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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport du Koweït

11 Mai 2011

MATIN

11 mai 2011

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport du Koweït sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Dharar Razzooqi, Représentant permanent du Koweït auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué que la Constitution et le système juridique koweïtiens contenaient de nombreuses règles et articles relatifs à l'application de la Convention contre la torture. Le code pénal considère comme un délit l'obtention d'aveux par la torture, a fait valoir M. Razzooqi, qui a ajouté que son pays avait une politique active visant à inscrire la loi dans la réalité. Ainsi, l'administration recrute et forme ses fonctionnaires dans la perspective du respect absolu des droits de l'homme. Elle a récemment élaboré un programme de formation à l'intention des fonctionnaires de police et de justice en s'appuyant sur les conseils du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Un département spécial du Ministère de l'intérieur a été chargé d'enregistrer les plaintes du public à la suite d'éventuels abus de pouvoir de la part de fonctionnaires. Le Koweït a aussi mis en place des mécanismes et des institutions de protection des droits de l'homme, dont un Haut-Comité des droits de l'homme présidé par le Ministre de la justice. Lors de la présentation de son rapport dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, le Koweït s'est engagé à mettre sur pied une institution nationale des droits de l'homme.

La délégation koweïtienne était aussi composée de représentants du Ministère de la justice, du Ministère des affaires sociales et du travail et des affaires étrangères.

M. Alessio Bruni, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Koweït, a constaté que si la Convention avait bien été intégrée dans la législation locale, le code pénal ne définissait pas spécifiquement la torture, ce qui pose la question de la définition adoptée par la justice koweïtienne. Il a souhaité savoir quelles peines étaient encourues dans les cas de torture, particulièrement dans les cas graves ayant entraîné des séquelles permanentes ou la mort. Le rapporteur a demandé s'il existait une évaluation de l'impact des programmes de formation sur l'interdiction de la torture dispensés aux membres des forces de l'ordre et aux gardiens de prison. Tout en exprimant la satisfaction du Comité face aux mesures prises pour enquêter et pour sanctionner les actes de torture, le rapporteur s'est cependant fait l'écho de certaines organisations non gouvernementales selon lesquelles il est de plus en plus fréquent que les allégations de mauvais traitements ne soient pas sérieusement prises en considération. Les experts se sont inquiétés de la précarité de la situation des travailleurs étrangers et de celle des «bidounes» - résidents permanents de fait non reconnus les autorités - qui seraient victimes d'abus plus souvent que les autres groupes de population.

La délégation koweïtienne répondra demain après-midi aux questions des experts.

Cet après-midi, la délégation de la Slovénie répondra aux questions posées hier par les experts lors de la présentation du rapport.
Présentation du rapport

M. DHARAR RAZZOOQI, Représentant permanent du Koweït aux Nations Unies à Genève, a assuré que son pays avait toujours porté une attention particulière au développement humain en veillant à assurer le respect et la protection des droits de l'homme. Le système juridique koweïtien contient de nombreuses règles et articles relatifs à l'application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en vertu de la loi numéro 1 de 1996, les autorités étant soumises sans restriction aucune aux dispositions prévues. En vertu de la clémence de la loi islamique, qui assure la protection de la dignité humaine, et du fait de l'engagement du pays envers la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Constitution koweïtienne souligne dans nombre de ses articles l'importance de lutter contre la torture, en particulier dans ses articles 31 et 34. Quant à l'article 56 du code pénal, celui-ci prévoit de poursuivre tout responsable qui abuserait de son autorité officielle en traitant les personnes de manière rude, déshonorante ou douloureuse sur le plan physique. L'article 53 considère comme un délit le fait qu'un responsable public obtienne des aveux par la torture.

Le Koweït est allé au-delà de la promulgation de ces textes. Ainsi, l'administration répond à de hautes exigences en matière de recrutement des meilleurs candidats destinés à avoir la responsabilité de veiller au respect de la loi. Ils reçoivent une formation en faveur du respect et de la promotion des droits de l'homme. À cet égard, le Koweït a récemment collaboré avec le Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour la mise au point d'un programme de formation en faveur des fonctionnaires de police et de justice. Le Ministère de l'intérieur a mis sur pied un département spécial qui enregistre les plaintes du public à la suite d'éventuels abus de pouvoir de la part de ses fonctionnaires. Par ailleurs, un certain nombre de textes réglementent la vie en prison et dans les lieux de garde à vue et de détention. Ces règlements indiquent comment traiter les personnes mises en cause de manière à assurer le respect de leurs droits. Il est notamment interdit d'incarcérer une personne dans une pièce sans lumière. Par ailleurs, des refuges temporaires ont été créés pour toute personne qui serait victime de tortures ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants, refuges où elle peut recevoir des soins psychologiques et médicaux, ainsi que des conseils juridiques.

Le Koweït a aussi mis en place des mécanismes et des institutions de protection des droits, dont un Haut-Comité des droits de l'homme présidé par le Ministre de la justice. Par ailleurs, les commissions concernées de l'Assemblée nationale visitent régulièrement les centres de détention et les prisons afin de s'assurer que la loi est bien appliquée.

En conclusion, le représentant a affirmé que son pays avait accompli de grands progrès dans la lutte contre la torture et ce dans une brève période. Il a donné l'exemple des personnes chargées des handicapés ou des personnes âgées qui sont passibles de poursuites en cas de négligences. Il a rappelé que lors de la présentation de son rapport à la huitième session du Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme sur l'Examen périodique universel, le Koweït s'était engagé à mettre sur pied une institution nationale des droits de l'homme.

Le deuxième rapport périodique du Koweït (CAT/C/KWT/2), indique que la Convention contre la torture est considérée, depuis sa ratification, comme une loi nationale faisant partie de l'ordre juridique national. Par conséquent, l'État du Koweït s'est efforcé de fournir une protection adéquate à chacun contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Concrètement, tout fonctionnaire ou agent de l'État qui inflige à un condamné ou ordonne de lui infliger une peine plus lourde que celle qui a été prononcée à son encontre, en application de la loi ou différente de celle-ci, encourt une condamnation pénale. En outre, est passible d'une peine correctionnelle tout fonctionnaire ou agent de l'État qui, usant du pouvoir que lui confère sa fonction, pénètre dans le domicile d'un particulier sans son consentement et dans des circonstances autres que celles prévues par la loi ou sans égard pour les règles et les procédures établies. En outre, quiconque procède à une arrestation usera de la force requise à cet effet pour vaincre toute résistance de la part de la personne arrêtée ou d'un tiers. La force employée ne doit toutefois pas excéder ce qui est nécessaire pour empêcher la résistance ou la fuite et elle ne doit pas conduire à la mort d'une personne, sauf si celle-ci est accusée d'une infraction passible de la peine de mort ou de la réclusion à perpétuité.

Le Koweït a fait sien le principe selon lequel toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture est irrecevable comme élément de preuve dans une procédure. Le Code de procédure pénale (loi no 17 de 1960) dispose que si le tribunal constate que le défendeur a fait une déclaration ou un aveu sous la torture ou la contrainte, il considérera cette déclaration ou cet aveu comme nul et non avenu et sans valeur probante. Pour être recevables, les aveux doivent nécessairement avoir été faits librement; ils ne seront pas considérés comme tels s'ils ont été obtenus par le recours ou la menace du recours à la torture ou à la contrainte et ce même s'ils sont sincères. Le rapport affirme que le Koweït a connu un nombre très restreint d'incidents individuels et qu'il en a déféré les auteurs devant la justice, ce qui en a renforcé le rôle de celle-ci en tant qu'institution protectrice des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'application et du respect des lois. Le législateur n'a pas incorporé de définition de la torture dans le Code pénal koweïtien, laissant le soin aux tribunaux de définir ce concept, conformément à l'article 34/2 de la Constitution, en vertu duquel «il est interdit d'infliger des souffrances physiques ou mentales à l'accusé», et de l'article 158 du Code de procédure pénale aux termes duquel l'accusé ne peut être forcé de quelque manière que ce soit à prêter serment, à répondre ou à faire certaines déclarations. La promesse ou la coercition sont assimilables à la contrainte et à la menace car elles ont une influence sur la liberté de l'accusé de choisir entre la dénégation et les aveux et peuvent l'amener à croire que l'aveu peut lui être profitable ou lui éviter des problèmes. C'est pourquoi le législateur a habilité la justice à interpréter le concept de torture, tel qu'il figure dans la loi, à la lumière des principes constitutionnels, des lois en rapport avec la question et de la jurisprudence en la matière.

Une des mesures administratives prises par le Ministère koweïtien de l'intérieur afin d'empêcher les actes de torture et les abus de pouvoir a consisté à intégrer cette question dans la stratégie de formation, en facilitant la participation des fonctionnaires du Ministère à de nombreux stages organisés par différents établissements éducatifs, tant au Koweït qu'à l'étranger. Le département compétent du Ministère a organisé de nombreuses sessions de formation aux droits de l'homme afin de permettre à ses agents d'obtenir le maximum de connaissances juridiques sur les actes de torture et la façon de les prévenir, ainsi que sur la responsabilité au regard de la loi de tout auteur ou complice de tels actes. Le Ministère de l'éducation a également veillé à ce que l'étude la Constitution et des droits de l'homme soit inscrite au programme de l'enseignement secondaire.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ALESSIO BRUNI, Rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Koweït, a déploré que le deuxième rapport périodique du Koweït, qui était prévu à l'origine en mai 2001, n'ait été soumis qu'en mars 2010, ce qui a retardé de près de neuf ans le dialogue entre le Koweït et le Comité. Il a souligné que si les dispositions de la Convention avaient été intégrées dans la législation locale, aucune définition de la torture n'existait dans le code pénal. M. Bruni a souhaité savoir quelle définition de la torture était adoptée par les juges. Il a aussi demandé quelles peines étaient encourues dans les cas de torture, particulièrement dans les cas graves ayant entraîné des séquelles permanentes ou la mort. Il a demandé des exemples récents de décisions de justice à cet égard. Rappelant par ailleurs que l'article 2 de la Convention excluait tout recours à la torture sous quelque circonstance que ce soit, y compris en cas de guerre, M. Bruni a demandé quelles mesures avaient été prises pour donner effet à cet article dans le contexte de l'invasion dont a été victime le Koweït en 1990.

S'agissant des expulsions du territoire en direction de pays où la torture est pratiquée, le rapporteur a souhaité savoir si l'article 3 de la Convention interdisant les expulsions dans ce cas de figure était correctement appliqué par le Koweït et s'il existait un texte à cet égard. Il a aussi demandé auprès de qui une personne risquant d'être expulsée de manière imminente pouvait intenter un recours. M. Bruni a aussi demandé à la délégation de fournir des statistiques sur le nombre de demandes d'asile. Il a souhaité savoir pour quelle raison le Koweït n'était pas partie à la Convention sur les réfugiés de 1951, alors même qu'il coopère avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR).

En ce qui concerne la formation des forces de l'ordre et celle des gardiens de prison, le rapporteur a demandé s'il existait une évaluation de l'impact des programmes sur l'interdiction de la torture. Il a par ailleurs demandé si le Koweït avait pris des mesures, ou s'il envisageait de le faire, pour réduire la durée maximale de garde à vue sans ordre écrit fixée à quatre jours avec possibilités de prolongations.

Tout en exprimant la satisfaction du Comité face aux mesures prises pour enquêter et pour sanctionner les actes de torture, le rapporteur s'est dit surpris que la peine risquée n'excède pas sept ans. Il a cité deux cas avérés de victimes de torture, dont un n'a pas été reconnu par les autorités, celles-ci ayant expliqué que les blessures subies par la victime étaient consécutives à un accident de la route. Ce cas de figure ne serait pas unique et des cas similaires se sont même multipliés ces dernières années, selon l'organisation de défense des droits de l'homme, Alkarama. M. Bruni a demandé combien de cas de torture en prison avaient été signalés et combien avaient été poursuivis depuis cinq ans. Il a aussi souhaité avoir des indications sur le nombre d'indemnisations éventuelles en faveur des victimes.
Le rapporteur a ensuite évoqué la précarité de la situation des centaines de milliers de travailleurs étrangers originaires d'Asie et d'Afrique, souhaitant savoir où en étaient les mesures de protection prises en leur faveur, comme l'a annoncé le Koweït lors de son examen périodique devant le Conseil des droits de l'homme en 2010.

M. Bruni a demandé une clarification sur les réserves exprimées par le Koweït à l'égard de certaines dispositions de la Convention, particulièrement l'article 20 sur la compétence du Comité pour enquêter sur des allégations de pratique systématique de la torture, l'émirat s'étant semble-t-il engagé à lever l'essentiel de ces réserves lors de son examen périodique par le Conseil des droits de l'homme.

Le rapporteur a ensuite posé les questions soumises par la corapporteuse, Mme Saadia Belmir, absente de Genève cette semaine, citant particulièrement le cas des «bidounes», résidents permanents de fait au Koweït mais ne jouissant pas de la nationalité. Les «Bidounes» et les membres d'autres minorités ethniques ou religieuses semblent fréquemment être l'objet d'abus de la part des forces de l'ordre. Par ailleurs, la corapporteuse s'inquiète de l'absence d'organe spécifique pour juger les mineurs. Il existe en particulier une «zone de non-droit» pour les enfants issus de parents n'ayant pas la nationalité koweïtienne.

Un autre membre du Comité s'est pour sa part inquiété du recours aux châtiments corporels dans les institutions éducatives, demandant s'il était envisagé de les abolir. Il a aussi souhaité savoir si des mesures avaient été prises pour protéger les domestiques victimes de châtiments corporels, parmi lesquels on compte une majorité de femmes, de mineurs et d'étrangers.

En matière de garde à vue, il a été demandé dans quelles conditions pouvait intervenir un avocat, ou les autorités consulaires dans le cas d'un étranger. L'apatridie est-t-elle reconnue a-t-on également voulu savoir. Un autre expert a soulevé le problème du délai de rétention des étrangers faisant face à une procédure d'expulsion, s'inquiétant du manque de précision à cet égard. Plusieurs experts ont soulevé le problème posé par la confiscation du passeport par l'employeur, ce qui empêche pratiquement toute possibilité de porter plainte contre lui en cas d'abus.

Un expert a aussi posé la question de la définition locale de la torture et le risque de conflit avec celle figurant dans la Convention. Il a d'autre part demandé des éclaircissements sur un passage du rapport concernant l'usage de la force par les forces de l'ordre qui affirme que la coercition «ne doit pas conduire à la mort d'une personne, sauf si celle-ci est accusée d'une infraction passible de la peine de mort ou de la réclusion à perpétuité».

Un autre membre du Comité a demandé à la délégation ce que le Koweït entendait faire pour lutter contre la violence domestique contre les femmes et quelles mesures étaient prises contre la traite des personnes. Il a pointé du doigt les sévices et discriminations auxquels sont confrontés les homosexuels, dénonçant l'interdiction par la législation d'une pratique sexuelle qui devrait relever de la liberté de l'individu. Une autre experte s'est interrogée sur les sévices sexuels en prison et sur les poursuites éventuellement engagées. Elle a cité notamment le cas individuel d'un prévenu ayant subi de graves sévices, demandant quelles suites avaient été données à cette affaire.

Le Président du Comité, M. Claudio Grossman, a conclu la réunion en demandant combien de cas de mauvais traitements avaient été portés à l'attention du parquet et quelles suites y avaient été données. Après s'être félicité que plus aucune peine de mort n'ait été prononcé depuis 2007, il a demandé quels délits étaient passibles de la peine capitale. Il a cité par ailleurs le cas d'un homme poursuivi pour meurtre, ayant reconnu sa culpabilité, et dont la «victime» présumée est finalement réapparue vivante, ce qui pose le problème des conditions dans lesquelles ces aveux ont été obtenus.

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