d'autre part indiqué la délégation.

Le programme «Justice for All» (Justice pour tous) est en place depuis 2008 et son financement n'est pas menacé, y compris si les bailleurs de fonds venaient à se retirer, a d'autre part assuré la délégation.  Il permet que des situations telles que «l'oubli» de détenus libérables voire innocents ne se reproduisent plus, a-t-elle précisé. 

La mortalité maternelle est en recul mais celui-ci n'a pas été suffisant pour atteindre l'Objectif du Millénaire pour le développement en la matière, a ensuite souligné la délégation.  L'avortement est autorisé dans un certain nombre très limité de cas – inceste, viol, risque d'anormalité ou risque pour la santé de la mère, a ajouté la délégation.

Le Ghana s'efforce d'offrir des solutions durables aux réfugiés, a d'autre part indiqué la délégation.  Plusieurs milliers de Libériens ont ainsi opté pour demeurer au sein des communautés qui les ont accueillis, a-t-elle fait valoir.  En revanche, les Ivoiriens ont été encouragés à rentrer dans leur pays, une fois la paix revenue dans ce pays voisin.  L'octroi de la nationalité est généreux, en particulier en faveur des orphelins étrangers.  Des  accords ont été conclus avec plusieurs pays voisins pour éviter les situations d'apatridie. 

Pour ce qui concerne le travail des enfants, plus de 2000 d'entre eux, qui avaient été pratiquement réduits en esclavage, ont pu être secourus en 2014, a indiqué la délégation.

Le projet de loi relatif au droit à l'information, déposé depuis 2010, est finalement examiné en ce moment par les députés, a par ailleurs indiqué la délégation.  Le chef de l'État a insisté pour qu'il soit adopté avant les vacances parlementaires qui débutent le 22 juillet, a-t-elle précisé.  Cela est d'autant plus indispensable que des organisations de la société civile ne cessent d'intenter des actions en justice pour obtenir communication d'informations qu'elles estiment d'intérêt public, a ajouté la délégation. 

Concluant ce dialogue, le Procureur général adjoint et Vice-Ministre de la justice du Ghana a souhaité que  le rapport du Comité reflète fidèlement et en toute justice les informations rapportées lors de cet examen du rapport initial du Ghana.  M. Ayine a réitéré l'engagement de son pays en faveur des droits fondamentaux de ses citoyens, assurant qu'il faisait preuve de dynamisme à cet égard.  En dépit de ressources limitées et d'obstacles, le Ghana a la volonté d'aller de l'avant, ainsi que l'a bien noté un expert, a conclu le chef de la délégation ghanéenne. 

Remarques de conclusion

M. FABIÁN OMAR SALVIOLI, Président du Comité, a souligné l'importance que le Ghana se penche sur le rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines et traitements inhumains ou dégradants, qui contient des informations importantes, sensiblement différentes de celles mises en avant par la délégation lors du présent examen. 

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