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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'enfant examine le rapport de Singapour

20 Janvier 2011

Comité des droits de l'enfant
20 janvier 2011

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui le rapport périodique de Singapour sur les mesures prises par cet État partie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Présentant le rapport de son pays, M. Vivian Balakrishnan, Ministre du développement communautaire, de la jeunesse et des sports, a précisé qu'une commission interministérielle coordonnant les politiques et programmes en direction des enfants. Le Ministre a attiré l'attention sur la bonne performance de son pays dans les domaines de l'éducation et de la santé des enfants. Ainsi, Singapour jouit d'un des niveaux les plus bas du monde en matière de mortalité infantile des moins de cinq ans; neuf enfants sur dix sont vaccinés; plus de 20% du budget national sont consacrés au système scolaire et 96% de la population est alphabétisée; Singapour est en outre très bien classée au plan international en matière de réussite universitaire. En ce qui concerne la protection de l'enfance, les victimes d'abus ou de négligences reçoivent un appui de la part d'institutions de santé et d'associations d'aide. La loi sur l'enfance et la jeunesse a été amendée pour en renforcer les dispositions. Singapour a en outre accordé une plus grande attention ces dernières années et octroyé des ressources en faveur des mineurs en difficulté. Quant aux enfants handicapés, 60% d'entre eux ont été intégrés dans des écoles classiques, les 40% restants étant admis dans des établissements spécialisés ou dans des classes spéciales du réseau scolaire public. Singapour agit en outre pour que les jeunes soient familiarisés avec les multiples expressions culturelles du pays. Le Ministre a ajouté qu'en août dernier, le pays a organisé les premiers Jeux olympiques de la jeunesse.

L'importante délégation de Singapour était également composée de Mme Tan Yee Woan, Représentante permanente de la République de Singapour auprès de l'Office des Nations Unies à Genève; de Mme Ong Toon Hui, Vice-Secrétaire du Ministère du développement communautaire, de la jeunesse et des sports; et d'autres membres de haut niveau de ce ministère ainsi que des Ministères de l'éducation et de la santé, et d'une conseillère juridique au cabinet du procureur général. M. Ho Lai Yun, Vice-Président de l'ONG Singapore Children's Society, faisait également partie de la délégation. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne plus particulièrement les questions relatives à la justice, à l'éducation, à la santé, à la consultation des mineurs sur les décisions les concernant, notamment en matière de garde parentale. Ont aussi été traitées les questions relatives à la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, à la législation du travail s'agissant des mineurs et à la prévention des sévices et violences contre les enfants.

Au cours des échanges, la délégation a notamment insisté sur le fait que les tribunaux prenaient systématiquement en compte l'intérêt supérieur des enfants et des jeunes lorsqu'ils étaient impliqués dans une affaire. De nombreuses questions ont été posées au sujet des châtiments corporels toujours en vigueur dans le pays. Une représentante de la délégation a assuré qu'ils n'étaient infligés que dans le cas de comportements graves, les justifiant par une «différence culturelle». Enfin, la délégation s'est expliquée quant au nombre relativement important de réserves émises à l'égard de dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il s'agit en effet pour Singapour de ne pas prendre des engagements que le pays ne serait pas en mesure de respecter, a expliqué le Ministre du développement communautaire, de la jeunesse et des sports.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de Singapour, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le 4 février prochain.

Demain après-midi à 15 heures, le Comité tiendra sa sixième rencontre informelle avec les États parties à la Convention. Il doit entamer lundi matin l'examen du rapport périodique du Danemark (CRC/C/DNK/4).

Présentation du rapport de Singapour

M. VIVIAN BALAKRISHNAN, Ministre du développement communautaire, de la jeunesse et des sports de Singapour, a rappelé qu'avec 45 ans d'existence, l'État de Singapour était jeune. À sa naissance, il n'était pas plus grand que la ville de Genève et près d'un demi-siècle plus tard, sa superficie équivaut approximativement à celle du lac Léman. Il a signalé que la jeunesse de Singapour n'était pas du ressort d'une entité unique; le pays dispose d'une commission interministérielle coordonnant les politiques et programmes en direction des enfants.

On est convaincu à Singapour que pour atteindre leur plein potentiel, les enfants doivent bénéficier d'une relation familiale forte, d'une communauté unie et harmonieuse et d'un milieu sain dans le cadre d'une société juste et équitable. Dans le domaine de la santé, Singapour jouit d'un des niveaux les plus bas du monde en matière de mortalité infantile des moins de cinq ans, à égalité avec les pays scandinaves, selon l'UNICEF. Neuf enfants sur dix sont vaccinés et nourris de manière optimale. Ce dernier point est vérifiable dans le constat selon lequel le nombre d'écoliers obèses est en diminution (9,5% en 2006 contre 14% en 1992). L'accent a aussi été mis sur le plan de la santé mentale, avec la création d'un groupe de travail sur cette question en 2006.

En matière d'éducation, l'État s'engage à fournir une instruction de qualité, a fait valoir le Ministre. Ainsi, plus de 20% du budget national va au système scolaire et 96% de la population est alphabétisée. Différentes filières existent en matière d'éducation pour favoriser au mieux le développement des talents et des besoins, y compris sur le plan artistique. Singapour est bien classée au plan international parmi 65 pays étudiés: selon le classement de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) en 2009, les étudiants du pays se classent en cinquième position en matière de lecture, deuxième pour les mathématiques et quatrième pour les sciences.

En ce qui concerne la protection de l'enfance, l'État a mené des campagnes d'information, et les victimes d'abus ou de négligences reçoivent un appui d'institutions de santé et d'associations d'aide. La loi sur l'enfance et la jeunesse (Children and Young Persons Act) a été récemment amendée pour en renforcer les dispositions. Singapour a en outre accordé une plus grande attention ces dernières années et octroyé des ressources en faveur des mineurs ayant des besoins particuliers dans le cadre d'un programme appelé «Enabling Masterplan». Celui-ci permet de faire en sorte que des soins médicaux appropriés, que l'éducation et le soutien social bénéficient à ces jeunes. Il existe aussi un programme spécial pour les moins de six ans. À l'heure actuelle, sur 12 500 élèves souffrant d'un handicap, 7600, soit 60% d'entre eux ont été intégrés dans des écoles classiques; les 40% restants sont admis dans des établissements spécialisés ou dans des classes spéciales dans les écoles classiques.

Les autorités œuvrent en faveur d'un milieu favorable à la vie de famille, a expliqué le chef de la délégation singapourienne. Les autorités ont lancé le «Mouvement un papa pour la vie» (Dads for Life Movement) afin de mettre en lumière le rôle fondamental des pères dans l'éducation des enfants. Il existe aussi des institutions consultatives non gouvernementales telles que le Conseil national de la famille, qui jouent aussi un rôle de promotion de la famille. La prévention et les interventions précoces sont fondamentales pour les familles en difficulté, particulièrement lorsque le bien-être de l'enfant est en question, a souligné le Ministre. Des systèmes d'assistance sociale existent pour fournir une assistance financière ou de recherche d'emploi.

Enfin, Singapour est convaincue de l'importance de la diversité et agit pour que les jeunes soient familiarisés avec les multiples expressions culturelles du pays. L'État encourage les échanges interculturels. En août dernier, Singapour a accueilli les premiers Jeux olympiques de la jeunesse qui ont accueilli des jeunes athlètes âgés de 14 à 18 ans venus du monde entier.

Le rapport de Singapour (document CRC/C/SGP/2-3 regroupant les deuxième et troisième rapports périodiques) concerne la période allant de 2003 à 2007. Il affirme que le Gouvernement entend faire de Singapour un lieu «propice à la prospérité et au développement des enfants et de leurs familles». Les enfants singapouriens sont protégés par la loi, ont accès à un système de soins de santé et d'éducation de qualité et sont soutenus par leurs familles et la communauté. Ils vivent dans une société enrichie par une culture interraciale et interreligieuse commune et diversifiée. Singapour a le taux le plus bas de mortalité infantile dans le monde (2,2 décès pour 1000 naissances vivantes en 2009 contre 26,3 en 1965).

Le code pénal a été révisé en 2007, les nouvelles dispositions entrant en vigueur en 2008, afin de renforcer la protection des jeunes contre l'exploitation sexuelle à des fins commerciales, le tourisme sexuel notamment. En ce qui concerne la législation du travail, l'âge minimum légal de l'emploi des enfants est passé de 12 à 13 ans en 2004. Toutefois, la législation du travail restreint le type de travaux et le nombre maximum d'heures que l'enfant ou le jeune peut accomplir. Singapour a en outre ratifié la Convention n° 138 de l'Organisation internationale du travail sur l'âge minimum.

Ces dernières années, diverses initiatives visant à mieux protéger les intérêts des enfants et des jeunes dans le système juridique ont été introduites dans les procédures judiciaires de Singapour. L'une de ces initiatives a consisté en la création d'un Tribunal communautaire, en juin 2006, juridiction spécialisée qui regroupe la justice pénale et les ressources de la collectivité pour répondre aux besoins de réadaptation dans des circonstances particulières. Ce tribunal est compétent pour les délinquants âgés de 16 à 18 ans. Par ailleurs, un Comité interministériel chargé de réexaminer l'aide apportée aux familles «dysfonctionnelles» a été créé en 2007. Théoriquement, si la responsabilité pénale est applicable dès l'âge de 7 ans, dans les faits il est rare que des poursuites pour délinquance soient engagées avant l'âge de 12 ans, les autorités prenant en compte la «maturité» et la capacité de compréhension des individus concernés. Enfin concernant l'éducation, l'introduction de la loi sur l'enseignement obligatoire garantit que tous les enfants nés après 1996 résidant à Singapour et de nationalité singapourienne sont inscrits dans l'une des écoles primaires nationales jusqu'en sixième année du cycle primaire.

Le Comité est également saisi des réponses de l'État partie aux questions écrites qui lui ont été adressées par le Comité (CRC/C/SGP/Q/2-3/Add.1, à paraître en français).

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. SANPHASIT KOOMPRAPHANT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Singapour, a noté que les enfants de Singapour jouissaient d'un niveau de vie très élevé, particulièrement en matière de santé physique et d'instruction. Des progrès considérables ont été accomplis, notamment en matière de mortalité infantile et de scolarisation. Ainsi 92% des écoliers du primaire poursuivent leurs études. L'amendement du Children and Young Persons Act en 2010 a constitué un premier pas pour garantir un meilleur bien-être des enfants, cette réforme s'inscrivant dans l'esprit de la Convention. Toutefois, le chapitre du rapport sur les poursuites des cas de violence contre les enfants semble montrer que Singapour devrait revoir sa technique d'identification en développant le soutien au témoignage des mineurs et en mettant en place un programme de protection des victimes. Il a souligné par ailleurs le grand nombre de réserves émises par Singapour à l'égard de certains articles de la Convention.

Le rapporteur a enfin souhaité connaître la manière dont l'État recueillait des données sur les sévices dont sont victimes les jeunes. Un autre membre du Comité a demandé si un débat avait lieu dans le pays sur les réserves de Singapour à l'égard de la Convention. Il a souhaité des précisions sur l'âge légal du mariage des filles, les jeunes musulmanes étant semble-t-il autorisées en vertu de la charia à se marier avant 18 ans, contrairement aux filles appartenant aux autres communautés religieuses.

MME AGNES AKOSUA AIDOO, corapporteuse du Comité, a demandé à la délégation de renseigner le Comité sur l'attitude générale de la société et de l'État envers les enfants. Il semblerait que perdure un certain paternalisme, une attitude condescendante contraire à l'esprit de la Convention. Elle a aussi souhaité savoir comment on définissait «les jeunes» mentionnés dans le rapport, notamment avec le «Conseil national des jeunes» qui semble dominé et contrôlé par des plus de 18 ans. Or la notion de «contrôle» est étrangère à la Convention. Certaines approches et attitudes sous-jacentes au rapport mettent mal à l'aise, a-t-elle ajouté. Elle a aussi donné l'exemple de l'expression «familles dysfonctionnelles», qui semble quelque peu déplacée et péjorative, alors qu'il serait plus neutre de parler de «familles en difficulté» par exemple. Enfin, elle a abordé la question des châtiments corporels: notant que l'usage du bâton n'était appliqué qu'aux garçons, elle a ironisé en demandant que ce type de punition soit aboli plutôt qu'appliqué aussi aux filles par souci d'égalité.

Un autre expert a renchéri sur la question des familles dites «dysfonctionnelles», craignant une stigmatisation à leur endroit. Il a aussi souhaité connaître l'objectif du Conseil national de la famille. Enfin, il a demandé si Singapour avait l'intention de créer un mécanisme indépendant pour la surveillance du respect des engagements du pays en matière de droits de l'enfant.

Un de ses collègues s'est inquiété du respect de la vie privée des citoyens, rappelant que les adolescents étaient particulièrement sensibles à cette question. Il est revenu lui aussi sur les châtiments corporels qui peuvent être assimilés à des traitements inhumains ou dégradants. Ces châtiments sont-ils considérés comme efficaces et quels sont les arguments en leur faveur? Est-il envisagé d'y mettre un terme, en particulier s'agissant des coups de bâton.

Un autre membre du Comité a demandé si Singapour avait l'intention de lever certaines réserves, notamment en matière du droit à la nationalité. Le Comité veille particulièrement à l'application de l'article 12 de la Convention, relatif au droit de l'enfant à la participation et à exercer ses libertés et droits civils. Il a demandé si Singapour avait aussi l'intention d'adhérer à d'autres pactes internationaux et protocoles facultatifs, notamment celui sur la vente des enfants et la pornographie. Il a enfin souhaité savoir si les juges avaient connaissance de la Convention. Un de ses collègues a constaté que l'application de l'article 12 était très limitée à Singapour, si l'on se fie au rapport. Dans les affaires de différend familial, il semble que l'enfant n'est pas entendu alors qu'il s'agit précisément d'un domaine où son avis est fondamental. Cet expert a aussi mis en cause une attitude paternaliste ne permettant pas que les enfants soient «acteurs». S'agissant de la nationalité, il a demandé quel était le sort des enfants nés de mères non singapouriennes demandeuses d'asile.

Un autre expert a demandé s'il y avait une définition uniforme de l'enfant à Singapour. Il a noté que les non-citoyens ou les enfants nés hors mariage ne bénéficiaient pas d'un traitement équitable. La question d'une autre experte a porté sur l'enregistrement des naissances, en particulier par des femmes apatrides qui ne bénéficient d'aucune prestation auxquelles ont droit les ressortissants. Les autorités envisagent-elles de prendre des mesures à cet égard?

Une experte a souhaité des précisions sur le rôle des organisations non gouvernementales dans le pays. Elle a aussi demandé quelle connaissance avaient les parents de la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle a aussi voulu savoir pour quelle raison les enfants étaient autorisés à travailler dès l'âge de 13 ans: même si cet âge minimal était de 12 ans précédemment, 13 ans demeure un âge précoce pour travailler, a-t-elle souligné.

Mme Aidoo a fait part de la préoccupation du Comité sur la santé des adolescents, en matière de maladies sexuellement transmissibles notamment. En outre, le taux de suicides est en hausse, a-t-elle constaté. M. Koompraphant a pour sa part demandé s'il existait des services épaulant les parents dans l'éducation des enfants et dans le soutien psychologique. Il s'est aussi demandé comment étaient identifiés les cas de négligences ou d'abus sexuels. Il a enfin souhaité savoir s'il existait un mécanisme de protection des jeunes appelés à témoigner devant les tribunaux.

Une experte, qui a noté la contribution extrêmement modeste de Singapour à l'UNICEF, a demandé quelle surveillance les autorités effectuaient sur les sociétés privées quant au respect de la législation relative aux enfants. Un membre du Comité a critiqué la qualification de comportement délinquant pour certaines attitudes qui exigeraient plutôt un traitement psychologique. Il a demandé au passage si le suicide était considéré comme un délit.

Au sujet des enfants handicapés et des institutions spécialisées dans lesquelles ils sont admis, une experte a souligné que leurs enseignants étaient payés par des ONG et non par l'État, ce qui pose un problème de contrôle public. La Présidente a par ailleurs indiqué que le Comité n'était pas convaincu par les arguments avancés dans le rapport pour justifier le caractère non obligatoire de l'éducation pour les enfants handicapés.

Un autre membre du Comité a posé une question sur l'enlèvement d'enfants à l'étranger par un des parents; il a souhaité savoir si des conventions avaient été conclues à ce sujet avec les voisins de Singapour.

Un expert a rappelé que le pays avait une politique sévère envers le trafic et drogue et demandé des précisions sur la politique de pays en matière de lutte et de prévention de la jeunesse contre la toxicomanie.

Une experte a constaté que Singapour n'était pas encore partie au Protocole sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, citant des cas d'adoption litigieux par des étrangers. Elle a aussi demandé si le pays envisageait de ratifier la Convention de La Haye sur l'adoption internationale. Elle a en outre posé une question sur le droit des enfants aux jeux et aux loisirs, souhaitant savoir si des espaces suffisants étaient prévus pour cela sur le territoire limité de la Cité-État, évoquant un milieu pouvant être stressant et ne contribuant pas à l'épanouissement des jeunes, ceux-ci étant en quelque sorte sous pression.

Un membre du Comité a évoqué le cas de crimes graves impliquant des mineurs et demandé quelle procédure judiciaire était alors utilisée. Un autre expert a souligné que des enfants pouvaient commettre des délits sans être conscients de leur gravité. Il a constaté qu'un mineur pouvait être condamné à perpétuité, en vertu de la législation singapourienne, et a demandé ce qui expliquait une telle sévérité. La question de l'âge est fondamentale, a noté un autre expert, rappelant que la possibilité de poursuites pénales commençait dès 7 ans, même si jusqu'à 10 ans, seules étaient appliquées des mesures éducatives. Il a donc demandé pour quelle raison le seuil pénal était maintenue à un âge aussi bas. S'agissant du maintien de la bastonnade comme châtiment, il a demandé ce qui justifiait ce genre de «violence publique et étatique», même si celle-ci est appliquée à l'aide d'une canne «légère».

Un membre du comité a mentionné la Convention 138 du Organisation internationale du travail et a demandé pour quelle raison les enfants qui travaillaient n'avaient pas à signer de contrat écrit. Il a aussi cité le cas des travailleuses domestiques, citant le peu de droits dont elles jouissaient et se demandant si les mineurs subissaient le même genre de restrictions, de liberté de mouvement notamment. Il a enfin constaté que la protection des mineurs face à la prostitution et la pornographie ne concernait pas les mineurs de plus de 16 ans.

En matière d'éducation, une question a été posée sur le retard des enfants malais par rapport à leurs camarades chinois et sur les mesures prises pour y faire face. Une question a aussi été posée sur l'enseignement de la langue maternelle.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

Répondant aux questions posées par les experts s'agissant de la situation du pays au regard des dispositions de la Convention, la délégation a indiqué que les instruments internationaux ne s'appliquaient pas directement et qu'ils devaient être transposés dans la législation locale. Une experte du Comité ayant souhaité savoir comment se faisait la coordination des droits des enfants, le chef de la délégation a indiqué qu'un comité interministériel veillait à l'application des décisions prises.

Évoquant les questions relatives au système de justice, la délégation a indiqué que toute personne pouvait être appelée à témoigner sauf s'il apparaissait clairement qu'elle ne comprenait pas les enjeux. Les tribunaux prennent systématiquement en compte l'intérêt supérieur des enfants et des jeunes lorsqu'ils sont concernés. Leur avis est sollicité dès que leur intérêt et leur bien-être sont en jeu. Pour les questions de garde dans les cas de divorce, mais aussi d'abus ou de détresse, l'avis des mineurs concernés est systématiquement demandé par des conseillers nommés par les tribunaux, ceux-ci rendant un avis auprès du juge décisionnaire. Les magistrats reçoivent une formation spécifique localement ou bien en Australie pour les questions de médiation familiale. Un expert ayant demandé ce qui pouvait motiver le fait de ne pas entendre un mineur, la délégation a rappelé que la loi n'imposait en effet pas une telle audition. Toutefois, en règle générale, le mineur est entendu sur toutes les questions pouvant l'affecter. Les enfants sont enlevés à la garde de leurs parents uniquement en fonction de la gravité et ce n'est pas l'État qui prend une telle décision de manière arbitraire. C'est à la justice d'en décider, de préférence en obtenant le consentement parental et de manière la plus temporaire possible. Dans tous les cas, c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui prime. Dans les audiences en justice dans les cas d'abus, Singapour s'est inspirée de la Nouvelle-Zélande en utilisant notamment les témoignages vidéo.

S'agissant des questions relatives à la nationalité, un membre de la délégation a abordé la question de l'acquisition de la citoyenneté par naturalisation. Si celle-ci est automatique pour les enfants nés après 2004, il convient d'en faire la demande pour ceux nés avant cette date – pour des raisons de non-rétroactivité de la loi; avant 2004, la nationalité était transmise par le père. La nationalité singapourienne ne peut être acquise automatiquement si les parents sont étrangers. Dans ce cas, l'enfant a la nationalité de ses parents, si celle-ci est transmise par la naissance dans le pays d'origine. Les apatrides ont accès à l'éducation, avec l'aide de bourses lorsqu'ils n'en ont pas les moyens. Il en va de même pour la santé qui est fortement subventionnée par les pouvoirs publics, grâce à un filet social très serré.

S'agissant des organisations non gouvernementales, qui sont appelées «organisations pour le bien-être des citoyens», elles sont généralement animées par des bénévoles, a précisé la délégation. Elles jouent un rôle de défense des enfants, mais remplissent aussi des fonctions très concrètes en proposant avec l'aide de travailleurs sociaux des activités après l'école l'après-midi, par exemple, pour ceux dont les parents ne sont pas disponibles. Il y a en outre de très nombreuses organisations caritatives à Singapour. Les autorités encouragent la population à créer des ONG, a conclu le chef de la délégation.

Abordant le sujet des «familles dysfonctionnelles», et même si on peut avoir un débat sur cette appellation, a reconnu une représentante de la délégation, il s'agit en fait d'appeler un chat un chat, a-t-elle expliqué, ce qui ne serait en aucun cas péjoratif. Un membre du Comité ayant estimé que l'on devrait plutôt s'attaquer aux causes du problème expliquant ces «dysfonctionnements», la représentante singapourienne a répondu que la question était complexe et que le Comité pourrait sans doute être de bon conseil à ce sujet.

S'agissant des châtiments corporels, une représentante de la délégation a évoqué les différences culturelles à cet égard. Ils ne sont utilisés qu'en dernier recours, pour des comportements graves et n'ont aucun caractère systématique, a-t-elle expliqué.

En ce qui concerne la protection de l'enfance, les fournisseurs d'accès à Internet par exemple doivent obligatoirement fournir des filtres parentaux à leurs abonnés.

En cas de plaintes, concernant d'éventuelles violences, tout mineur peut contacter les services gouvernementaux, notamment grâce à un numéro de téléphone gratuit, qui est largement diffusé, ainsi que par la disponibilité d'une boîte postale scellée. Les plaintes sont ensuite transférées à l'institution concernée. En outre, des séminaires sont organisés tous les ans sur la protection de l'enfance en direction des professionnels concernés, les policiers notamment.

En réponse en question sur l'âge du mariage, la délégation a fait valoir qu'il était passé de 16 à 18 ans, âge qui s'applique à tous, une demande de dispense étant nécessaire pour se marier plus tôt.

L'âge minimum d'accès à l'emploi est passé de 12 à 13 ans pour les travaux légers, ce qui est conforme à la Convention de l'Organisation internationale du travail. Par ailleurs, on ne peut employer de mineurs pour des travaux dangereux.

La Présidente du Comité ayant souligné qu'un tiers environ des enfants n'ayant pas la nationalité singapourienne n'entrent pas dans les chiffres officiels de scolarisation, la délégation a répondu qu'un certain nombre d'écoles internationales existaient dans le pays pour les expatriés. La Présidente ayant rétorqué qu'elle ne parlait pas de cette catégorie privilégiée d'étrangers, le chef de la délégation a indiqué que s'il y avait par ailleurs environ 1,3 million de travailleurs étrangers à Singapour (sur 5 millions d'habitants), ceux-ci n'étaient toutefois pas autorisés à s'installer avec leur famille restée généralement au pays.

En ce qui concerne la prévention de la toxicomanie, des campagnes publiques de grande ampleur ont été menées avec des résultats probants, ce fléau étant en diminution.

Répondant à des questions sur la santé, la délégation a indiqué que les autorités réalisent des études nationales depuis 2006, année au cours de laquelle un comité consultatif a été mis sur pied pour étudier les difficultés auxquelles les adolescents sont confrontés en matière de santé, depuis que l'on a pris conscience que leurs problèmes étaient différents de ceux des enfants. Au sein du ministère de la santé, une division chargée des adolescents a été créée, celle-ci étant distincte de la division pédiatrique. En ce qui concerne le VIH-sida, la transmission de la mère au fœtus est nulle et il n'y a aucun enfant de moins de dix ans qui soit séropositif. Cela s'explique par le fait que toute femme enceinte est systématiquement dépistée. Quant aux maladies sexuellement transmissibles, elles sont peu fréquentes. Cela s'explique par le fait que les enfants sont informés de ces questions dès l'école primaire.

La délégation a aussi reconnu que le taux d'allaitement est relativement bas au-delà de deux ou trois mois après la naissance, mais a assuré qu'il était en augmentation depuis 2003. Une ligne téléphonique est en place pour conseiller les jeunes mères lorsqu'elles quittent la maternité. Des salles, sur le lieu de travail notamment, sont mises à disposition pour que les femmes puissent allaiter ou tirer leur lait. Le congé maternité est de quatre mois.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment expliqué que les relations sexuelles entre mineurs sont illicites avant 16 ans, ce qui ne signifie pas que des poursuites soient intentées en cas de transgression par des mineurs plus jeunes, surtout dans le cas de relations mutuellement consenties. Si un paiement intervient dans ces relations, l'acte est passible de poursuites.

Quant au suicide s'il ne constitue pas une infraction en tant que telle, la tentative de suicide en revanche l'est, a expliqué un membre de la délégation. Les autorités souhaitent en effet avoir toute latitude pour intervenir afin d'empêcher quiconque de mettre fin à ses jours. Il ne s'agit pas d'une démarche punitive, a assuré la délégation, qui a précisé que le pays compte de 10 à 16 suicides par an.

S'agissant des questions posées par le Comité s'agissant du rôle de Singapour en matière de coopération internationale et l'aide publique au développement, la délégation s'est étonnée que ce thème soit abordé et le chef de la délégation a indiqué qu'il n'avait pas de mandat de son gouvernement pour fournir des réponses sur ces questions; il compte consulter en conséquence les juristes de son ministère à ce sujet. La Représentante permanente de Singapour à Genève a pour sa part fait part de son expérience au Cambodge, soulignant le rôle actif de son pays en matière d'aide internationale.

Singapour a exprimé des réserves à l'égard de six articles de la Convention, a indiqué le Ministre. Le souci principal pour le pays était notamment de ne pas s'engager à accueillir un nombre trop élevé de personnes «sur une île aussi petite». Si nous ne pouvons respecter pleinement un engagement, nous maintenons la réserve correspondante, a-t-il expliqué. Ainsi, tout en s'efforçant de scolariser tous les enfants, le pays ne peut s'engager formellement à admettre dans ses écoles tous les enfants se trouvant sur son territoire, quel que soit leur statut. À l'inverse, toutes les dispositions acceptées sont appliquées, a-t-il dit, tout en envisageant la possibilité de la levée à terme de toutes les réserves émises.

La délégation a évoqué la politique linguistique du pays, indiquant que tout enfant doit apprendre l'anglais en sus de sa langue maternelle, celle-ci étant le moyen de mieux apprendre la culture familiale et communautaire, afin de s'épanouir en son sein. Singapour se targue d'une politique multiculturelle propice à sa diversité. Cette société cosmopolite dispose d'un atout, y compris économique, de par ses nombreuses communautés. Cette connaissance de sa propre culture n'est pas incompatible avec des échanges avec les voisins. La délégation a précisé que le retard que connaissaient les enfants d'ethnie malaise dans le domaine éducatif a commencé à se combler ces dernières années. Ils disposent de cours de rattrapage en dehors des heures de cours. Les autorités entendent promouvoir une approche différenciée, en fonction du point de départ de chacun. La situation est très variable en effet selon les familles, un tiers des foyers parlant anglais à la maison, un autre tiers, une langue locale, et le troisième tiers les deux langues.

En réponse aux questions sur les enfants handicapés, et leur intégration dans le système scolaire, un membre de la délégation a justifié le fait que les parents de ceux-ci n'étaient pas contraints de les scolariser afin «de ne pas les criminaliser», l'école étant en effet obligatoire pour les autres enfants. Dans le même temps, des mesures ont été prises pour favoriser la scolarisation de ces enfants qui ont des besoins spécifiques.

La délégation a souligné que le pays connaît un taux de criminalité très bas: le taux d'homicide est de 0,38 comparé à 0,7 pour 100 000 habitants en Suisse, ce qui signifie que les enfants grandissent dans un environnement sûr, a expliqué la délégation. Le maintien du seuil pénal à 7 ans est atténué par le fait qu'aucun enfant âgé de 7 à 12 ans ne peut être poursuivi s'il n'est pas conscient de la nature de son délit.

Conclusion

MME AGNES AKOSUA AIDOO, corapporteuse du Comité pour le rapport de Singapour, s'est félicitée du dialogue ouvert, constructif et franc tenu ce jour. Le Comité reconnaît les avancées de Singapour, ainsi que les principes qu'il cultive en faveur de l'intégrité familiale et sociale. Ceux-ci ne doivent toutefois pas constituer un obstacle à l'application de la Convention, a-t-elle ajouté. Elle a émis l'espoir que Singapour ne s'endorme pas sur ses lauriers et que l'État poursuive ses efforts pour défendre les droits de l'enfant, d'autant qu'il dispose des ressources pour ce faire. Le Comité encourage l'État-partie à en finir avec ses réserves envers la Convention. Si vous y êtes quasiment prêts, comme vous le dites, faites-le, a-t-elle lancé.

Au nom de la délégation de Singapour, M. Vivian Balakrishnan a souligné que le fait que la société singapourienne était une société traditionnelle qui doit trouver un équilibre entre droits, responsabilités et conséquences. Il a regretté de ne pas avoir pu lever les réserves de son pays envers certains articles de la Convention, en expliquant les raisons, ce qui n'empêche pas Singapour, petit pays jeune et densément peuplé, de respecter cet instrument. Nous ne nous endormirons pas sur nos lauriers, a-t-il assuré.

Enfin, la Présidente du Comité, Mme Yanghee Lee, a rappelé le caractère universel et indivisible des droits. Elle a aussi appelé Singapour à ratifier le Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

 

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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