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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine le rapport du Kenya

19 Janvier 2011

Comité pour l'élimination de la discrimination
à l'égard des femmes

19 janvier 2011

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le septième rapport périodique présenté par le Kenya sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant le rapport, Mme Naomi Shaban, Ministre du genre, de l'enfance et du développement social du Kenya, a déclaré que la nouvelle Constitution du pays, adoptée par le peuple en août 2010, contient tous les principes contenus dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il s'agit d'un document progressif et complet, garantissant l'égalité entre les sexes par le biais de dispositions opposées aux pratiques coutumières limitant les libertés individuelles et les droits fondamentaux des femmes. Mme Shaban a relevé que les femmes kényanes ont, par le passé, souffert de discrimination du fait du retard du Parlement dans l'adoption de plusieurs lois déterminantes. L'adoption de la nouvelle Constitution garantit cependant que ces textes de lois seront adoptés rapidement par le Parlement. Mme Shaban a aussi fait valoir que la nouvelle Constitution autorise désormais les femmes à transmettre leur nationalité et prévoit le principe de la double citoyenneté. La nouvelle charte fondamentale garantit par ailleurs l'interdiction de la discrimination dans l'application des lois relatives au statut personnel: mariage, divorce, adoption, funérailles et succession.

La délégation kenyane était également composée d'autres représentants du Ministère du genre, de l'enfance et du développement social, ainsi que des Ministères de la justice, des affaires étrangères et de l'éducation. Elle a répondu aux nombreuses questions des membres du Comité s'agissant du retard dans l'adoption par le Parlement kényan de lois importantes pour les femmes; sur les possibilités de recours contre les décisions des tribunaux traditionnels ou religieux concernant les femmes; sur la «Stratégie globale de lutte contre les stéréotypes sexistes» du Gouvernement kényan; sur les mesures prises par les autorités contre les mutilations génitales féminines; ou encore sur le processus de réparation aux femmes victimes d'exactions lors des troubles postélectoraux en 2008.

En conclusion, la Présidente du Comité, Mme Silvia Pimentel, a souhaité que la diversité culturelle du Kenya profite aux femmes, sur un pied d'égalité avec les hommes. Le Comité félicite le Kenya de l'adoption de sa nouvelle Constitution, qui constitue une étape importante pour la réalisation des droits des femmes, ainsi que de ses nombreuses initiatives de lutte contre la violence sexiste. Le Comité estime dans ce contexte que les autorités doivent agir pour accélérer la promulgation des projets de lois importants pour les femmes et la société kényane en général. Le Comité encourage en outre le Kenya à adhérer au Protocole facultatif sur l'examen des plaintes de particuliers, rappelant au pays qu'il a été, comme d'autres pays africains, un des catalyseurs de la rédaction du Protocole facultatif.

Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur les rapports de tous les pays examinés et les rendra publiques ultérieurement.

Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera le quatrième rapport périodique du Liechtenstein (CEDAW/C/LIE/4).

Présentation du rapport

MME NAOMI SHABAN, Ministre du genre, de l'enfance et du développement social du Kenya, a déclaré que la nouvelle Constitution de son pays, adoptée par le peuple en août 2010, contient tous les principes contenus dans la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il s'agit d'un document progressif et complet, garantissant l'égalité entre les sexes par le biais de dispositions opposées aux pratiques coutumières limitant les libertés individuelles et les droits fondamentaux des femmes. Bientôt, le Parlement kényan prendra des mesures d'action affirmative destinées à remédier aux inégalités subies par le passé. Des mesures seront prises pour faire en sorte que la représentation d'un même sexe dans les organes élus ne dépasse les deux tiers. Mme Shaban a aussi relevé que les femmes kényanes ont, par le passé, souffert de discrimination du fait du retard du Parlement dans l'adoption de plusieurs lois déterminantes. L'adoption de la nouvelle Constitution garantit cependant que ces textes de lois seront adoptés rapidement par le Parlement. D'autres projets de loi ont été déposés par le Gouvernement concernant le mariage, la propriété au sein du mariage, la protection de la famille et l'égalité des chances. Ces projets ont été élaborés avec la participation active d'intervenants de la société civile tels que la Fédération des femmes juristes, la Commission nationale des droits de l'homme, la Commission internationale des juristes ainsi que plusieurs Ministères et agences publiques.

Les femmes kényanes sont très préoccupées par les inégalités dont elles souffrent en ce qui concerne la nationalité, a poursuivi Mme Shaban. À cet égard, la nouvelle Constitution autorise désormais les femmes à transmettre leur nationalité à leur mari et à leurs enfants, tout en prévoyant, pour la première fois, le principe de la double citoyenneté. De plus, une femme ne perdra plus sa nationalité par le mariage ou lors du divorce. La nouvelle charte fondamentale garantit par ailleurs la non-discrimination dans l'application des lois relatives au statut personnel: mariage, divorce, adoption, funérailles et succession.

La Ministre a d'autre part fait savoir que son gouvernement avait pris des mesures d'ordre économique en faveur de l'autonomisation des femmes. Il a ainsi créé un fonds destiné à financer la création d'entreprises par des femmes, par le biais notamment de facilités de crédit, ainsi qu'un fonds de protection sociale, é l'intention des ménages très pauvres. Le Gouvernement a également lancé des programmes en faveur des orphelins et des enfants vulnérables, des jeunes entrepreneurs et des personnes handicapées.

Dans le domaine de l'éducation, l'introduction de la scolarité primaire gratuite et universelle a suscité une augmentation du taux d'inscription des fillettes à l'école. La parité entre les sexes est réalisée au niveau national. La suppression des frais de scolarité dans le secondaire a rendu l'éducation plus accessible. La part des étudiantes dans les établissements supérieurs a par conséquent augmenté. Des progrès ont par ailleurs été réalisés dans la lutte contre le VIH/sida, par le biais de plans stratégiques nationaux. Ceux-ci ont permis d'augmenter le nombre des institutions de soins et de traitement, ce qui facilite par contrecoup l'accès des femmes aux traitements. Les dernières statistiques montrent un recul de la prévalence du sida, de 14% en 1999 à 6,3% en 2010.

Enfin, le Kenya s'est doté d'un cadre stratégique national de prévention et de lutte contre la violence sexiste, dont l'application a d'ores et déjà suscité une diminution du nombre des cas de violence. Les mesures prises dans ce contexte consistent en l'ouverture d'unités policières spécialisées, en formation de fonctionnaires de police et du public, en campagnes d'information et d'action. Plusieurs hôpitaux ont ouvert des unités spécialisées dans le traitement des victimes. Le cadre juridique de la lutte contre la violence sexiste a lui aussi été renforcé: ainsi l'article 29 de la Constitution garantit-il le droit de chacune et de chacun de vivre dans la sécurité dans la sphère publique aussi bien que privée, tandis que la loi sur les violences sexuelles a été adoptée en 2006 déjà. Mme Shaban a conclu sa présentation en assurant le Comité que le Kenya est résolument engagé dans la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Le septième rapport périodique du Kenya (CEDAW/C/KEN/7) souligne que l'établissement du rapport s'est fait sur fond de bouleversements d'ordre politique, social, culturel et économique consécutifs à la crise postélectorale qui a généré un climat de violence suite à l'annonce des résultats des dernières élections présidentielles et parlementaires en décembre 2008. Au cours de cette période, le pays a connu des niveaux sans précédent de violence – meurtre aveugle d'au moins 1 133 personnes, viol d'au moins 1 500 femmes et filles, déplacement interne d'au moins 350 000 personnes, dont beaucoup de femmes et d'enfants. Un Fonds national d'aide humanitaire et une nouvelle Direction pour la réinstallation des personnes déplacées ont été mis en place. Suite à la mise en place d'un gouvernement de coalition incluant les partis au pouvoir et des partis d'opposition, le calme est généralement revenu, mais la violence postélectorale a annihilé beaucoup des gains obtenus par le Kenya avant décembre 2007.

Le rapport attire l'attention sur les mesures prises pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine des soins de santé en particulier, tout en reconnaissant que des progrès restent à faire. Le rapport indique également que le nouveau Ministère de l'égalité des sexes, de l'enfance et du développement social dispose d'un personnel professionnel hautement qualifié et des progrès ont été faits dans l'amélioration de la condition de la femme dans divers secteurs. Cela a notamment consisté à mettre en place des responsables des questions féminines dans tous les ministères. D'autre part, le Président Kibaki a, en octobre 2006, promulgué un décret aux termes duquel les nominations à des fonctions publiques comprendraient dorénavant 30% de femmes. Vu le passé d'inégalité entre les hommes et les femmes au Kenya, la directive présidentielle marque un heureux départ par rapport à une tradition d'inégalité. Les nominations ultérieures, y compris les nominations aux commissions Waki et Kriegler, qui ont enquêté, la première sur l'élection présidentielle, la deuxième sur les violences postélectorales de fin 2007/début 2008 ne se sont pas conformées à cette directive. Il convient toutefois de noter que le rapport Waki a fait une grande place aux questions de violence sexuelle et sexiste en dépit du fait que les femmes n'y étaient pas représentées comme commissaires ou secrétaires. Au nombre des nominations dans le corps diplomatique, on compte actuellement 13 femmes ambassadeurs pour un total de 100 représentations dans le monde.

Enfin, reconnaissant le fait que l'amélioration de la condition des femmes exige qu'elles puissent d'elles mêmes agir pour améliorer leur situation matérielle, le Gouvernement a créé un «Fonds d'aide aux entreprises de femmes» pour faciliter l'accès des femmes à la micro finance et autres services financiers. À son lancement en 2007, une allocation budgétaire d'un milliard de shillings du Kenya lui a été versée. L'argent du Fonds est décaissé par des intermédiaires financiers triés sur le volet et par le «Système de répartition des fonds d'aide aux entreprises de femmes». Le Fonds, qui est administré par le Ministère de l'égalité des sexes, de l'enfance et du développement social, a jusqu'ici fait des décaissements en faveur de 92 000 femmes des huit provinces.

Examen du rapport

Questions des experts du Comité

Une experte s'est félicitée qu'en dépit des événements politiques qui ont secoué le Kenya, on puisse constater la volonté politique des autorités actuelles d'œuvrer pour l'égalité entre les sexes. Elle a voulu connaître la position du Gouvernement du Kenya au sujet de la ratification éventuelle du Protocole facultatif à la Convention. Une autre experte, se félicitant de la consolidation du cadre juridique et législatif relatif aux droits des femmes, a voulu connaître le processus suivi pour assurer réparation aux femmes victimes d'exactions lors des troubles politiques en 2008. La même experte a demandé s'il existe un mécanisme de centralisation de l'action des autorités en faveur de l'égalité entre les sexes et de la lutte contre la discrimination à l'égard des femmes.

Une experte a demandé des renseignements sur le calendrier de la promulgation des lois importantes pour l'égalité entre les sexes et la protection des droits fondamentaux des femmes. Une autre experte a suggéré au Kenya de procéder à la révision des lois pour en éliminer les clauses éventuellement discriminatoires, comme c'est le cas par exemple dans la loi sur la succession. Des détails ont aussi été demandés sur la future loi sur le mariage, s'agissant notamment des possibilités de recours contre les décisions des tribunaux traditionnels ou religieux.

Une experte a demandé quels étaient les compétences et les moyens dont disposent les différents organes chargés de faire respecter le principe de la parité entre les sexes, en particulier la Commission nationale des droits de l'homme. D'autres questions ont porté sur les mesures ordinaires en faveur des femmes faisant l'objet de discriminations multiples et sur les mesures spéciales temporaires qui seront prises en faveur de la participation des femmes dans les organes élus et dans les agences du secteur public. Des précisions ont aussi été demandées sur la «Stratégie globale de lutte contre les stéréotypes sexistes» du Gouvernement kényan. Une autre experte a souligné l'importance de l'éradication des stéréotypes contre les femmes et les filles, qui les empêchent de s'épanouir dans toutes les sphères de la vie privée et publique.

Il a été observé que la loi kényane prévoit que toute personne dénonçant à tort une infraction sexiste est punissable: cela ne risque-t-il pas de décourager certaines victimes d'agir en justice? Le viol conjugal concernerait près de 40% des femmes mariées ou divorcées au Kenya, un chiffre en augmentation depuis dix ans, a regretté une experte.

Si les mutilations génitales féminines sont officiellement interdites au Kenya, leur pratique est encore courante dans certaines régions et communautés du nord et de l'est du pays. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à cet égard? Une experte a vivement condamné cette pratique «détestable», précisant qu'elle n'est justifiée par aucun motif religieux.

Une experte a observé que le contexte politique n'est pas le plus favorable à l'apparition de candidates aux postes électifs, contrairement à ce que l'importante participation des femmes dans la vie économique, par exemple, pourrait suggérer. Il appartient aux autorités de rester très vigilantes face aux messages de haine contre les femmes que l'on entend au Kenya. L'experte a demandé quels mécanismes existent pour aider les femmes à participer aux décisions dans les communautés villageoises.

La nouvelle Constitution garantit l'égalité des droits des femmes en matière de transmission et d'acquisition de la nationalité, a observé une experte, qui a voulu savoir si des lois d'application ont déjà été adoptées.

Des questions ont porté sur le mode de nomination (élection ou désignation) des membres des commissions électorales; et sur la représentation des femmes parmi les ministres, dans la magistrature et au sein des autorités locales et municipales.

Une experte a fait état de rapports selon lesquels la participation des filles à l'école primaire serait plus faible que celle des garçons. La délégation a été priée de donner les taux net et brut de scolarisation des filles à l'école primaire et secondaire. Des éclaircissements ont été demandés également s'agissant des obstacles à la participation des filles dans le secondaire gratuit et de la rescolarisation des jeunes filles ayant eu un enfant. D'autre part, le nombre de licenciements d'enseignants coupables de violence sexuelle dans les écoles est-il proportionnel au nombre d'incidents recensés, a voulu savoir la même experte.

Un expert a observé que le rapport pointe des lacunes relatives aux statistiques sur l'emploi des femmes au Kenya. De même, le Kenya n'applique pas de schéma d'évaluation des emplois. Enfin, le problème du harcèlement sexuel sur le marché du travail persiste au Kenya. L'expert a demandé à la délégation de dire quelles mesures l'État entend adopter pour remédier à ces difficultés, de même qu'au problème du travail des enfants, et notamment des fillettes qui quittent prématurément l'école.

Une experte a voulu savoir si le plan d'action contre le VIH/sida, excellent en lui-même, comporte un volet de suivi et d'évaluation. Une autre experte s'est interrogée sur la persistance d'un taux élevé de prévalence du VIH chez les femmes enceintes, et chez les femmes en général.

D'autres questions ont porté sur l'attitude des autorités face au travail informel, qui emploie de très nombreuses femmes et dont l'organisation ne saurait contribuer à leur exclusion; sur les obstacles qui empêchent encore l'adoption de la politique du Gouvernement en matière de santé génésique; sur la lutte contre la pauvreté dans les zones rurales; et sur la situation des femmes appartenant à des communautés autochtones.

Réponses de la délégation

Répondant à des questions sur le cadre juridique d'application de la Convention, la délégation a notamment reconnu que la ratification du Protocole facultatif (sur l'examen par le Comité de communications émanant de particuliers victimes d'une violation de la Convention) contribuerait à garantir le respect des droits fondamentaux des femmes. Elle a indiqué à cet égard que le Parlement est actuellement saisi de la question, qu'il devrait finir de traiter très rapidement. Quant au retard dans l'adoption de lois importantes pour les femmes, notamment en matière de mariage, il devrait être rapidement comblé par le Parlement, a assuré la délégation, soulignant que quatre textes ont déjà été validés par les législateurs. Le Gouvernement, très engagé dans ce sens, a accordé des fonds supplémentaires destinés à assurer le fonctionnement des commissions juridiques chargées de la formulation des textes juridiques. Certes, les activités de certaines commissions ont connu des retards. Mais le mouvement de l'action parlementaire, désormais irréversible, garantit que les textes seront adoptés dans un bref délai, d'autant plus que le Parlement travaille sans interruption. Le Parlement est, parallèlement, engagé dans des travaux d'amendement des lois contenant des dispositions discriminatoires. La délégation est convenue que certaines lois existantes sont parfois discriminatoires, soulignant toutefois que la nouvelle Constitution était très claire et garantissait que désormais, la parité l'emportera dans toutes les lois.

Le recours aux tribunaux musulmans est facultatif, a fait savoir la délégation, les justiciables ayant d'autre part la faculté de saisir la justice civile pour leurs appels et recours. Ces tribunaux musulmans ont été créés pendant la colonisation. Dans la période qui a conduit à la promulgation de la première Constitution, la question du maintien ou non de ces tribunaux était déjà litigieuse et chargée de risques sociaux. La Constitution dispose que les musulmans sont dispensés de l'obligation générale d'égalité entre les sexes, ce qui explique que certains jugements de tribunaux musulmans, défavorables aux femmes, n'en sont pas anticonstitutionnels pour autant. Cette situation n'est pas totalement satisfaisante. Mais, compte tenu des réalités sur le terrain, le Kenya n'est pas près de rouvrir un débat conflictuel.

Les violences postélectorales ont suscité un véritable traumatisme en leur temps, a dit la délégation. Les autorités ont adopté des mesures de réparation pour les femmes victimes, par le biais de jugements de tribunaux locaux chargés d'enquêter sur ces violences et habilités à prononcer des mesures de compensation financière. Par ailleurs les réformes générales du système judiciaire ont aussi été conçues pour permettre à ces femmes d'obtenir une réparation devant la loi, dans une volonté de regagner la confiance des citoyens.

Il a aussi été précisé que le Kenya a ratifié la Convention de Kampala sur les réfugiés et personnes déplacées. Le Kenya est actuellement engagé dans une phase de rapatriement de près de 350 000 réfugiés et personnes déplacées. Certaines personnes demeurent dans des camps de transit et ne pourront probablement pas rentrer dans leur pays. Le Gouvernement a donc décidé de leur offrir des terres, une procédure complexe et longue.

La délégation a précisé que le Gouvernement du Kenya s'acquitte de son mandat en matière de parité pour les femmes par le biais d'institutions spécialisées, dont le mandat s'applique au niveau local et national. Le Ministère du genre, de l'enfance et du développement a créé des bureaux ayant pour mission d'intégrer la sexospécificité dans tous les programmes nationaux. Au niveau des districts, des femmes et des hommes qualifiés nouvellement recrutés sont chargés de cette intégration en partenariat avec des intervenants des secteurs privé et public. Les «Mécanismes nationaux pour les femmes» œuvrent eux aussi en partenariat avec des acteurs tels que les organisations non gouvernementales. La «Commission nationale kényane des droits de l'homme et d'égalité» est issue de la fusion de deux structures, la Commission de la parité et la Commission des droits de l'homme. Cette décision a suscité des réticences, qui expliquent qu'il est aujourd'hui question de revenir à une structure double, dont l'une explicitement destinée à protéger les droits fondamentaux des femmes. D'une manière générale, les mécanismes institutionnels disposent d'une bonne capacité d'action, encore que les mécanismes relatifs aux femmes aient toujours été sous-financés. À cet égard, la nouvelle Constitution, qui accorde une grande place aux droits des femmes, devrait changer les choses pour le mieux.

S'agissant de l'égalité en matière d'emploi, une directive présidentielle datant de 2006 oblige les services publics à employer au moins 30% de femmes. Cette exigence est également affirmée par la nouvelle Constitution. Des progrès importants ont été enregistrés, même si le pourcentage n'est pas encore atteint, a admis la délégation. L'Assemblée nationale ne compte encore que 10% de femmes; les listes de candidatures aux prochaines élections sénatoriales compteront en tout seize femmes. Au niveau des comtés, les organes élus ne peuvent compter plus de deux tiers de membres du même sexe. Quant au principe de la discrimination positive, il est inscrit dans la Constitution, ce qui est un progrès considérable. Le Comité chargé de faire appliquer la Constitution a pour mandat de proposer des textes d'application de ce principe.

La délégation a par la suite fourni des données chiffrées sur la présence des femmes au sein du pouvoir judiciaire: on compte notamment 10 juges femmes sur 49 et quatre femmes magistrates principales sur neuf. Les autorités entendent poursuivre sur cette voie en vue d'une représentation égale des femmes. Une commission comprenant pour moitié des femmes, est chargée d'organiser cette action. La Commission de vérité, de justice et de réconciliation comprend aujourd'hui deux femmes. Au sein des municipalités, la présence des femmes dans les conseils municipaux et dans les mairies progresse lentement pour se situer à 15,8% en moyenne. La Constitution exige qu'au moins un tiers de ces postes soient pourvus par des femmes. Lors des prochaines élections générales, les autorités espèrent que la présence des femmes sera supérieure. On compte par ailleurs environ 16% de femmes ministres et 25% d'ambassadrices (11 sur 29).

Les organisations de femmes déplorent la disposition de la Loi sur les délits sexuels criminalisant les fausses dénonciations, a reconnu la délégation, qui a indiqué qu'une révision de la loi est à l'étude. Par ailleurs, l'incapacité des autorités à créer un tribunal compétent pour juger des violences sexuelles dans la période postélectorale entraînerait le renvoi de cette question à la Cour pénale internationale, a observé la délégation. Les autorités entendent créer un nouveau système judiciaire qui jouisse de la confiance de la population. Les enseignants qui commettent des abus sexuels sur les élèves sont licenciés sur le champ, a assuré la délégation en réponse à une question du Comité.

Le projet de loi sur l'interdiction des mutilations génitales féminines est à l'examen par le Parlement. Les filles et les femmes sont protégées par la Constitution contre les pratiques néfastes. Les autorités ont adopté des mesures ciblées pour éliminer les mutilations génitales féminines dans les régions où elles sont très courantes, en coopération avec des interlocuteurs locaux et communautaires – y compris des organisations religieuses.

Le Gouvernement est déterminé à éradiquer la traite des êtres humains, notamment de femmes et d'enfants. Il agit pour ce faire par le biais de la prévention de la prostitution. Des projets d'aide économique sont organisés au profit des femmes potentiellement concernées, pour les mettre en mesure de s'assurer d'un revenu. D'autre part, la nouvelle loi prévoit que les femmes victimes de la traite et de la prostitution seront protégées, et non plus criminalisées.

La délégation a précisé que certains auteurs de discours de haine contre des femmes lors de la dernière campagne électorale ont été poursuivis devant les tribunaux sur plainte de la Commission électorale. Cette dernière encourage les femmes à déposer leur candidature aux élections, une démarche qui reste dangereuse et difficile dans le contexte politique, a reconnu la délégation. Aussi le Parlement ne compte-t-il que 10%, soit 22 députées dont seize élues et six désignées. Au Sénat, rétabli par la nouvelle Constitution, seize sièges sont réservés à des femmes, plus deux pour les jeunes (un homme et une femme) et deux pour les personnes handicapées (également un homme et une femme). La Commission électorale, dissoute après les événements de 2008, a été recrée par la suite; elle compte aujourd'hui environ 30% de femmes.

Répondant à des questions sur la question de la nationalité, la délégation a fait savoir que la Constitution garantit les mêmes droits de citoyenneté aux hommes et aux femmes, en vertu de quoi les femmes peuvent désormais transmettre la nationalité kényane à leurs enfants et à leurs époux. La Constitution autorise les femmes à conserver leur citoyenneté également à la dissolution du mariage. La plupart de ces dispositions sont immédiatement exécutoires; certaines requièrent l'adoption de lois d'application, notamment dans le domaine administratif, dans un délai maximal d'un an.

La délégation a indiqué que le taux d'alphabétisation des garçons et des filles se situe à près de 95%. Le taux d'achèvement moyen des études est de 78% dans le primaire pour les filles et de 47% dans le secondaire. L'école primaire est gratuite depuis 2003, une mesure qui a entraîné une augmentation de 50% de l'effectif scolarisé en un an. Le taux de parité est de 0,95%. Il est difficile d'évaluer le nombre des jeunes filles mères choisissant de reprendre des études. Cependant, le nombre de filles obtenant leur certificat d'études primaires a augmenté. Il existe par ailleurs des disparités régionales, les régions du Nord-Est comptant moins de filles scolarisées, a admis la délégation. Dans ces régions, les autorités déploient notamment des écoles mobiles.

Le problème du harcèlement sexuel est pris très au sérieux par les autorités. La loi sur les délits sexuels criminalise les relations sexuelles avec un mineur de moins de 18 ans. C'est à ce titre que certains enseignants ont été poursuivis par des cours itinérantes, actives dans les campagnes, agissant sur la base de dénonciations automatiques. La loi a grandement facilité la répression de ces crimes. L'évaluation de la performance des enseignants tient compte du facteur harcèlement sexuel. La même loi criminalise le mariage forcé avec un mineur de moins de 18 ans, a-t-il été précisé.

Dans le secteur du travail formel, les femmes bénéficient des dispositions de la Constitution relatives à l'égalité de traitement, s'agissant en particulier du salaire, conformément aux instruments internationaux ratifiés par le Kenya. Appliqué par la fonction publique, ce principe est plus difficile à mettre en œuvre dans le privé. Dans le secteur informel, qui emploie une majorité de femmes, les salaires ne sont pas réglementés. Pour remédier à cette difficulté, le Gouvernement a créé plusieurs fonds destinés à aider les femmes les plus vulnérables à se lancer dans une activité commerciale indépendante. D'autres fonds aux buts identiques sont consacrés aux personnes handicapées et aux jeunes. Ces initiatives s'inscrivent dans une stratégie globale d'autonomisation progressive des femmes qui doit s'étendre jusqu'à 2030. La stratégie encourage les femmes à sortir de la pauvreté par le biais d'une meilleure formation, notamment.

Répondant à des questions sur la situation en matière santé, la délégation a notamment indiqué que les bidonvilles urbains bénéficieront de mesures d'aide visant la mise à disposition progressive des services d'adduction d'eau et d'assainissement. Ces mesures accompagnent d'autres initiatives destinées à assurer un logement décent aux femmes. Les obstacles à l'adoption du projet de loi sur la santé génésique ont été levés par l'adoption de la nouvelle Constitution, a précisé la délégation. La stratégie du Gouvernement dans ce domaine est basée sur la collaboration avec les partenaires de la société civile. La diminution du nombre des grossesses précoces passe par l'application de programmes de sensibilisation à l'école; hors de l'école, les jeunes filles concernées peuvent trouver des conseils dans des centres gérés par les autorités. Les travailleurs de la santé reçoivent des formations à la prévention des grossesses non désirées. Les avortements clandestins sont une cause de mortalité maternelle.

Les femmes en âge de procréer sont plus vulnérables à la contamination par le VIH. Les autorités ont pour objectif de permettre aux citoyennes et citoyens d'avoir des relations sexuelles sûres. Elles promeuvent, pour ce faire, l'abstention, la fidélité et le recours aux préservatifs. Les deux premières stratégies sont promues par les églises, la promotion de la troisième étant confiée au corps médical.

Revenant sur la lutte contre les mutilations génitales féminines, la délégation a rappelé que cette pratique est désormais illégale au Kenya s'appliquant aux jeunes filles mineures (moins de 18 ans); les femmes de plus de 18 ans peuvent en principe choisir de s'y plier ou non. Cette pratique est considérée comme un rite de passage, auquel sont soumises les jeunes filles en âge de se marier. Elle entraîne des répercussions désastreuses en termes de santé et de scolarisation. Le Gouvernement promeut des rites de passage alternatifs qui rencontrent un grand succès. L'éradication des mutilations génitales féminines pose le problème du sort des praticiennes traditionnelles, souvent des femmes âgées qui risquent de perdre leur gagne-pain.

S'agissant de la polygamie, thème abordé par une experte du Comité, la délégation a donné des précisions sur les quatre régimes de mariage reconnus au Kenya, parmi lesquels le mariage coutumier, qui est justement basé sur la polygamie, tout comme le mariage musulman. Ces deux régimes, attestés historiquement et culturellement, perdurent chez une grande partie de la population qui a choisi de ne pas se conformer aux modèles d'union chrétienne et civile, monogames. Les autorités considèrent que la polygamie est donc un phénomène légitime et légal, comme l'atteste la Constitution. Dans ce contexte, la loi sur le mariage est une tentative de réglementer de manière unifiée les différents régimes matrimoniaux. Les efforts des autorités pour criminaliser le viol conjugal se sont pour l'instant heurtés à un refus: aussi estiment-elles qu'il conviendra de poursuivre les consultations en vue de réprimer un comportement certainement répréhensible, a expliqué la chef de la délégation.

Répondant à des questions de suivi, la délégation a indiqué que le Gouvernement a créé un fonds, alimenté par le Parlement, destiné à la création de nouvelles écoles secondaires dans des régions qui en manquent. La scolarisation des filles au niveau du secondaire est compromise par les charges familiales qu'elles doivent souvent assumer, a-t-il aussi été observé. Il a aussi été précisé que la lutte contre l'exode rural des femmes passe par une stratégie gouvernementale d'autonomisation et d'éducation relayée par des groupes de soutien. Dans ce contexte, l'accès au crédit est un facteur essentiel. Enfin, la cheffe de la délégation a fait savoir que la nouvelle Constitution autonomise pleinement la femme, notamment sous l'angle de l'accession aux prêts et financements, pour lesquels elle bénéficie de mesures de discrimination positive.

Conclusion

MME NAOMI SHABAN, Ministre du genre, de l'enfance et du développement social du Kenya, a remercié les membres du Comité du dialogue constructif qu'ils ont suscité. Elle a rappelé que son gouvernement entend préserver la richesse de sa culture africaine tout en en éliminant, progressivement, les pratiques nuisibles pour les femmes. Le Kenya a pris par ailleurs d'importantes mesures, dans le cadre de l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, en vue de l'autonomisation des femmes. La volonté politique pour ce faire existe, consolidée par les dispositions de la nouvelle Constitution dont vient de se doter le pays.

MME SILVIA PIMENTEL, Présidente du Comité, a remercié la délégation kényane des nombreuses réponses qu'elle a fournies aux questions du Comité. Le Comité souhaite que la diversité culturelle du Kenya profite aux femmes, sur un pied d'égalité avec les hommes. Le Comité félicite le Kenya de l'adoption de sa nouvelle Constitution, qui constitue une étape importante pour la réalisation des droits des femmes, ainsi que de ses nombreuses initiatives de lutte contre la violence sexiste. Le Comité estime dans ce contexte que les autorités doivent agir pour accélérer la promulgation des projets de lois importants pour les femmes et la société kényane en général. Le Comité encourage en outre le Kenya à adhérer au Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Le Kenya, comme d'autres pays africains, a été un des catalyseurs de la rédaction du Protocole facultatif, a rappelé Mme Pimentel.

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