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Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Arménie
01 mars 2011
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Arménie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Arman Kirakossian, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a souligné que le Gouvernement arménien condamne la discrimination sous toutes ses formes et toutes ses manifestations. Depuis la création de la fonction en 2003, le Défenseur des droits de l'homme a, durant la période 2004-2009, examiné avec soin quelque 24 plaintes ou requêtes qui lui ont été adressées par les représentants des onze minorités nationales vivant en Arménie; l'examen de ces demandes a montré que les violations imputées étaient de portée générale et n'étaient pas liées à l'appartenance à une minorité nationale. L'éducation publique des minorités nationales d'Arménie peut être dispensée dans la langue maternelle ou la langue nationale de ces minorités, avec un apprentissage obligatoire de la langue arménienne. En dépit des immenses efforts qu'elle a consentis depuis des années pour résoudre les problèmes rencontrés par plus de 400 000 réfugiés exilés d'Azerbaïdjan, l'Arménie n'a toujours pas complètement résolu le problème du logement des réfugiés, a d'autre part reconnu le Vice-Ministre. Le Gouvernement est confronté au problème des personnes déplacées en raison du conflit au Nagorno-Karabakh et de l'activité de l'armée azerbaïdjanaise à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, a-t-il rappelé.
La délégation arménienne était également composée de représentant du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères, de la Police et du Département des minorités ethniques et des affaires religieuses.
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arménie, M. Ion Diaconu, s'est inquiété qu'une organisation politique arménienne – l'Union des Aryens arméniens – aurait demandé l'expulsion des Yézidis, des Kurdes et des juifs d'Arménie. Il a en outre fait état d'informations selon lesquelles des traditions culturelles entravent l'accès à l'éducation dans des communautés yézidis, kurdes et molokan («vieux-croyants» russes). Au regard, notamment, des déclarations de certains officiels de haut rang, M. Diaconu s'est inquiété qu'il pourrait exister en Arménie une attitude de suspicion à l'égard des étrangers, de rejet d'autres personnes voire de stéréotype concernant les personnes d'une autre origine ethnique. Il s'est aussi demandé s'il y avait encore des Azéris dans le pays, ce à quoi la délégation a répondu qu'il existe aujourd'hui en Arménie des personnes d'origine azerbaïdjanaise issues de mariages mixtes.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Arménie qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République de Moldova (CERD/C/MDA/8-9).
Présentation du rapport
M. ARMAN KIRAKOSSIAN, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a souligné que le Gouvernement arménien condamne la discrimination sous toutes ses formes et toutes ses manifestations. La législation nationale assure l'égalité de tous les citoyens, dans toutes les sphères de la vie et sans discrimination, exclusion, restriction ou préférence aucune fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, a-t-il ajouté.
M. Kirakossian a par ailleurs rappelé que son pays avait accepté 95% des recommandations qui lui avaient été adressées par les 47 pays membres du Conseil des droits de l'homme lors de son Examen périodique universel, en mai 2010; la majorité de ces recommandations sont en cours d'application, a-t-il précisé. Il a par ailleurs indiqué que le Programme national de protection des droits de l'homme est en cours d'élaboration et sera approuvé cette année.
Le Département des minorités ethniques et des affaires religieuses et le Conseil de coordination des activités des unions culturelles et nationales de la République d'Arménie continuent de jouer un rôle actif dans la sensibilisation aux questions affectant les minorités nationales et dans la recherche de solutions aux questions restant en suspens, a poursuivi le Vice-Ministre des affaires étrangères.
Les propriétés de l'église saisies sous le régime communiste ont été rendues aux communautés religieuses assyriennes dans les villages d'Arzni et de Verin Dvin et à la communauté orthodoxe russe à Erevan, a poursuivi M. Kirakossian. En outre, un soutien financier a été fourni par les autorités arméniennes à la restauration du cimetière juif historique à Vayots Dzor. Toutes les structures historiques, architecturales, culturelles et religieuses se trouvant sur le territoire de la République d'Arménie sont sous protection de l'État, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse, a insisté le Vice-Ministre.
La Constitution arménienne interdit «toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, l'origine ethnique ou sociale, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, le handicap, l'âge ou toute autre circonstance de nature personnelle ou sociale.», a poursuivi M. Kirakossian. Selon la Constitution, les traités internationaux ratifiés par l'Arménie font partie intégrante du système juridique arménien et prévalent sur les lois nationales, a-t-il ajouté. Suite aux amendements apportés à la Constitution par référendum en novembre 2005, les particuliers peuvent désormais saisir directement la Cour constitutionnelle du pays lorsque tous les recours judiciaires ont été épuisés. Ainsi, la Cour constitutionnelle a-t-elle reçu en 2009 quelque 295 plaintes individuelles. Le nouveau Code pénal de 2003 interdit l'incitation à la haine raciale, a par ailleurs souligné le Vice-Ministre. Il a en outre indiqué que le Code sur les délits administratifs prévoit que l'examen d'une affaire de délit administratif se déroule conformément au principe de l'égalité des citoyens.
M. Kirakossian a d'autre part indiqué que depuis sa création par une loi d'octobre 2003, le Défenseur des droits de l'homme a, durant la période 2004-2009, examiné avec soin quelque 24 plaintes/demandes qui lui ont été adressées par les représentants des onze minorités nationales résidant en Arménie. L'examen de ces demandes a montré que les violations imputées étaient de portée générale et n'avaient rien à voir avec l'appartenance à une minorité nationale. La Constitution arménienne prévoit que chacun a le droit de préserver son identité nationale et ethnique, a souligné le Vice-Ministre. En outre, toute personne appartenant à une minorité nationale en Arménie choisit librement d'être considérée ou non en tant que telle. Les autorités arméniennes continuent d'appréhender la question yézidi/kurde sur la base du principe d'auto-identification, a insisté M. Kirakossian, ajoutant par la suite qu'il a été décidé d'accéder aux demandes de ces deux peuples en publiant des livres en langue yézidi en alphabet cyrillique et en langue kurde en alphabet latin.
La loi sur l'éducation publique de juillet 2009 stipule que l'éducation publique des minorités nationales de l'Arménie peut être dispensée dans la langue maternelle ou la langue nationale de ces minorités, avec un apprentissage obligatoire de la langue arménienne. Selon cette même loi, l'éducation de base est obligatoire et l'éducation secondaire dans les institutions publiques gratuite.
Certaines des minorités nationales vivant en Arménie, comme les Assyriens, les Kurdes et les Yézidis, n'ont pas un État national qui leur serait associé, ce qui signifie qu'ils ont particulièrement besoin d'attention et de protection de la part des autorités arméniennes; ces populations considèrent d'ailleurs sans ambiguïté l'Arménie comme leur patrie.
Tous les citoyens en Arménie ont le droit de choisir leur profession et leur travail; le refus sans fondement d'embaucher quelqu'un est interdit, a poursuivi le Vice-Ministre. Les citoyens d'Arménie ainsi que les représentants d'autres nations et les personnes apatrides résidant sur le territoire de l'Arménie sont autorisés à choisir librement leur travail et leurs autres activités, a-t-il ajouté.
L'Arménie a toujours suivi une politique d'intégration totale des réfugiés, a poursuivi M. Kirakossian. Les réfugiés qui se sont vu octroyer l'asile en Arménie jouissent des mêmes services sociaux que ceux prévus pour les citoyens arméniens, a-t-il souligné. En dépit des immenses efforts qu'elle a consentis depuis des années pour résoudre les problèmes rencontrés par plus de 400 000 réfugiés exilés d'Azerbaïdjan, l'Arménie n'a toujours pas complètement résolu le problème du logement des réfugiés, a indiqué le Vice-Ministre. En outre, le Gouvernement est confronté au problème des personnes déplacées en raison du conflit au Nagorno-Karabakh et de l'activité de l'armée azerbaïdjanaise à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Afin de résoudre le problème du logement des réfugiés, le Gouvernement arménien a décidé de convoquer une conférence internationale des donateurs à Erevan le 17 mai 2011, a indiqué M. Kirakossian.
La preuve du maintien du pluralisme religieux dans le pays est attestée par le fait qu'en 1997, seules 14 organisations religieuses étaient enregistrées en tant qu'entités légales en Arménie, et que ce nombre est passé à 66 en 2010.
Enfin, le Vice-Ministre arménien des affaires étrangères a rappelé qu'à maintes occasions, la partie arménienne avait fait part de sa préoccupation face à la propagande anti-arménienne systématique et à grande échelle parrainée par un État et aux discours haineux des dirigeants azerbaïdjanais.
Le rapport périodique de l'Arménie (CERD/C/ARM/5-6) indique que selon le recensement de 2001, sur une population totale de 3 213 011 habitants, le pays comptait quelque 3 145 354 Arméniens, 40 620 Yézidis, 14 660 Russes, 3409 Assyriens, 1633 Ukrainiens, 1519 Kurdes, 1176 Grecs et 4640 autres. Onze minorités nationales vivent en harmonie avec les Arméniens qui constituent la majorité de la population, assure le rapport. Il indique par ailleurs que parmi les plaintes relatives à la discrimination raciale reçues par le Défenseur des droits de l'homme, plusieurs ont été déposées par des représentants de minorités nationales. Elles avaient notamment trait aux droits des enfants de suivre un enseignement dans la langue de leur choix, ainsi qu'à l'exercice du droit à la propriété ou du droit de vivre dans un environnement sain. Un certain nombre de plaintes sont à l'étude, les autres ont déjà été résolues par les autorités compétentes. En vue de garantir la sécurité des minorités nationales, de promouvoir les relations intercommunautaires et de mener une action plus efficace pour régler les problèmes d'ordre juridique, culturel, éducatif et autre, le Président de la République a approuvé, par un décret datant du 15 juin 2000, l'établissement du Conseil de coordination des activités des unions culturelles et nationales. Chacune des 11 minorités nationales résidant dans le pays a procédé à la nomination de 2 représentants des différentes organisations de chaque communauté pour siéger au Conseil. Pour sa part, l'Union des nationalités de la République d'Arménie est une organisation non gouvernementale bénévole, indépendante et financièrement autonome, qui s'inspire des principes consacrés par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ainsi que par la Constitution arménienne. Le Département des minorités ethniques et des affaires religieuses, créé en janvier 2004, participe à l'élaboration du plan d'action du Gouvernement, formule des recommandations sur la mise en œuvre du plan et les modifications à y apporter, et est habilitée par le Gouvernement à régir les relations entre l'État et les organisations religieuses, comme le prévoit la loi sur la liberté de conscience et les organisations religieuses, et garantit la protection des traditions des personnes appartenant à des minorités nationales ainsi que leur droit au développement de leur langue et de leur culture.
Depuis 1999, de nombreuses demandes d'asile ont été reçues de la part de ressortissants étrangers et d'apatrides, poursuit le rapport. Les personnes qui cherchent à obtenir l'asile en Arménie sont principalement des ressortissants de la République islamique d'Iran, de la Turquie, du Pakistan, de l'Afghanistan, de la Somalie et de la Géorgie. Au total, 1 603 ressortissants étrangers ont demandé l'asile, parmi lesquels 179 un statut de réfugié. Ce statut a été accordé à 24 personnes, 13 demandes sont en cours d'examen et les autres ont été rejetées. Au total, 1 424 personnes ont demandé l'asile temporaire, dont 943 ressortissants iraquiens et 481 citoyens d'autres pays. L'asile temporaire a été accordé à 811 ressortissants iraquiens (la plupart de souche arménienne mais aussi 3 Arabes, 9 Assyriens et 3 chrétiens) ainsi qu'à 19 ressortissants d'autres pays. Deux cent quarante et une demandes sont en cours d'examen, parmi lesquelles 122 ont été déposées par des ressortissants de Géorgie. Parmi ceux-ci, 6 sont de souche ossète, 6 sont Géorgiens, 5 sont Russes et les autres Arméniens.
Le Code pénal dispose que toute violation directe ou indirecte des droits et libertés de la personne fondée sur l'origine nationale, la race, le sexe, la langue, la croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine sociale ou la fortune, ayant porté atteinte aux intérêts légitimes de la personne, est passible d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement. En vertu du Code pénal, les incitations à la haine nationale, raciale ou religieuse ou à la violence, les manifestations fondées sur la supériorité d'une race, les actes d'humiliation ou les atteintes à la dignité nationale constituent des infractions et sont passibles d'une amende d'un montant équivalent à deux à cinq cents fois le salaire minimum, d'une peine maximale de deux ans de rééducation par le travail ou d'une peine allant de deux à quatre ans d'emprisonnement. En vertu de l'article 21 de la loi relative aux organisations non gouvernementales, lorsqu'une organisation incite à la violence raciale, l'autorité compétente peut saisir la justice en vue de dissoudre cette organisation. En outre, conformément à l'article 3 de la loi relative aux partis politiques, il est possible de ne pas reconnaître un parti si, d'après ses statuts, l'affiliation à ce parti n'est fondée que sur des caractéristiques nationales, raciales ou religieuses.
Eu égard aux préoccupations exprimées par le Comité au paragraphe 282 de ses observations finales, selon lesquelles des obstacles sont imposés aux organisations religieuses autres que l'Église apostolique arménienne telles que les associations de bienfaisance, et à la construction de lieux de culte, il convient d'indiquer que le Département des minorités ethniques et des affaires religieuses n'a été informé d'aucun problème concernant la construction de lieux de culte. Nombre d'organisations religieuses ont édifié de nouveaux lieux de culte et pratiquent leur religion sans obstacle. Les statistiques montrent qu'il n'existe absolument aucune discrimination fondée sur l'appartenance nationale entre les élèves, à tous les niveaux, et que cette situation est notamment due à l'efficacité du cadre juridique en place dans le secteur de l'éducation. L'article 6 de la loi sur l'éducation garantit le droit à l'éducation sans distinction de nationalité, de race, de religion, d'opinions politiques ou autres, d'origine sociale, de fortune ou de toute autre condition.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
M. ION DIACONU, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Arménie, a d'emblée souligné que l'Arménie est un pays qui a eu et continue d'avoir à relever de nombreuses difficultés, comme le soudain changement de régime politique, le fait d'avoir eu à faire face à un conflit douloureux qui a entraîné un flux énorme de réfugiés et de personnes déplacées, ou encore traverser une période de transition vers un système démocratique et une économie décentralisée – tout cela dans un environnement géographique qui n'est pas totalement favorable.
Relevant que le rapport contient des références à des actions menées par d'autres États parties à la Convention qui seraient en violation de cet instrument, M. Diaconu a rappelé que le Comité n'accepte pas une telle approche dans l'examen de la mise en œuvre de la Convention. La Convention prévoit, en son article 11, une procédure spéciale pour les plaintes d'un État partie contre un autre États parties s'agissant de la mise en œuvre de la Convention, a rappelé le rapporteur. «L'Azerbaïdjan essaie de faire la même chose», a ajouté l'expert, mais le Comité n'accepte pas de se saisir de telles démarches dans le cadre de l'examen des rapports d'États.
M. Diaconu a ensuite rappelé que l'Arménie était un pays de 3,2 millions d'habitants dont plus de 2% sont des groupes minoritaires, selon le recensement de 2001. Le pays reconnaît l'existence de 11 minorités nationales, mais le Comité ne dispose de données que sur six d'entre elles, a-t-il fait observer, demandant un complément d'informations à cet égard. S'agissant des Azéris, M. Diaconu a rappelé qu'ils étaient 85 000 en 1989 et qu'en 1993, après le conflit, ils n'étaient plus que 3700 en Arménie. Les Azéris sont-ils toujours dans le pays, combien sont-ils, sont-ils citoyens de l'Arménie et quelle est leur situation, a demandé l'expert?
Relevant qu'au moment de la création, en 2003, de l'institution du Défenseur des droits de l'homme, la Commission nationale des droits de l'homme a cessé d'exister, M. Diaconu a fait observer que dans de nombreux pays, ces deux types d'institutions coexistent et sont complémentaires. Aussi, le rapporteur s'est-il demandé si le Défenseur des droits de l'homme avait reçu et exerçait toutes les compétences jadis dévolues à la Commission nationale. Qu'en est-il des affaires dont aurait eu à connaître le Défenseur des droits de l'homme en matière de discrimination raciale et des résultats de ses activités dans ce domaine?
M. Diaconu a relevé que l'Arménie avait une politique claire de lutte contre la discrimination fondée sur la race et l'origine nationale et ethnique, comme l'attestent la Constitution et le grand nombre de lois adoptées dans ce domaine. Il s'est en outre réjoui que les normes internationales l'emportent sur les lois nationales. Relevant par ailleurs l'affirmation, contenue dans le rapport, selon laquelle le système juridique arménien exclut la ségrégation raciale, M. Diaconu a rappelé que la ségrégation n'est pas toujours le résultat d'une législation ou d'une action des autorités étatiques et peut aussi résulter du comportement privé d'individus ou de groupes, parfois nourri par des conditions économiques ou sociales; cela se produit souvent dans des grandes villes comme Erevan et dans des domaines comme le logement et l'emploi, a-t-il précisé.
S'agissant de l'article 4 de la Convention, M. Diaconu a souligné que l'article 21 de la loi sur les organisations non gouvernementales se réfère à l'incitation à l'hostilité raciale, ce qui a incontestablement une portée moins grande que la propagande et la promotion de la discrimination raciale; en outre, cet article 21 de la loi sur les ONG ne déclare pas le principe de l'illégalité de telles organisations incitant à l'hostilité raciale, mais se contente d'établir une procédure permettant de porter plainte contre elles. Selon certaines informations, a ajouté le rapporteur, une organisation politique arménienne – l'Union des Aryens arméniens – aurait demandé l'expulsion des Yézidis, des Kurdes et des juifs d'Arménie.
Combien de membres des minorités nationales ont-ils été élus au Parlement, a par ailleurs demandé M. Diaconu?
Rappelant que les traditions qui bafouent les droits de l'homme fondamentaux doivent être progressivement éliminées, le rapporteur a fait état d'informations selon lesquelles des traditions culturelles entravent l'accès à l'éducation dans des communautés yézidis, kurdes et molokan («vieux-croyants» russes).
«Durant le conflit, l'Arménie a reçu un grand nombre de réfugiés et d'autres personnes furent déplacées à l'intérieur du pays», a poursuivi M. Diaconu, avant de demander s'il y avait encore des personnes appartenant à ces groupes qui n'ont pas été réinstallées et si ces personnes étaient citoyennes ou réfugiées.
De nombreuses informations, émanant principalement du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, indiquent que les enfants yézidis n'ont pas de manuels scolaires ni d'enseignants dans leur langue et, du fait que certains d'entre eux ne parlent pas l'arménien, n'ont donc pas accès à l'éducation primaire, s'est par ailleurs inquiété le rapporteur. M. Diaconu s'est enquis de la situation de la communauté yézidi, souhaitant notamment connaître les mesures qui ont été prises pour résoudre les problèmes de terre, d'eau et de pâturage que rencontrent les membres de cette communauté.
Au regard, notamment, des déclarations de certains officiels de haut rang, pourrait exister en Arménie une attitude de suspicion à l'égard des étrangers, de rejet d'autres personnes voire de stéréotype concernant les personnes d'une autre origine ethnique, a poursuivi M. Diaconu. Aussi, s'est-il enquis de ce que fait le Gouvernement arménien pour éduquer les jeunes générations et la population dans son ensemble à un esprit de tolérance, de compréhension et de respect mutuels.
Enfin, M. Diaconu s'est inquiété des allégations présentées par une organisation non gouvernementale géorgienne qui font état, dans certains villages de Géorgie, d'actes de violence et de privation de propriété et de ressources en eau, perpétrés par les forces armées arméniennes à l'encontre de personnes appartenant à un groupe ethnique géorgien.
Plusieurs experts se sont réjouis de la reprise du dialogue entre le Comité et l'Arménie après huit années écoulées depuis l'examen du précédent rapport périodique.
Un membre du Comité a souhaité connaître les instruments auxquels l'Arménie a souscrit dans le cadre de la Communauté d'États indépendants, s'agissant en particulier d'instruments régionaux ayant trait aux droits de l'homme.
Un expert a souhaité en savoir davantage quant au travail et au rôle effectif du Défenseur des droits de l'homme. Cette institution dispose-t-elle de tous les moyens nécessaires, a-t-il demandé, rappelant que le Groupe de travail chargé de l'Examen périodique universel avait recommandé à l'Arménie le renforcement des moyens alloués à ce Défenseur? L'expert a également souhaité en savoir davantage au sujet du rôle de l'Union des nationalités de la République d'Arménie.
Réponses de la délégation
La délégation arménienne a indiqué qu'avant 1989, une communauté azerbaïdjanaise vivait en Arménie, mais que suite aux événements qui ont également provoqué l'afflux de 400 000 réfugiés en Arménie, la population azerbaidjanaise a quitté l'Arménie pour l'Azerbaïdjan. Il existe aujourd'hui en Arménie des personnes d'origine azerbaïdjanaise issues de mariages mixtes, a précisé la délégation. La délégation a par la suite précisé qu'à la fin de l'Union soviétique, il y avait sur le territoire arménien actuel quelque 80 900 Azéris, a indiqué la délégation.
La délégation a cité des chiffres attestant de la présence en Arménie de quelque 3500 Assyriens, 15 000 Russes, 40 500 Yézidis, 1500 Kurdes et 1500 Grecs. Le recensement de la population qui sera opéré l'an prochain permettra d'en savoir davantage et de disposer de données plus précises concernant les minorités, a-t-elle indiqué.
La délégation a par la suite assuré qu'aucune des onze minorités existantes n'est stigmatisée en Arménie. Pour ce qui est de la population rom, la délégation a expliqué que des Roms vivaient dans le pays à l'époque de l'Union soviétique, mais qu'au moment de l'effondrement de l'Union soviétique, cette population nomade a quitté le pays.
S'agissant des Yézidis, la délégation a rappelé que cette population est arrivée sur le territoire arménien en tant que réfugiés et a reçu la jouissance de terres en propriété propre - sous la forme de certificats de propriété - au même titre que les autres populations. La délégation a par ailleurs expliqué que le corps de police comprend des membres des minorités nationales, en particulier des Yézidis, les plus nombreux parmi les policiers membres de minorités. Il existe aussi des procureurs issus des minorités nationales, a-t-elle ajouté.
La délégation a reconnu que le pays connaît quelques difficultés en ce qui concerne la scolarisation au primaire d'enfants yézidis; il s'agit d'enfants vivant dans des zones reculées, qui ne maîtrisent pas la langue arménienne, mais en fin de compte, les enfants ont toujours accès à l'école.
Le Gouvernement arménien fournit aux organisations représentants les minorités des fonds qui sont désormais inscrits au budget national, a par ailleurs fait valoir la délégation. Au nombre des attributions du Département des minorités nationales, qui fonctionne depuis 2004, figure la réglementation des relations entre l'État et les organisations religieuses en Arménie, a-t-elle en outre indiqué.
Le Défenseur des droits de l'homme travaille de manière active s'agissant de la situation des minorités nationales, a poursuivi la délégation; un chapitre de son rapport pour 2010 est consacré à ces questions et indique qu'aucune plainte ayant trait à l'appartenance à une minorité nationale n'a été déposée cette année-là. Les affaires concernant les minorités ont une grande résonance dans l'opinion publique et les autorités traitent par conséquent ces questions avec grand soin, a ajouté la délégation.
Le chef de l'Union des Aryens arméniens a été condamné à une peine de trois années d'emprisonnement pour déclaration à caractère raciste, a indiqué la délégation en réponse aux questions du Comité. Il a purgé une partie de sa peine en prison puis a été placé en liberté conditionnelle mais n'exerce plus ses fonctions au sein de cette organisation, a indiqué la délégation.
La sécurité nationale porte sur les facteurs qui peuvent créer un environnement propice à un développement harmonieux des citoyens et de la société, a souligné la délégation arménienne. Les groupes minoritaires tels que les Kurdes et les Assyriens ne disposent pas d'un État qui leur serait associé et c'est pourquoi les autorités arméniennes se sentent un devoir particulier de protéger leurs cultures, a-t-elle précisé.
Pour ce qui est des allégations d'une organisation non gouvernementale faisant état d'actes perpétrés par les forces armées arméniennes contre des Azéris vivant en Géorgie, la délégation a rappelé que le Gouvernement arménien ne contrôle aucune partie du territoire géorgien; en outre, le Gouvernement de la Géorgie ne s'est jamais plaint d'une telle intervention arménienne. Ces allégations ne peuvent s'appliquer qu'à des cas isolés de citoyens arméniens impliqués dans des actes illégaux de l'autre côté de la frontière, a suggéré la délégation, qui a confirmé que deux citoyens arméniens ont été impliqués dans de tels actes; mais en aucune manière il ne saurait s'agir de faits impliquant les forces armées arméniennes. L'Arménie et la Géorgie ont traditionnellement de très bonnes relations de voisinage, a souligné la délégation.
La délégation a fait savoir que l'Arménie avait accepté la recommandation qui lui a été adressée aux fins de la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille; cette question est donc désormais en cours de traitement et le processus suit son cours, a-t-elle précisé.
Tous les citoyens arméniens peuvent s'adresser aux organes régionaux compétents en se prévalant des instruments régionaux de droits de l'homme, a par ailleurs souligné la délégation, faisant observer que pas une seule affaire de discrimination impliquant l'Arménie n'est présentée devant la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui est encourageant pour les autorités arméniennes.
Questions complémentaires de membres du Comité
Un membre du Comité a relevé l'information fournie par la délégation selon laquelle tous les Roms auraient quitté le pays au moment de l'indépendance. Soulignant que d'autres pays affirment eux aussi qu'il n'y a pas de Roms sur leur territoire avant d'admettre qu'il y a effectivement des Roms chez eux, l'expert a invité les autorités arméniennes à examiner la question de manière plus approfondie; peut-être en ressortira-t-il des résultats étonnants, a-t-il suggéré.
Un expert a souhaité savoir si l'institution du Défenseur des droits de l'homme en Arménie était conforme aux Principes de Paris sur les institutions nationales des droits de l'homme.
Il n'y a toujours pas, dans le Code pénal arménien, d'incrimination des organisations faisant l'apologie de la haine raciale, a souligné un membre du Comité. S'il faut se féliciter qu'il n'y ait pas de xénophobie généralisée en Arménie, des organisations non gouvernementales ont néanmoins indiqué que l'insistance sur le sentiment national arménien crée des possibilités pour que la tradition de tolérance multiethnique soit minée.
Chacun sait comment s'est effectuée la privatisation des terres dans les anciens pays de l'Est et cela ne s'est pas toujours fait au bénéfice des plus pauvres, a rappelé un expert, attirant l'attention sur la pratique, dans ce contexte, de mises aux enchères de terres; c'est donc aux autorités qu'il incombe de voir comment cette question pourrait être réglée de manière à ce que les communautés les plus pauvres ne soient pas défavorisées de ce point de vue, a-t-il souligné.
Réponses complémentaires de la délégation
En réponse aux questions des membres du Comité, la délégation arménienne a notamment indiqué qu'en 2000, le Ministère de l'éducation a lancé un programme de cours gratuit permettant d'apprendre la langue arménienne.
La délégation a en outre indiqué que le Défenseur des droits de l'homme est une institution qui a été classée par les Nations Unies dans la catégorie A des institutions nationales des droits de l'homme.
En Arménie, il existe au sein de la police une procédure spéciale, unifiée à l'échelle du pays, pour recevoir des plaintes, a indiqué la délégation. Toutes les questions liées de près ou de loin aux minorités nationales sont alors couvertes de manière approfondie; lorsqu'elles se présentent, elles sont immédiatement au centre de l'attention des agents des forces de l'ordre, a-t-elle assuré. Les délais sont très strictement délimités pour l'examen et le traitement des plaintes, a-t-elle précisé.
La loi arménienne interdit l'enregistrement des organisations prônant la haine raciale, a souligné la délégation. Lorsque la haine raciale est attisée par des organisations déjà existantes, il convient de rappeler que le droit pénal arménien stipule que l'incitation à la haine raciale est considérée comme un crime passible d'une peine d'emprisonnement de quatre ans, a-t-elle ajouté.
Pour ce qui est des droits fonciers, la délégation a expliqué que les terres qui sont proches des établissements d'une communauté rurale ont été remises gratuitement à ces communautés. Ce ne sont pas les terres elles-mêmes mais les surfaces de pâturage qui sont mises aux enchères, a précisé la délégation; certains éleveurs n'ont en effet pas de pâturage sur leurs terres et il faut donc leur donner la possibilité d'en acquérir.
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