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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Uruguay

18 février 2011

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

18 février 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Uruguay sur l'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Ricardo González Arenas, Directeur général aux affaires politiques au Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a déclaré que le Gouvernement avait placé au premier rang de ses principes fondamentaux la reconnaissance de la dignité intrinsèque de tout être humain sans distinction aucune fondée sur la race, la religion, la nationalité, l'origine nationale ou l'appartenance ethnique, la langue, le sexe, l'opinion politique, l'orientation sexuelle ou tout autre motif. Il a ajouté que l'Uruguay est probablement le pays le plus égalitaire de toute l'Amérique latine. L'Uruguay considère que la lutte contre le racisme est indissociable de l'existence d'un régime démocratique. La délégation a fait état de mesures prises pour lutter contre la discrimination à l'égard de la population d'ascendance africaine, attirant en outre l'attention sur les mesures d'action affirmative qui sont envisagées en faveur des Afro-uruguayens, notamment dans le domaine de l'éducation.

La présentation uruguayenne a été complétée par M. Javier Miranda, Directeur des droits de l'homme au Ministère de l'éducation et de la culture de l'Uruguay; Mme Alicia Saura, de la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination; et Mme Alicia Esquivel, Chef du Département de la femme d'ascendance africaine à l'Institution national des femmes du Ministère du développement social de l'Uruguay. Il a notamment été fait état du processus participatif engagé en Uruguay en vue de l'élaboration d'un plan national contre le racisme et la discrimination raciale. La délégation était également composée de représentants des Ministères uruguayens de l'intérieur et des affaires étrangères.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, M. Dilip Lahiri, a notamment souligné que derrière les indicateurs positifs du pays en matière de développement se cachent de grandes inégalités face aux possibilités de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels pour les 15% de la population uruguayenne qui sont d'ascendance africaine ou autochtone. Des mesures spéciales devraient être prises en faveur des Afro-uruguayens et des populations autochtones dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'emploi et de la représentation dans les organes politiques et de gouvernance, a estimé le rapporteur.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Uruguay qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.

Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Norvège. Dans la matinée, il tiendra une réunion informelle avec des représentants d'organisations non gouvernementales qui l'informeront de la situation dans plusieurs pays dont les rapports seront présentés au cours de la session.

Présentation du rapport

M. RICARDO GONZÁLEZ ARENAS, Directeur général aux affaires politiques au Ministère des relations extérieures de l'Uruguay, a rappelé les principes fondamentaux qui inspirent le Gouvernement uruguayen en matière de lutte contre toutes les formes de discrimination et au premier rang desquels figure la reconnaissance de la dignité intrinsèque de tout être humain sans distinction aucune fondée sur la race, la religion, la nationalité, l'origine nationale ou l'appartenance ethnique, la langue, le sexe, l'opinion politique, l'orientation sexuelle ou tout autre motif. L'Uruguay est probablement le pays le plus égalitaire de toute la région latino-américaine, a déclaré M. González Arenas, assurant le Comité du désir de son pays de continuer à avancer sur le chemin de l'égalité et de la non-discrimination. De l'avis de l'Uruguay, la lutte contre le racisme est indissociable de l'existence d'un régime démocratique, a-t-il ajouté.

M. González Arenas a ensuite annoncé que le pouvoir législatif uruguayen avait entrepris les démarches nécessaires en vue de l'approbation du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et du Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur les droits des personnes handicapées. Il a en outre rappelé que l'Uruguay maintient une invitation permanente à toutes les procédures spéciales des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme.

De l'avis de l'Uruguay, la pauvreté reste la violation des droits de l'homme la plus grave et la plus répandue à travers le monde, a souligné le chef de la délégation. La pauvreté implique en elle-même une violation multiple et simultanée des droits économiques et sociaux qui se transmet de génération en génération. La grave crise économique que le pays a connue durant les années 2001 et 2002 – la plus grave de son histoire – s'est traduite par des pertes d'emplois et la dégradation des conditions socioéconomiques qui, à leur tour, ont engendré la marginalisation d'un nombre important d'Uruguayens et l'extension de la pauvreté et de l'indigence, a poursuivi M. González Arenas. Cette crise a exigé une véritable redéfinition du régime de protection sociale du pays et les priorités du Gouvernement actuel visent à réduire substantiellement la pauvreté et à éradiquer complètement l'indigence, a-t-il indiqué.

Dans ce contexte, l'éducation reste un puissant instrument pour prévenir et combattre, dès le premier âge, les pratiques racistes et discriminatoires, a poursuivi M. González Arenas. L'éducation doit incorporer comme valeurs l'éradication de l'homophobie, de la xénophobie, du racisme et de toutes les formes de discrimination fondées sur les préjugés et les tabous culturels qui se reproduisent au fil des générations, a-t-il insisté. Il a ensuite fait part d'un certain nombre de lois et normes adoptées aux fins de la lutte contre la discrimination, citant notamment la loi de 2004 déclarant d'intérêt national la lutte contre le racisme, la xénophobie et toute forme de discrimination ou encore la loi de 2007 sur la promotion de l'égalité des chances et des droits. M. González Arenas a également évoqué les lois sur le travail domestique et sur les travailleurs ruraux, secteurs où existaient de toute évidence des phénomènes de discrimination à l'encontre de personnes appartenant aux groupes les plus défavorisés de la population, notamment les minorités ethniques et raciales; désormais, dans ces secteurs, s'appliquent des réglementations similaires à celles que l'on peut trouver dans les autres secteurs d'emploi.

Les institutions liées à la protection et à la promotion des droits de l'homme et à la lutte contre la discrimination ont également été renforcées, a fait valoir M. González Arenas. Ainsi, en mars 2007, fut instaurée la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination et, en décembre 2008, l'Institution nationale des droits de l'homme créée conformément aux Principes de Paris et qui devrait commencer à exercer ses fonctions dans le courant de cette année 2011. D'autre part, de nombreuses unités consultatives en matière d'équité raciale ont été créées au sein de divers organismes gouvernementaux, a ajouté M. González Arenas, précisant que cela a permis d'engager des mesures d'action affirmative dans des domaines tels que la santé et le logement. Pour ce qui est de l'accès à la justice, le chef de la délégation a indiqué qu'en avril 2009, la Cour suprême a déclaré comme entérinées par l'Uruguay - et de ce fait contraignantes pour les magistrats - les Règles de Brasilia relatives à l'accès à la justice des personnes en situation de vulnérabilité.

Attirant ensuite l'attention sur l'apport des minorités ethnico-raciales à la construction de l'État et de la culture uruguayens, M. González Arenas a rappelé qu'en vertu d'une loi de 2006, le 3 décembre a été déclaré Journée nationale du candombe, de la culture afro-uruguayenne et de l'équité raciale. En vertu d'une loi de 2009, a-t-il ajouté, le 11 avril a été déclaré Journée de la nation charrúa et de l'identité autochtone.

Comme l'a reconnu le Programme des Nations Unies pour le développement, dans la région du cône sud, l'Uruguay occupe le deuxième rang pour ce qui est de la place accordée à la reconnaissance de la communauté afro-descendante, a fait valoir M. González Arenas. Pour autant, a-t-il ajouté, «nous sommes conscients qu'il reste encore beaucoup à faire pour éradiquer les phénomènes de discrimination qui subsistent dans le pays».

M. JAVIER MIRANDA, Directeur des droits de l'homme au Ministère de l'éducation et de la culture de l'Uruguay, a fait part du processus participatif engagé en Uruguay en vue de l'élaboration d'un plan national contre la discrimination. Ce projet d'élaboration d'un plan national a fait l'objet d'un point de vue divergent de la part, en particulier, d'une organisation non gouvernementale, mais le niveau de consensus a néanmoins été suffisant pour avancer dans ce processus d'élaboration. Les autorités espèrent pouvoir achever ce processus d'ici l'automne afin de disposer d'un plan d'action pour la période 2012-2015, c'est-à-dire jusqu'à la fin du mandat du Gouvernement actuel, a précisé M. Miranda. Il en outre indiqué que le budget de l'Institution nationale des droits de l'homme était en train d'être voté et que le processus de nomination de ses membres était en cours. M. Miranda a précisé que les cinq membres permanents de l'Institution doivent être indépendants du Gouvernement et des partis politiques.

S'agissant des mesures prises pour remédier au taux élevé d'abandon scolaire parmi les élèves d'ascendance africaine, M. Miranda a reconnu que la population d'ascendance africaine a été confrontée à des difficultés particulières en matière de réalisation du droit à l'éducation (en termes d'accès à l'éducation); aussi, a-t-il requis l'appui et les conseils du Comité pour surmonter les obstacles que rencontre l'Uruguay à cet égard.

MME ALICIA SAURA, de la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination, a rappelé que la Commission émet des avis d'experts mais ne prend pas de décisions. Elle a pour objectif de réunir des informations sur des comportements xénophobes ou discriminatoires et d'engager des poursuites au pénal selon que de besoin, a-t-elle précisé.

En ce qui concerne le droit au logement, Mme Saura a rappelé que lors de la triste période de la dictature, s'étaient produites des expulsions de personnes d'ascendance africaine qui vivaient dans un quartier précis de la capitale; aussi, ces dernières années, a-t-on cherché à mettre en place une action affirmative afin de promouvoir le retour de ces personnes d'ascendance africaine vers leur ancien lieu de résidence.

MME ALICIA ESQUIVEL, Chef du Département de la femme d'ascendance africaine à l'Institution national des femmes du Ministère du développement social de l'Uruguay, a indiqué que le département (ou secrétariat) des femmes d'ascendance africaine a été créé en 2005 auprès du Ministère du développement social afin, notamment, de garantir l'accès de ces femmes à l'ensemble des biens et services. Pour la période 2005-2010, a-t-elle précisé, les deux lignes d'action principale de ce département ont été la mise en conformité de l'administration publique avec le principe de l'égalité des chances et l'autonomisation et l'émancipation des femmes d'ascendance africaine comme citoyennes de plein droit.

Mme Esquivel a par ailleurs fait part de certaines mesures d'action affirmative envisagées par les autorités en faveur des personnes d'ascendance africaine, s'agissant plus particulièrement des bourses d'études pour les élèves du secondaire.

Intervenant de nouveau pour exposer les mesures existantes en Uruguay pour sanctionner au pénal les actes qui relèvent de la Convention, M. GONZÁLEZ ARENAS a notamment souligné que toute personne qui promeut une organisation ayant des objectifs racistes, qui y participe ou qui incite à un acte raciste est sanctionnée par des peines prévues au Code pénal. Il a ajouté qu'un décret-loi de 1942 prévoyait déjà des dispositions en la matière dans un chapitre sur les associations subversives.

Le rapport périodique de l'Uruguay (document CERD/C/URY/16-20) souligne que l'attachement à la lutte contre la discrimination dont l'Uruguay fait preuve aujourd'hui ne saurait faire oublier qu'entre l'accession à l'indépendance et la fin du XXe siècle − à quelques années près − la discrimination à l'égard des personnes d'ascendance africaine et des descendants des peuples autochtones originaires n'était pas visible. L'imaginaire national, construit autour de l'image d'une société blanche, intégrée et homogène, a occulté l'extrême inégalité des chances de ces groupes sociaux, empêchés d'exercer effectivement leurs droits. Le patrimoine historique et culturel des personnes d'ascendance africaine et des autochtones était considéré sans importance. Le pays a longtemps refusé de reconnaître l'existence du racisme, dont attestait l'inégalité d'accès de ces populations à de véritables possibilités d'exercer leurs droits. La discrimination persiste, reconnaît le rapport; elle se manifeste dans les difficultés d'accès à l'éducation et à l'emploi, dans les écarts de salaire et de revenu et dans la trop faible reconnaissance de l'apport culturel de ces populations à l'édification de l'Uruguay en tant que nation. On constate dès le départ, surtout chez les personnes d'ascendance africaine, une énorme inégalité des chances, ce qui limite les possibilités de développement humain et de réalisation d'un projet de vie. Le pays progresse aujourd'hui vers la reconnaissance de la diversité des groupes ethniques qui le composent et s'achemine vers l'intégration de ces groupes, sur le plan tant social que culturel et symbolique. C'est ce dont témoignent notamment l'action entreprise par les autorités pour lutter contre la discrimination raciale, l'établissement de statistiques officielles sur les minorités, la création d'une nouvelle institution chargée expressément de promouvoir l'égalité des chances des personnes d'ascendance africaine, la reconnaissance de leur contribution à l'histoire et à la culture du pays, et la place croissante faite à la question raciale dans les diverses politiques publiques. Si les progrès ont été importants, les politiques publiques mises en œuvre n'ont pas suffi à renverser la situation, reconnaît le rapport. Dans le cadre de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, l'Uruguay a pris en 2009 l'engagement volontaire d'élaborer un plan national de lutte contre la discrimination, inspiré des principes énoncés dans la Déclaration et le Programme d'action de Durban.

La quasi-totalité de la population reconnaissait en 2006 avoir des origines blanches (96,9%), alors que près d'une personne sur 10 (9,1%) reconnaissait ses origines noires et 3,8% une ascendance autochtone. Entre 1996 et 2006, la part des personnes d'ascendance africaine dans la population totale est passée de 5,9 à 9,1%. La part des personnes qui se sont identifiées comme autochtones est passée de 0,4 à 3,8%. Les différences entre ces chiffres s'expliquent essentiellement par des raisons d'ordre technique, c'est-à-dire les méthodes de rassemblement des données, mais il se peut aussi que la revalorisation des racines autochtones et la mobilisation des organisations de la société civile en faveur de l'affirmation de la conscience ethnique et raciale aient joué un rôle.

La Constitution établit le principe de l'égalité de tous (art. 8) mais ne fait pas expressément mention de la non-discrimination raciale, pas plus que de la discrimination à l'égard des femmes. En revanche les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l'homme sont applicables, même si elles ne sont pas expressément évoquées et les droits qu'elles consacrent ont valeur constitutionnelle. La loi no 17817 de 2004 déclare d'intérêt national la lutte contre le racisme, la xénophobie et toute autre forme de discrimination, c'est-à-dire notamment la discrimination fondée sur la race, la couleur de la peau, la religion et l'origine nationale ou ethnique, le handicap, l'aspect esthétique, le sexe, l'orientation et l'identité sexuelles. Elle porte création de la Commission honoraire contre le racisme, la xénophobie et toutes les autres formes de discrimination qui est chargée de proposer des politiques nationales et des mesures concrètes afin de prévenir et de combattre le racisme, la xénophobie et la discrimination, y compris des règles de discrimination positive. La Commission honoraire a fait le bilan de ses deux années d'existence et a considéré tout particulièrement les 52 plaintes et affaires qui lui avaient été soumises. Ces plaintes, classées en fonction des motifs de discrimination, se répartissent comme suit: origine raciale, 39,5%; orientation sexuelle, 25%; liberté religieuse, 10,4%; handicap, 10,4%; VIH, 6,25%; raisons diverses en rapport avec l'emploi, 8,3%.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. DILIP LAHIRI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, a relevé que selon les chiffres de 2006, la grande majorité – soit 87% - des 3,4 millions d'Uruguayens sont blancs: il s'agit essentiellement de descendants de colons espagnols et italiens. Toujours selon les chiffres de 2006, 9% de la population uruguayenne étaient d'ascendance africaine et 3% autochtones, le 1% restant étant constitué d'autres groupes ethniques. Les organisations non gouvernementales représentant la population d'ascendance africaine affirment que ces derniers sont plus nombreux que le chiffre mentionné, a fait observer M. Lahiri. Les principales populations originelles qui vivaient dans le pays jusqu'au XIXe siècle – à savoir les Guaranis et les Charruas – sont aujourd'hui peu nombreuses; les Guaranis ont été assimilés et les Charruas exterminés lors d'un génocide perpétré en 1831, peu après l'indépendance de l'Uruguay, a rappelé le rapporteur.

M. Lahiri a rappelé que les Afro-uruguayens avaient été emmenés comme esclaves au XVIIIe siècle et a souligné que, durant la majeure partie de leur histoire, ils n'ont pas été traités comme des citoyens ordinaires en termes d'opportunités éducatives, sociales et économiques. Leur contribution la plus visible a probablement résidé dans l'influence qu'ils ont exercée sur la musique par le biais de la danse, des percussions et du candombe – un rythme africain très pur qui est devenu une véritable marque de fabrique de la musique uruguayenne. L'influence de ces origines africaines sur la religion est également significative par le biais des cultes associés à la religion umbanda, a ajouté M. Lahiri.

Rappelant que l'Uruguay était classé au 43ème rang mondial selon l'Indice de développement humain du PNUD en 2006, au 27ème rang selon l'Indice de démocratie du magazine The Economist et au 36ème rang selon l'Indice de performance environnementale de 2008, M. Lahiri a affirmé que derrière ces indicateurs agrégés (c'est-à-dire non ventilés), se cachent de grandes inégalités en termes d'opportunités de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels pour les 15% de la population uruguayenne qui sont d'ascendance africaine ou autochtone. Jusqu'à très récemment, il y avait une absence totale de statistiques officielles ventilées en fonction d'indicateurs prenant en compte l'ascendance raciale ou ethnique, a souligné M. Lahiri; si l'infrastructure nécessaire à la collecte de telles statistiques ventilées est progressivement en train d'être mise en place, il semble qu'ils ne permettent pas encore d'aider concrètement à l'élaboration de politiques publiques visant à corriger la discrimination structurelle existante.

Le rapporteur a souhaité savoir si les ONG représentant la population d'ascendance africaine et d'autres organisations similaires avaient été incluses dans les consultations associées au processus d'élaboration du projet de plan national contre le racisme et la discrimination. Il s'est également enquis des statistiques ventilées concernant la population carcérale, soulignant qu'il s'agit là d'une information capitale pour évaluer les éventuels préjugés ethniques et raciaux pouvant affecter le système de justice. Étant donné que les autorités ont connaissance, comme l'indique le rapport, du fait que les personnes d'ascendance africaine, en particulier les femmes, sont surreprésentés dans les emplois faiblement qualifiés, comment se fait-il qu'aucune mesure spéciale ne soit envisagée à cet égard, a demandé l'expert?

M. Lahiri a souligné que le Comité se devait de concentrer son attention sur la situation des personnes d'ascendance africaine et des autochtones de l'Uruguay. Il a présenté un certain nombre de recommandations, qu'il suggère au Comité d'envisager de présenter à l'État partie. Il a notamment recommandé que tous les plans et activités gouvernementaux visant à éradiquer la discrimination structurelle intègrent une dimension ethno-raciale. Il a également recommandé à l'Uruguay d'accélérer la collecte et la publication de statistiques ventilées par race et appartenance ethnique afin de pouvoir identifier dans quels domaines et avec quelle ampleur la population d'ascendance africaine et les populations autochtones sont confrontés à la discrimination structurelle. Des mesures spéciales devraient en outre être prises en faveur de la population d'ascendance africaine et des populations autochtones dans les domaines de la santé, de l'éducation, de l'emploi et de la représentation dans les organes politiques et de gouvernance. Par ailleurs, il conviendrait d'agir pour accroître et graduer les peines encourues pour les actes de discrimination raciale – lesquels devraient être reconnus comme des délits graves. Enfin, M. Lahiri a recommandé que soit activée la Commission tripartite pour la promotion de l'égalité raciale, sous les auspices du Ministère de l'emploi et de la sécurité sociale, afin d'examiner l'impact du racisme dans le marché du travail et de promouvoir les opportunités pour les personnes d'ascendance africaine et les autochtones.

Il semble que dans les affaires de discrimination en Uruguay, la charge de la preuve incombe à la victime, ce qui fait que les victimes renoncent à porter plainte et qui entraîne par conséquent l'impunité dans ce domaine, s'est inquiété un autre membre du Comité. Il a par ailleurs relevé que les salaires au sein de la population noire sont inférieurs de 35% à la moyenne nationale. Il a aussi été noté que la population non blanche de l'Uruguay semble «invisible».

Un autre expert a demandé si les autochtones peuvent bénéficier d'un enseignement dans leur propre langue.

Un membre du Comité a regretté qu'il n'existe toujours pas en Uruguay de plan d'action de lutte contre le racisme et la discrimination, en dépit de l'engagement pris en ce sens par le pays en 2009, c'est-à-dire il y a déjà deux ans. Plusieurs membres du Comité se sont en outre étonnés de la lenteur de la mise en place de l'Institution nationale des droits de l'homme créée en 2008.

D'autre part, les organisations incitant à la haine raciale ne sont pas interdites en tant que telles; seule est interdite la participation à ces organisations, a regretté un expert, rappelant qu'il s'agit d'une obligation prévue par la Convention. Seules sont sanctionnées les personnes, mais pas les organisations, a-t-il insisté.

L'expert s'est en outre inquiété de la situation économique des femmes d'ascendance africaine et s'est enquis des mesures spéciales que le Gouvernement uruguayen envisage de prendre pour remédier à cette situation.

Un expert a relevé la franchise avec laquelle l'Uruguay reconnaît, dans son rapport, les insuffisances dans les résultats du dispositif mis en place par le pays pour lutter contre la discrimination que rencontrent dans divers domaines les personnes d'ascendance africaine et autochtone. Prenant note de l'information selon laquelle la part des populations d'ascendance africaine dans la population totale est passée de 5,9% à plus de 9% et celle des populations autochtones de 0,4% à 3,8%, il a souligné que cette augmentation rend encore plus nécessaires les mesures qu'il convient de prendre pour protéger plus avant les droits des personnes appartenant à ces populations.

Réponses de la délégation

La délégation uruguayenne a notamment indiqué que le recensement général de la population avait été reporté et qu'il se déroulera cette année. Il permettra de recueillir des données fort utiles étant donné qu'y seront incluses deux questions faisant référence à la condition raciale et ethnique, comme cela a été décidé en consultations avec les organisations représentant les populations afro-descendantes et autochtones, a-t-elle souligné. Pour ce qui est de l'augmentation apparente du nombre d'Afro-descendants dont témoignent certaines enquêtes statistiques réalisées récemment, la délégation a expliqué qu'elle pourrait être due à la manière dont sont désormais formulées les questions et au travail de sensibilisation qui a été réalisé depuis plusieurs décennies par les organisations de la société civile et qui a eu pour effet de revaloriser les racines africaines et autochtones, accentuant la conscience d'appartenance raciale ou ethnique.

Une dimension ethnico-raciale a également été incluse dans le recensement carcéral qui s'est achevé le mois dernier, a indiqué la délégation. Par ailleurs, un groupe de travail interinstitutionnel a été créé afin que les divers organismes concernés développent des actions visant l'incorporation d'une dimension ethnique et raciale dans leurs programmes et politiques, a-t-elle poursuivi.

Le plan quinquennal actuellement associé au Département de la femme d'ascendance africaine est celui des mesures d'action affirmative, a d'autre part souligné la délégation. Il entend notamment réduire le nombre de travailleuses noires non qualifiées et comporte une ligne d'action spéciale orientée vers les travailleuses domestiques, l'objectif étant que le travail domestique soit choisi et non pas effectué par résignation, et qu'il soit qualifié et officiel. Les autorités entendent veiller à la diffusion des droits des travailleuses domestiques tels qu'énoncés dans la loi 18065.

La discrimination et le racisme sont des problèmes qui comportent des dimensions interpersonnelle et institutionnelle, a souligné la délégation. Il convient d'étendre davantage l'accès à l'éducation à tous les niveaux ainsi que d'améliorer l'accès aux emplois qualifiés et la capacité à préserver son emploi.

S'agissant de l'Institution nationale des droits de l'homme, la délégation a rappelé que la loi portant création de cette Institution a été promulguée en 2008 et fait partie du droit positif uruguayen depuis janvier 2009, date de sa publication au Journal officiel. Conformément aux Principes de Paris, la base d'une institution nationale des droits de l'homme réside dans l'indépendance de ses membres, a souligné la délégation. Il convient donc de se garder d'intégrer dans le débat politique la question de la désignation des membres d'une telle institution, a souligné la délégation, rappelant la campagne électorale qui s'est déroulée en 2009 et l'entrée en fonction d'un nouveau gouvernement en mars 2010. Le budget de l'Institution vient d'être voté, a ajouté la délégation. Tout ceci explique pourquoi l'Institution a tant tardé à être mise en place, a-t-elle insisté. Elle a en outre assuré que la loi portant création de l'Institution nationale des droits de l'homme est pleinement conforme aux Principes de Paris.

Il n'y a pas de détournement de fonds budgétaires en Uruguay et le pays condamne fermement la corruption, a par ailleurs déclaré la délégation. Les autorités garantissent la plus grande transparence s'agissant du budget associé à l'élaboration d'un plan national contre le racisme et la discrimination, qui est actuellement en cours. Le contenu de ce premier plan d'action, encore en phase d'élaboration, fait l'objet de consultations avec la société civile, a-t-elle souligné.

Interpellée sur l'efficacité des mesures et lois qui ont été adoptées aux fins de la prévention de la discrimination et de la lutte contre les phénomènes qui y sont associés, la délégation a souligné que les autorités procèdent régulièrement à une évaluation des programmes mis en place.

Interrogée sur les mesures prises pour éviter tout cas d'apatridie, la délégation a rappelé, que c'est l'Uruguay qui avait proposé l'intégration dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du droit à avoir une nationalité. Aussi, la Constitution uruguayenne prévoit-elle des solutions très satisfaisantes et concrètes pour éviter le problème de l'apatridie. Ainsi, sont citoyens naturels de l'Uruguay tous les hommes et femmes nés sur le territoire uruguayen ou de père ou de mère uruguayen quel qu'ait été le lieu de naissance des parents. Sont donc repris concomitamment les principes du jus soli et du jus sangui. En outre, l'Uruguay accepte la double nationalité, a précisé la délégation. De plus, la Constitution prévoit trois situations d'acquisition de la nationalité par la loi, a-t-elle ajouté.

Reconnaissant que la Constitution actuellement en vigueur en Uruguay date de 1967 et ne contient aucune disposition interdisant expressément la discrimination fondée, par exemple, sur la race ou la couleur, la délégation a indiqué que lors d'une prochaine réforme constitutionnelle, il y aura sans doute des dispositions expresses davantage en accord avec les traités internationaux ratifiés par l'Uruguay. Pour l'heure, l'article 8 de la Constitution actuelle n'en établit pas moins clairement le principe de l'égalité de tous, a toutefois fait valoir la délégation. En outre, la jurisprudence uruguayenne veut que les traités internationaux dûment ratifiés par l'Uruguay aient un rang constitutionnel dans l'ordre juridique interne et que leurs normes soient auto-exécutoires et directement applicables, a-t-elle souligné.

Interrogée sur l'affirmation de la délégation selon laquelle l'Uruguay est le pays le plus égalitaire de la région, la délégation a tout d'abord déclaré que l'Uruguay n'est certes pas un pays homogène et est d'ailleurs très fier de sa diversité; elle a rappelé que cette affirmation se fondait sur le dernier rapport du PNUD sur le développement humain qui, comparant le niveau des inégalités dans les différents pays de la région, attribuait de ce point de vue le plus faible coefficient de Gini de toute la région à l'Uruguay (plus le coefficient de Gini se rapproche de 0, plus la société en question est proche de l'égalité parfaite). Il convient toutefois de souligner que cette comparativement bonne performance de l'Uruguay s'inscrit dans le cadre d'une région qui est la plus inégalitaire du monde.

Questions complémentaires des membres du Comité

Un membre du Comité a souhaité avoir des renseignements sur la proportion de jeunes d'ascendance africaine dans les prisons uruguayennes. Il a également souhaité connaître le nombre d'entrepreneurs d'ascendance africaine dans le pays.

Un autre expert a fait état d'un document dont il a eu connaissance concernant la manière dont l'Uruguay entend répondre aux objectifs du Millénaire pour le développement de l'ONU et a indiqué ne pas savoir dans quelle mesure ce document reflète les intérêts des groupes d'ascendance africaine et autochtone.

Un expert a attiré l'attention de la délégation sur l'outil que constitue la pratique du «testing» afin de recueillir des preuves dans les affaires de discrimination. Il a aussi rappelé que certains pays admettent l'inversion de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination, a souligné l'expert.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a indiqué que la phase consultative associée au processus d'élaboration d'un plan national d'action contre le racisme et la discrimination raciale devrait s'achever au mois de juillet prochain, après quoi pourra démarrer la phase d'élaboration du plan à proprement parler - qui pourrait se prolonger jusqu'au mois de décembre.

L'Uruguay a pris l'engagement de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement, qui sont extrêmement ambitieux, a rappelé la délégation. L'Uruguay sort de l'une des pires crises (économiques) de son histoire à l'issue de laquelle la pauvreté atteignait 30% et la misère (extrême pauvreté) 5% - ce qui signifie la marginalisation de dizaines de milliers d'Uruguayens. Face à ce constat, la priorité des deux derniers gouvernements uruguayens a été de lutter contre la pauvreté, a souligné la délégation. Ainsi, les taux de la pauvreté et de l'extrême pauvreté ont-ils pu être ramenés, respectivement, à moins de 20% et environ 1%, a-t-elle fait valoir.

L'inspection générale du travail peut engager des poursuites et imposer des sanctions face à toute affaire portée à son attention, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a indiqué qu'à sa connaissance, la pratique du «testing» n'a pas été employée en Uruguay mais a reconnu qu'il pourrait y avoir là une idée à reprendre.

Les flux migratoires se sont inversés en Uruguay, où l'on enregistre désormais de nombreux retours d'Uruguayens qui rentrent au pays, a par ailleurs indiqué la délégation, ajoutant qu'à l'avenir, le pays devrait avoir besoin de main-d'œuvre, qualifiée et non qualifiée, notamment en provenance de pays de la région.

Observations préliminaires

M. DILIP LAHIRI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Uruguay, a rappelé que la lutte pour la liberté des Amériques a été menée par les Créoles, c'est-à-dire par les Blancs sont nés et ont grandi en Amérique latine. En général, ce ne sont pas essentiellement les conquérants qui assassinent les populations locales lorsqu'ils arrivent dans une région, mais plutôt les personnes qui s'y installent, ce qui pourrait expliquer qu'il y ait eu, dans la région latino-américaine, une profonde méfiance des populations locales à l'égard des Créoles; et c'est pourquoi les autochtones ne se sont pas joints aux Créoles dans la lutte pour la liberté menée par ces derniers. Les autochtones craignaient en effet d'être encore plus mal traités par eux que par les Espagnols. Ainsi, au fil du temps, un racisme structurel s'est-il installé dans la région.

L'Uruguay a connu une évolution positive à maints égards, a poursuivi le rapporteur. La grande différence avec le rapport précédent réside dans le fait que le présent rapport périodique reconnaît l'existence de personnes d'ascendance africaine et de discriminations à leur encontre, a-t-il souligné. M. Lahiri a toutefois regretté les lenteurs dans la concrétisation des intentions de l'Uruguay. Il faudrait que le pays prenne des mesures ciblées pour améliorer la situation des personnes d'ascendance africaine, a-t-il recommandé.

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