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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme examine des rapports sur la torture et sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste

07 Mars 2011

MATIN

7 mars 2011

Le Conseil des droits de l'homme a été saisi ce matin de rapports présentés par le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, M. Martin Scheinin, et le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan E. Méndez. Un dialogue interactif avec les deux Rapporteurs spéciaux a suivi la présentation des rapports.

M. Scheinin a présenté son concept de «pratique optimale» en matière de lutte contre le terrorisme, expliquant qu'il s'agissait de cadres juridiques et institutionnels qui permettent de promouvoir et de protéger les droits de l'homme, les libertés fondamentales et la primauté du droit dans tous les aspects de la lutte antiterroriste. En outre, l'identification de ces pratiques optimales est de nature à combiner positivement le droit et l'action publique. Le Rapporteur spécial a en outre rendu compte des visites qu'il a effectuées en Tunisie et au Pérou. Ces deux pays ont fait des déclarations à titre de pays concernés

S'agissant de la question de la torture, M. Méndez a plaidé pour une approche axée sur les victimes, et notamment leur droit à la justice, y compris l'assistance et la réparation. Cependant, ce droit à la justice ne doit pas entraver les droits des personnes accusées de torture à un procès équitable. Le Rapporteur spécial a en outre rappelé les graves menaces qui pèsent sur les efforts internationaux contre la torture, dont la pratique de la détention secrète. Deux pays ayant fait l'objet de rapports de mission par le Rapporteur spécial, la Grèce et la Jamaïque, ont fait des déclarations à titre de pays concernés.

Lors du débat interactif qui a suivi ces présentations, plusieurs délégations ont présenté les réalisations de leur pays en matière de lutte contre la torture ou les progrès réalisés pour indemniser les victimes de ces actes. Elles ont par ailleurs apporté un soutien appuyé au principe d'approche centrée sur les victimes défendu par le Rapporteur spécial, tout en souhaitant davantage de précisions sur la mise en ouvre de cette approche.

Concernant la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, la grande majorité des délégations a considéré le terrorisme comme une menace pour l'ensemble de la communauté internationale et ont exprimé leur intérêt pour les dix «pratiques optimales» recensées par le Rapporteur spécial visant à assurer que la lutte contre le terrorisme respecte pleinement les droits de l'homme et les libertés fondamentales de tous. Une délégation a pour sa part souligné que ces pratiques optimales ne pouvaient être les seules mesures à envisager pour les États, tandis qu'une autre a insisté sur la nécessité d'une prise en compte des spécificités et des contextes de chaque pays.

Les délégations suivantes ont pris part au dialogue interactif avec les Rapporteurs spéciaux: Uruguay, Chili, Chine, Turquie, Suisse, République islamique d'Iran, Espagne, Sri Lanka, Irlande, Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), États-Unis, Nigéria (au nom du Groupe africain), Cuba, Union européenne, France, Mexique, Algérie, Indonésie, République de Moldova, Royaume-Uni, Autriche, Bangladesh, Népal, Iraq (au nom du Groupe arabe puis en son nom propre), Suède, Nouvelle Zélande, Danemark, Paraguay, République tchèque, Colombie, Égypte, Fédération de Russie, Afghanistan, Maldives, Norvège, Jordanie, Brésil, Bélarus, Djibouti, Arabie saoudite, Togo et Nigéria.

Les institutions nationales des droits de l'homme et organisation non gouvernementales suivantes se sont également exprimées: Réseau des institutions nationales africaines des droits de l'homme; Commission nationale des droits de l'homme de la Grèce; Organisation mondiale contre la torture (OMCT); Asian Legal Resource Centre; Regional Center for Human Rights and Gender Justice "Copracion Humanas" (au nom également de Conectas Direitos Humanos); Human Rights Advocates; Fédération internationale de l'ACAT - Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (FIACAT); Amnesty International; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand; et l'Assemblée permanente pour les droits de l'homme.

Le Conseil tient cet après midi un dialogue interactif avec le président du Groupe de travail sur la détention arbitraire et sur les disparitions forcées ou involontaires, le président du Groupe de travail sur la disparition forcée et le Rapporteur spécial sur les personnes déplacées, qui présenteront des rapports.

Examen des rapports sur la torture et sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste

Présentation des rapports

M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a expliqué que la notion de «pratique optimale» au cœur de son rapport renvoie à des cadres juridiques et institutionnels qui permettent de promouvoir et de protéger les droits de l'homme, les libertés fondamentales et la primauté du droit dans tous les aspects de la lutte antiterroriste. L'identification d'une pratique optimale doit répondre à trois critères: cette pratique est reconnue par la jurisprudence; il est démontré qu'elle améliore l'efficacité de la lutte contre le terrorisme; enfin, cette norme respecte les droits de l'homme et les libertés fondamentales. Sur la base de ces trois critères, le Rapporteur spécial a identifié dix pratiques optimales en matière de lutte antiterroriste, qui sont les suivantes: lois antiterroristes conformes aux droits de l'homme et au droit international humanitaire; pratiques antiterroristes conformes aux droits de l'homme et au droit international humanitaire; principes de normalité et de spécificité; révision périodique de la loi et des pratiques antiterroristes; exigence d'apporter des remèdes aux violations des droits de l'homme; octroi de réparations aux victimes du terrorisme et des mesures antiterroristes; définition-type du terrorisme; définition-type de l'incitation au terrorisme; garanties minimales relatives à l'établissement de listes de terroristes; règles relatives à l'arrestation et à l'interrogatoire des personnes suspectes de terrorisme. L'identification de pratiques optimales est intéressante pour trois raisons: elle complète utilement l'approche juridique de la lutte antiterroriste, elle facilite la résolution de la tension entre contre-terrorisme et respect des droits de l'homme par un dialogue pragmatique, et elle combine explicitement le droit et l'action politique.

Le Rapporteur spécial s'est par ailleurs félicité de la page tournée en Tunisie depuis sa mission dans ce pays en janvier 2010. Le processus de réforme dans ce pays reprend un certain nombre des recommandations faites par le Rapporteur spécial dans son rapport de mission. Les personnes condamnées au titre des lois antiterroristes abusives ont été graciées et la loi elle-même est en voie d'amendement. Cependant, compte tenu du fait que le gouvernement actuel n'est pas monolithique, M. Scheinin a réitéré un certain nombre de ses recommandations antérieures: révision de la définition juridique du terrorisme et des crimes qui y sont associés; adoption des garanties appropriées contre la détention secrète, avec notamment possibilité d'avoir recours aux services d'un avocat dès l'arrestation; ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et ouverture des lieux de détention aux vérificateurs nationaux et internationaux; renforcement du système judiciaire.

M. Scheinin a par ailleurs rendu hommage au Gouvernement du Pérou, pays où il a fait une visite en septembre 2010, pour avoir pris la décision courageuse d'abolir le Décret législatif 1097, lequel aurait pu entraîner l'impunité des fonctionnaires de l'État auteurs de graves violations des droits de l'homme dans le cadre de la lutte antiterroriste, notamment sous le régime de l'ancien Président Fujimori. Le Rapporteur spécial a fait part de sa préoccupation devant la promulgation simultanée du Décret législatif 1095, qui contient une définition des «groupes hostiles» dangereuse car elle pourrait servir à légitimer l'usage de la force militaire contre des manifestations à caractère social par des mouvements de populations autochtones. M. Scheinin a réitéré ses recommandations visant à garantir la pleine participation des femmes à l'application des programmes de réhabilitation, ainsi qu'à garantir des réparations aux femmes victimes de violences sexuelles, y compris de viols, pendant le conflit interne qui a secoué le Pérou. M. Scheinin a de même appelé à l'adoption par le Pérou d'une véritable loi contre le terrorisme, en remplacement du décret-loi 24.475, qui date de l'ère Fujimori.

Le Conseil est saisi du rapport sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (A/HRC/16/51), sixième et dernier rapport annuel de M. Scheinin.  Le Rapporteur spécial y présente dix pratiques optimales en matière de lutte antiterroriste.  Le rapport présente en outre les comptes rendus de missions effectuées en Tunisie (A/HRC/16/51/Add.2) et au Pérou (A/HRC/16/51/Add.3).  Il présente également un résumé des communications adressées aux gouvernements et des réponses reçues (A/HRC/16/52/Add.1), ainsi qu'une compilation à paraître des réponses reçues à un questionnaire (A/HRC/16/51/Add.4).

M. JUAN E. MÉNDEZ Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants s'est déclaré satisfait des différentes actions menées par les organisations internationales dans le but de trouver des remèdes et de fournir assistance aux victimes de la torture. Il s'est dit convaincu que tous les efforts pour combattre la torture doivent avoir une approche à long terme, axés sur la victime, qui intègre des mesures de réparation et de réhabilitation des victimes et de leur famille. Il a en outre déclaré que, bien que le droit international impose des principes et règles minimum en matière de réhabilitation et de réparation pour les victimes de torture, certains États ne reconnaissent que quelques droits formels très modestes et marginaux dans le système judiciaire. De même, il s'est dit déçu par le manque de progrès dans l'institutionnalisation des principes de base destiné à apporter un minimum d'aide aux victimes. M. Méndez a aussi estimé que les victimes avaient un rôle majeur à jouer dans la mise en cause de la responsabilité des auteurs de torture, mais il a ajouté que ce rôle ne pouvait négliger les droits des auteurs à bénéficier d'un procès équitable.

M. Méndez a rappelé les principes de l'article 15 de la Convention contre la torture. Cet article joue un rôle préventif important en exigeant d'exclure devant la justice l'utilisation d'aveux obtenus sous la torture, a-t-il rappelé, en se disant préoccupé par les tentatives de limitation de cette règle d'exclusion. Il y a là une sérieuse menace contre les efforts internationaux dans la lutte contre la torture, a déclaré le Rapporteur spécial. Dans certains pays, les lois sont rendues illusoires par l'utilisation d'aveux sur lesquels reposent de sérieux doutes. Les États qui reçoivent de tels aveux de tierces parties doivent savoir qu'ils se sont engagés à coopérer dans la lutte pour l'éradication de la torture, a aussi rappelé le Rapporteur spécial. Pour M. Méndez, une bonne application de l'article 15 suppose que les États envisagent l'extension de la règle d'exclusion. Le Rapporteur spécial s'est dit conscient du besoin légitime des États de lutter contre le terrorisme, mais il a estimé que l'extension de la règle d'exclusion ne devait pas limiter les capacités des États dans cette lutte, mais à éviter l'usage de la torture.

Dans le domaine de la lutte contre le crime organisé, M. Méndez a rappelé le principe du droit coutumier qui prévoit de ne pas expulser ou extrader un détenu vers un pays où celui-ci risque la torture. En matière de détention provisoire, il a estimé que les lieux de détention devaient faire objet de surveillance. Il s'est préoccupé des pratiques de détention prolongée et secrète, qui débouchent souvent sur la torture et sont des lieux de torture par principe. La nature brutale de la torture requiert que toutes les parties travaillent à l'éradiquer et à lutter contre l'impunité, a conclu le Rapporteur spécial.

Le rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (A/HRC/16/52), est le premier présenté par M. Méndez qui a succédé en novembre 2010 à M. Manfred Nowak.  Le rapport présente les activités de deux Rapporteurs spéciaux et présente les méthodes de travail de M. Méndez, qui préconise une approche centrée sur les victimes.  Le rapport contient en outre les comptes rendus de missions effectuées par M. Nowak en Jamaïque, en février 2010 (A/HRC/16/52/Add.3), en Grèce (A/HRC/16/52/Add.4, à paraître en français) et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en mai 2010 (A/HRC/16/52/Add.5).  Il comprend également un résumé des communications adressées par le Rapporteur spécial à plusieurs gouvernements et des réponses reçues (A/HRC/16/52/Add.1, à paraître en français), un suivi de recommandations (A/HRC/16/52/Add.2, à paraître en français).

Pays concernés

M. FERNANDO ROJAS SAMANEZ (Pérou) a évoqué la visite dans son pays, en septembre 2010, du Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste soulignant qu'elle s'était effectuée «en toute liberté». Il a rappelé le contexte de la violence terroriste qui a affecté le Pérou pendant les décennies 80 et 90, et les mesures prises par son gouvernement, à commencer par la mise sur pied de la Commission de la vérité. Celle-ci a recommandé le versement de réparations pour les victimes, a rappelé le représentant, qui a noté que le Rapporteur spécial s'était félicité du caractère intégral du programme de réparations mis en œuvre par l'État. Il s'est aussi félicité des enquêtes ouvertes, des poursuites intentées et des sanctions ayant frappé les responsables qui, par leur «autorité intellectuelle», avaient couvert les crimes contre l'humanité commis dans le cadre de la lutte antiterroriste. Il a noté le fait que les forces armées devaient respecter les normes du droit international dans toutes leurs actions, que ce soit la lutte contre des organisations subversives ou dans tous les cas d'appui aux actions de la police nationale.

M. Samanez a expliqué que le plan intégral de réparations concernait au 31 janvier dernier 104 188 personnes physiques et 5665 personnes morales. S'agissant de ces dernières, le représentant a précisé qu'au 31 décembre 2010, les réparations collectives avaient concerné 1469 collectivités et ont abouti à la mise en œuvre de 1492 projets touchant plus de 656 000 personnes. Cette année, le programme touchera 338 communautés, ce qui fait qu'à terme, 1807 collectivités auront bénéficié de réparations collectives. Un budget d'environ sept millions de dollars a été provisionné à ces fins pour l'exercice 2011.

M. MOHAMED SAMIR KOUBAA (Tunisie), s'exprimant à titre de pays concerné par le rapport du Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, s'est félicité des conclusions et recommandations figurant dans le rapport qui sont de nature à contribuer de manière significative à affirmer la volonté exprimée par la Tunisie nouvelle à asseoir une culture des droits de l'homme dans le contexte de la lutte antiterroriste. Il a ajouté que la révolution de son peuple était «venue affirmer une rupture avec les pratiques décadentes du passé». Dans ce contexte, la Tunisie procède actuellement à une refonte totale de l'ensemble de son arsenal juridique. L'une des tâches prioritaires du gouvernement de transition consiste à élire une Assemblée constituante au mois de juillet prochain et à procéder à la révision des textes législatifs en vue de leur mise en conformité avec les conventions et traités internationaux. Le représentant tunisien a confirmé que l'ampleur du champ d'application des dispositions de la loi contre le terrorisme présentait le risque d'une «dérive» pouvant amener à accuser de terrorisme des personnes qui ne méritent pas une telle stigmatisation. La Tunisie est à cet égard décidée à procéder à un amendement de la loi relative au soutien aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d'argent.

La Tunisie travaille aussi à garantir les mécanismes d'une mise en œuvre saine des textes législatifs et plus particulièrement au renforcement de l'appareil judiciaire. Le Ministère de l'intérieur s'est engagé à travailler dans la transparence: plus aucun local de garde à vue ne sera tenu au secret, tous seront ouverts aux visites des organisations internationales et régionales. Le rôle des défenseurs des droits de l'homme étant très important, la volonté de dynamiser le tissu associatif est à même de donner davantage d'efficacité aux mécanismes de contrôle et d'observation, a ajouté le représentant. En outre, la Tunisie vient d'adhérer au Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au Protocole facultatif relatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, au Statut de Rome de la Cour pénale internationale et enfin à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Enfin, le Gouvernement tunisien a signé un décret-loi portant amnistie générale concernant les prisonniers accusés de terrorisme et les prisonniers politiques, et il a lancé une invitation à tous les mécanismes onusiens chargés des droits de l'homme, dont les Rapporteurs spéciaux.

M. CONSTANTINA ATHANASSIADOU (Grèce) a indiqué que depuis la visite du Rapporteur spécial sur la torture dans son pays, des mesures substantielles avaient été prises par son gouvernement concernant les demandeurs d'asile, dont la promulgation d'une loi dédiée et la création d'un service spécialisé. Le représentant a aussi estimé, comme M. Nowak, qu'il y avait une «crise de la détention» dans son pays. Le représentant de la Grèce a par ailleurs souligné qu'en 2010, 90% des migrants appréhendés aux frontières extérieures de l'Union européenne l'étaient près des côtes grecques. Dans ce contexte, la Grèce apprécie les recommandations de M. Nowak au regard de la pression migratoire que rencontre le pays, a conclu le représentant.

M. WAYNE MCCOOK (Jamaïque) s'est dit heureux de constater que les erreurs que son gouvernement avait relevées dans le premier rapport du Rapporteur spécial sur la torture avaient été prises en compte par M. Nowak, qui s'est rendu dans le pays en février 2010. L'engagement ferme de la Jamaïque en faveur des principes de traitement humain et du rejet de la torture est reflété par l'article 17 de la Constitution jamaïcaine. Le représentant jamaïquain a fait valoir qu'en quittant le pays, le Rapporteur spécial avait souligné n'avoir trouvé aucune indication que la torture était pratiquée en Jamaïque. La Jamaïque examine actuellement l'éventualité de la ratification de la Convention contre la torture, a indiqué son représentant.

La délégation est toutefois en désaccord avec l'affirmation du Rapporteur spécial selon laquelle certains cas de punition corporelle équivalent à de la torture, s'agissant notamment du cas de l'institution de Horizon Remand où des détenus et des gardes ont été blessés. Il s'agit pour la délégation d'extrapolations d'un expert médical de l'équipe du Rapporteur spécial. Le représentant a souligné qu'une enquête avait été ouverte à la suite de ces incidents, les autorités étant prêtes à sanctionner tout gardien ayant maltraité des détenus. Le Gouvernement jamaïcain reconnaît que des limites en matière de ressources continuaient de l'empêcher d'améliorer les conditions d'incarcération. L'un des défis auxquels sont confrontées les autorités est l'augmentation du nombre de délinquants juvéniles, garçons et filles; un besoin urgent de construire de nouveaux centres de détention se fait sentir, ce qui suppose aussi de recruter des surveillants et de faire en sorte que mineurs et adultes soient détenus séparément. En conclusion, le représentant jamaïquain a assuré que son gouvernement faisait tous les efforts possibles pour améliorer les conditions de détention et relever les défis soulignés par le Rapporteur spécial lors de sa visite. Il a déploré par ailleurs l'attitude du Rapporteur spécial lors de sa réponse à l'intervention de l'ambassadeur de la Jamaïque devant la Troisième commission de l'ONU.

Dialogue interactif

MME LAURA DUPUY LASSERRE (Uruguay) a attiré l'attention sur les mesures prises par son pays pour donner suite aux recommandations du Rapporteur spécial sur la torture, indiquant notamment que le Gouvernement avait ouvert des centres de détention séparés à l'intention des enfants et adolescents en conflit avec la loi, qui sont dotés de personnels d'encadrement adaptés. Le Gouvernement a adopté une nouvelle procédure policière concernant le traitement de la violence sexiste dans la famille et des agressions sexuelles contre des mineures. L'Institut pour l'enfance et l'adolescence veille, en coopération avec l'Union européenne, à la santé des jeunes en détention. Des programmes de prise en charge de la santé mentale des détenus ont été mis en place, a en outre fait valoir la représentante. Elle a aussi annoncé que l'institution nationale de droits de l'homme ouvrira bientôt et que le Sénat examine un projet de loi contre l'impunité. L'Uruguay s'engage à poursuivre sa collaboration avec le mandat du Rapporteur spécial sur la torture.

M. VICENTE ZERAN (Chili) a salué les travaux sur les pratiques optimales menés par le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lute antiterroriste. Il a souligné l'importance de mettre en place un cadre juridique approprié pour la meilleure combinaison possible entre le droit et la politique; il a estimé que l'application des normes des droits de l'homme permettra d'envisager meilleures solutions pour les défis posés par la lutte contre la torture. Le représentant chilien a ensuite dit partager l'analyse du Rapporteur spécial sur la torture concernant la nécessité d'une approche fondée sur les victimes. Il a estimé à cet égard que les pays devraient retenir les recommandations du Rapporteur spécial à cet égard. Il a ajouté que la ratification de la Convention contre la torture internationale et de son Protocole facultatif sont des instruments importants pour mettre en œuvre le mécanisme national de prévention.

MME XU JING (Chine) a souligné que le terrorisme était une menace pour l'ensemble de la communauté internationale, précisant que chacun doit reconnaître que le fait de s'appuyer uniquement sur la force militaire pouvait entraîner des violations des droits de l'homme. La lutte contre le terrorisme doit être abordée d'un point de vue judiciaire et législatif afin de garantir le plein respect des droits de l'homme, a souligné la délégation chinoise. S'agissant de la torture, elle a rappelé que son pays avait été un des premiers à ratifier la Convention contre la torture. Elle a par ailleurs indiqué que depuis quelques temps, le Gouvernement a revu le régime des réparations, et de nouvelles règles ont été établies afin de réduire au minimum les cas d'actes de torture. Le retard de la grande majorité des pays en développement explique le manque de ressources à consacrer à ce genre de problèmes et la Chine suggère aux pays développés d'augmenter leur assistance dans ce domaine.

MME YAPRAK ALP (Turquie) a déclaré que son pays apprécie le fait que le rapport du Rapporteur spécial sur la torture soit axé sur le point de vue des victimes. La lutte contre la torture et les mauvais traitements est une priorité pour la Turquie, qui s'est engagée à prévenir et éliminer la torture depuis des années. Le Parlement turc a ainsi adopté une politique de «tolérance zéro» contre la torture, qui s'est traduite notamment par la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, conformément aux recommandations faites par la Turquie lors de son examen périodique devant le Conseil des droits de l'homme. Le Comité européen de prévention de la torture a pour sa part reconnu les efforts de la Turquie dans le domaine de la lutte contre la torture et les mauvais traitements, s'est félicitée la représentante. Elle a par ailleurs indiqué que son pays avait reçu les visites du Groupe de travail sur la détention arbitraire ainsi que du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste.

MME NATHALIE CHUARD (Suisse) a dit soutenir une approche axée sur les victimes des actes de torture et autre peines ou traitements inhumains et dégradants. C'est pour cela qu'il est crucial d'honorer les droits des victimes à la réparation et à la réhabilitation, et ce en les plaçant leur point de vue au centre de l'approche choisie. La délégation suisse a également l'intention de discuter des questions en lien avec la torture de manière dépassionnée et rationnelle, notamment s'agissant de la peine de mort. La Suisse souhaite savoir comment le Rapporteur spécial pense amener la communauté internationale à un débat constructif sur ces questions. Concernant la lutte contre le terrorisme, la représentante suisse a souhaité savoir comment le Rapporteur spécial envisageait la configuration d'un système de réparation dans un cadre où les mesures antiterroristes sont décrétées par une organisation intergouvernementale et mises en œuvre par les États membres de l'organisation.

M. MOHAMMAD ZAREIAN (République islamique d'Iran) a souligné que l'adoption d'une définition exagérément élargie du terrorisme risquait d'entraîner des abus et des violations des droits de l'homme. En vertu du droit international, le recours à la torture pour obtenir des informations de la part de suspects d'activités terroristes est totalement interdit, que ce soit sur le territoire national ou en dehors de celui-ci. Le Rapporteur spécial souligne d'ailleurs que des renseignements obtenus dans de telles conditions ne sont absolument pas fiables, a relevé le représentant iranien. Malheureusement, on constate l'érosion des droits de l'homme dans certaines parties du monde en raison de l'application de certaines mesures antiterroristes, a-t-il déploré. L'une des pires formes de violations a été l'utilisation de centres de détentions secrets où ont été pratiquées des méthodes d'interrogatoire s'apparentant à une torture impliquant de graves violations des droits de l'homme au moment de l'arrestation, de la détention et du traitement de suspects, a-t-il encore observé. Il a noté que les musulmans avaient été particulièrement ciblés ces dix dernières années par des mesures antiterroristes discriminatoires.

M. BORJA MONTESINO (Espagne) a observé que le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste mentionne la nécessaire indemnisation des victimes du terrorisme. Une certaine ambiguïté demeure dans la qualification des personnes habilitées à recevoir une telle indemnisation, et dans les autorités ou institutions habilitées ou tenues d'octroyer les réparations. Le représentant a demandé des éclaircissements sur ces sujets au Rapporteur spécial.

MME KSHENUKA SENEWIRATNE (Sri Lanka) a déclaré que la dérogation à l'application de certains droits doit s'accompagner d'un régime juridique équilibré qui garantisse la viabilité de la dérogation. Elle a indiqué que la détention illégale est contraire aux lois de son pays. Toute violation d'un tel droit est passible de poursuites judiciaires. Ce qui démontre que la détention secrète n'a pas sa place à Sri Lanka. En outre, Sri Lanka rejette l'utilisation d'aveux obtenus sous la torture. Le pays est néanmoins en train de modifier son code pénal pour répondre aux recommandations du Rapporteur spécial.

MME CAROLINE SWEEMEY (Irlande) a constaté que la torture était l'une des pires violations de la dignité humaine, se félicitant que le Rapporteur spécial met l'accent sur les victimes. Elle lui a demandé de préciser comment il entendait voir se concrétiser une telle approche basée sur les victimes. Elle lui a aussi demandé quelles mesures informelles ou pratiques pourraient être prises pour améliorer la situation des victimes de torture. Elle a aussi souhaité savoir quelles méthodes scientifiques de médecine légale permettraient de corroborer les preuves de torture.

MME MARIAM MADIHA AFTAB (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a déclaré que les dix pratiques optimales recensées par M. Scheinin en matière de promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste sont très utiles. L'OCI estime notamment que les personnes arrêtes pour terrorisme doivent se voir informées de leurs droits et pouvoir consulter un avocat dès le départ. D'autres pratiques optimales pourront être identifiées dans le cadre de la coopération internationale, a observé la représentante. L'OCI souscrit par ailleurs à l'appel lancé aux États par le du Rapporteur spécial sur la torture afin qu'ils poursuivent leur collaboration avec les institutions internationales concernées en vue du renforcement des compétences et du transfert de technologies en lien avec la médecine légale. La représentante a par ailleurs rappelé que la principale obligation des États confrontés à des attaques terroristes quotidiennes consiste à assurer la protection des citoyens: la recommandation du Rapporteur spécial relative à la règle d'exclusion doit donc être revue à l'aune de cette exigence.

M. MARK J. CASSAYRE (États-Unis) s'est félicité que le Rapporteur spécial sur la torture compte poursuivre le travail de son prédécesseur à l'égard de la torture, notamment pour examiner la situation dans les lieux de détention, et en particulier au cours de détention préventive. Les États-Unis relèvent l'«approche centrée sur la victime» proposée par le nouveau Rapporteur spécial et souhaitent en apprendre davantage sur cette approche. Les États-Unis remercient le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste pour son rapport final et pour son travail inlassable pour promouvoir et protéger les droits de l'homme dans le cadre de son mandat en tant que premier Rapporteur spécial à occuper ce poste. Comme le montrent les travaux du Rapporteur spécial, la lutte contre le terrorisme est un défi mondial qui exige des États qu'ils fassent faire preuve de vigilance et de créativité, qu'ils soient réceptifs aux idées nouvelles, et qu'ils veillent à ce que les mesures visant à prévenir et combattre le terrorisme respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international. Il a par ailleurs souligné que les pratiques optimales recommandées dans le rapport du Rapporteur spécial ne pouvaient être les seules mesures à envisager pour les États dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria au nom du Groupe africain) s'est félicité que le rapport relatif à la lutte antiterroriste se concentre sur la compilation de dix domaines s'agissant des pratiques optimales pour combattre le terrorisme. Le Groupe africain considère que ce travail est particulièrement utile et bénéfique. Néanmoins, certains éléments méritent plus ample réflexion. S'agissant de la torture, le Groupe africain trouve particulièrement intéressante la proposition du Rapporteur spécial d'utiliser la médecine légale et d'autres sciences pour éradiquer cette pratique. Il soutient l'appel lancé aux États pour qu'ils continuent d'œuvrer avec les organisations internationales concernées afin de permettre un renforcement des capacités et des transferts de connaissances et de techniques dans ce domaine.

M. LUIS AMORÓS NUÑEZ (Cuba) a félicité le Rapporteur spécial sur la promotion des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste pour les dix recommandations qu'il propose aux États afin de guider leur action dans ce domaine. Ces propositions permettront à la communauté internationale de mieux démasquer les violations des droits de l'homme commises dans une «guerre contre le terrorisme» ayant entraîné et entraînant toujours la mort de nombreux civils, a estimé le représentant. Le représentant cubain s'est par ailleurs interrogé au sujet de l'impunité dont bénéficie toujours le terroriste le plus dangereux de l'hémisphère occidental, Luís Posada Carriles, qui n'a jamais été jugé pour les crimes qu'il a commis, et sur le sort de cinq militants cubains de la lutte contre le terrorisme détenus aux États-Unis. Le représentant a par ailleurs demandé au Rapporteur spécial sur la torture s'il avait obtenu des renseignements complémentaires au sujet des centres de détention secrets en Europe ou sur le centre de détention de Guantánamo.

MME NICOLE RECKINGER (Union européenne) a réitéré l'importance que l'Union européenne accorde aux visites dans les pays et a appelé tous les États à coopérer avec les titulaires de mandat afin de faciliter ces visites. Elle a ajouté que la coopération pleine et entière par les États est d'une grande importance afin de garantir un engagement constructif entre les États et les titulaires de mandats. À l'intention de M. Scheinin, la représentante a souhaité savoir quels obstacles il avait rencontré dans son travail et comment le Conseil pouvait l'aider à les surmonter. Le Rapporteur spécial a identifié 10 des meilleures pratiques provenant de diverses régions du monde: dans quelle mesure l'«efficacité de la lutte contre le terrorisme» peut-elle jouer un rôle dans la sélection des meilleures pratiques, a-t-elle souhaité savoir? Au Rapporteur spécial sur la torture, la représentante de l'Union européenne a demandé de présenter les enjeux prioritaires dans la lutte contre la torture et les solutions à envisager. Elle lui a enfin demandé de détailler des mesures spécifiques quant à l'aide aux victimes des actes de torture et autre peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. JEAN-FRANCOIS MATTÉI (France) a noté que de nombreuses demandes de visites restaient sans réponse depuis plusieurs années de la part des pays concernés ou bien que des accords de principe n'avaient toujours pas été honorés. La France appelle les États concernés «à réserver dans les meilleurs délais une suite favorable à ces demandes». Le représentant a demandé par ailleurs au Rapporteur spécial de préciser de quelle manière il envisageait le recours accru aux sciences médico-légales. S'adressant ensuite à M. Scheinin, le représentant français l'a félicité pour «le travail remarquable» qu'il a accompli pendant les six années de son mandat, faisant preuve de «l'habileté nécessaire pour mener des missions de terrain particulièrement délicates». Il a relevé que son étude des meilleures pratiques proposait une définition du terrorisme et a déclaré au Rapporteur spécial s'il estimait que cette définition pourrait inspirer les travaux des États qui négocient depuis 2000 un projet de convention générale sur le terrorisme international.

M. SALVADOR TINAJERO (Mexique) a remercié le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste de son rapport. Le Mexique est d'avis que tous les États doivent mener cette lutte dans le strict respect des principes de l'État de droit et par conséquent des normes protégeant les droits de la personne. Le représentant mexicain s'est félicité des dix pratiques optimales proposées par le Rapporteur spécial, qu'il a remercié pour le travail accompli depuis six ans pour le compte du Conseil. Le représentant a aussi remercié le Rapporteur spécial sur la torture, dont le rapport insiste à juste titre sur la prévention des actes de torture et sur l'importance des moyens scientifiques et de médecine légale dans ce contexte.

M. IDRISS JAZAÏRY (Algérie) a déclaré accueillir avec intérêt les dix pratiques optimales de respect des droits de l'homme en matière de lutte contre le terrorisme. Il est important que leur adoption et leur mise en œuvre revêtent non seulement les formes qui tiennent compte des principes fondamentaux du système juridique de chaque État mais également des réalités et des contextes spécifiques de chaque situation. En ce qui concerne la nécessité d'adopter une définition juridique du terrorisme, M. Jazaïri a souligné qu'il s'agissait d'une demande constante de l'Algérie et a demandé des précisions sur le mécanisme envisagé pour renforcer le judiciaire. Le représentant algérien s'est par ailleurs félicité des priorités dégagées par M. Méndez pour son mandat sur la torture. C'est l'occasion de souligner que le Rapporteur spécial doit s'en tenir à son mandat, a lancé le représentant algérien, qu'il évite les doublons et qu'il s'attache à refléter le consensus émergeant sur les questions qu'il se propose d'examiner. Cela s'applique par exemple à son intention d'interpréter progressivement, sous l'angle des victimes, les normes existantes en matière de lutte contre les actes de torture et autre traitements cruels, inhumains et dégradants, a conclu le représentant.

M. DICKY KOMAR (Indonésie) a rappelé qu'année après année, la lutte contre le terrorisme était devenue «la priorité des priorités» de son gouvernement. La loi de 2003 fixe les conditions d'enquête et de poursuites de suspects de terrorisme, en s'efforçant de répondre à la tâche ardue de préserver un équilibre entre libertés fondamentales et libertés civiles d'une part, et sûreté et sécurité publiques de l'autre. Les autorités indonésiennes s'efforcent de mener cette lutte de la manière la plus globale et la plus démocratique possible. Le représentant a demandé au Rapporteur spécial comment l'objectif de mener cette lutte en respectant les critères les plus élevés en matière de droits de l'homme pouvait être concrétisé dans les pays en développement où le manque de ressources, des infrastructures insuffisantes et une formation et une éducation insuffisantes constituent de sérieux handicaps. Le représentant a enfin énuméré les mesures prises par son gouvernement pour lutter contre la torture.

M. VLADIMIR CHIRINCIUC (République de Moldova) a remercié M. Manfred Nowak, ancien titulaire du mandat sur la torture, pour la rédaction de son importante étude sur ce phénomène. Le Gouvernement moldove, qui a apprécié la coopération de M. Nowak, se déclare prêt à poursuivre cette coopération avec le mandat en vue d'appliquer les recommandations faites en 2008 et suite à une visite de suivi en 2009. Le représentant a précisé que toutes les recommandations du Rapporteur spécial ont été acceptées par les autorités de son pays. Celles-ci déplorent, avec le Rapporteur spécial, que le mécanisme national de prévention de la torture ne puisse opérer dans l'est du pays, dans la région de Transnistrie, en dépit de leurs efforts et de ceux d'organisations internationales. Ces difficultés ont été relevées par des organisations non gouvernementales et par le Comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe, a rappelé le représentant.

MME MARIA TODD (Royaume-Uni) a déclaré que la lutte contre le terrorisme doit respecter certaines règles. En ce sens, elle a estimé que les méthodes utilisées dans ce cadre doivent faire l'objet d'évaluations périodiques. À cet égard, le Royaume-Uni se félicite de voir que le rapport du Rapporteur spécial soit axé sur les aspects pratiques de cette question. Concernant la question de la torture, le Royaume-Uni se félicite de l'accent qui a été mis, dans le rapport de M. Méndez, à la fois sur la prévention de la torture et sur la question de l'impunité. La représentante britannique a souhaité savoir quel rôle le Rapporteur spécial comptait jouer face aux allégations de torture en Afrique du Nord et au Moyen Orient, ainsi que son point de vue sur les cas de torture au Bélarus.

M. CHRISTIAN STROHAL (Autriche) a souligné que la lutte antiterroriste et le respect des droits de l'homme n'étaient absolument pas incompatibles, bien au contraire. Il a indiqué que son pays, qui a présidé le Comité des sanctions contre Al-Qaïda et les taliban en 2009 et 2010 au Conseil de sécurité, avait œuvré afin de faire en sorte que des procédures justes et équitables soient mises en œuvre pour la tenue des listes des personnes visées et pour le retrait de ces listes. Il a demandé quel rôle pourrait jouer la société civile et le secteur privé dans la mise en œuvre des exemples de meilleures pratiques mentionnées dans le rapport. S'agissant de la torture, le représentant s'est félicité de sa démarche centrée sur les victimes.

MME NAHIDA SOBHAN (Bangladesh) s'est exprimée au sujet du rapport du Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, observant que si son pays estime que les critères de sélection des pratiques optimales appliqués par le Rapporteur spécial sont fonctionnels, des mesures juridiques ne suffiront pas, à elles seules, à triompher du terrorisme: les facteurs sous-jacents qui poussent certaines personnes à se livrer à des actes terroristes doivent être évalués et résolus, sous peine d'échec de la lutte antiterroriste. De même, la définition juridique du terrorisme devrait être globale et permettre ainsi à la lutte contre ce phénomène d'être plus efficace. Le Bangladesh, fermement opposé au terrorisme sous toutes ses formes, a ratifié douze des treize conventions des Nations Unies contre le terrorisme, a fait savoir sa représentante.

M. BHRIGU DHUNGANA (Népal) a déclaré que la Constitution de son pays considère comme fondamental le droit de ne pas être soumis à la torture. Une loi népalaise stipule en outre le droit des victimes à réparation. Le représentant a par ailleurs rejeté les allégations de cas de torture envers des minorités dans son pays. Il existe un mécanisme d'enquête et l'État assure la formation des personnels de police à cet effet. De même, la détention secrète est interdite au Népal.

M. RIADH YALDA OSHANA (Iraq au nom du Groupe arabe) a rappelé qu'un grand nombre de pays arabes avaient subi le fléau du terrorisme. Le Groupe arabe estime que les procédures judiciaires doivent être respectées afin que les suspects aient droit à un procès équitable. Il estime que les règles élaborées par le Conseil de sécurité en 2001 relatives à la lutte antiterroriste devaient être appliquées à la lettre.

MME IRINA SCHOULGIN NYONI (Suède) a remercié le Rapporteur spécial sur la torture, M. Méndez, de sa présentation. Elle lui a demandé quelles situations qui n'avaient pas été prévues auparavant méritent un élargissement de la protection contre la torture. De même, la représentante suédoise a demandé au Rapporteur spécial de préciser la manière dont il entend améliorer le respect des droits des personnes victimes de la torture.

MME WENDY HINTON (Nouvelle Zélande) a estimé qu'il fallait que l'état de droit prévale lorsqu'on parle de sécurité nationale. Elle s'est par ailleurs félicitée de la définition du terrorisme proposé par M. Scheinin. Comment entendez-vous mettre en œuvre cette définition, a interrogé la représentante. Concernant la lutte contre la torture, elle a invité la communauté internationale à respecter ses engagements en la matière, avant de demander au Rapporteur spécial comment il entendait collaborer avec le Sous-Comité de lutte contre la torture.

M. STEFFEN SMIDT (Danemark) a demandé au Rapporteur spécial sur la torture comment il pensait que les pratiques optimales puissent faire des émules? Il a souhaité savoir s'il avait envisagé des mécanismes de reddition de compte, notamment en ce qui concerne les atteintes massives aux droits de l'homme. S'adressant à M. Scheinin, il s'est félicité de la compilation énumérant dix meilleures pratiques.

M. RAUL MARTINEZ (Paraguay) a demandé au Rapporteur spécial sur la torture de faire, à l'intention des pays en voie de développement, des recommandations sur la manière d'améliorer concrètement les conditions de détention et sur les moyens de prévenir les actes de torture pendant la détention. À cet égard, le Paraguay entend se doter d'un mécanisme national de prévention de la torture, a fait savoir le représentant. De même, le Parlement envisage de modifier le contenu de la loi en vue de faire coïncider la définition de la torture prévue par le droit national avec les normes du droit international.

M. PATRICK RUMLAR (République tchèque) a rappelé que M. Méndez avait eu une rencontre en novembre dernier avec des militants bélarusses à Budapest et a souhaité savoir s'il envisageait de poursuivre cette coopération avec les organisations de défense des droits de l'homme du Bélarus. La République tchèque a estimé que ces contacts peuvent permettre de réellement améliorer la situation dans les lieux de détention de ce pays où la torture est semble-t-il pratiquée couramment.

M. ÁLVARO ENRIQUE AYALA MÉLENDEZ (Colombie) a déclaré que, parmi les dix pratiques optimales identifiées par le Rapporteur spécial sur la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, la Colombie s'intéresse plus particulièrement aux mesures d'indemnisation des victimes. Pour ce faire, le Gouvernement investira plus de 25 milliards de dollars dans la restitution de terres au profit d'un million de familles concernées, sur une période de dix ans.

M. MAHMOUD AFIFI (Égypte) a souligné que son pays allait connaître de grands changements. Ainsi, des amendements à la Constitution qui seront soumis à référendum prévoient par exemple l'abolition des pouvoirs du président en matière de lutte contre le terrorisme ou pour déclarer l'état d'urgence. Le Conseil suprême a par ailleurs l'intention d'abolir la loi sur les situations d'urgence, de manière à ce que des élections ne puissent se tenir pendant l'application d'un état d'urgence, a indiqué le représentant égyptien. Concernant le rapport de M. Méndez, le représentant égyptien a salué l'appel à un renforcement des efforts en matière d'utilisation de moyens scientifiques et médico-légaux.

M. GRIGORY LUKIYANTSEV (Fédération de Russie) a souligné que son pays accordait une grande importance au mandat de Rapporteur spécial sur le terrorisme. Il est indiscutable que la lutte contre ce fléau n'est pas contradictoire avec le respect des droits de l'homme, a notamment précisé le représentant. Les dix éléments présentés dans le rapport en matière de meilleures pratiques ne sont pas exhaustifs mais ils méritent une discussion supplémentaire; ils ne sont pas indiscutables, notamment en ce qui concerne la définition du terrorisme, a estimé le représentant russe. S'agissant du rapport sur la torture, le représentant a estime fondé l'accent mis sur l'assistance aux victimes. Il a souhaité avoir l'avis de M. Méndez sur l'approche concrète permettant de la mener à bien.

M. ZALMAI AZIZ (Afghanistan) a déploré que de trop nombreuses personnes innocentes souffrent, tous les jours, en Afghanistan et ailleurs, de violations de leurs droits humains fondamentaux du fait d'actes terroristes. Le Secrétaire général a raison d'affirmer que «les besoins des victimes du terrorisme sont depuis trop longtemps méconnus», a ajouté le représentant, priant le Conseil de désigner rapidement le nouveau rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste et de prier l'Assemblée générale de proclamer une Journée internationale des victimes du terrorisme.

MME IRUTHISHAM ADAM (Maldives) a souligné que la lutte contre le fléau de la torture était l'une des priorités de sa délégation au sein du Conseil. Avant l'avènement de la démocratie aux Maldives il y a deux ans, la torture était couramment pratiquée dans l'archipel, non seulement pour punir et intimider les opposants politiques mais aussi comme moyen de soutirer des aveux de suspects. Depuis lors, un certain nombre de mesures ont été prises pour éradiquer ce phénomène. Si les Maldives se félicitent de l'approche visant à privilégier l'accès aux victimes qui doivent se trouver au cœur du combat, notamment en matière de réparations, l'expérience locale montre qu'un tel choix est difficile à mettre en œuvre car il s'agit d'une question extrêmement politisée, impliquant de puissantes forces politiques dans le pays. En effet, il existe une tension inhérente entre le besoin d'octroyer une réparation aux victimes et dans le même temps de ne pas mettre en danger un processus démocratique toujours fragile. La situation est aggravée par le fait que les membres de l'ancien régime prétendent que la torture n'a jamais été pratiquée dans le pays. C'est dans un tel contexte que le Rapporteur spécial est invité à se rendre dans l'archipel, l'intérêt de son analyse étant particulièrement attendue par les autorités du pays.

M. GEIR SJØBERG (Norvège) s'est félicité de la vision et de la méthodologie adoptées par M. Méndez dans son premier rapport, et a dit apprécié sa volonté d'engager avec les États des discussions sur le suivi des conclusions et recommandations présentées à la suite de visites de pays ainsi que dans le cadre de l'Examen périodique universel et des organes d'examen prévus dans les traités. Il s'est dit préoccupé par le constat du Rapporteur spécial s'agissant d'une érosion de l'interdiction absolue de la torture, ajoutant qu'il fallait inverser la tendance à l'érosion des progrès réalisés dans le passé dans la lutte contre la torture. Il a soutenu l'appel du Rapporteur spécial pour interpréter de manière plus large ce qui constitue un cas de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant, de même que son insistance pour que les États respectent effectivement leurs obligations de prévention et de sanction de telles violations. Le représentant a dit soutenir l'approche de M. Méndez centrée sur les victimes et a demandé au Rapporteur spécial comment il évaluait la mise ne œuvre par les États-Membres de cette obligation importante. La Norvège se félicite en outre de la collecte de pratiques optimales en matière de lutte contre le terrorisme à laquelle a procédé M. Scheinin. Il s'est dit convaincu que le respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme n'était pas seulement une question de respect des droits mais aussi le moyen le plus efficace de lutter contre le fléau du terrorisme.

M. MUTAZ FALEH HYASSAT (Jordanie) s'est félicité de la prise en compte des efforts de la Jordanie en matière de lutte contre la torture. Il a en outre affirmé qu'un dialogue franc et constructif avait eu lieu devant le Comité contre la torture concernant son pays et que depuis, un Comité national des droits de l'homme représentant plusieurs agences gouvernementales suivent les recommandations du Comité contre la torture. Le représentant jordanien s'est par ailleurs félicité des intentions annoncées concernant l'interprétation de l'article 15 de la Convention contre la torture. Cependant l'interprétation des traités est indéniablement une chose difficile et complexe. Aussi la Jordanie souhaite-t-elle demander au Rapporteur spécial quelles étaient les bases et l'objectif de cet exercice d'interprétation.

MME RUI VASCONCELLOS (Brésil) a souligné que sa délégation soutenait la démarche centrée sur les victimes de torture mise en avant par le Rapporteur spécial, ainsi que l'accent mis sur la prévention en tant que moyen le plus efficace de parvenir à l'interdiction absolue de la torture prévue par le droit international. Le représentant a souligné que pour sa part, le Gouvernement brésilien avait pris un grand nombre d'initiatives visant à empêcher la torture et les mauvais traitements. Enfin, s'agissant de la lutte antiterroriste, les victimes éventuelles d'accusations de terrorisme se révélant infondées doivent pouvoir disposer de voies de recours. Toute possibilité de détention sans mandat doit être proscrite, a souligné le représentant brésilien.

M. ANDREI TARANDA (Bélarus) a estimé que le Rapporteur spécial sur la torture, M. Méndez, n'avait pas pris en cause la nécessité de garantir que les sources d'information utilisées soient impartiales. Il s'est dit gravement préoccupé par le fait que le Conseil prenne en compte des rapports de Rapporteurs spéciaux qui s'écartent du principe d'impartialité et d'indépendance. Le représentant bélarussien s'est en outre dit en désaccord catégorique avec des déclarations de procédures spéciales faites le 3 février et avec auxquelles M. Méndez a souscrit. Il a souhaité que le Rapporteur spécial tienne davantage compte d'informations objectives et a rappelé l'obligation de toutes les titulaires de procédures spéciales de respecter leur code de conduite dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Il a en outre jugé sans fondement, liées uniquement à des considérations politiques et sans lien avec les activités des procédures spéciales, les déclarations faites par la République tchèque et le Royaume-Uni.

M. MOHAMED SIAD DOUALEH (Djibouti) a déploré que la lutte contre le terrorisme ait souvent mené à des pratiques contraires au droit international et à la torture. Cependant, les pratiques identifiées ne doivent pas viser à unifier les pratiques des États, mais tenir compte des spécificités de chaque État, a-t-il souligné. Concernant le rôle du Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants, le représentant djiboutien a estimé qu'il devait faire preuve d'une grande coopération avec les États membres.

M. AHMED FAHAD ALMAREK (Arabie saoudite) a souligné que son pays avait particulièrement souffert du terrorisme, et qu'en prenant des mesures pour le combattre, il veillait à respecter la dignité et les droits de l'homme. Des programmes de sensibilisation ont été mis en œuvre auprès des forces de l'ordre, et des moyens de lutte contre le blanchiment d'argent ont été mis en place afin de couper les sources de financement des activités terroristes. L'Arabie saoudite a accueilli en 2005 une conférence sur la lutte contre ce fléau, a rappelé le représentant, qui a affirmé l'attachement de son pays aux activités du Rapporteur spécial.

M. RIADH YALDA OSHANA (Iraq) a remercié M. Scheinin pour son rapport et notamment pour la liste de pratiques optimales qu'il a établie en matière de lutte contre le terrorisme. Il a déclaré que le terrorisme avait ciblé toutes les composantes du peuple iraquien et que le ciblage des minorités visait à les pousser à quitter le pays. Il a estimé que la lutte contre le terrorisme devait se faire en collaboration avec les pays voisins. Il a rappelé les mesures législatives prises par son pays et a ajouté que son pays avait accordé une importance particulière aux mesures de compensation en faveur des victimes du terrorisme. L'Iraq a en outre accordé une importance particulière à l'éducation aux droits de l'homme de ceux qui sont chargés de la lutte contre le terrorisme, a-t-il ajouté.

M. SEBADE TOBA (Togo) a déclaré que depuis la visite du Rapporteur spécial dans le pays, le Togo a évolué positivement pour renforcer le cadre et institutionnel de protection des droits de l'homme, notamment la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et la mise en œuvre d'un programme de réforme de la justice. En outre, le Togo présentera, le 14 et 15 mars prochains à New York, son rapport sur les droits civils et politiques. En ce qui concerne la torture, un avant projet de loi a été rédigé pour amender le code pénal, une ligne téléphonique a été mise à disposition pour lutter contre les maltraitances et les violences corporelles faites aux femmes et aux enfants et le Gouvernement assure la formation des juges et policiers. De nos jours, les rares cas de non-respect des délais de garde à vue dont dus à une insuffisance de ressources humaines et de moyens matériels et financiers. Le Togo espère pouvoir compter sur la communauté internationale dans ce domaine.

M. OSITADINMA ANAEDU (Nigéria) a rappelé que la charia était appliquée dans son pays et que, par conséquent, tous les accusés disposent d'un droit d'appel, y compris jusqu'au niveau de la Cour suprême. Tout détenu doit bénéficier d'un procès dans les meilleurs délais, a-t-il assuré, et bénéficier de l'aide juridique le cas échéant. Des structures ont été mises en place afin de protéger le droit des citoyens, une campagne de sensibilisation ayant été organisée, notamment afin de recourir le moins possible à l'incarcération. Le Nigéria est disposé à collaborer avec le Rapporteur spécial sur ces questions, a conclu le représentant nigérian.

Institutions nationales des droits de l'homme et organisations non gouvernementales

M. ABDERRAZAK ROUWANE (Réseau des institutions nationales africaines des droits de l'homme) a déclaré que les institutions nationales de droits de l'homme devaient renforcer le contrôle du respect des droits de l'homme. En Afrique, de telles institutions jouent un rôle important pour faire appliquer les instruments internationaux des droits de l'homme. La représentanta a précisé que l'Association pour la prévention de la torture avait signé l'an dernier un partenariat avec le Réseau des institutions africaines pour la période 2011-2013, qui vise à renforcer les capacités des institutions nationales africaines de droits de l'homme afin qu'elles puissent mieux lutter contre la torture.

MME KATHARINA ROSE (Commission nationale des droits de l'homme de la Grèce) a noté l'énorme augmentation de l'afflux de migrants dans son pays et a souligné que les pays européens devaient, d'urgence, assurer un partage des tâches et des responsabilités dans ce domaine. Elle a attiré l'attention sur l'utilisation des commissariats comme centres de détention administratifs de facto, méthode qui a été critiquée, et a souligné qu'une nouvelle politique sur la détention des migrants s'avérait absolument indispensable.

MME ALEXANDRA KOSSIN (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a déclaré que son organisation, qui apporte une assistance de toute nature aux victimes de la torture, est préoccupée par le manque de mécanismes de plainte à la disposition de ces victimes. La représentante a appelé le Conseil à suivre l'exemple du Rapporteur spécial en intégrant le point de vue des victimes à toutes ses démarches de lutte contre ce phénomène. La représentante a déploré l'impunité dont jouissent toujours les auteurs de torture et d'autres violations graves des droits de l'homme. La représentante a insisté sur la nécessité de faire rendre des comptes aux auteurs de tels actes. La représentante a demandé aux deux Rapporteurs spéciaux de faire rapport sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations contenues dans l'étude internationale sur la détention au secret. Elle a aussi condamné les théories relativisant le caractère universel de l'interdiction de la torture, au prétexte notamment de considérations de sécurité publique.

M. MICHAEL ANTHONY (Asian Legal Resource Centre) a salué le renversement de régimes au Moyen-Orient qui ont instauré la torture comme moyen d'intimidation. Il s'agit de l'outil préféré des régimes répressifs, a-t-il constaté. Il a ensuite attiré l'attention sur le fait que l'armée pakistanaise gérait plusieurs dizaines de camps où la torture est couramment pratiquée. Il a souligné que le Gouvernement indien devait aussi cesser de rejeter les demandes de visite du Rapporteur spécial. Le représentant a signalé par ailleurs que la torture était pratiquée couramment au Bangladesh, où un projet de loi contre cette pratique est en discussion. L'ALRC appelle à ce que le Rapporteur spécial attire l'attention de la communauté internationale sur les situations au Cambodge, au Myanmar, aux Philippines et en Thaïlande.

MME PETALLA B. TIMO (Regional Center for Human Rights and Gender Justice "Copracion Humanas", au nom également de Conectas Direitos Humanos) a déclaré que le Brésil était l'un des pays les plus touchés par les problèmes de détention. La population carcérale y est importante et les conditions très précaires. Il est important que le Rapporteur spécial travaille avec les institutions pénitentiaires et les policiers, a plaidé la représentante. Elle a en outre estimé qu'il fallait une approche sexospécifique face à la question de la torture. Elle a ainsi proposé que les violences sexuelles soient considérées comme des cas de torture.

MME LISA D'AZZURZIO (Human Rights Advocates) a dénoncé les conditions de détention de milliers de prisonniers de par le monde en attente de leur exécution. De nombreuses instances, dont le Comité des droits de l'homme, ont souligné que l'incarcération dans les couloirs de la mort, marquée par des conditions extrêmement difficiles, peut constituer une forme de torture. De par sa durée très longue – qui peut atteindre vingt ans – cette forme de détention entraîne d'importantes souffrances tant morales que physiques. La représentante a appelé les États à décréter un moratoire non seulement sur les exécutions, mais aussi sur les nouvelles condamnations à mort. Elle a demandé au Rapporteur spécial sur la torture s'il s'était intéressé problème du «couloir de la mort» et sur ses causes, et s'il avait envisagé d'évaluer dans quelle mesure il s'apparente à la pratique de la torture.

MME NATHALIE JEANNIN (Fédération internationale de l'ACAT (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture - FIACAT) a souligné que la réalité de la torture était «encore à ce jour alarmante» et qu'il s'agissait d'une pratique répandue. La FIACAT appelle le Conseil des droits de l'homme à demander aux États de coopérer pleinement avec le mandat du Rapporteur spécial, y compris en répondant rapidement et de manière exhaustive aux appels urgents, communications et demandes de visite, ainsi qu'en facilitant ses missions. Elle l'appelle à prendre des mesures contre les États qui, systématiquement, ne coopèrent pas avec le titulaire de mandat.

MME TANIA BALDWIN-PASK (Amnesty International ) a affirmé que de nombreux pays, dont l'Égypte, l'Italie, la Macédoine, la Suède ou le Pakistan, ont aidé les États-Unis dans ses activités de détentions secrètes après les attentas du 11 septembre. Tout en se félicitant de l'«évolution positive de cette obligation en Lituanie, en Pologne ou en Macédoine», elle a regretté l'absence d'obligation redditionnelle pour les États-Unis. De tels obstacles sont une menace à l'état de droit et au droit à la justice pour les victimes de ces détentions secrètes, a lancé la représentante. Elle a en outre accusé la Roumanie et la Macédoine de continuer à nier toute participation dans ces opérations, malgré l'abondance de preuves et un procès en cours devant la Cour européenne des droits de l'homme. Les États qui ont interdit la détention secrète doivent répondre à leurs obligations de protection des personnes privées de liberté, et diligenter des enquêtes sur les allégations de détention secrète de manière indépendante, efficace et impartiale, a conclu la représentante.

MME HAYIN-RAY ANTILEO (France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand) a observé qu'au Chili, le peuple mapuche est, depuis des siècles et comme de nombreux autres peuples du continent, en butte aux stratégies du gouvernement pour s'approprier ses ressources et criminaliser ses revendications sociales: quatre militants ont été ainsi condamnés en vertu de la loi antiterroriste en vigueur au Chili. Le Gouvernement chilien commence depuis peu à comprendre la vraie nature des revendications du peuple mapuche, s'est toutefois félicitée la représentante, soulignant un changement d'attitude des nouvelles autorités. La représentante a demandé aux autorités de mettre en liberté les quatre personnes encore détenues au motif fallacieux d'activités terroristes.

MME HORAZIO RAVENNA (Assemblée permanente pour les droits de l'homme) a attiré l'attention sur la situation préoccupante dans les centres de détention en Argentine où les cas de mauvais traitements et de torture sont en très forte augmentation ces dernières années. Bien souvent, les cas dénoncés sont classés sans suite. La qualification des faits, lorsqu'elle a lieu, utilise le terme de «lésions» afin de falsifier les statistiques. Dans ce contexte, l'APDH enjoint l'État argentin à mettre en œuvre les mesures nécessaires afin de garantir le respect des droits de l'homme des personnes privées de liberté, de permettre les enquêtes nécessaires et de sanctionner les responsables de torture et de mauvais traitements.

Conclusions des Rapporteurs spéciaux

M. MARTIN SCHEININ, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, a déclaré qu'il convient d'adopter une définition restreinte du terrorisme afin de garantir le respect des droits de l'homme tout en assurant l'efficacité de la lutte contre ce problème. La définition restreinte présente l'autre avantage de ne pas laisser la place à des exceptions. Les pratiques optimales relatives aux victimes du terrorisme sont des composantes essentielles de la construction de sociétés débarrassées de ce fléau, a ajouté le Rapporteur spécial. Le fait de traiter d'une même manière toutes les catégories de victimes permet d'améliorer les mesures de réparation à leur bénéfice. Ce qui importe dans ce contexte, c'est d'appliquer une définition cohérente du statut de victime.

Les listes de terroristes devraient être établies par le Conseil de sécurité sur une base juridique normalisée, a poursuivi le Rapporteur spécial. D'ici à l'adoption d'un tel instrument, il appartient aux appareils judiciaires des États de se prononcer sur la légalité de leur établissement. S'agissant de la mis en œuvre des dix pratiques optimales, le Rapporteur spécial a espéré que le Conseil approuvera les propositions faites dans son rapport. Le Rapporteur spécial s'est félicité des déclarations encourageantes des délégations de la Tunisie et de l'Égypte à cet égard. Il faudrait en outre que les organisations et autorités intéressées par la question les examinent aussi, de même que les organisations de la société civile, au niveau tant national qu'international. Le Rapporteur spécial a encore indiqué que son rapport reflétait les préoccupations liées au rapatriement des personnes détenues à Guantánamo dans leurs pays d'origine, un problème soulevé par plusieurs délégations. Au chapitre des détentions secrètes, le Rapporteur spécial a relevé avec satisfaction que le Conseil d'Europe, notamment, s'était saisi de ce problème.

De façon générale, l'exercice du mandat est compliqué d'abord par le fait que le Rapporteur spécial n'a pas eu accès à tous les pays auxquels il avait demandé des invitations, a poursuivi M. Scheinin. Autre difficulté, les relations complexes que le Conseil des droits de l'homme entretient avec ses mécanismes spécialisés. Le représentant s'est, à ce propos, félicité d'une tendance positive qu'il décèle dans la manière dont le Conseil a abordé aujourd'hui l'examen de son rapport: en effet, les délégations se sont toutes, sauf le Bélarus, exprimées sur le fond de son propos.

M. JUAN ERNESTO MÉNDEZ, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a indiqué qu'il entendait maintenir le dialogue sur le contenu du rapport et sur les mesures mises en place par les deux États concernés ayant pris la parole ce matin, la Jamaïque en particulier. Le débat est bien engagé, a-t-il noté, assurant que le choix des termes utilisés, celui de torture en particulier, était fait avec le discernement le plus grand possible: «Le choix des mots se fait avec le plus grand soin», a-t-il assuré.

Quant à la critique selon laquelle ses propositions ne sont pas réalisables en raison de la faiblesse des ressources, M. Méndez estime que le plus important à cet égard est la volonté politique. Des États, même lorsqu'ils ont très peu de moyens, sont capables de mettre en œuvre de pratiques optimales. Les ressources sont certes importantes mais pas décisives. Il faut en outre favoriser les transferts de technologie depuis les pays les plus riches. Un réseau de médecins légistes existe et il faut encourager la multiplication des contacts entre eux dans un contexte de valeurs partagées. C'est d'ailleurs l'une des tâches que s'assigne le Rapporteur spécial, a précisé celui-ci.

Il faut par ailleurs s'adapter aux circonstances, aux lieux, et aux méthodes de torture, a ajouté M. Méndez. La définition de la torture ne s'applique qu'aux actes des agents de l'État. Or, ce critère échappe aux cas de la violence faite aux femmes ou au sein du foyer, a-t-il observé. Par ailleurs, les lois et les normes de procédure sont tellement formalistes qu'il est très difficile pour les victimes de s'en prévaloir.

M. Méndez a noté la difficulté que représente le fait que les séquelles de la torture disparaissant avec le temps. Des techniques ont été mises au point aujourd'hui pour déceler ces traces invisibles de torture. Le Rapporteur spécial a indiqué avoir insisté sur la médecine légale afin d'offrir des alternatives aux États. M. Méndez a dit croire de plus en plus aux techniques scientifiques en tirant partie des connaissances actuelles.

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