Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport de l'Espagne

24 Février 2011

24 février 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par l'Espagne sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, la délégation espagnole a notamment souligné que les principes d'égalité et de non-discrimination sont au centre du Plan pour les droits de l'homme approuvé en 2008, qui prévoit notamment des mesures visant à renforcer la position juridique de l'immigrant. Un Plan stratégique pour l'égalité des chances avait également été adopté pour la période 2008-2011 et fait actuellement l'objet d'une évaluation. L'Espagne garantit les droits de l'homme de toutes les personnes, y compris les migrants indépendamment de leur situation migratoire - qu'elle soit régulière ou irrégulière – conformément à la législation, a-t-il notamment été souligné. Le Gouvernement espagnol s'est engagé à approuver et mettre en œuvre une stratégie nationale et intégrale de lutte contre le racisme et la xénophobie. Un avant-projet de loi sur l'égalité de traitement et la non-discrimination reprend des notions telles que la discrimination directe ou indirecte, exercée par association ou par erreur, sur la base d'un ou de plusieurs motifs, a-t-il par ailleurs été indiqué. L'attention a par ailleurs été attirée sur les progrès qu'a permis l'application du Programme de développement gitan en termes d'amélioration de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels de la population gitane, ainsi que sur les progrès accomplis en termes d'élimination de la stigmatisation sociale et des stéréotypes concernant les Gitans.

Le rapport a été présenté par M. Javier Garrigues, Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève; M. Isaac Salama, Avocat de l'État au Ministère de la justice; M. Nicolas Marugán Zalba, Directeur de l'Observatoire contre le racisme et la xénophobie; M. Ignacio Sola, Secrétaire du Conseil pour la promotion de l'égalité raciale au Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité; M. Diego Blázquez Martín, Conseiller au Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité; et M. Ángel Santamaría, Conseiller technique au cabinet du Ministre de l'éducation. La délégation espagnole était également composée d'autres représentants du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur, et du Ministère des affaires extérieures et de la coopération. Elle a notamment reconnu que les étrangers sont surreprésentés dans les prisons espagnoles, mais a souligné qu'il n'est pas possible d'affirmer que les immigrants génèrent davantage de délinquance, pas plus qu'il n'est possible d'affirmer que leur surreprésentation carcérale procède nécessairement d'une discrimination. La délégation a attiré l'attention dans ce contexte sur le fait que la proportion de jeunes hommes dans la population immigrante en Espagne est supérieure à la proportion de jeunes hommes dans la population nationale, deux variables qui sont étroitement liées à la probabilité d'une conduite délinquante.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, M. José Francisco Cali Tzay, a fait observer que, même s'il ne s'agit pas d'une politique officielle de l'État, il existe des consignes émanant de certains officiers de police qui posent problème pour ce qui est de la vérification de l'identité des personnes. Il a en outre relevé que plusieurs organisations de la société civile ont porté plainte pour les conditions inhumaines dans lesquelles se trouvaient ces personnes dans ces centres de détention. M. Cali Tzay a par ailleurs fait observer que les actes xénophobes qui existent en Espagne contredisent les plans et initiatives mis en place par les autorités pour lutter contre le racisme et la xénophobie.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de l'Espagne qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Serbie (CERD/C/SRB/1).

Présentation du rapport

M. JAVIER GARRIGUES, Représentant permanent de l'Espagne auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que l'engagement de l'Espagne en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme est clairement et expressément énoncé dans la Constitution de 1978. Il a en outre souligné que le principe d'égalité, et donc celui de non-discrimination, président au Plan sur les droits de l'homme approuvé par son pays le 12 décembre 2008. Il a enfin réitéré l'engagement de l'Espagne en faveur du système international des droits de l'homme.

M. ISAAC SALAMA, Avocat de l'État, Ministère de la justice de l'Espagne, a souligné que l'Espagne jouit aujourd'hui d'une démocratie respectée et consolidée. Pour autant, les autorités sont conscientes qu'il ne saurait être question de faire preuve d'autocomplaisance et que la discrimination raciale peut ressurgir là où on l'attend le moins. C'est pourquoi l'Espagne renforce sans cesse la protection des minorités et la prévention, la poursuite et la sanction des attitudes racistes, a souligné M. Salama. Il a attiré l'attention sur le Plan pour les droits de l'homme approuvé par son pays en 2008, qui prévoit notamment des mesures visant à renforcer la position juridique de l'immigrant. M. Salama a indiqué qu'un Plan stratégique pour la citoyenneté et l'intégration avait été adopté pour la période 2007-2010 et qu'un nouveau plan stratégique pour les années 2011-2014 est en cours d'élaboration. Il a en outre souligné qu'un Plan stratégique pour l'égalité des chances avait également été adopté pour la période 2008-2011 et fait actuellement l'objet d'une évaluation.

M. Salama a d'autre part attiré l'attention sur les modifications apportées à la loi pénale afin d'incriminer spécifiquement la traite de personnes – en la différenciant du délit d'immigration illégale, deux types de délits pour lesquels un grand nombre de victimes sont des citoyens étrangers. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, a été élargi le champ d'application de la circonstance aggravante qui consiste à avoir commis un délit pour des motivations racistes, antisémites ou d'autres types de discrimination en rapport avec l'idéologie, la religion ou la croyance de la victime, son appartenance ethnique, sa race, sa nationalité, son sexe, son orientation ou son identité sexuelles ou un quelconque handicap. M. Salama a en outre insisté sur les importants efforts consentis par l'Espagne en matière de formation aux droits de l'homme de ses fonctionnaires chargés de la protection de ces droits, en particulier les juges et les magistrats et les corps de police. Au mois de juin prochain, les autorités ont prévu de présenter l'Observatoire sur le pluralisme religieux dont la création est prévu dans le Plan sur les droits de l'homme, a ajouté M. Salama.

M. NICOLAS MARUGÁN ZALBA, Directeur de l'Observatoire contre le racisme et la xénophobie, a souligné que l'Espagne investit de nombreuses ressources humaines et financières dans la lutte contre le racisme, la xénophobie et toute autre forme de discrimination ou d'intolérance. L'Espagne garantit les droits de l'homme de toutes les personnes, y compris les migrants indépendamment de leur situation migratoire - qu'elle soit régulière ou irrégulière – conformément à la législation, a poursuivi M. Marugán Zalba. En Espagne, nombre de droits économiques, sociaux et culturels sont reconnus à tous, quelle que soit la situation légale de la personne, notamment pour ce qui es des soins médicaux, de l'accès à l'éducation, de l'assistance juridique ou des droits de réunion, de manifestation et de grève et autres droits syndicaux. Ainsi, la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille est-elle pleinement garantie en Espagne, a insisté M. Marugán Zalba. La loi organique sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale a en outre créé l'Observatoire contre le racisme et la xénophobie, a fait valoir son Directeur. Il a précisé que les objectifs de l'Observatoire ont trait à la promotion du principe de l'égalité de traitement et de la non-discrimination et à la lutte contre le racisme et la xénophobie. L'Observatoire exerce également des fonctions d'études et d'enquêtes et mène des actions de formation spécialisée, de sensibilisation et d'information. Il recueille et analyse l'information sur le racisme et la xénophobie pour mieux en connaître la situation et les perspectives d'évolution.

Le prochain plan stratégique pour la citoyenneté et l'intégration (2011-2014) intègrera de nouvelles thématiques adaptées à la nouvelle réalité sociale, a poursuivi M. Marugán Zalba. Il est d'ores et déjà possible de signaler que dans le nouveau scénario associé à ce plan, sont signalées comme prioritaires la coexistence dans les quartiers et la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, a-t-il précisé. M. Marugán Zalba a souligné que le Gouvernement s'est engagé à approuver et mettre en œuvre une stratégie nationale et intégrale de lutte contre le racisme et la xénophobie. À cet égard, il a fait observer que le Ministère de l'intérieur a introduit une série de modifications au système d'enregistrement statistique des actes criminels afin de pouvoir enregistrer de manière précise tout acte susceptible d'être qualifié de raciste ou xénophobe. Par ailleurs, a ajouté M. Marugán Zalba, «nous sommes en train d'élaborer et de publier, sur une base annuelle, un rapport sur l'évolution du racisme et de la xénophobie en Espagne, à partir de l'enquête réalisée par le Centre d'enquêtes sociologiques auprès de 2836 personnes analysant les comportements de la population espagnole face à l'immigration».

M. Marugán Zalba a par ailleurs fait part de la mise en place du réseau d'assistance aux victimes de discrimination.

M. IGNACIO SOLA, Secrétaire du Conseil pour la promotion de l'égalité raciale au Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité, a souligné que la lutte contre la discrimination est une clef pour la création de sociétés modernes. Les droits ne valent qu'au travers des garanties qui les accompagnent, a-t-il souligné. Il a indiqué que le Conseil espagnol pour la promotion de l'égalité de traitement et la non-discrimination à l'encontre des personnes procède de la transposition dans l'ordre juridique espagnol de la Directive 2000/43 du Conseil européen relative à l'application du principe d'égalité de traitement des personnes indépendamment de leur origine raciale ou ethnique. En janvier 2010, ce Conseil espagnol a approuvé son plan de travail pluriannuel en se fixant notamment pour priorités la création d'un réseau de centres associés - au niveau régional et local (antennes) – à l'intention des personnes souffrant de discrimination; l'élaboration d'une étude annuelle sur la discrimination et l'égalité de traitement axée sur les perceptions des personnes susceptibles d'être victimes de discrimination pour des motifs d'origine raciale ou ethnique (celle pour 2010 doit être présentée le 21 mars prochain); l'élaboration d'une étude annuelle sur la situation de la discrimination fondée sur l'origine raciale ou ethnique en Espagne – étude qui, elle, se fondera sur l'analyse de sources secondaires, c'est-à-dire d'études déjà existantes sur cette question.

M. Sola a par ailleurs indiqué qu'un avant-projet de loi sur l'égalité de traitement et la non-discrimination a été approuvé en première lecture par le Conseil des Ministres, le 7 janvier dernier. Il s'agit d'un projet de loi pionnier en ce sens qu'il reprend, en vue de leur intégration pour la première fois dans l'ordre juridique interne espagnol, des notions telles que la discrimination directe ou indirecte, exercée par association ou par erreur, sur la base d'un ou de plusieurs motifs, a fait valoir M. Sola. Il s'agira donc d'une loi représentant un pas de plus vers l'égalité réelle, a-t-il insisté, ajoutant que ce texte permettra la création d'une Autorité pour l'égalité de traitement en tant qu'organisme indépendant chargé d'apporter un soutien aux personnes ayant pu souffrir de discrimination pour le traitement de leurs demandes ou de leurs plaintes.

M. DIEGO BLAZQUEZ MARTÍN, Conseiller au Ministère de la santé, de la politique sociale et de l'égalité de l'Espagne, a réaffirmé l'engagement de l'Espagne en faveur de l'amélioration des conditions sociales et de travail des Gitans et de leur participation de plein droit à l'ensemble de la société espagnole. Il a attiré l'attention sur les progrès qu'a permis l'application du Programme de développement gitan en termes d'amélioration de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels de la population gitane. M. Blázquez Martin a par ailleurs insisté sur les progrès accomplis en termes d'élimination de la stigmatisation sociale et des stéréotypes concernant les Gitans. Il est vrai que dans une société ouverte, libre et fondée sur la communication, les médias jouent un rôle essentiel pour approfondir les stéréotypes comme pour les éliminer; c'est pourquoi les médias espagnols ont été associés à la politique d'élimination des stéréotypes touchant les Gitans, a fait observer M. Blázquez Martin. Il a notamment salué l'initiative du Gouvernement de la Communauté autonome d'Andalousie qui, en coopération avec le Gouvernement espagnol, a permis de faire reconnaître par l'Unesco le flamenco comme patrimoine culturel immatériel de l'Humanité.

M. Blázquez Martin a ensuite attiré l'attention sur le Plan d'action pour le développement de la population gitane approuvé le 9 avril 2010 pour la période 2010-2012 et fondé sur la participation dynamique des différents membres des groupes de travail du Conseil étatique du peuple gitan. Ce Plan comporte huit domaines d'action: citoyenneté, égalité de traitement et non-discrimination, éducation, emploi, action sociale, santé, logement, culture et population gitane dans l'ordre du jour politique européen. Le Plan se fonde sur la coopération entre les différentes administrations publiques et le cofinancement avec les différentes communautés autonomes - auquel s'ajoute la coopération financière avec la société civile.

Une étude publiée en 2010 atteste d'une nette amélioration en Espagne dans le domaine de l'enseignement des Gitans; ainsi, il apparaît qu'avant l'âge de 6 ans, qui marque le début de l'âge de scolarité obligatoire, 93,2% des enfants gitans sont scolarisés.

M. ANGEL SANTAMARIA, Conseiller technique au cabinet du Ministre de l'éducation, a souligné que l'Espagne s'est fixée comme priorité dans sa politique d'enseignement la lutte contre la discrimination et les inégalités. Les élèves étrangers jouissent, en vertu de la loi de 2006 sur l'éducation, des mêmes droits et devoirs que les élèves espagnols. La loi prévoit en outre la mise en œuvre par les pouvoirs publics de mesures éducatives compensatoires visant à compenser les effets de situations de désavantage social, a fait valoir M. Santamaria. La loi prévoit par ailleurs un enseignement nouveau consacré à la citoyenneté et aux droits de l'homme – élément indispensable à la coexistence sociale, au respect de la diversité et donc à la cohésion sociale.

M. Santamaria a par ailleurs attiré l'attention sur l'initiative lancée au cours de l'année écoulée par le Ministère de l'éducation aux fins de l'élaboration d'un pacte social et politique pour l'éducation. En dépit d'un manque d'accord politique qui n'a finalement pas permis de parvenir à un compromis global sur cette initiative, les 12 objectifs qui y étaient énoncés ont reçu un appui majoritaire des agents et secteurs impliqués et constituent donc la base du plan d'action pour l'éducation présenté en Conseil des Ministres en juin dernier pour les années 2010-2011.

Le rapport périodique de l'Espagne (CERD/C/ESP/18-20) indique que la Constitution de 1978 dispose que «Les Espagnols sont égaux devant la loi; ils ne peuvent faire l'objet d'aucune discrimination pour des raisons de naissance, de race, de sexe, de religion, d'opinion ou pour n'importe quelle autre condition ou circonstance personnelle ou sociale». La reconnaissance et la protection constitutionnelles du principe d'égalité et de non-discrimination sont applicables non seulement aux Espagnols mais aussi aux étrangers, précise le rapport. Selon la loi sur les étrangers, «constitue une discrimination tout acte qui comporte directement ou indirectement une distinction, exclusion, restriction ou préférence, au détriment d'un étranger pour des motifs de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique ou de convictions et de pratiques religieuses, et qui a pour objectif ou pour effet d'empêcher ou de limiter la reconnaissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social ou culturel».

Le Plan stratégique pour la citoyenneté et l'intégration (2007-2010) est conçu comme un «cadre de coopération entre tous les agents concernés» et comme un moteur du processus d'intégration des immigrés; il oriente l'action des pouvoirs publics et incite la société à évoluer dans cette direction, indique d'autre part le rapport. Le Plan a notamment les objectifs suivants: garantir le plein exercice des droits civils, sociaux, économiques, culturels et politiques des immigrés; garantir l'accès des immigrés aux services publics, en particulier à l'éducation, à l'emploi, aux services sociaux, à la santé et au logement ainsi que l'égalité avec les Espagnols, sans la moindre discrimination; lutter contre les diverses formes de discrimination, de racisme et de xénophobie dans tous les domaines de la vie sociale, dans la sphère publique ou privée; aider la société espagnole à comprendre le phénomène migratoire, améliorer l'entente interculturelle en valorisant la diversité et en promouvant des valeurs de tolérance; inciter les administrations publiques et la société civile à adopter des politiques publiques et des mesures qui favorisent l'intégration des immigrés et la coopération dans ce domaine; favoriser des politiques et mesures législatives et des interventions touchant la situation des immigrés handicapés.

Les statistiques relatives à la population étrangère et à l'immigration portent sur la nationalité mais n'indiquent en aucun cas la race, l'origine ethnique ou la religion. Il n'existe pas non plus de statistiques de cette nature concernant les nationaux espagnols − ce qui ne signifie pas que l'on ne dispose pas de données sur la population gitane d'Espagne. Ainsi, l'annexe au rapport (non disponible en français) précise-t-elle que la population gitane en Espagne est estimée entre 650 000 et 700 000 personnes, ce qui représente 1,6% de la population espagnole totale. La dernière étude réalisée sur l'emploi et la population gitane en Espagne révèle que 70% des gitans de plus de 15 ans sont analphabètes absolus ou fonctionnels. Le rapport indique par ailleurs que si, neuf mois après que le mineur a été pris en charge par les services de protection des mineurs compétents il n'a pas été possible de le renvoyer dans sa famille ou son pays d'origine, il lui sera délivré un permis de séjour comme prévu dans la loi, indique par ailleurs le rapport. L'octroi d'un permis de séjour ne doit pas empêcher le rapatriement du mineur lorsque l'application de cette mesure est devenue possible, précise-t-il.

Par son arrêt en date du 7 novembre 2007, le Tribunal suprême a considéré que la négation du génocide, entendue au sens de la simple diffusion d'opinions et d'idées, aussi détestables et contraires à la dignité humaine soient-elles, ne peut être qualifiée d'infraction car elle ne comporte pas de réelle approbation des crimes commis et n'en fait pas l'apologie par l'expression d'une opinion positive. En revanche, le Tribunal constitutionnel a estimé que la «justification» du génocide, entendue au sens de la diffusion publique d'idées susceptibles d'inciter indirectement à la commission de l'infraction ou de susciter la haine contre certains groupes en raison de leur couleur, de leur race, de leur religion ou de leur origine nationale ou ethnique, constitue effectivement un délit car elle peut créer un climat de violence et d'hostilité qui peut encourager la commission d'actes spécifiquement discriminatoires, indique le rapport. En ce qui concerne les mesures prises pour déclarer illégales et interdire les organisations et les activités organisées de propagande qui encouragent la discrimination raciale et incitent à la discrimination, la Constitution et le Code pénal de l'Espagne tiennent pour illégales les organisations qui encouragent la discrimination, la haine ou la violence fondées sur l'appartenance ethnique, raciale ou nationale (art. 22 de la Constitution et art. 515 du Code pénal), précise en outre le rapport.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Espagne, a souligné que l'analyse du cadre juridique général dans lequel s'inscrit la lutte contre le racisme et la discrimination en Espagne procède essentiellement de la Constitution de 1978, qui stipule notamment que tous les Espagnols sont égaux devant la loi. Les étrangers se voient également reconnaître nombre de droits en vertu de cette même Constitution, a-t-il relevé. En vertu de l'article 23 de la loi sur les étrangers, a-t-il ajouté, constitue une discrimination tout acte qui comporte directement ou indirectement une distinction, exclusion, restriction ou préférence, au détriment d'un étranger pour des motifs de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique ou de convictions et de pratiques religieuses, et qui a pour objectif ou pour effet d'empêcher ou de limiter la reconnaissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social ou culturel.

M. Cali Tzay a souhaité savoir ce qu'il en est du traitement des mineurs requérants d'asile non accompagnés dans le cas des pays qui n'ont signé aucun mémorandum d'accord avec l'Espagne en matière d'immigration. Il s'est en outre enquis du délai maximum de détention des étrangers et s'est inquiété d'informations en provenance de la société civile faisant état de mauvais traitements voire de torture infligés par des agents chargés de l'application des lois (dans le contexte des migrations). Même s'il ne s'agit pas d'une politique officielle de l'État, il existe des consignes émanant de certains officiers de police qui posent problème pour ce qui est de la vérification de l'identité des personnes, a poursuivi M. Cali Tzay.

Le rapporteur s'est en outre inquiété que les autorités espagnoles envisagent de pénaliser, de criminaliser, le séjour irrégulier d'un étranger sur le territoire national espagnol. Qu'est-il advenu des personnes non expulsées qui se trouvaient dans les centres de détention pour étrangers, a-t-il par ailleurs demandé? Il a en outre souligné que plusieurs organisations de la société civile ont porté plainte pour les conditions inhumaines dans lesquelles se trouvaient ces personnes dans ces centres de détention.

M. Cali Tzay a par ailleurs fait observer que les actes xénophobes qui existent en Espagne contredisent les plans et initiatives mis en place par les autorités pour lutter contre le racisme et la xénophobie. Aussi, s'est-il enquis des mesures prises par l'État espagnol pour lutter contre la propagande raciste et xénophobe dans le pays. Les médias dans ce contexte sont un acteur important, a souligné le rapporteur.

Évoquant ensuite les problèmes de la traite de personnes et du transfert de personnes associé à l'immigration clandestine, M. Cali Tzay a souligné que ces deux phénomènes sont liés, l'un pouvant mener à l'autre. Aussi, a-t-il souhaité en savoir davantage sur le point de vue des autorités espagnoles sur ces deux sujets.

Comment est-on parvenu à obtenir des chiffres sur la population gitane en Espagne alors qu'il est affirmé dans le rapport que les statistiques dans ce pays ne portent en aucun cas sur la race, l'origine ethnique ou la religion, a en outre demandé l'expert?

Quelles mesures envisage l'État espagnol pour mettre un terme aux chabolas (taudis) dans lesquelles vivent encore des Gitans; ces mesures vont-elles porter atteinte à la culture gitane, a demandé M. Cali Tzay?

Un autre membre du Comité a souhaité disposer de données démographiques ventilées concernant la population carcérale en Espagne. Il a par ailleurs souligné que la collecte de statistiques ventilées selon l'appartenance ethnique permettrait d'évaluer si les problèmes de discrimination ont ou non été réglés pour ces groupes.

Un expert s'est enquis des minorités autres que les Gitans qui vivent en Espagne. Le pays reconnaît le passage à un racisme nouveau fondé sur les différences culturelles, a relevé l'expert, avant de s'interroger sur la possibilité de rencontrer en Espagne une forme de racisme fondée sur l'appartenance à la culture de l'une ou l'autre des communautés autonomes. Un autre expert a estimé que ce racisme nouveau fondé sur les différences culturelles appelait l'adoption et l'application d'une stratégie antiraciste elle aussi nouvelle.

Par ailleurs, l'Espagne, dans son rapport, reconnaît une tendance à la ségrégation dans les écoles, ont relevé plusieurs experts; aussi, l'un d'entre eux s'est-il enquis des résultats obtenus dans l'application des mesures prévues en vertu de la loi sur l'éducation pour y remédier.

Un expert a souhaité savoir si l'Espagne avait prévu des dispositions pour l'allègement de la charge de la preuve en matière d'infractions racistes. En matière civile, des modalités d'inversion de la charge de la preuve ont-elles été prévues, a-t-il demandé? En matière pénale, a-t-il poursuivi, les choses sont quelque peu différentes puisqu'en vertu de la présomption d'innocence, il ne saurait y avoir inversion de la charge de la preuve. Néanmoins, existe la possibilité de recourir à des pratiques de testing (simulation permettant de déterminer l'éventuelle existence d'une discrimination), a souligné cet expert, avant de demander si l'Espagne admettait de telles pratiques.

Un expert a souhaité savoir où en était l'Espagne dans la résolution du très grave problème humanitaire des immigrés qui tentaient de rejoindre le pays par voie maritime, au péril de leur vie.

Un représentant de l'institution du Défenseur du peuple espagnol a souligné que ces dernières années, le Défenseur du peuple a reçu avec une certaine fréquence des plaintes (requêtes) qui dénotent des conduites racistes ou xénophobie de plus ou moins grande portée. Il a précisé avoir l'impression que le nombre relativement faible de plaintes ne reflète pas le nombre réel des actes racistes ou discriminatoires qui peuvent se produire en Espagne. Il a précisé que l'institution du Défenseur du peuple avait reçu de nombreuses plaintes émanant de citoyens d'origine étrangère qui ont été détenus suite à des contrôles d'identité réalisés de manière systématique. Il est apparu que de nombreuses personnes se plaignaient d'avoir été détenus «préventivement» et transférés dans des dépendances de la police bien qu'ils furent pourvus de papiers d'identité lorsqu'il ne pouvait être certifié lors du contrôle qu'ils se trouvaient en situation régulière en Espagne. À cet égard, le représentant du Défenseur du peuple a indiqué craindre que ne soit appliquée une interprétation restrictive de la circulaire 1/2010; en effet, la loi organique 1/1992 sur la protection de la sécurité citoyenne oblige l'étranger à posséder des papiers attestant de son identité et de sa légalité et permet son transfert vers un commissariat à des fins d'identification dans les cas où celle-ci n'a pu être assurée. Ainsi, le transfert vers un commissariat ne peut-il se produire que pour défaut de présentation de papiers attestant de l'identité et non pour défaut de présentation de papiers attestant de la régularité administrative du séjour. De ce point de vue, en effet, la rédaction de la circulaire susmentionnée est ambiguë, a insisté le représentant. Il s'est en outre inquiété de la légalité des renvois expéditifs vers le Maroc de personnes ayant été recueillies en mer, déplorant que ces renvois s'opèrent sans respecter les garanties nécessaires puisqu'ils ne tiennent pas compte du fait que les personnes intéressées pourraient être des requérants d'asile potentiels.

Réponses de la délégation espagnole

La délégation espagnole a indiqué que le Plan pour les droits de l'homme adopté en 2008 a fait l'objet d'un suivi de la part d'une commission de suivi qui en publiera les résultats sur la page web du Ministère de la Présidence.

Entre 2007 et 2009, les organisations non gouvernementales qui collaborent aux actions en rapport avec les questions intéressant la Convention ont été financées à hauteur de 54 millions d'euros, a poursuivi la délégation. Elle a en outre fait part des mesures prises en faveur de la lutte contre la discrimination et pour l'égalité des chances des immigrés sur le marché de l'emploi. Elle a d'autre part attiré l'attention sur les financements apportés au plan de prévention de la violence sexiste à l'encontre des populations issues de l'immigration.

S'agissant de cette dernière question, la délégation a notamment indiqué qu'entre 2005 et janvier 2011, quelque 2364 femmes étrangères originaires de pays non membres de l'Union européenne ont obtenu l'autorisation de résidence temporaire en Espagne pour des raisons exceptionnelles liées aux violences sexistes dont elles avaient été victimes. Aucune femme victime de telles violences n'a été expulsée, a ajouté la délégation.

S'agissant des questions d'éducation et plus particulièrement de la prévention de la ségrégation dans le milieu scolaire, la délégation a souligné que les administrations de l'enseignement veillent à garantir l'accès à l'éducation pour tous et le libre choix de l'établissement scolaire par les parents et tuteurs des élèves. La loi sur l'éducation souligne qu'il ne saurait y avoir de discrimination fondée sur quelque motif que ce soit en matière d'éducation. Les administrations d'éducation respectent le critère d'égalité dans l'application des normes relatives à l'admission, a précisé la délégation. La loi comporte toutes les garanties permettant d'éviter une quelconque ségrégation, a-t-elle insisté. La loi sur l'éducation envisage des mesures d'éducation spécifiques permettant de répondre aux besoins particuliers des élèves qui présentent des lacunes graves en termes de connaissances, linguistiques ou autres.

En ce qui concerne la population gitane, la délégation a indiqué que le «chabolismo» est un terme très populaire qui renvoie à des conditions de logement inférieures aux normes minimales généralement acceptées. Des mesures, appuyées par un crédit budgétaire de 3 millions d'euros, sont prises pour éradiquer le «chabolismo» dans trois provinces, a précisé la délégation. Elle a indiqué que désormais, 88% des familles gitanes vivent dans des conditions de logement normales alors que les 12% restants vivent dans des conditions de logement qui ne correspondent pas aux normes habituelles. Pour ce qui est de la scolarisation des petites filles gitanes, des progrès considérables ont été accomplis et les enquêtes les plus récentes montrent que les résultats scolaires obtenus par ces petites filles sont bien meilleures que ceux obtenus par les petits garçons gitans, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Pour ce qui est de la possibilité d'appliquer la règle du renversement de la preuve, la délégation a indiqué que la législation espagnole prévoit que dans les procès aux civils et dans les affaires administratives où les allégations de la victime laissent apparaître l'éventualité d'une discrimination raciale ou ethnique, c'est à l'accusé qu'il incombera de prouver qu'il a agi de manière correcte et proportionnelle. La délégation a rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme admet cette règle du renversement de la preuve.

La délégation a par ailleurs assuré que les corps de police espagnols n'utilisent absolument pas le profilage racial.

Les centres de détention pour étrangers sont des établissements publics et en aucune façon des centres pénitentiaires, a d'autre part indiqué la délégation. La durée de détention dans ces centres ne saurait dépasser les 60 jours et les personnes qui s'y trouvent ont bien entendu le droit de ne pas être soumis à la torture ou à un quelconque mauvais traitement; elles ont également, entre autres, droit d'accès aux soins de santé et à l'assistance d'un avocat et d'un interprète – y compris un avocat et un interprète commis d'office si ces personnes n'ont pas les moyens de s'en payer. La garantie d'une vie digne est respectée dans ces centres, a insisté la délégation. La délégation a précisé que l'Espagne compte neuf centres de ce type, dont six dans la péninsule et trois dans les îles Canaries. La capacité totale de ces centres est de 1900 personnes. Actuellement, le taux d'occupation moyen de ces centres est de 28% de la capacité totale, même si ce taux varie d'un centre à l'autre, Madrid et Barcelone connaissant des taux d'occupation avoisinant les 80% alors que les centres des Canaries sont quasiment vides. Plus de 10 millions d'euros ont été consacrés à la rénovation, à l'entretien ou à la construction de ces infrastructures, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs fait part de son rejet total de phrases déplorables telles que «Les Espagnols d'abord» ou encore, «Plus d'immigration = délinquance», ce slogan attestant d'une ignorance totale de tout ce que montrent les enquêtes empiriques. La Loi organique 5/2010 a élargi à tous les types de comportements discriminatoires l'application de circonstances aggravantes en vertu du Code pénal espagnol, a poursuivi la délégation.

Pour ce qui est de la proportion d'étrangers dans la population carcérale totale en Espagne, la délégation a reconnu que les étrangers sont surreprésentés dans les prisons espagnoles. La population étrangère, qui représente 13% de la population totale espagnole, compte ces dernières années pour le double dans la population carcérale du pays, a-t-elle précisé. La délégation a toutefois souligné que l'enquête criminologique indique qu'il n'est pas possible d'affirmer que les immigrants génèrent davantage de délinquance, pas plus qu'il n'est possible d'affirmer que leur surreprésentation carcérale procède nécessairement d'une discrimination. En fait, a poursuivi la délégation, la proportion de jeunes hommes dans la population immigrante en Espagne est, comme dans d'autres pays européens, supérieure voire bien supérieure à la proportion de jeunes hommes dans la population nationale; or, l'enquête criminologique indique que ces deux variables – être jeune et être de sexe masculin– conservent une étroite relation avec la probabilité d'une conduite délinquante.

Questions complémentaires des membres du Comité

Un membre du Comité a rappelé que l'Espagne avait adopté en 2007 une loi visant à réprimer le racisme et l'intolérance dans les sports. Or, les incidents de racisme dans les sports se poursuivent en Espagne, comme en témoignent par exemple les insultes qui ont été proférées en 2008 à l'encontre de Lewis Hamilton, un pilote Noir britannique, sur le circuit de formule 1 de Barcelone où il concurrençait un pilote espagnol, Fernando Alonso. Aussi, qu'en est-il de l'efficacité de cette loi, s'est interrogé l'expert?

Un expert a insisté pour savoir si au plan pénal, l'Espagne envisageait la possibilité de recourir à la pratique du testing, compte tenu qu'en raison de la présomption d'innocence, l'inversion de la charge de la preuve ne saurait être acceptée. L'expert s'est enquis d'éventuelles statistiques concernant la composition de la population carcérale par origine nationale.

Un expert a salué le courage des juges espagnols qui, en vertu du principe de juridiction universelle, n'ont pas hésité à lancer des mandats d'arrêts contre des dictateurs, le cas le plus notoire étant celui du dictateur chilien Augusto Pinochet.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation a souligné que l'Espagne est éminemment consciente du rôle que joue le sport en termes de transmission des valeurs de tolérance et de respect et d'intégration dans la société. La loi 19/2007 du 11 juillet 2007 prévoit toute une série de mesures visant à éliminer le racisme, l'intolérance et la xénophobie dans le milieu sportif; elle a permis de regrouper une série de délits qui étaient auparavant éparpillés dans divers textes du corpus législatif espagnol, a précisé la délégation. Grâce à cette loi, la société a été sensibilisée à la nécessité d'éliminer le racisme et la discrimination raciale dans les sports. Cette loi porte création d'une commission étatique contre le racisme et l'intolérance dans le milieu sportif, a par ailleurs rappelé la délégation. Pour la saison 2007-2008, 1199 propositions de sanctions ont été proposées par cette commission, dont 23 concernaient des incidents racistes; pour la saison 2009-2010, 1256 propositions de sanctions ont été proposées dont 20 concernant des incidents racistes; et à ce jour, pour la saison en cours, les chiffres sont de 649 propositions de sanctions dont 12 pour incidents racistes.

En Espagne, a par ailleurs rappelé la délégation, il est interdit de renverser la charge de la preuve au pénal. Quant à la pratique du testing, la délégation a souligné qu'il convient de se soumettre au régime général qui consiste à apporter des éléments de preuve; or, c'est au juge qu'il appartient d'accepter ou non les éléments de preuve.

Un membre du Comité ayant souhaité savoir s'il subsiste en Espagne des vestiges de textes de lois remontant à un passé lointain, la délégation a souligné que la Constitution prévoit que toute loi qui lui serait contraire est réputée abrogée.

Observations préliminaires

M. CALI TZAY, rapporteur du Comité pour l'Espagne, a remercié la délégation pour le grand nombre d'informations fournies aux experts du Comité durant ce dialogue. Il semble que le Plan pour les droits de l'homme promet de progresser, a poursuivi l'expert, qui s'est félicité que l'évaluation de l'application de ce Plan fera l'objet d'une publication sur le web. M. Cali Tzay s'est réjoui que 42 des 57 recommandations de ce Plan aient d'ores et déjà été accomplies selon ce qu'a indiqué l'Espagne. Il a ensuite pris note de l'amélioration des conditions de vie des Gitans, mais a attiré l'attention sur le faible taux de scolarisation dont pâtissent encore les jeunes filles gitanes.

M. Cali Tzay a dit rester préoccupé par le grand nombre de cas de viols qui, selon certaines informations, ne seraient toujours pas signalés, notamment par des personnes qui répugnent à les signaler car elles n'ont pas de papiers et craignent d'être expulsées. L'expert a néanmoins pris note de l'information fournie par la délégation selon laquelle aucune femme victime de violences sexuelles n'aurait été expulsée du pays. M. Cali Tzay a rappelé que des préoccupations ont été exprimées face au manque de statistiques démographiques ventilées, notamment pour ce qui est de la répartition de la population carcérale par nationalité.

__________

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

VOIR CETTE PAGE EN :