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Communiqués de presse Procédures spéciales

Rapporteuse Spéciale sur la violence contre les femmes achève sa visite en Algérie

Algérie: Violence contre les femmes

10 Novembre 2010

ALGER (10 novembre 2010) -- A la fin de sa visite de dix jours en Algérie, qui l’a conduite à Alger, Constantine, Oran et Ouargla, Mme Rashida Manjoo, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a émis le communiqué suivant :

« Tout d’abord, je voudrais exprimer ma profonde appréciation au Gouvernement algérien pour sa pleine coopération pendant ma visite. Je suis reconnaissante à tous mes interlocuteurs, y compris les représentants du Gouvernement, tant au niveau national qu’au niveau local, les représentants des organisations de la société civile et des Nations Unies et, enfin et surtout, à chacune des victimes de violence qui a partagée son expérience personnelle avec moi.

Cette mission intervient trois ans après celle effectuée par la précédente Rapporteuse spéciale, suite à l’invitation que le Gouvernement algérien a adressée à sept titulaires de mandat des procédures spéciales en mars 2010. Cette invitation reflète la volonté de l’Algérie de respecter ses engagements internationaux. J’espère que mes pairs auront bientôt l’opportunité de visiter le pays et d’avoir une compréhension plus approfondie de son contexte et de sa réalité.

Mon objectif en menant des missions de suivi, comme celle que j’ai effectuée au Salvador en mars 2010, est d’approfondir, d’assurer une continuité et d’apprécier les progrès accomplis dans le domaine de la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, dans différents pays dans le monde.

Cette mission a été conduite en tenant compte du contexte historique, sociologique et sociétal dans lequel vivent aujourd’hui les Algériens. Les blessures profondes du passé émanent de sources nombreuses, y compris la guerre de libération de la longue domination coloniale française, et la Décennie Noire - marquée par l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Poser les bases d’un nouvel Etat, réparer les fissures du tissu social tout en garantissant la sécurité de la population a exigé des reformes institutionnelles, politiques et économiques qui sont basées sur les valeurs de paix, de sécurité, de réconciliation et de cohésion sociale. Toutefois, ces valeurs ne devraient pas empêcher la prise en compte des violations des droits de l’homme en général, et celles contre les droits des femmes en particulier, commises dans le passé. Je reconnais que le passé est difficile à aborder et qu’il faille du temps pour identifier et remédier aux violations qui ont été commises. Comme l’a souligné un de mes interlocuteurs « …le passé est extrêmement douloureux et il est trop récent. Présentement, le plus important est de créer les conditions d’un vivre ensemble. Mais le passé devra être confronté. Le recul est fondamental - c’est une question de temps».

La violence contre les femmes est une manifestation d’inégalité et de discrimination de facto et / ou de jure et ne peut pas être abordée sans tenir compte du contexte historique et actuel. Le rapport de la précédente Rapporteuse spéciale a identifié différentes formes de violence contre les femmes, y compris la violence au sein de la famille, le harcèlement sexuel, les mauvais traitements infligés aux femmes vivant dans la rue, et la violence dans la sphère privée qui reste largement invisible. L’invisibilité de ces manifestations, le manque de dénonciations des violations, l’usage de la médiation et de la conciliation pour résoudre des cas de violence, l’absence de réels mécanismes de coopération et de collaboration entre la société civile et l’Etat, ainsi que l’absence de statistiques vérifiables sur la prévalence de ces phénomènes, a été confirmée lors de mes discussions. Tout en saluant l’accent mis sur la prévention et l’établissement de centres pour les groupes vulnérables, je pense que l’absence de services spécialisés pour les femmes et les filles victimes de diverses formes de violence contribue à cette invisibilité et au silence autour de ces phénomènes.

Mes discussions avec les représentants de l’Etat ont mis en évidence la volonté du Gouvernement de remplir ses obligations de protéger, prévenir, punir et d’offrir compensation. Cette volonté s’observe à travers la création de mécanismes institutionnels comme la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme, le Ministre Délégué chargé de la Famille et de la Condition Féminine, le Conseil National de la Famille et de la Femme, et la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Je salue également la proposition d’établir un Centre national d’études, d’information et de documentation sur la famille, la femme et l’enfance. Je soutiens la recommandation de la précédente Rapporteuse spéciale relative au fait de faire du Ministère Délégué à la Famille et à la Condition Féminine un ministère à part entière chargé de coordonner et de superviser toutes les mesures prises par le Gouvernement en matière d’égalité de genre et de prendre l’initiative de la réforme des politiques et de la législation. Je soutiens également la mise en place d’un programme de lutte contre la discrimination et la violence à l’égard des femmes sous l’égide de la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l’Homme.

En ce qui concerne les reformes législatives, et comme souligné dans le rapport de 2007, des développements importants ont eu lieu au niveau des Codes Pénal, de la Nationalité, et de la Famille avec pour objectif l’élimination d’aspects importants des inégalités de genre. J’ai été aussi informée de l’adoption tout prochainement d’une loi cadre visant à augmenter la représentation des femmes au niveau des postes électifs par la mise en place de quotas. En dépit de ces avances, des progrès restent à faire, notamment dans les domaines de l’interprétation et de l’application. Au cours de mes rencontres avec des victimes, des témoignages indiquent plusieurs tentatives visant à contourner l’esprit de la loi, donnant lieu à d’autres discriminations et injustices. J’encourage un plus large dialogue social, y compris en ce qui concerne la nécessite d’adopter de législations spécifiques pour combattre la violence dans la famille, la violence sexuelle et le harcèlement sexuel. Si la loi ne constitue pas en soi pas une panacée contre les maux sociaux, elle peut servir d’outil de protection, de prévention et d’éducation.

En conclusion, je reconnais que l’Algérie s’est distinguée dans la promotion de l’égalité de genre à travers de lois, politiques et programmes, particulièrement en ce qui concerne la réalisation de l’accès, sur une base de parité, aux opportunités en matière économique et d’éducation – en moins d’une génération. Ces progrès louables peuvent être renforcés par une analyse systématique et la prise en compte de toutes les manifestations de la violence contre les femmes et les filles, ainsi que leurs causes et conséquences.

Les conclusions de ma mission seront présentées de manière détaillée dans mon rapport au Conseil des droits de l’homme en juin 2011”.

FIN

Mme. Rashida Manjoo (Afrique du Sud) a été nommée Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquence, en juin 2009 par le Conseil des Droits de l’homme pour une période initiale de trois ans. En tant que Rapporteuse spéciale, elle est indépendante de tout Gouvernement ou organisation et remplit ses fonctions à titre individuel. Mme Manjoo est aussi Professeur au Département de Droit Public de l’Université du Cap en Afrique du Sud.

Pour plus d’informations sur le mandat de la Rapporteuse spéciale, veuillez consulter le site:
http://www2.ohchr.org/english/issues/women/rapporteur/index.htm

Page d’accueil de l’Algérie au Bureau du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme:
http://www.ohchr.org/FR/countries/MENARegion/Pages/DZIndex.aspx

Pour plus d’informations sur la mission, veuillez vous adresser à: vaw@ohchr.org

Veuillez consulter le rapport de 2007 sur la visite en Algérie de la précédente Rapporteuse spéciale:
http://daccess-ods.un.org/access.nsf/Get?Open&DS=A/HRC/7/6/Add.2&Lang=F

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