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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture tient une réunion-débat sur le Protocole d'Istanbul

02 Novembre 2010

Comité contre la torture

2 novembre 2010

Le Comité contre la torture a tenu, ce matin, une réunion consacrée à des échanges de vues sur le Protocole d'Istanbul, ou Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des exposés ont été présentés par des experts de la question, suivis d'échanges de vues avec les membres du Comité.

Le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d'Istanbul) est destiné à servir d'outil de référence international pour évaluer les victimes présumées de tortures et autres mauvais traitements, pour enquêter sur les allégations de torture et pour rendre compte des éléments recueillis à l'autorité judiciaire ou autre organe compétent. Il contient des principes relatifs aux moyens d'enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, lesquels énoncent les normes minimales à appliquer par les États pour garantir l'efficacité des enquêtes sur la torture. Le Président du Comité, M. Claudio Grossman, a précisé que le Protocole d'Istanbul contient des normes qui aident les personnels compétents - tels les avocats, les médecins, les psychologues - à identifier les cas de torture et à venir en aide aux victimes.

M. Önder Özkalıpçı, médecin légiste et membre du International Rehabilitation Council for Torture Victims, a exposé l'historique du Protocole d'Istanbul en soulignant qu'il s'agit d'un manuel résultant de trois années de travail qui a été rédigé par 75 experts issus d'une quarantaine d'organisations et institutions provenant d'une quinzaine de pays différents. Présenté à la Haut Commissaire aux droits de l'homme d'alors, Mme Mary Robinson, en 1999 à Istanbul, ce Protocole a été annexé à la résolution sur la torture adoptée par la Commission des droits de l'homme en 2000, a-t-il rappelé. Il est reconnu au niveau international, puisque plusieurs instances – notamment la Cour européenne des droits de l'homme, la Cour interaméricaine des droits de l'homme et plusieurs tribunaux nationaux (notamment en Turquie, aux Pays-Bas, au Mexique ou encore aux Philippines) s'y sont d'ores et déjà référé, a-t-il ajouté.

Mme Felicitas Treue, du Collectif contre la torture et l'impunité du Mexique, s'est concentrée sur les conséquences psychologiques de la torture en soulignant que les survivants de la torture souffrent par la suite de cauchemars, de souvenirs lancinants de torture et d'anxiété permanente et tendent à s'isoler car ils éprouvent un sentiment de honte et de culpabilité et ont du mal à faire confiance à leurs proches. La torture marque une rupture dans le projet de vie de la victime, a insisté Mme Treue. C'est pour cela que le Protocole d'Istanbul considère l'évaluation psychologique de la personne visée comme constituant un élément indispensable de l'enquête et de l'établissement de preuves. En effet, de nombreuses méthodes de torture ne laissent aucune preuve physique ou laissent des traces de blessures qui disparaissent relativement rapidement; les tortionnaires ont tendance à appliquer des méthodes qui ne laissent aucune blessure visible ou ont recours à la torture psychologique.

Mme Miriam Reventlow, Conseillère juridique auprès du International Rehabilitation Council for Torture Victims, a exposé les cinq principales leçons tirés par son organisation de dix années de mise en œuvre du Protocole d'Istanbul en soulignant qu'une formation ciblée et adaptée à chaque type de personnel intervenant dans l'enquête était indispensable; qu'une collaboration entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales était essentielle; qu'il fallait compter avec un environnement propice au niveau juridique, politique, sécuritaire, mais aussi au niveau des ressources; que la collaboration entre les professionnels juridiques et les professionnels de la santé devrait être renforcée; et que les rapports présentés en s'appuyant sur le Protocole d'Istanbul pouvaient être déterminants devant la justice. Mme Reventlow a ensuite recommandé que le Protocole d'Istanbul soit institutionnalisé en tant qu'outil de documentation de la torture; que les examens adéquats soient compris en tant que partie intégrante d'une enquête efficace et effective; que l'évaluation des preuves soit fondée sur le Protocole d'Istanbul; que ce Protocole soit appliqué dans les procédures d'asile; et que les examens médicaux et psychologiques soient utilisés dans l'évaluation des réparations appropriées devant être apportées aux victimes.

Au cours de la discussion qui a suivi ces présentations, un membre du Comité a souligné que le Comité était conscient de l'importance que revêt ce Protocole et a eu l'occasion d'en recommander l'application par les États à maintes reprises. Il s'est interrogé sur la possibilité qu'offre le Protocole de déterminer les traitements inhumains en marge de la torture à proprement parler - par exemple, si une femme affirme être soumise à un contrôle forcé des naissances dans son pays d'origine. Dans quelle mesure le Protocole d'Istanbul prend-il en compte des tortures telles que la privation de sommeil ou la privation brutale de drogue pour un toxicomane, s'est quant à lui interrogé un autre expert?

Plusieurs membres du Comité ont insisté sur l'importance de veiller à ce que les différents personnels juridiques et de santé qui interviennent face à des cas présumés de torture soient réellement indépendants. Il faut absolument que l'individu ait le droit de voir un médecin de son propre choix, a déclaré un expert. Il est important également de veiller à ce que les interventions faisant référence au Protocole d'Istanbul ne se produisent pas trop tard, a pour sa part rappelé une experte.

La liberté de choix du médecin est effectivement importante, a déclaré M. Özkalıpçı. Le Comité pourrait faire référence, dans ses recommandations aux États, au Protocole de Minnesota de 1989 (sur les enquêtes légales concernant les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires). Bien qu'il ait été adopté il y a environ 20 ans, cet instrument est en effet encore valable, a souligné M. Özkalıpçı. Le Protocole d'Istanbul peut être utilisé directement après l'acte de torture ou longtemps après et peut, dans les deux cas, s'avérer fort utile, a pour sa part souligné Mme Treue.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de l'Éthiopie.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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