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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de Cuba

17 Février 2011

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

17 février 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de Cuba sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Abelardo Moreno, Vice-Ministre des relations extérieures de Cuba, a rappelé que depuis 1959, Cuba avait adopté des lois et mesures destinées à détruire l'ancien régime fondé sur les classes. La campagne d'alphabétisation a marqué le premier pas sur la voie de l'égalité des chances pour tous et le processus de nationalisation a mis fin à la discrimination sociale et raciale en matière d'accès au travail en même temps qu'il a permis d'assurer l'accès de l'ensemble de la population à tous les services. Le Vice-Ministre a aussi fait valoir que la composition de l'Assemblée nationale reflète la diversité du peuple cubain. Il a affirmé que les efforts déployés et les progrès enregistrés en matière de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité ont été notables. Pour autant, certains préjugés raciaux subsistent qui découlent de facteurs historiques et socioculturels, a-t-il reconnu. Cinquante années de révolution antidiscriminatoire ne peuvent venir totalement à bout des stéréotypes qui ont caractérisé une société qui fut profondément raciste pendant plus de cinq siècles, a-t-il fait observer, précisant que la structure et le fonctionnement de la famille ne changent pas au même rythme que celui que peuvent suivre les mesures juridiques et politiques prises par l'État. M. Moreno a par ailleurs attiré l'attention sur la discrimination objective associée à un phénomène de pauvreté et de monopole historique des connaissances.

Ont complété cette présentation Mme Hortensia Bonachea Rodríguez, Procureur en chef du Département pour le contrôle de la légalité dans les prisons au Bureau du Procureur général de Cuba; Mme María del Carmen Herrera Caseiro, Sous-Directrice des affaires multilatérales au Ministère des relations extérieures de Cuba; M. Aurelio Alonso, Vice-Président de la revue Casa de las Américas; M. Heriberto Feraudy Espino, Président de la Commission contre le racisme et la discrimination raciale de l'Association des écrivains et artistes de Cuba. La délégation était également composée du Représentant permanent de Cuba auprès des Nations Unies à Genève, M. Rodolfo Reyes Rodríguez, et d'autres membres de la Mission à Genève. Répondant aux questions soulevées par les membres du Comité, elle a notamment souligné qu'il n'y avait plus de communautés ou de peuples autochtones à Cuba et s'est dite persuadée que la société cubaine aurait été fortement enrichie si les peuples autochtones n'avaient pas été exterminés par le colon espagnol au XVIIe siècle.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, M. Pastor Elías Murillo Martínez, a déclaré que, s'il n'existe pas à Cuba de politique institutionnelle orientée vers la discrimination à l'encontre d'un quelconque groupe social du fait de la couleur de sa peau, les descendants d'esclaves africains souffrent encore de la discrimination structurelle qui se reflète dans les énormes écarts socioéconomiques avec la moyenne de la population. Ainsi, la population d'ascendance africaine reste sous représentée dans les instances de prise de décision, a relevé M. Murillo Martínez. Il a aussi mentionné une enquête de l'Académie des sciences de Cuba constatant que le racisme se serait intensifié ces dix dernières années à Cuba et que la discrimination persiste.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de Cuba qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 11 mars prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Uruguay (CERD/C/URY/16-20).

Présentation du rapport

M. ABELARDO MORENO, Vice-Ministre des relations extérieures de Cuba, a rappelé que Cuba est partie à la Convention depuis le 15 février 1972. Il a également rappelé que depuis 1959, ont été adoptées dans ce pays des lois et mesures destinées à détruire l'ancien régime fondé sur le système de classes. Dans ce contexte, la campagne d'alphabétisation a marqué le premier pas sur la voie de l'égalité des chances pour tous, a souligné le Vice-Ministre. Le processus de nationalisation a mis fin à la discrimination sociale et raciale en matière d'accès au travail en même temps qu'il a permis d'assurer l'accès de l'ensemble de la population à tous les services, a-t-il ajouté.

La composition de l'Assemblée nationale reflète la diversité du peuple cubain; sur 614 députés membres du Parlement, 43% sont des femmes et 36% sont noirs et métis, a par ailleurs fait valoir M. Moreno. Il a en outre souligné que la législation cubaine condamne et sanctionne tout acte de discrimination raciale contre des personnes, groupes de personnes ou institutions; elle stipule que tous les citoyens jouissent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs. En outre, la législation nationale condamne et sanctionne toute propagande et organisation qui s'inspire d'idées fondées sur la supériorité d'une race ou d'un groupe de personnes ayant une couleur ou une origine ethnique déterminée. Sont également sanctionnés les actes de violence et l'incitation à les commettre à l'encontre d'une quelconque race ou d'un quelconque groupe de personnes ayant une autre couleur ou une autre origine ethnique.

Toutes les personnes qui résident sur le territoire cubain sont égales devant la loi, a poursuivi M. Moreno. Il a en outre assuré que Cuba reconnaît, respecte et garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, sans discrimination aucune. Il existe à Cuba environ 400 religions et institutions religieuses, a insisté le Vice-Ministre. Les libertés d'opinion, d'expression, d'information et de la presse sont également reconnues à tous les citoyens, a-t-il déclaré.

Le Vice-Ministre des relations extérieures a fait valoir que l'éducation est universelle et gratuite à tous les niveaux d'enseignement. En 2007-2008, la scolarisation, sous une forme ou une autre, des enfants de moins de cinq ans atteignait 99,5% et celle des enfants âgés de 6 à 11 ans, 99,7% (99,2% pour les enfants de 6 à 14 ans). En outre, près de 70% des jeunes cubains suivent des études universitaires. À la fin de 2010, a également fait valoir le Vice-Ministre, le taux de chômage était de 1,6%, ce qui signifie que le pays a maintenu sa situation de plein-emploi. D'autre part, chaque Cubain se voit assuré l'accès à des services de santé gratuits et de qualité reconnue. Le système national de santé est totalement financé par l'État, a rappelé M. Moreno, soulignant que le pays peut s'enorgueillir d'indicateurs de santé comparables à ceux des pays développés. À Cuba, 100% de la population bénéficient d'une protection sociale, a ajouté le Vice-Ministre.

Les efforts déployés et les progrès enregistrés en matière de lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité ont été notables, a poursuivi M. Moreno. Pour autant, certains préjugés raciaux subsistent qui découlent de facteurs historiques et socioculturels, a-t-il reconnu. Cinquante années de révolution antidiscriminatoire ne peuvent venir totalement à bout des stéréotypes qui ont caractérisé une société qui fut profondément raciste pendant plus de cinq siècles, a-t-il fait observer, précisant que la structure et le fonctionnement de la famille ne changent pas au même rythme que celui que peuvent suivre les mesures juridiques et politiques prises par l'État. Aussi, un groupe de coordination a-t-il été créé au sein du Comité central du Parti, qui développe d'importantes mesures liées à la question raciale. En outre, l'Institut cubain d'anthropologie maintient la question raciale comme un point essentiel de son ordre du jour et une Commission contre le racisme et la discrimination raciale a été créée au sein de l'Union des écrivains et artistes de Cuba afin de promouvoir des activités concrètes visant l'éradication des vestiges de la discrimination raciale au sein de la société cubaine.

L'œuvre de la révolution cubaine a pu être menée à bien en dépit de l'existence d'obstacles colossaux, a poursuivi M. Moreno. Le blocus économique, commercial et financier contre le pays, les agressions et les actes terroristes et la politique permanente d'hostilité anticubaine des gouvernements successifs des États-Unis ont de ce point de vue l'impact négatif le plus grave, a-t-il souligné.

La société cubaine n'est pas parfaite et il nous reste beaucoup à faire, a reconnu le Vice-Ministre cubain des relations extérieures, attirant l'attention sur la discrimination objective associée à un phénomène de pauvreté et de monopole historique des connaissances.

MME HORTENSIA BONACHEA RODRÍGUEZ, Procureur en chef du Département pour le contrôle de la légalité dans les prisons au Bureau du Procureur général de Cuba, a notamment rappelé que les articles 58 et 59 de la Constitution garantissent sans distinction aucune la liberté et le caractère inviolable de la personne et soulignent que nul ne peut être accusé ni condamné autrement que par un tribunal compétent, conformément aux lois approuvées avant la commission du délit. Tout accusé a le droit d'être défendu et peut compter sur les garanties juridiques et les recours effectifs à sa disposition.

Mme Bonachea Rodríguez a par ailleurs souligné que la législation en vigueur à Cuba condamne et sanctionne tout acte de discrimination. À cet égard, elle a notamment précisé que le Code pénal sanctionne le délit contre le droit à l'égalité, ainsi que les délits de génocide et de crime d'apartheid. Elle a par ailleurs fait valoir que 72% des personnels du système des tribunaux sont d'ascendance africaine; en outre, 63% de ces personnels sont des femmes. En outre, Cuba possède un vaste système institutionnel (Bureau du Procureur général, organisations sociales, organismes de l'administration centrale, entre autres) pour garantir la réception et le traitement de tout type de plainte émanant d'une personne ou d'un groupe de personnes et liée à la jouissance de l'un quelconque des droits de l'homme. La représentante a par ailleurs indiqué que 43,2% des personnes internées à Cuba sont des Blancs, 29% des Métis et 27,8% des Noirs.

Pour sa part, Mme MARÍA DEL CARMEN HERRERA CASEIRO, Sous-Directrice des affaires multilatérales au Ministère des relations extérieures de Cuba, a souligné que Cuba figure parmi les premiers pays au monde pour la représentation des femmes au Parlement. Ainsi, les femmes représentent-elles 43,32% des députés. En outre, le pays compte huit femmes ministres et 49 vice-ministres; 71,4% des présidents des tribunaux provinciaux sont des femmes. Il n'en demeure pas moins vrai que subsistent dans la société cubaine des attitudes sexistes, a reconnu Mme Herrera Caseiro. Elle a en outre souligné que Cuba, en dépit des difficultés et obstacles auxquels le pays est confronté, a apporté son soutien solidaire à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans de nombreux pays. Des milliers de Cubains, blancs et d'ascendance africaine, n'ont pas hésité à offrir leurs vies, auprès de leurs frères sud-africains, angolais et namibiens, dans la bataille visant à mettre fin au régime ségrégationniste en Afrique du Sud.

M. AURELIO ALONSO, Vice-Président de la revue Casa de las Américas, a rappelé que par le passé, la discrimination religieuse avait engendré une inégalité sociale qui privilégiait le christianisme catholique de l'héritage colonial. La santería et les autres religions aux racines africaines ne furent pleinement légitimées qu'après 1959, a-t-il souligné. S'il est vrai que subsistait encore dans les années 1960 une certaine conjoncture conflictuelle entre l'État socialiste et certains secteurs de la hiérarchie ecclésiastique – ce qui se traduisit alors par une radicalisation idéologique qui jugeait préférable l'absence de croyance religieuse -, on peut affirmer que ces vingt dernières années, l'appartenance et la pratique religieuses se sont développées de manière de plus en plus ouverte, a assuré M. Alonso. Le nombre d'initiations à la santería s'est accru – tant pour les Cubains que pour les étrangers venus exprès à Cuba pour s'initier, a-t-il fait valoir.

Enfin, M. HERIBERTO FERAUDY ESPINO, Président de la Commission contre le racisme et la discrimination raciale de l'Association des écrivains et artistes de Cuba, a quant à lui fait part des nombreuses mesures prises par Cuba en application de la Déclaration et du Plan d'action de Durban. En 2009, a-t-il notamment indiqué, a été mise sur pied la Commission contre le racisme et la discrimination raciale. En outre, de nombreux séminaires et ateliers ont été organisés et des mesures ont été prises dans les domaines de la littérature et des sciences sociales, afin, notamment, de préserver la mémoire historique et de souligner la valeur des contributions de la population d'ascendance africaine.

Le rapport périodique de Cuba (CERD/C/CUB/14-18) indique que le pays possède une identité culturelle clairement définie, qui est le résultat d'intenses processus de transculturation et que plus de 98% de la population ont en partage. Il n'y a pas à Cuba de minorités ethniques, mais des représentants d'autres groupes ethniques qui vivent en petites communautés ou en familles et dont aucun n'atteint 1 % de la population totale. Parmi ces groupes, on peut notamment citer les Canariens, les Catalans, les Galiciens, les Basques, les Chinois, les Haïtiens, les Jamaïcains, les Japonais et bien d'autres encore, qui jouissent des mêmes droits que les autres Cubains. Il convient de signaler le vieillissement de ces populations, lié à l'absence de courants migratoires susceptibles de les rajeunir, et l'existence d'une nombreuse descendance dérivée d'unions matrimoniales interethniques entre des membres de ces groupes et des Cubains. Selon le recensement de la population et de l'habitation réalisé en 2002, 65% de la population sont classés comme Blancs, 10,1% comme Noirs et 24,9% comme Métis. En 1981, la ventilation de la population selon la couleur de la peau donnait 66 % de Blancs, 12 % de Noirs et 22 % de Métis. Le Code pénal dispose que quiconque se rend coupable de discrimination à l'égard d'une autre personne, favorise la discrimination ou y incite encourt une peine privative de liberté de six mois à deux ans, ou une peine d'amende de 200 ou 500 cuotas ou les deux à la fois. Quiconque diffuse des idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale, commet des actes de violence ou incite à en commettre contre toute race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine ethnique encourt la même peine.

Depuis le 1er juin 2004, les Cubains vivant à l'étranger n'ont plus à demander un permis d'entrée: il leur suffit d'être porteurs d'un passeport valide pour pouvoir entrer à Cuba quand ils le souhaitent, fait en outre valoir le rapport. En vertu de la législation cubaine, les citoyens cubains ont le droit de quitter leur pays, à titre temporaire ou définitif, compte tenu toutefois des conditions minimales à remplir dans le cas des personnes détentrices d'importants secrets ou d'informations très sensibles, des spécialistes dont les services sont vitaux pour la santé du peuple et qui doivent attendre de pouvoir être remplacés, ou des personnes ayant fait l'objet d'une ordonnance ou d'un jugement judiciaire. L'existence d'une seule centrale syndicale réunissant les 19 syndicats nationaux ne découle pas de la volonté du Gouvernement et ne répond à aucune autre disposition que la volonté souveraine des travailleurs cubains. La lutte pour l'unité du mouvement syndical à Cuba est une vieille et solide tradition. C'est en 1938 qu'est née, par une décision libre des travailleurs de l'époque, la Confédération des travailleurs de Cuba, qui prit le nom l'année suivante de Centrale des travailleurs de Cuba. S'agissant de la déclaration prévue par l'article 14 de la Convention (reconnaissant la compétence du Comité pour examiner des plaintes), Cuba tient à indiquer qu'il s'agit là d'une question qui relève de la souveraineté nationale. Le rapport ajoute qu'il n'existe pas à Cuba de plaintes pour actes de discrimination raciale et que le pays s'est doté d'un système interinstitutionnel vaste et participatif qui garantit la réception et l'instruction des plaintes faisant état d'une violation des droits des citoyens.

Le rapport souligne par ailleurs que l'embargo économique, commercial et financier exercé par les États-Unis contre Cuba constitue un acte de génocide aux termes de l'alinéa c de l'article II de la Convention de Genève de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Pendant près de cinq décennies, cette guerre économique a été une constante de la politique américaine contre Cuba afin de provoquer la faim et le désespoir, et de renverser le Gouvernement cubain.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. Pastor ElÍas Murillo Martínez, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de
Cuba, a souligné que, s'il convient de se féliciter de l'information apportée par la Fédération des femmes cubaines, le caractère limité de la contribution de la société civile, qui n'a pas participé à la séance prévue à cette fin en début de semaine, appauvrit le dialogue. M. Murillo Martínez a ensuite relevé que le pays enregistre des indices similaires à ceux des pays développés en termes de qualité de vie.

M. Murillo Martínez a ensuite rappelé les propos tenus par Fidel Castro à Harlem (New York) le 8 septembre 2000, dans lesquels ce dernier reconnaissait avoir découvert que la marginalisation – et avec elle, la discrimination raciale – n'est pas quelque chose qui peut être supprimé par une ni même par dix lois et admettait qu'en 40 ans, Cuba n'était pas parvenue à la supprimer totalement.

Depuis des décennies, a poursuivi le rapporteur, la question des prisonniers politiques, dont certains sont d'ascendance africaine, a été un facteur de tension à l'intérieur de Cuba et dans les relations du pays avec l'extérieur. Heureusement, a ajouté M. Murillo Martínez, les mesures positives prises par Cuba, avec la médiation de l'Église catholique et du Gouvernement espagnol, commencent à donner des résultats dans le bon sens.

Cuba est l'un des rares pays à n'avoir pas souscrit à la Convention de 1951 sur le statut de réfugié et à ne pas s'être associé aux efforts de la communauté internationale pour combattre l'apatridie, a par ailleurs déclaré M. Murillo Martínez.

Les récents événements qui secouent le monde arabe constituent, nonobstant les différences historiques et culturelles, un appel lancé à tous les gouvernements du monde pour qu'ils choisissent le chemin de la démocratie, a souligné le rapporteur. Pendant des décennies, en même temps qu'elle a condamné le blocus contre Cuba, la communauté internationale n'a eu de cesse d'espérer anxieusement que Cuba se démocratise, a-t-il affirmé. Aussi, le monde entier attend beaucoup du Grand Congrès que le Gouvernement cubain a annoncé pour avril 2011 et où l'on prévoit que seront annoncées de grandes réformes à Cuba, a-t-il ajouté.

M. Murillo Martínez a reconnu qu'il n'existe pas à Cuba de politique institutionnelle orientée vers la discrimination à l'encontre d'un quelconque groupe social du fait de la couleur de sa peau. Toutefois, en raison du colonialisme, de la traite transatlantique et de l'esclavage auxquels furent soumis des millions d'autochtones et d'Africains en Amérique, leurs descendants souffrent encore de la discrimination structurelle que connaissent encore les «États de l'Hémisphère» et qui se reflète dans les énormes écarts socioéconomiques qui les distinguent de la moyenne de la population dans ces pays. Cuba n'échappe pas à cette réalité, a insisté le rapporteur.

Apparemment, a poursuivi M. Murillo Martínez, la population d'ascendance africaine reste sous représentée dans les instances de prise de décision. Relevant que selon le rapport présenté, Cuba reconnaît le droit de toute personne de voyager dans tout pays et de quitter le pays, M. Murillo Martínez a fait observer que dans la pratique et dans la loi, les Cubains restent soumis à de sérieuses limitations lorsqu'il s'agit d'exercer ce type de droits. Quant au droit à la nationalité, il semblerait que de nombreux Cubains se trouvent en situation d'apatridie du fait des limitations imposées à l'entrée et à la sortie de Cuba.

Le rapporteur a ensuite souhaité en savoir davantage au sujet des niveaux d'exclusion ou de marginalisation économique des personnes d'ascendance africaine à Cuba. Il s'est en outre enquis de la proportion de personnes d'ascendance africaine dans la population carcérale et des indices de délinquance pour les personnes appartenant aux différents groupes raciaux ou ethniques. Il a également voulu connaître la composition ethnique ou raciale des corps de police et de justice.

M. Murillo Martínez a par ailleurs demandé si le Bureau du Procureur général ou toute autre institution avait engagé une enquête sur les causes de l'absence de plaintes pour discrimination raciale à Cuba.

La motivation raciale d'un acte est-elle considérée comme une circonstance aggravante de la responsabilité pénale en vertu du Code pénal, a en outre demandé le rapporteur? Existe-t-il dans le pays un organe indépendant chargé du suivi, de la supervision et de l'évaluation des progrès enregistrés en matière de lutte contre la discrimination raciale, a-t-il également demandé?

Quelles mesures ont-elles été prises pour prévenir toute discrimination raciale dans le processus de licenciements massifs de fonctionnaires annoncés par l'État cubain au début de l'année dans le cadre de la réforme économique, a d'autre part demandé M. Murillo Martínez?

Selon des informations de la BBC en 2003, a poursuivi le rapporteur, l'Académie des sciences de Cuba a présenté les conclusions d'une enquête sur la discrimination raciale dans l'île dont il ressort que le racisme se serait intensifié ces dix dernières années à Cuba et que la population d'ascendance africaine y vivrait dans les pires logements, y exercerait les travaux les plus durs et y recevrait les moins bonnes rémunérations. Il a voulu savoir si cette étude pouvait être mise à la disposition du Comité.

Enfin, M. Murillo Martínez a souhaité savoir si Cuba envisageait de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.

Un autre membre du Comité a relevé le manque d'informations concernant la proportion de Noirs et de Métis dans les postes de direction.

Un expert a relevé que les autorités cubaines affirment qu'il n'y a pas de minorité ethnique dans le pays et parlent d'assimilation biologique, un concept qui mériterait d'être explicité plus avant.

Qui sont les réfugiés à Cuba, de quel pays viennent-ils et quel est leur statut, a demandé un autre expert?

Cuba est incontestablement le pays d'Amérique latine qui a le plus fait pour l'intégration des Noirs dans la société; néanmoins, des problèmes subsistent, a souligné un autre membre du Comité.

Un expert a relevé que les progrès réalisés par Cuba ont largement été reconnus lors de l'examen périodique universel du pays en 2009; il a notamment cité la situation en matière d'éducation et de santé ainsi que la promotion des droits des femmes dans tous les secteurs de la vie publique. Il n'en demeure pas moins que des interrogations persistent. L'absence de poursuites pour acte de racisme est d'autant plus surprenante dans le contexte de Cuba que les pouvoirs du Procureur sont très étendus dans ce pays, a-t-il notamment relevé.

Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage au sujet de la situation des réfugiés et des immigrés, en particulier en provenance d'Haïti.

Un expert s'est dit persuadé que «Cuba sera toujours Cuba, c'est-à-dire un pays libre» et un pays qui va œuvrer à la rénovation de ses relations avec l'extérieur.

Réponses de la délégation

La délégation cubaine a souhaité remercier ceux des membres du Comité qui ont manifesté leur solidarité et leur compréhension à l'égard de Cuba.

Revenant sur les récents événements dans le monde – notamment en Égypte – la délégation a déclaré que Cuba, ces cinquante dernières années, a servi d'exemple pour ce qui est de la promotion de la démocratie: il y a eu et il continue d'y avoir à Cuba des consultations populaires concernant les grandes questions et le système participatif du pays se fonde sur les électeurs et non sur les groupes de pouvoir établis. La crise des partis traditionnels provient du fait que ces partis ont un lien très fort avec les grands centres du pouvoir et cela, ce n'est pas la démocratie, a insisté la délégation. Il n'y a pas un seul mais plusieurs modèles de démocratie, tout simplement parce que la démocratie procède de la volonté des peuples, reflétée dans une multiplicité de systèmes politiques, économiques et sociaux, a poursuivi la délégation.

La délégation a indiqué ne pas avoir connaissance de l'étude mentionnée par le rapporteur sur la base d'un reportage de la BBC.

Cuba n'est pas partie à la Convention sur le statut de réfugié, mais il n'en demeure pas moins que les autorités maintiennent un dialogue ouvert et permanent avec le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui est présent dans le pays, a par ailleurs indiqué la délégation. Le nombre de réfugiés qui arrivent à Cuba est très limité; en général, ceux qui demandent le statut de réfugié à Cuba sont des personnes qui sont victimes de la traite des êtres humains, a-t-elle précisé. Dans les années 1970 et 1980, a-t-elle rappelé, des milliers de réfugiés arrivaient à Cuba en raison des dictatures militaires que l'on trouvait alors en Amérique latine.

La délégation a par ailleurs reconnu qu'il arrive que des migrants haïtiens accostent à Cuba. Mais il convient de souligner que la destination de ces personnes n'est pas Cuba mais les États-Unis. Quoi qu'il en soit, ces Haïtiens sont pris en charge de manière humaine, tant du point de vue du logement que de l'alimentation et lorsqu'ils sont renvoyés dans leur pays, cela s'effectue dans des conditions sûres et sur une base volontaire. Cuba a signé avec le Gouvernement haïtien et l'Organisation internationale pour les migrations un mémorandum d'entente tripartite sur la base duquel sont effectués ces retours en Haïti.

Pour ce qui est de la question de la peine de mort, la délégation a assuré que les autorités s'y intéressent de manière permanente. Même si la peine capitale est prévue par la loi, son application reste exceptionnelle à Cuba, a assuré la délégation, ajoutant que cette peine est strictement encadrée du point de vue législatif. Cuba s'est trouvée forcée de recourir à une défense légitime et a dû, pour se faire, appliquer une loi sévère afin de sanctionner des crimes terroristes – ceci toutefois dans le strict respect de la légalité et des garanties nécessaires. Pourtant, la peine de mort est contraire à la philosophie de Cuba; aussi, le pays est-il tout à fait favorable à l'abolition de la peine de mort lorsque les conditions le permettront, a indiqué la délégation.

Il y a plus de 2000 organisations non gouvernementales dûment inscrites à Cuba, pour une population de onze millions d'habitants, a par ailleurs souligné la délégation. Le pays compte en outre plus d'une centaine d'émetteurs de radio et une cinquantaine de chaînes nationales de télévision et ce, en dépit du blocus économique et financier imposé à l'île. Plus d'un million et demi de Cubains ont régulièrement accès à l'Internet, a ajouté la délégation.

On peut se demander comment avoir de réelles libertés d'information ou d'association si l'on a une population analphabète, a poursuivi la délégation; or, de ce point de vue, il convient de souligner que Cuba a éradiqué l'analphabétisme, a-t-elle fait valoir.

Personne n'est sanctionné à Cuba pour ses idées politiques, pour ses convictions ou pour le libre exercice de ses droits de l'homme, a déclaré la délégation. En revanche, le mercenariat est sanctionné; aucun pays au monde n'accepterait qu'un ressortissant de son pays reçoive de l'argent d'un gouvernement étranger pour réaliser des actes déstabilisateurs, a-t-elle insisté.

Malheureusement, il n'y a pas de communautés ou de peuples autochtones à Cuba, a déclaré la délégation, se disant persuadée que la société cubaine aurait été fortement enrichie si les peuples autochtones n'avaient pas été exterminés par le colon espagnol au XVIIe siècle.

Aujourd'hui, il n'existe à Cuba aucune restriction pour l'accès aux installations touristiques et de loisirs, a assuré la délégation, ajoutant qu'en revanche, il peut malheureusement y avoir des limites à la capacité financière d'y accéder.

Pour ce qui est de savoir si le pays envisageait de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, la délégation cubaine a indiqué que Cuba n'a pas jugé nécessaire d'assumer des obligations en rapport avec des procédures ou instances ayant une juridiction supranationale pour le traitement de plaintes individuelles. Cuba n'a pas non plus jugé nécessaire de recourir à l'assistance d'enquêtes internationales pour assurer aux personnes qui résident sur son territoire la plus grande protection et jouissance des droits et recours prévus dans les instruments internationaux de droits de l'homme, a ajouté la délégation. L'emploi adéquat des ressources conformément à la législation nationale a permis à Cuba d'empêcher une quelconque violation de dispositions énoncées dans la Convention ou dans d'autres instruments internationaux de droits de l'homme. Le consensus qui a prévalu jusqu'ici à Cuba consiste à ne pas favoriser la reconnaissance de la juridiction d'entités tierces en réponse à des affaires qui trouvent une réponse effective par le cadre des recours nationaux disponibles, a insisté la délégation.

La politique économique et sociale à Cuba s'est fixée comme priorité le développement des femmes, a d'autre part souligné la délégation. Il n'existe pas à Cuba de femmes qui soit forcées à se prostituer pour s'assurer un moyen de subsistance, a-t-elle assuré. Aujourd'hui à Cuba, le phénomène de la prostitution n'a pas de causes structurelles, a-t-elle insisté. Après le triomphe de la Révolution, les manifestations de prostitution furent pratiquement inexistantes, a poursuivi la délégation. La nécessité de développer le tourisme international pour faire face aux conséquences du renforcement du blocus imposé à Cuba par les États-Unis et à la rupture des relations économiques qui s'étaient développées durant trois décennies avec anciens pays socialistes d'Europe a eu comme effet secondaire la réapparition des manifestations de prostitution, a expliqué la délégation. Toutefois, les indices restent en tout cas bien inférieurs à ceux que l'on rencontre dans la majorité des pays du monde, a-t-elle assuré. La législation en vigueur pénalise les conduites liées à l'exploitation de la prostitution ou à une quelconque forme de commerce charnel, a ajouté la délégation. Le secteur du tourisme à Cuba n'autorise pas le tourisme sexuel et les contrôles sont particulièrement stricts de ce point de vue, a-t-elle affirmé.

S'agissant de la composition ethnique et raciale des corps de police et de la magistrature, la délégation a indiqué que 72% du personnel judiciaire est d'ascendance africaine; en outre, 63% des employés des tribunaux sont des femmes et les personnes d'ascendance africaine comptent pour 30% environ du personnel du Bureau du Procureur. En outre, 50,5% des personnels de police sont d'ascendance africaine, a ajouté la délégation.

Dans la législation et dans la pratique, toutes les dispositions de l'article 4 de la Convention sont prises en considération à Cuba, a assuré la délégation. Ainsi, la loi sur les associations interdit la création d'associations fondées sur des idées racistes.

Cuba respecte la diversité culturelle, a d'autre part souligné la délégation. La liberté de création artistique est garantie, a-t-elle ajouté, rappelant que la protection de la culture et des sciences est une priorité pour les autorités cubaines.

Questions complémentaires de membres du Comité

Un expert a souligné que la question de la discrimination raciale se pose dans tous les pays, même s'il est incontestable qu'elle revêt des réalités différentes d'un pays à l'autre et qu'elle n'a pas partout le même degré de gravité.

Un membre du Comité a estimé que la délégation avait répondu à toutes les questions pertinentes au regard de la Convention. Il a salué les niveaux élevés atteints en matière de santé publique et d'éducation dans un pays qui n'est pas riche et souffre, depuis longtemps, d'un blocus imposé de l'extérieur.

Un expert a indiqué ne pas bien saisir comment il se peut qu'il n'y ait aucune plainte pour racisme à Cuba eu égard au rôle important que joue pourtant le Bureau du Procureur général de la République.

Réponses complémentaires de la délégation

À Cuba, la population est essentiellement métisse, a rappelé la délégation, qui a fait état de preuves scientifiques génétiques appuyant cette affirmation. Les différentes races se sont mêlées dans le pays, de sorte que l'on ne peut pas dire, par exemple, qu'il y a une minorité nationale noire car cela n'est pas le cas, a-t-elle insisté.

Les plaintes examinées par le Bureau du Procureur général de la République ont trait à des milliers de cas concernant les questions les plus diverses, a par ailleurs indiqué la délégation. Mais il n'y a aucune plainte aux motifs du racisme et de la discrimination raciale; cela n'existe tout simplement pas, a-t-elle déclaré. Les Cubains connaissent parfaitement leurs droits et savent très bien qu'ils peuvent présenter des plaintes; donc s'il n'y a pas de plainte pour discrimination, c'est clairement que ce problème n'existe pas dans le pays, a insisté la délégation.

Un membre du Comité ayant insisté pour savoir s'il n'arrivait pas, par exemple, qu'il y ait discrimination en termes d'accès à un lieu public, un membre de la délégation a indiqué que le seul cas de figure qu'il ait pu observer d'un refus d'accès à un lieu public concernait les touristes européens - donc généralement blancs - qui n'hésitent pas à essayer de rentrer dans les boîtes de nuit simplement vêtus d'un short et d'un tee-shirt (ce qui n'est pas admis), alors que les Cubains, eux, s'habillent convenablement.

Le fait qu'il n'y ait pas de plainte pour discrimination raciale ne signifie pas que le phénomène n'existe pas; il peut en effet arriver qu'un citoyen en discrimine un autre, a par la suite affirmé la délégation. Mais ce qui est très peu probable, pour tout un nombre de raisons, c'est que la victime porte plainte, a-t-elle précisé.

Observations préliminaires

M. MURILLO MARTÍNEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, a jugé très constructif le dialogue entre le Comité et la délégation cubaine. La communauté internationale n'a de cesse de répéter que l'embargo imposé à Cuba est un facteur qui limite le progrès dans ce pays, a-t-il en outre souligné. Cuba n'échappe pas plus qu'un autre pays aux phénomènes de discrimination raciale, a-t-il souligné. L'héritage dû à l'esclavage donne lieu dans toute l'Amérique latine à un racisme structurel, a-t-il rappelé.

 

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