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Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Rwanda
08 mars 2011
8 mars 2011
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné aujourd'hui le rapport du Rwanda sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, le Ministre de la justice et Garde des sceaux du Rwanda, M. Tharcisse Karugarama, a fait observer – en ce 8 mars, Journée internationale de la femme – que les femmes du Rwanda, qui appartenaient jadis au groupe le plus marginalisé, constituent aujourd'hui 56% des membres du Parlement, 38% des membres du Gouvernement et la moitié des juges de la Cour suprême. Il a par ailleurs adressé une invitation ouverte à tous les rapporteurs spéciaux, groupes de travail et comités et à toutes les autres personnes intéressées qui souhaiteraient venir au Rwanda pour y évaluer ce qui se passe sur le terrain. S'agissant de la question des groupes ethniques au Rwanda, le Ministre de la justice a indiqué que les termes batwa, bahutu et batutsi ne renvoyaient pas, dans le contexte rwandais, à des groupes ethniques distincts, mais plutôt à des classes sociales associées à des emplois que ces groupes occupaient, à savoir chasseurs, cultivateurs et pasteurs. Dans le contexte rwandais, les groupes marginalisés ont inclus les Batwas, les femmes, les personnes handicapées, les personnes souffrant de la lèpre, les malades mentaux, entre autres. La question des femmes a été traitée et celle des Batwas, qui représentent environ 30 000 personnes, est en train d'être prise à bras le corps par le biais de la fourniture de l'éducation gratuite, de soins médicaux gratuits, de logements gratuits et de la création de capacités économiques. Pour ce qui est de la réintégration des réfugiés et des personnes de retour, le Ministre de la justice a indiqué que les anciens combattants ont été réintégrés dans l'armée nationale et que les réfugiés et personnes de retour ont été réintégrés dans les communautés. Au total, à la fin de l'année 2010, le Rwanda avait rapatrié 3 409 977 personnes et les avait toutes réinstallées.
La délégation rwandaise était également composée de représentants de la Commission nationale rwandaise pour l'unité et la réconciliation, du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères et de la coopération. La Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme du Rwanda, Mme Zainabu Sylvie Kayitesi, est intervenue pour indiquer que la Commission accorde une attention toute spécifique à la promotion des droits des personnes les plus marginalisées, à savoir les personnes vivant avec le VIH/sida, les personnes handicapées et les Batwas. «L'unité et la réconciliation, au Rwanda, c'est la survie», a souligné la délégation. Elle a indiqué que très bientôt, les audiences des tribunaux gacaca – qui n'ont plus à se prononcer que sur une centaine d'affaires – seront totalement closes. Le Rwanda compte aujourd'hui environ 58 000 détenus dont près de 40 000 relèvent du génocide. Environ 1,5 million de personnes au total ont été jugées par les tribunaux gacaca, la plupart ayant été réintégrées dans leur communauté, ce qui constitue le principal succès du processus de réconciliation.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Rwanda, M. Kokou Mawuena Ika Kana Ewomsan, a souligné que les Batwas constituent un groupe minoritaire marginalisé et victime de la persistance de stéréotypes traditionnels. Le problème le plus urgent, selon diverses sources, est lié à la protection du droit des Batwas à la terre, alors que le retour des exilés a entraîné l'expropriation de nombreux Batwas de leurs terres. Si la Constitution de 2003 interdit la discrimination raciale, il apparaît que tous les aspects de l'article premier de la Convention n'ont pas été pris en compte dans la définition de la discrimination raciale retenue par le Rwanda, notamment pour ce qui a trait à la discrimination fondée sur l'ascendance et l'origine nationale, a relevé le rapporteur. Parmi les aspects négatifs du processus des tribunaux gacaca, certains ont noté que les juridictions gacaca ont souvent imposé de lourdes condamnations fondées sur des éléments peu probants. M. Ewomsan s'est par ailleurs inquiété que selon des informations, les Rwandais réfugiés dans les pays voisins auraient été forcés de rentrer. D'autre part, les réfugiés rwandais qui rentrent de la République démocratique du Congo seraient victimes de tracasserie à cause de leurs liens supposés avec les milices interhamwe de l'ancien régime.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Rwanda qui seront rendues publiques à la clôture de la session, vendredi prochain, 11 mars – date de la prochaine séance publique.
Présentation du rapport
M. Tharcisse Karugarama, Ministre de la justice et Garde des sceaux de la République du Rwanda, a indiqué que la date du 8 mars est très importante pour le Rwanda car il s'agit de la Journée internationale de la femme. Auparavant, a-t-il souligné, les femmes du Rwanda appartenaient au groupe le plus marginalisé, alors qu'aujourd'hui, elles constituent 56% des membres du Parlement, 38% des membres du Gouvernement et la moitié des juges de la Cour suprême.
Le Rwanda a ratifié la quasi-totalité des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et leurs protocoles et celui qui reste encore à ratifier le sera bientôt, a poursuivi le Ministre de la justice. En outre, a-t-il fait valoir, le pays a levé toutes les réserves qu'il maintenait à l'égard de certains instruments internationaux essentiels, y compris celle qu'il avait prononcée à l'égard de l'article 22 de la Convention. M. Karugarama a adressé une invitation ouverte à tous les rapporteurs spéciaux, groupes de travail et comités et à toutes les autres personnes intéressées qui souhaiteraient venir au Rwanda pour y évaluer ce qui se passe sur le terrain. Il a rappelé que le présent rapport porte sur la période 1998-2008.
S'agissant de la question des groupes ethniques au Rwanda, M. Karugarama a indiqué que les termes batwa, bahutu et batutsi ne renvoyaient pas, dans le contexte rwandais, à des groupes ethniques distincts, mais plutôt à des classes sociales associées à des emplois que ces groupes occupaient, à savoir chasseurs, cultivateurs et pasteurs. Il a expliqué que les Rwandais étaient divisés en clans qui puisaient leurs membres dans tous ces groupes de sorte que des Batwas, des Bahutu et des Batutsi appartenaient à un même clan. Cela a toujours été le cas, depuis des temps immémoriaux, a insisté le Ministre. Il a demandé comment des personnes appartenant au même clan, parlant la même langue et partageant la même culture pourraient en même temps appartenir à des groupes ethniques différents et a affirmé qu'une telle perception des choses relève d'une distorsion de l'histoire rwandaise promue par des opportunistes politiques et d'autres profiteurs qui ont exploité une telle vision des choses afin de promouvoir des ordres du jour personnels.
M. Karugarama a indiqué que dans le contexte rwandais, les groupes marginalisés ont inclus les Batwas, les femmes, les personnes handicapées, les personnes souffrant de la lèpre, les malades mentaux, entre autres. La question des femmes a été traitée et celle des Batwas, qui représentent environ 30 000 personnes, est en train d'être prise à bras le corps par le biais de la fourniture de l'éducation gratuite, de soins médicaux gratuits, de logements gratuits et de la création de capacités économiques.
Pour ce qui est de la réintégration des réfugiés et des personnes de retour, le Ministre de la justice a indiqué que les anciens combattants ont été réintégrés dans l'armée nationale et que les réfugiés et personnes de retour ont été réintégrés dans les communautés. Au total, à la fin de l'année 2010, le Rwanda avait rapatrié 3 409 977 personnes et les avait toutes réinstallées, a-t-il précisé.
Evoquant le rôle des tribunaux gacaca dans le processus de réconciliation, M. Karugarama a indiqué que ces tribunaux ont traité environ 1,5 million d'affaires dans lesquelles environ 30% des personnes ont été acquittées et d'autres condamnées à différentes peines de détention – la plupart de ces dernières personnes ayant été libérées suite à des «interventions de compassion» ciblant les malades, les personnes âgées, les enfants et les femmes alors que d'autres effectuaient des travaux d'intérêt général. «L'effet collectif de ces interventions est qu'aujourd'hui, les anciens auteurs vivent côte à côte avec les survivants du génocide», a fait valoir le Ministre de la justice, ajoutant qu' «il n'y a pas de meurtres de vengeance». Ainsi, les tribunaux gacaca ont-ils été un bon vecteur de réconciliation car ils ont permis aux gens de connaître la vérité sur ce qui s'est passé et d'offrir aux auteurs du génocide l'opportunité de demander le pardon et aux survivants de pardonner. Telle est la base du nouveau Rwanda, a déclaré M. Karugarama, avant de faire valoir les mesures prises pour assurer l'éducation gratuite à tous les enfants et fournir à tous les citoyens rwandais une mutuelle de santé (mutuelle dont le taux de couverture dépasse actuellement les 92%).
M. Karugarama a en outre fait part des mesures prises pour prévenir toute réapparition d'un conflit dans le pays, soulignant notamment qu'une disposition de la Constitution demande au Président rwandais d'organiser chaque année des consultations nationales afin de demander aux citoyens rwandais de parler de tous les problèmes et défis nationaux qui se posent à eux.
Le document regroupant les treizième à dix-septième rapports périodiques du Rwanda (CERD/C/RWA/13-17) n'est pas disponible en français.
Examen du rapport
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Rwanda, M. Kokou Mawuena Ika Kana Ewomsan, a rappelé que l'examen du précédent rapport périodique du Rwanda remonte à mars 2000. Le Rwanda se trouve dans un processus de reconstruction après le génocide (de 1994) qui constitue l'un des événements les plus atroces et tragiques du XXème siècle. La première cause de tout génocide est la haine raciale ou ethnique, a rappelé le rapporteur. Comme le reconnaît le présent rapport, le génocide des Tutsis est une conséquence directe des pratiques discriminatoires qui ont été systématisées un certain temps, a-t-il souligné.
M. Ewomsan a relevé qu'en 2008, selon ce qu'indique le présent rapport, la population totale du Rwanda était de 9,5 millions et qu'actuellement, selon le rapport présenté dans le cadre de l'Examen périodique universel, la population est estimée à 11 millions d'habitants. Aussi, le rapporteur a-t-il souhaité savoir à quand remonte le dernier recensement de la population. M. Ewomsan a rappelé que la population du Rwanda est composée de trois groupes ethniques: les Hutus, qui représentent 84% de la population; les Tutsis, qui représentent 15%; et les Batwas, qui représentent 1%.
Les Batwas constituent un groupe minoritaire marginalisé et victime de la persistance de stéréotypes traditionnels, a déclaré le rapporteur, avant de s'enquérir des mesures prises par le Gouvernement pour protéger les Batwas contre la discrimination et leur permettre d'accéder aux services sociaux et de participer aux affaires publiques. Le problème le plus urgent, selon diverses sources, est lié à la protection du droit des Batwas à la terre, alors que le retour des exilés a entraîné l'expropriation de nombreux Batwas de leurs terres.
M. Ewomsan a relevé que sur le plan législatif, le Rwanda a adopté en 2003 une nouvelle Constitution qui réaffirme son attachement aux principes de droits de l'homme tels que définis dans les instruments normatifs universels, dont la Convention. Sur le plan législatif, a-t-il ajouté, le Rwanda a fait des progrès car les conventions et traités ratifiés par le pays sont intégrés dans le droit positif et ont primauté sur le droit interne. Le Comité des droits de l'homme a exprimé sa préoccupation face à la non-reconnaissance, par le Rwanda, des minorités et des peuples autochtones, a poursuivi le rapporteur, faisant observer que le pays n'a toujours pas ratifié la Convention n°169 de l'OIT sur les droits des peuples autochtones et tribaux. Si la Constitution de 2003 interdit la discrimination raciale, il apparaît que tous les aspects de l'article premier de la Convention n'ont pas été pris en compte dans la définition de la discrimination raciale retenue par le Rwanda, notamment pour ce qui a trait à la discrimination fondée sur l'ascendance et l'origine nationale, a relevé M. Ewomsan, priant le Rwanda de veiller à ce que tous les éléments de la définition de la discrimination raciale soient dûment pris en compte.
M. Ewomsan a par ailleurs fait observer que selon le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, la loi relative à l'idéologie du génocide qui a été adoptée en 2008 (pour compléter celle de 2003) risque de limiter toute opposition au Gouvernement, même modérée et de restreindre le plein exercice du droit à la liberté d'expression; pour Human Rights Watch, cette loi est utilisée pour censurer le débat, discréditer les auteurs de critiques de l'action des autorités et tenter de donner une version unique de l'histoire récente du Rwanda. Aussi, M. Ewomsan a-t-il souhaité savoir si le Rwanda envisageait la révision de cette loi en vue de la rendre plus précise et plus ciblée. La loi sur l'idéologie du génocide, du sectarisme et du divisionnisme serait utilisée pour intimider des opposants politiques et aurait aussi été utilisée pour interdire certaines organisations de défense des droits de l'homme, a insisté le rapporteur.
S'agissant de l'administration de la justice gacaca, M. Ewomsan a rappelé que c'est pour résoudre les énormes difficultés liées à l'instruction des dossiers et au problème de la réparation pour les victimes du génocide que le Rwanda a mis en place, pour juger les accusés, un mécanisme traditionnel de «justice sur l'herbe»: la gacaca. Ces tribunaux gacaca ont réussi à traiter un grand nombre d'affaires et à réduire de façon considérable la population carcérale, a fait valoir le rapporteur, avant de s'enquérir du bilan actuel de ce processus. Parmi les aspects négatifs du processus (des tribunaux gacaca), Human Rights Watch note que les juridictions gacaca ont souvent imposé de lourdes condamnations fondées sur des éléments peu probants. Dans certains cas, des témoins de la défense n'ont pas osé témoigner de peur d'être accusés de génocide. Selon Commonwealth Human Rights Initiative, les personnes traduites devant les tribunaux gacaca ne peuvent être représentées par des avocats, ce qui constitue une violation de la Constitution et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a ajouté le rapporteur.
M. Ewomsan s'est en outre enquis du nombre et de la situation des réfugiés au Rwanda. Selon des informations, a-t-il fait observer, les Rwandais réfugiés dans les pays voisins seraient rentrés suite à une pression exercée sur ces pays; autrement dit, des gens auraient été forcés de rentrer, s'est-il inquiété, faisant état de plus de 1700 Rwandais vivant dans les camps de Nikivale et de Kyaka qui, les 14 et 15 juillet dernier, ont été renvoyés de force au Rwanda. Les réfugiés rwandais qui rentrent de la République démocratique du Congo seraient victimes de tracasserie à cause de leurs liens supposés avec les milices interhamwe de l'ancien régime, s'est également inquiété M. Ewomsan, avant de demander à la délégation de fournir des informations sur toutes ces questions.
Sur le terrain, des préjugés subsistent; au niveau local, ces préjugés – notamment à l'encontre des Batwas - sont enracinés et les pouvoirs locaux et central peuvent ne pas s'en rendre compte, a souligné un autre membre du Comité. Cet expert a par ailleurs demandé si les personnes qui souhaitent utiliser le français ne rencontrent aucun problème pour utiliser cette langue dans le Rwanda d'aujourd'hui.
Un expert a relevé que selon ce qu'a expliqué la délégation rwandaise, la différence entre Tutsis et Hutus renverrait non pas à l'existence de deux ethnies mais à une construction sociale conduite par les colonisateurs et qui a fini par devenir, pour la population, une perception de l'autre; le Gouvernement rwandais essaie maintenant d'éliminer cette perception, ce qui est une tâche ardue, a-t-il souligné. Relevant par ailleurs l'explication de la délégation selon laquelle les termes de batwa, bahutu et batutsi ne renvoient pas, dans le contexte rwandais, à des groupes ethniques distincts, mais plutôt à des classes sociales associées à des emplois que ces groupes occupaient traditionnellement, cet expert a rappelé que le Comité est parfaitement habilité à traiter de la discrimination fondée sur l'ascendance si tant est qu'il y ait au Rwanda discrimination sur ce motif pour cause d'appartenance à une de ces classes sociales. Faisant par ailleurs observer que les Batwas sont déplacés des forêts et ainsi coupés du milieu associé à leur mode de vie, cet expert a souhaité savoir si le Rwanda reconnaît les Batwas comme un peuple autochtone et s'il prend ou peut prendre des mesures spéciales tenant compte de la situation marginalisée de ce groupe.
Il n'y aurait donc pas d'ethnies différentes au Rwanda, a lui aussi relevé un expert; mais l'histoire tragique du pays révèle qu'il y a eu, à plusieurs reprises, des conflits violents ayant opposé Tutsis et Hutus, a-t-il rappelé. Quoi qu'il en soit, le fait est que subsiste une perception et le souhait du Comité est que cette perception n'aboutisse pas à des conflits qui pourraient se reproduire, a souligné l'expert. Tout en relevant les mérites de la justice traditionnelle des tribunaux gacaca, cet expert s'est néanmoins inquiété du risque de voir, dans le cadre de cette justice traditionnelle, les complices de seconde zone être condamnés avec plus de sévérité que les principaux auteurs du génocide qui, eux, sont traduits devant le Trinunal pénal spécial pour le Rwanda où ils bénéficient de toutes les garanties nécessaires.
Au regard notamment de leur forte présence au Parlement, dont elles constituent 56% des membres, la situation des femmes au Rwanda fait la fierté de l'Afrique, a souligné une experte. Elle s'est enquise de l'œuvre principale de ces femmes à l'Assemblée: quelles lois ont-elles initiées ?
Un membre du Comité a estimé que le Comité devrait accorder sa confiance au Rwanda, qui affirme qu'il n'y a pas de groupes ethniques distincts dans ce pays, et ne pas insister pour obtenir des données ventilées sur la composition de la population.
La Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme du Rwanda, MME Zainabu Sylvie Kayitesi, a rappelé que la Commission nationale des droits de l'homme du Rwanda a été créée en 1999 et est conforme aux principes de Paris; elle est composée de sept commissaires permanents, nommés pour un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois. Cette Commission dispense des programmes de formation aux droits de l'homme incluant systématiquement une présentation de la Convention, a souligné la Présidente. En outre, cette Commission collabore avec celle qui est chargée de la démobilisation, du désarmement et de la formation des anciennes milices revenues au Rwanda, a-t-elle ajouté.
La Commission nationale des droits de l'homme du Rwanda accorde une attention toute spécifique à la promotion des droits des personnes les plus marginalisées, à savoir les personnes vivant avec le VIH/sida, les personnes handicapées et les Batwas, a indiqué Mme Kayitesi. Les Batwas constituent le groupe qui, historiquement, a été le plus marginalisé au Rwanda; aussi, le nouveau Gouvernement a-t-il mis en place une politique de réintégration totale de ces personnes, a-t-elle précisé.
La Commission reçoit de l'État une dotation d'environ deux millions de dollars par an soit un budget supérieur à celui de certains ministères, a fait valoir Mme Kayitesi, se disant satisfaite de ce que reçoit l'institution, tant du point de vue des moyens financiers que du point de vue des moyens humains.
Pour ce qui est des tribunaux gacaca, la Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme a expliqué que le génocide s'est produit en plein jour devant les Rwandais et que partout, ce sont les voisins des victimes qui en ont été les principaux témoins. C'est pourquoi on a souhaité éviter le système de l'avocat; parce que les avocats auraient pu provenir d'une autre province (que celle où s'étaient déroulés les faits poursuivis) sans connaître la réalité, a-t-elle déclaré.
Réponses de la délégation
Il serait incorrect, d'un point de vue historique, d'affirmer qu'il y a des peuples autochtones au Rwanda, a souligné la délégation. Elle a dénoncé les tentatives qui ont été faites de diviser les Rwandais, soulignant que certains sont allés jusqu'à dire qu'une personne était tutsie ou hutue selon qu'elle possédait plus ou moins de têtes de bétail.
La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le rôle clef joué par l'institution de la Commission nationale rwandaise pour l'unité et la réconciliation, créée au lendemain du génocide. «L'unité et la réconciliation, au Rwanda, c'est la survie», a-t-elle souligné. Tous les Rwandais ont été associés au processus de réconciliation, a-t-elle assuré. Désormais, a insisté la délégation, les gens vivent ensemble et cela s'exprime dans des associations. Apparaissent en effet des clubs d'unité et de réconciliation parmi la jeunesse, alors que d'autres associations se consacrent davantage au processus de développement. Aujourd'hui, le pays enregistre plus de 600 associations regroupant à la fois des familles des victimes de génocide et des familles de prisonniers condamnés pour leur participation au génocide, a indiqué la délégation. Pour autant, la Commission nationale rwandaise pour l'unité et la réconciliation, qui ne compte qu'une cinquantaine de membres, ne peut régler à elle seule toutes les questions et c'est pourquoi elle s'appuie pour ce faire sur un réseau de forums qui sont organisés en collaboration avec la société civile.
Le génocide au Rwanda est un génocide qui visait les Tutsis, bien que des Hutus soient également morts, a déclaré la délégation, précisant que les Hutus qui sont morts sont des Hutus qui n'étaient pas d'accord avec le Gouvernement du génocide.
En ce qui concerne la justice traditionnelle gacaca, la délégation a indiqué que très bientôt, les audiences des tribunaux gacaca – qui n'ont plus à se prononcer que sur une centaine d'affaires – seront totalement closes. Le Rwanda compte aujourd'hui environ 58 000 détenus dont près de 40 000 relèvent du génocide, a indiqué la délégation. À ceux qui pourraient s'interroger sur le sort des autres personnes alors qu'environ 1,5 million de personnes au total ont été jugées par les tribunaux gacaca, la délégation a fait valoir qu'elles ont été réintégrées dans leur communauté et que c'est bien là le principal succès du processus de réconciliation. Les tribunaux ordinaires ont jugé 15 000 personnes et le tribunal pénal international pour le Rwanda, qui siège à Arusha, a jugé moins de cinquante personnes, a rappelé la délégation, souhaitant mettre en exergue l'utilité du rôle joué par les tribunaux gacaca.
Officiellement, a par ailleurs souligné la délégation, le Rwanda est trilingue et tous les documents officiels sont donc rédigés dans ces trois langues: kinyarwanda, anglais et français. Le français est enseigné à l'école, tout comme l'anglais; le kinyarwanda, lui, est enseigné durant les trois premières années d'école. En ce qui le concerne, l'anglais est promu en tant que langue des affaires et du commerce, a précisé la délégation. Le français et l'anglais ne sont que des vecteurs d'expression et la plupart des gens, sur le terrain, parlent ces deux langues; les autorités entendent maintenir ce bilinguisme dans un pays qui, rappelons-le, est trilingue, a insisté la délégation.
La délégation a rejeté toute allégation de rapatriement forcé au Rwanda.
La délégation a expliqué que les principaux défis du Rwanda, aujourd'hui, ce ne sont pas les Rwandais, qui savent parfaitement qui ils sont et où ils veulent aller; ce sont plutôt des défis liés au monde extérieur, dont les intellectuels – a affirmé la délégation - ne devraient pas se fonder sur certains articles de journaux.
Personne n'est condamné à vivre dans la forêt au Rwanda, a par ailleurs assuré la délégation.
La délégation a rappelé que le pays a connu un génocide causé par la discrimination. Il n'est donc pas possible au Rwanda qu'il y ait discrimination sous quelque forme que ce soit, a-t-elle assuré. Toute forme de discrimination au Rwanda est taboue et est interdite par la loi, a-t-elle insisté.
Questions complémentaires des membres du Comité
Un membre du Comité a rappelé que traditionnellement, la population rwandaise était structurée en une vingtaine de clans composés d'éleveurs - les Tutsis -, d'agriculteurs - les Hutus -, et d'artisans - les Twas. Chaque clan avait un chef. Les populations parlaient la même langue, se mariaient entre elles, partageaient la même religion et passaient d'un groupe à un autre: on ne peut donc pas parler d'ethnies dans le contexte du Rwanda, a souligné cet expert. Ce système féodal était basé sur la possession de troupeaux et de terres; il y avait un chef du bétail, un chef des terres - et même un chef militaire. À leur arrivée, les colonisateurs allemands puis belges cherchèrent à comprendre cette société mobile, complexe, qui ne correspondait pas aux critères européens et s'efforcèrent de classer la population, associant alors la catégorie des Tutsis à une race supérieure. Leur administration coloniale ne respecta pas les chefs des clans dirigés par des Hutus. Ainsi, la distinction, au départ socioprofessionnelle et politique, entre Hutus et Tutsis devint-elle raciale dans l'organisation coloniale de la société et tout cela fut intégré par les populations, a expliqué l'expert.
Si la différence entre Hutus et Tutsis ne procède que d'une simple perception (imposée par les colonisateurs), alors pourquoi le génocide a-t-il eu lieu, a demandé un expert; n'y aurait-il pas des causes économiques ou sociales ?
Au Burundi, la Constitution prévoit une place pour les Batwas dans les deux chambres législatives (Sénat et Assemblée nationale); en République démocratique du Congo, il est dit que les pygmées sont couverts par la loi sur les peuples autochtones; en Égypte, les Bédouins sont reconnus comme une population autochtone; l'Algérie, pour sa part, a reconnu le tamazight comme langue nationale; quant à l'Afrique du Sud, elle a engagé un processus pour reconnaître les San, par exemple, comme une population autochtone vulnérable. Le Rwanda pourrait s'inspirer des exemples de ces pays, a estimé un expert.
Certes nous ne sommes qu'une seule race, la race humaine; mais lorsque l'on a dit cela, le racisme n'est pas éradiqué car les mythes ont la vie dure, a souligné un membre du Comité. Tous les membres d'une même famille ne sont pas toujours d'accord; le conflit est inhérent à la conscience humaine et l'identité, elle-même, est mouvante, a-t-il ajouté.
Qu'est-ce qui est fait aujourd'hui pour garantir l'unité de la population rwandaise, a demandé un expert, soulignant à cet égard le rôle essentiel que doit jouer l'éducation ? Cet expert s'est en outre enquis du statut des étrangers au Rwanda; comment sont-ils traités ?
Réponses complémentaires de la délégation
Commentant la thèse de l'universitaire belge René Lemarchand, mentionnée par un membre du Comité au début de la série de questions complémentaires, la délégation a déclaré que la présence des Allemands au Rwanda avait eu un impact positif, car les Allemands n'ont pas essayé de diviser pour mieux régner; ils ont respecté ce qu'ils ont trouvé sur place et ont encouragé la croissance alors que les Belges ont tout détruit sur leur passage, a expliqué la délégation.
Tous les chercheurs, tous ceux qui ont mené des recherches sur la question, sont d'accord pour dire qu'il n'y a pas de groupes ethniques au Rwanda, a affirmé la délégation. Il n'y a pas de groupes ethniques au Rwanda, mais nous reconnaissons que les gens peuvent être différents et avoir des avis différents, a-t-elle ensuite souligné.
Si dans les faits, il n'y a pas de peuples autochtones au Rwanda, nous n'allons pas en créer sous prétexte que d'autres pays du continent en reconnaissent, a souligné la délégation. Or, il n'y a pas de peuple autochtone au Rwanda, a-t-elle de nouveau assuré.
Exposant le système de justice en vigueur au Rwanda, la délégation a indiqué qu'elle repose sur un mélange de droit civil, de common law et de règlement traditionnel des différends fondé sur l'intervention de groupes de médiation. Si le litige n'a pas été réglé par la médiation, il peut être porté devant les tribunaux, a-t-elle précisé. Les décisions des tribunaux peuvent faire l'objet d'un appel, mais seulement lorsque l'on est assuré que la personne ne va pas dépenser plus en frais de justice que les sommes en jeu dans le litige. Il n'est pas rare qu'à l'issue du règlement d'un différend après intervention d'un groupe de médiation, les parties se retrouvent pour fêter la fin du conflit, a fait valoir la délégation, soulignant l'apport bénéfique de la tradition à une telle culture du pardon.
Au Rwanda, il y a des parlementaires, des universitaires et même un sénateur batwas, a indiqué la délégation.
S'agissant des causes du génocide, la délégation a rappelé qu'avant d'engager le processus de réconciliation, le Rwanda avait tenu des consultations populaires pour déterminer comment la population rwandaise comprenait le génocide; comment elle expliquait qu'un matin, une personne pouvait en arriver à se lever pour tuer son voisin. Ces consultations, menées dans 141 communes, ont fait apparaître quatre raisons ayant conduit au génocide, a indiqué la délégation: mauvaise gouvernance (ou mauvais leadership); propagation d'une idéologie (car il ne saurait y avoir de génocide sans idéologie); conditions socioéconomiques (pauvreté); et impunité (manque de justice). En effet, pour ce qui est de l'aspect idéologique, le génocide a été préparé avec minutie à compter de 1958, lorsque furent mis en place les dix commandements des bahutu, fondés sur la haine du bahutu contre le batutsi, a souligné la délégation. Par ailleurs, évoquant les causes du génocide liées aux conditions socioéconomiques et à la pauvreté, la délégation a expliqué que l'une des raisons pour lesquelles le génocide a été massif est que les leaders du génocide promettaient aux paysans de récupérer les biens de leurs voisins lorsqu'ils les auraient éliminés, a-t-elle expliqué.
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