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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale : audition d'ONG sur la situation en Norvège, en Espagne, en Serbie et en Irlande

21 février 2011

21 février 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entendu, ce matin, des représentants d'organisations non gouvernementales s'exprimer au sujet des situations, au regard de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, dans cinq pays dont les rapports seront examinés cette semaine par le Comité, à savoir la Norvège, l'Espagne, la Serbie et l'Irlande.

S'agissant de la Norvège, l'attention du Comité a été attirée en particulier sur les phénomènes croissants d'islamophobie, sur l'accès à l'aide juridictionnelle et sur la situation des migrants, s'agissant en particulier de l'accès aux soins de santé.

Pour ce qui est de l'Espagne, les organisations non gouvernementales ont notamment décrit la situation qui prévaut dans les centres de rétention pour étrangers.

En ce qui concerne la Serbie, les organisations non gouvernementales ont dénoncé la marginalisation des Roms et les discriminations dont ils sont victimes, une ONG déplorant une véritable ségrégation dans les domaines de l'éducation et du logement.

En ce qui concerne l'Irlande, l'attention s'est portée sur la situation des Travellers, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation, et sur les problèmes que rencontrent les demandeurs d'asile et les travailleurs migrants. Il a par ailleurs été souligné que le passage soudain de l'Irlande d'une dynamique de développement économique à la récession a favorisé un racisme face auquel le Gouvernement semble démuni.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont intervenus au cours de la séance: Centre norvégien contre le racisme; OMOD-Institution Against Public Discrimination; Association des locataires norvégiens; MIRA Ressource Center for Minority Women; Société espagnole pour le droit international des droits de l'homme; Regional Centre for Minorities; Immigrant Council of Ireland; European Network Against Racism – Ireland; Irish Traveler Movement; National Traveller Centre; Coordination Point for NGO Alliance Against Racism; Mercy Justice Office.

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de la Norvège.

Aperçu de la discussion

S'agissant de la Norvège, certains représentants d'organisations non gouvernementales se sont inquiétés de l'islamophobie ambiante dans le pays, plusieurs orateurs s'inquiétant de la manière dont y est traitée la problématique du hijab. Il ne fait aucun doute que l'islamophobie est devenue un discours discriminatoire dominant en Norvège, a déploré un intervenant; certaines organisations parlent même de la nécessité de prendre les armes comme les musulmans, s'est-il inquiété, rappelant qu'en 2008, un homme d'origine somalienne avait été exécuté de 13 balles par une personne qui a affirmé qu'elle voulait juste «tuer un musulman». Des partis politiques parlent d'une «islamisation» de la société norvégienne, a insisté l'orateur.

Une intervenante a souligné que les motifs de discrimination retenus dans la législation norvégienne adoptée en 1999 n'incluent ni la race, ni la couleur. En outre, l'accès à l'aide juridictionnelle n'est pas disponible aux personnes qui n'ont pas les moyens de se la payer, a déploré cette oratrice. Le nombre des personnes appartenant à des minorités recrutées dans la police a baissé de 7%, s'est-elle par ailleurs inquiétée, estimant que ces départs s'expliquent par un «environnement peu amical» à leur égard. Un autre intervenant a attiré l'attention sur la discrimination raciale sur le marché de l'immobilier, en particulier à l'encontre des Africains et des Asiatiques; aussi, les autorités norvégiennes devraient-elles inclure la discrimination dans la liste des affaires susceptibles de faire l'objet d'une aide juridictionnelle gratuite.

En l'état actuel, la législation norvégienne n'est pas de nature à protéger les travailleurs migrants contre la discrimination, a souligné le représentant d'une organisation non gouvernementale. L'attention a notamment été attirée sur le problème de l'accès aux soins médicaux pour les migrants sans papiers. Les femmes de couleur ou appartenant à des minorités figurent parmi les personnes les plus vulnérables en Norvège, a pour sa part souligné une intervenante, précisant que ces femmes ne peuvent généralement pas travailler ni bénéficier du regroupement familial. Il faut protéger la situation juridique des femmes migrantes, a-t-elle insisté. En fait, les questions touchant les femmes sont utilisées pour stigmatiser l'ensemble de leur communauté, a-t-il été souligné. Ainsi, le Gouvernement norvégien s'est-il beaucoup concentré sur les mariages forcés et les mutilations génitales sans chercher à œuvrer à un véritable renforcement du rôle et des capacités des femmes dans les communautés elles-mêmes.

Un membre du Comité ayant soulevé le problème du racisme dans les discours publics et demandé quelles mesures la Norvège prenait pour lutter contre ce type de discours, le représentant d'une ONG a insisté sur la tendance croissante à l'islamophobie en Norvège, soulignant que ce phénomène se retrouve de plus en plus dans le discours public de certains qui n'hésitent plus à parler d'«islamisation de la société norvégienne» - un discours qui n'est même plus contesté par les autres partis politiques.

Un expert a demandé la position des ONG sur le durcissement, depuis mai 2008, de la loi sur l'immigration, actuellement en cours de révision. Il a en outre attiré l'attention sur les difficultés rencontrées par les migrants pour accéder aux soins de santé et a voulu entendre les ONG sur les mesures qui devraient être prises pour renforcer la protection des enfants immigrés, en particulier les enfants non accompagnés. Par ailleurs, qu'en est-il de l'efficacité des mesures prises en faveur de l'amélioration de la situation des Sâmes, en particulier pour ce qui est de leurs droits à la terre, a demandé l'expert, qui a reconnu que la situation des Sâmes s'est améliorée en Norvège mais a souligné qu'elle continue à poser des problèmes, a affirmé cet expert. Un autre expert a attiré l'attention sur le peu de cas qui est fait des droits des peuples autochtones, tels qu'énoncés notamment dans la Convention n°169 de l'OIT, dans le cadre des activités de transnationales norvégiennes actives dans des pays tiers, notamment en Amazonie.

Une loi contre la discrimination est en train d'être préparée en Norvège, a-t-il été rappelé.

Pour ce qui est de l'Espagne, le représentant d'une organisation non gouvernementale a attiré l'attention sur la situation qui prévaut en Espagne dans les centres de rétention pour étrangers, affirmant que ces centres ne respectent pas le droit international. Il a rappelé que la législation espagnole en vigueur impose la détention préventive des personnes se trouvant en situation irrégulière dans le pays, pour une période maximale de 60 jours, afin d'assurer la comparution de ces personnes durant la période d'examen de leur dossier. En 2009, plus de 16 500 personnes ont ainsi été internées dans les neuf centres de rétention du pays et environ la moitié d'entre elles ont finalement été expulsées. Par conséquent, la privation de liberté n'était pas justifiée dans la moitié des cas de rétention, a souligné l'intervenant. La détention préventive dans ces centres est systématique pour des étrangers qui n'ont pourtant commis aucun crime, a-t-il insisté, dénonçant une «mesure législative disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi», qui est de réguler l'immigration. L'orateur a en outre dénoncé les conditions matérielles de détention ainsi que plusieurs cas de mauvais traitements à l'encontre des personnes détenues dans ces centres. La législation espagnole, tout comme la directive européenne traitant de ces questions (qui autorise voire encourage les États membres de l'Union à détenir jusqu'à 18 mois des personnes qui n'ont pourtant commis aucun délit), devraient abolir la détention administrative systématique des personnes étrangères se trouvant en situation irrégulière, a insisté l'intervenant.

Un membre du Comité a relevé qu'en Espagne, les migrants, surtout les Sud-Américains et les Nord-Africains, ne se voient pas offrir la possibilité de trouver un travail ni de devenir Espagnols. Un autre expert a rappelé que le Maghreb est en pleine ébullition et s'est demandé comment la société espagnole allait se comporter face à l'histoire qui est en marche.

En ce qui concerne la Serbie, la représentante d'une organisation non gouvernementale a souligné que les Roms sont les personnes qui sont le plus souvent marginalisées et victimes de discriminations. Elle a fait état d'une véritable ségrégation dont sont victimes les Roms dans les contextes de l'éducation et du logement. Il existe dans le pays des écoles spéciales dans lesquelles sont uniquement scolarisés des enfants roms, sous prétexte qu'ils sont considérés comme mentalement handicapés (retardés) alors qu'en fait, les tests appliqués à certains niveaux de scolarisation ne leur sont pas adaptés, ce qui les empêche de poursuivre normalement leurs études. Il existe environ 600 camps informels en Serbie, dans lesquels les conditions de vie sont déplorables, a ajouté l'oratrice, attirant en outre l'attention sur le manque de réseaux de transports autour de ces camps et sur la non-scolarisation des enfants qui y vivent. En Serbie, les discours haineux ne sont pas sanctionnés car il n'existe pas de crime de haine raciale dans la législation, a en outre déploré cette intervenante.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage quant à la politique suivie en Serbie à l'égard, par exemple, des Bosniaques et d'autres minorités dans le pays. Les Bosniaques ne font pas actuellement l'objet de discrimination, lui a-t-il été répondu par la représentante de l'ONG qui a toutefois souligné que la région de Sandjak n'est pas intégrée et reste particulièrement pauvre.

En ce qui concerne l'Irlande, la représentante d'une ONG a souligné que la Convention n'a toujours pas été incorporée dans la loi interne irlandaise et que le pays n'a toujours pas retiré ses réserves à l'égard des articles 4 et 14. En outre, très peu de poursuites sont engagées pour incitation à la haine, a fait observer cette oratrice. En Irlande, a-t-elle poursuivi, le racisme n'est pas vraiment criminalisé et l'on ne s'est pas encore attaqué au racisme en ligne. D'autre part, le profilage ethnique des minorités est inquiétant et aura un impact sur la situation des Travellers et des migrants.

Une intervenante a rappelé que l'Irlande, depuis l'examen de son précédent rapport, est passée d'une dynamique de développement économique à la récession. Ce revirement soudain de situation engendre un renforcement du racisme face à laquelle le Gouvernement semble avoir moins de capacités de réaction; la population devient moins tolérante, de sorte que s'accumulent des facteurs de risques de racisme et de discrimination. L'oratrice a en outre attiré l'attention sur les nombreux problèmes d'exclusion sociale voire de ségrégation que rencontrent les demandeurs d'asile en Irlande.

Un autre intervenant a attiré l'attention sur la situation des Travellers en Irlande, soulignant que le caractère de minorité ethnique est nié à cette population. L'un des grands problèmes que rencontrent les gens du voyage a trait à l'éducation, a-t-il ajouté. Un autre intervenant a dénoncé la dégradation de la situation des Travellers ces dernières années en Irlande, soulignant que seuls 3% d'entre eux atteignent 65 ans, contre plus de 13% de la population au niveau national; que le taux de suicide est six fois supérieur à la moyenne nationale parmi les Travellers; et que les femmes de cette communauté ont 18 fois plus de risques d'être emprisonnées que la moyenne des femmes dans le pays.

Un membre du Comité ayant souhaité connaître le nombre de Travellers, le représentant d'une organisation non gouvernementale a déclaré que, selon le recensement officiel réalisé il y a cinq ans, l'Irlande comptait alors 24 000 personnes appartenant à cette communauté, mais une étude réalisée il y a 18 mois parlait de 44 000 Travellers.

La représentante d'une organisation non gouvernementale a fait état de pratiques de licenciements délibérés de travailleurs migrants dans le cadre d'une démarche visant à conserver les emplois pour les Irlandais. De nombreux migrants ont dû rentrer dans leurs pays d'origine en raison des baisses de salaires qui leur étaient imposées en Irlande, a souligné une oratrice.

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