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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de l'Equateur

09 Novembre 2010

9 novembre 2010

Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l'Équateur sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Alexandra Moncada, du Sous-Secrétariat aux droits de l'homme et à la coordination de la défense publique du Ministère de la justice et des droits de l'homme, a souligné que depuis la présentation de ce rapport, l'Équateur a poursuivi le processus d'harmonisation de sa législation avec le cadre constitutionnel en vigueur et a continué à faire face aux divers facteurs affectant la persistance de la torture dans le pays, afin de combattre l'impunité, l'abus de pouvoir et la corruption. La Commission de la vérité a présenté en juin dernier son rapport final qui décrit et analyse les graves violations des droits de l'homme commises contre quelque 456 victimes entre 1984 et 1988 et, pour certaines, plus récemment. Mme Moncada a souligné que le Code pénal, le Code de procédure pénale et la Loi du ministère public ont été réformés et que le Gouvernement a fait de la police judiciaire le seul organe public chargé des enquêtes sur les délits, sous la supervision directe du ministère public. Mme Moncada a par ailleurs rappelé les graves événements intervenus en Équateur à la fin du mois de septembre dernier, au cours desquels six personnes ont été tuées et 270 autres blessées. L'État équatorien est en train d'enquêter sur les violations de droits de l'homme commises durant la journée du 30 septembre 2010.

La délégation équatorienne était également composée de M. Mauricio Montalvo, Représentant permanent de l'Équateur auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la justice et des droits de l'homme, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la coordination de la sécurité intérieure et extérieure, du Ministère de la défense, de la Cour nationale de justice, de l'Assemblée nationale, de la Commission de vérité et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève. Elle a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant notamment de l'incrimination de la torture; du caractère indérogeable de l'interdiction de la torture; de la durée de la détention avant jugement; de l'interdiction de la détention au secret; des conditions carcérales et de leur supervision; de la situation dans la zone frontalière avec la Colombie et de la question des réfugiés; des conseils de défense paysans; ou encore de la prorogation des fonctions de la Commission de la vérité.

Le Président du Comité, M. Claudio Grossman, qui est également corapporteur pour l'examen du rapport de l'Équateur a souligné l'inquiétude suscitée dans le monde par les événements du 30 septembre dernier et c'est félicité de leur issue positive, relevant la solidarité du monde entier avec le Gouvernement et le peuple équatoriens dans la défense de l'ordre constitutionnel. M. Grossman a par ailleurs relevé, sans commentaire, que les peines prévues pour actes de torture vont de 3 à 6 ans d'emprisonnement, contre 1 à 5 ans pour le vol de bétail. Évoquant par ailleurs les règlements à l'amiable qui interviennent dans nombre d'affaires, il a estimé que la question de l'impunité se pose en Équateur. Il a fait état d'informations fournies par des organisations non gouvernementales concernant des cas de disparitions, de décès sous la torture, ainsi que de harcèlements à l'encontre de proches des Grossman, notamment en 2008 et 2009. Le rapporteur pour l'examen du rapport de l'Équateur, M. Fernando Mariño Menéndez, a pris acte des progrès réalisés en Équateur au fil des années, estimant que petit à petit, l'Équateur devient un État de droit. Il a souhaité en savoir davantage au sujet des relations entre législation nationale et justice autochtone. Il a par ailleurs fait part de ses préoccupations s'agissant des faits de violence extrême impliquant des membres des forces de l'ordre qui se sont parfois produits à la frontière entre l'Équateur et la Colombie, notamment à l'encontre de réfugiés.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales concernant le rapport de l'Équateur, qu'elle rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 19 novembre prochain.

Le Comité entame cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Cambodge (CAT/C/KHM/2), le dernier au programme de la présente session.

Présentation du rapport de l'Équateur

MME ALEXANDRA MONCADA, du Sous-Secrétariat aux droits de l'homme et à la coordination de la défense publique du Ministère de la justice et des droits de l'homme, a souligné que depuis la présentation de ce rapport, l'Équateur a poursuivi le processus d'harmonisation de la législation secondaire équatorienne avec le cadre constitutionnel en vigueur et a continué à faire face aux divers facteurs affectant la persistance de la torture dans le pays, afin de combattre l'impunité, l'abus de pouvoir et la corruption. La Commission de la vérité a été créée par le Gouvernement en réponse à la demande d'un groupe de victimes de violations des droits de l'homme qui exigeait que soit satisfait comme il se doit leur droit à la vérité, à la justice et à réparation, a-t-elle poursuivi. Ainsi, cette Commission a-t-elle présenté en juin dernier son rapport final qui décrit et analyse les graves violations des droits de l'homme commises en Équateur entre 1984 et 1988 et, pour certaines, plus récemment, contre quelque 456 victimes.

Mme Moncada a souligné que le Code pénal, le Code de procédure pénale et la Loi du ministère public ont été réformés conformément au nouveau cadre constitutionnel et que le Gouvernement a fait de la Police judiciaire le seul organe public chargé des enquêtes sur les délits, sous la supervision directe du parquet. En août 2010, a-t-elle ajouté, le Ministère de l'intérieur a publié l'accord ministériel 1435 par lequel il a confié à l'Unité des affaires internes de la Police nationale la tâche de rouvrir, pour les renvoyer aux autorités compétentes, toutes les affaires de violations de droits de l'homme pour lesquelles il est constaté qu'elles ont été closes ou classées sans qu'une enquête adéquate ait été menée ou pour lesquelles apparaissent de nouveaux éléments susceptibles de permettre de déterminer d'éventuelles responsabilités civiles, pénales ou administratives. Ainsi, plusieurs affaires ont-elles été rouvertes, certaines ayant fait l'objet d'une enquête de la part de la Commission de la vérité, ce qui a abouti à la détention de plusieurs membres des corps spécialisés de la police et au lancement de procédures judiciaires correspondantes.

S'agissant des efforts de réhabilitation sociale des personnes privées de liberté, a poursuivi Mme Moncada, un modèle d'«attention intégrale» pour les détenus est en cours d'exécution. Au cours de l'année écoulée, a-t-elle en outre indiqué, le Gouvernement a construit et ouvert les centres de réhabilitation sociale de Guayaquil et de Santo Domingo de los Colorados, prévus pour accueillir au moins 900 personnes privées de liberté. Des mesures de remise aux normes ont également été prises s'agissant de plusieurs autres centres.

Enfin, Mme Moncada a souligné que les graves événements intervenus en Équateur à la fin du mois de septembre dernier témoignent des défis que le pays rencontre, au niveau national, pour éradiquer l'impunité et sanctionner les personnes responsables de violations des droits de l'homme. Le 30 septembre 2010, à l'aube, des membres de la police nationale se sont soulevés (alléguant que l'adoption partielle de la Loi organique du service public aurait pour conséquence de réduire certaines primes) et ont retenu pendant plusieurs heures le Président constitutionnel de la République, paralysant les services de sécurité et de contrôle, fermant des routes, allant jusqu'à tenter de s'emparer de l'Assemblée nationale et s'affrontant violemment avec la population civile, dans une ferme intention de perturber l'ordre constitutionnel du pays. Du fait de cette violence des insurgés, le Président a dû être libéré par une opération militaire qui s'est soldée par six morts et 270 blessés. L'État équatorien est en train d'enquêter sur les violations de droits de l'homme commises durant cette journée du 30 septembre 2010, a indiqué Mme Moncada. Le parquet a commencé à présenter des charges contre les personnes qui ont favorisé la révolte des forces de l'ordre et y ont participé, a-t-elle précisé. L'Équateur est en train de déterminer la vérité pleine et entière au sujet des faits intervenus le 30 septembre, de leurs circonstances spécifiques et des personnes qui y ont participé, a-t-elle insisté.

Le rapport périodique de l'Équateur (document CRC/C/ECU/4-6 regroupant les quatrième à sixième rapports) souligne que la Constitution en vigueur consacre le principe selon lequel il est conféré aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme le rang de norme constitutionnelle. Pour mettre un terme à l'impunité des responsables présumés d'actes de torture et de mauvais traitements à l'encontre de détenus, des mesures disciplinaires et des sanctions pénales ont été prises dans le cadre de la justice ordinaire à l'encontre des membres de la police nationale impliqués dans ce type de délits pour qu'ils ne restent pas impunis. En 2007, la détention avant mise en accusation a été déclarée anticonstitutionnelle, précise en outre le rapport, et le nouveau Code de procédure pénale adopté en mars 2009 réglemente la détention provisoire prévoit des sanctions à l'encontre des fonctionnaires du pouvoir judiciaire qui retardent la procédure. La Constitution consacre le respect de diverses garanties fondamentales appliquées aux personnes ayant été détenues par la police, à savoir: droit d'être interrogé en présence d'un avocat privé ou d'un défenseur public désigné par l'État; en outre, le détenu peut s'entretenir avec son avocat ou défenseur librement et en privé; de plus, tout agent a l'obligation d'informer la personne détenue de son droit de garder le silence, de demander l'assistance d'un avocat ou d'un défenseur public, si elle ne peut le désigner elle-même, ainsi que de communiquer avec un proche ou toute personne de son choix. La Constitution consacre le principe de la réparation intégrale, au titre duquel a été établi le Programme de protection des victimes et des témoins qui vise à fournir un appui, notamment aux victimes de violations des droits de l'homme, dans différents domaines tels que médical, psychologique et social.

Le Code pénal en vigueur contient plusieurs articles qualifiant les actes de torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui sont passibles de sanctions qui sont précisées par la loi. Il sanctionne en outre quiconque donne ou exécute l'ordre de torturer un prisonnier ou un détenu. Quand la personne arrêtée ou détenue a subi des châtiments corporels, le coupable est puni de trois à six ans d'emprisonnement. La peine est un emprisonnement de six à neuf ans si les actes de torture ont eu pour résultat des lésions permanentes. Si les actes de torture ont entraîné la mort, le coupable est sanctionné de réclusion criminelle spéciale pour 16 à 25 ans. Selon les données disponibles à la Direction de la gestion des renseignements et des études des services du Procureur général de l'État, entre 2001 et 2003, la première année, sur 1 775 plaintes déposées, aucune condamnation n'a été prononcée; la deuxième année, sur 2 626 plaintes déposées, 90 condamnations ont été prononcées et la troisième année, sur 5 176 plaintes déposées, 107 ont suscité des sanctions. Les renseignements disponibles au service du Procureur général de l'État, entre 2003 et 2008, révèlent que seules deux affaires de délit contre la liberté individuelle et de tortures ont abouti à une condamnation. Il convient de souligner que le nombre de plaintes pour mauvais traitements et tortures a augmenté dès 2007, depuis que l'actuel gouvernement, préoccupé par le peu d'enregistrements en matière de violations, a mis à disposition de la population des mécanismes sûrs pour déposer plainte. À ce propos, il faut mentionner la création de la Commission de la vérité chargée d'enquêter sur les actes de violence et les violations des droits de l'homme imputés à des agents de l'État qui se sont produits entre 1984 et 1988 et à d'autres périodes, de les élucider et d'empêcher qu'ils demeurent impunis.

L'Inspection générale de la police nationale détient des renseignements à partir de mai 2005 seulement, ayant reçu 299 plaintes pour allégations de mauvais traitements, tortures ou agressions physiques, lesquelles après enquêtes correspondantes, réalisées par les bureaux des affaires internes à l'échelon national, ont été déférées devant les différentes instances judiciaires et réglementaires. Sur les 299 plaintes déposées auprès des bureaux des affaires internes entre 2005 et 2008, 176 ont été classées; 50 ont fait l'objet de sanctions auprès des tribunaux disciplinaires; et 54 ont fait l'objet de procédures auprès des tribunaux de police. Le rapport indique par ailleurs que diverses mesures ont été prises à titre urgent en vue d'améliorer la situation dans les établissements pénitentiaires, telles que notamment la construction de nouvelles prisons, la rénovation des centres existants, ou encore la création du service du Défenseur public pénal.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité et corapporteur pour l'examen du rapport de l'Équateur, a salué le processus d'harmonisation de la législation équatorienne avec la Constitution ainsi qu'un certain nombre de mesures prises par le pays, telles que la suppression des juridictions militaires ou policières. «Nous avons tous assisté avec une vive inquiétude aux événements du 30 septembre dernier et c'est avec satisfaction que nous avons constaté une issue positive», a-t-il ajouté, relevant la solidarité du monde entier avec le Gouvernement et le peuple équatoriens dans la défense de l'ordre constitutionnel du pays.

M. Grossman a demandé où en était le pays en matière de modification du Code pénal s'agissant de la définition du délit de torture et a voulu savoir si la nouvelle législation proposée inclut la torture psychologique. Il a par ailleurs relevé que les peines prévues pour actes de torture vont de 3 à 6 ans d'emprisonnement, contre 1 à 5 ans pour le vol de bétail. Évoquant par ailleurs les règlements à l'amiable qui interviennent dans nombre d'affaires, M. Grossman a estimé que la question de l'impunité se pose en Équateur.

La question des trafiquants de drogues est extrêmement grave, c'est même un fléau pour l'ensemble du continent; mais il n'en demeure pas moins que tout le monde a droit à la protection judiciaire, a rappelé M. Grossman. Le Code de procédure pénale exige que tout prévenu comparaisse devant un juge dans les 24 heures suivant son arrestation, et le corapporteur a demandé si des études permettent d'établir si cette disposition est effectivement respectée.

M. Grossman a par ailleurs demandé si le pourcentage des personnes détenues avant leur procès avait diminué conformément à l'objectif qui avait été fixé dans le cadre des mesures prises à cette fin.

L'interdiction de la torture ne saurait souffrir la moindre dérogation, a d'autre part rappelé l'expert. Ce principe est-il respecté dans la nouvelle loi de sécurité nationale?

L'Équateur occupe le septième rang mondial pour ce qui est du nombre de réfugiés, a par ailleurs rappelé M. Grossman. Il a demandé des précisions sur les droits des réfugiés et sur les procédures d'expulsion qui sont appliquées.

M. Grossman a fait état d'informations fournies par des organisations non gouvernementales concernant des cas de disparitions, de décès sous la torture, ainsi que de harcèlements à l'encontre des proches des victimes, notamment en 2008 et 2009. Il a cité des cas de décès et d'actes de torture touchant des ressortissants colombiens.

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Équateur, a pris acte de tous les progrès qui ont été réalisés en Équateur au fil des années, dans le sens d'une amélioration des droits de l'homme et de l'éradication, progressive, de la torture et des violations des droits de l'homme. Petit à petit, en dépit de ressources limitées, l'Équateur devient un État de droit. Il s'est réjoui qu'après la tentative de coup d'État de septembre dernier, la situation soit revenue à la normale. Dans ce contexte, la notification de l'état d'urgence a-t-elle été dûment notifiée au Secrétaire général de l'ONU, a-t-il demandé?

S'agissant de la situation des populations autochtones en Équateur, M. Mariño Menéndez a souhaité savoir si le projet de loi de coordination et de coopération entre la justice autochtone et la justice ordinaire a été promulgué et de quels principes il s'inspire. Relevant que certains châtiments faisant intervenir le fouet ou l'eau, considérés par les autochtones comme des purifications, l'expert a demandé comment intervenait la notion de traitements cruels, inhumains et dégradants pour les communautés autochtones et quelle source de droit prévaut en cas de conflit de ce point de vue entre la législation nationale et la justice autochtone.

M. Mariño Menéndez a relevé les faits de violence extrême impliquant des membres des forces de l'ordre qui se sont parfois produits à la frontière entre l'Équateur et la Colombie à l'encontre de certaines personnes, en particulier des réfugiés, qui sollicitaient la protection internationale. Il a demandé quelle était la situation juridique des requérants d'asile en Équateur, notamment s'ils ont la possibilité de travailler. Y a-t-il une surveillance particulière des enfants dans ce contexte, afin de prévenir tout risque de travail forcé ou d'exploitation sous quelque forme que ce soit?

Évoquant la situation de violence dans les écoles équatoriennes, M. Mariño Menéndez s'est demandé si la prévention des violences contre les fillettes et adolescentes a été couronnée de succès. Il semble que peu de procédures de plaintes soient engagées lorsqu'il y a des violations dans ce contexte, a-t-il fait observer.

Le rapporteur a par ailleurs estimé que les médecins légistes ne travaillent pas avec toute l'indépendance nécessaire et a demandé des précisions à ce sujet à la délégation.

En ce qui concerne la situation dans les établissements pénitentiaires, dont certains sont appelés «centres de réhabilitation», M. Mariño Menéndez s'est enquis de ce que recèle exactement la politique de réhabilitation prônée par l'Équateur. Il a également souhaité savoir si l'isolement et la détention au secret sont pratiqués dans les prisons équatoriennes.

La Commission de la vérité n'étant plus en fonction après la présentation de son rapport final, M. Mariño Menéndez a par ailleurs demandé si un suivi de ses travaux est prévu, quelle suite sera donnée à ses recommandations et «qui reprendra le flambeau».

Quel est le rôle exact et l'assise juridique des conseils de défense des paysans dont il semble que certaines prérogatives aient trait au maintien de l'ordre public, s'est en outre enquis le rapporteur?

Une autre experte a déploré les mesures juridiques insuffisantes prévues contre les châtiments corporels à l'encontre des enfants; elle a encouragé l'Équateur à interdire à la maison les châtiments corporels qui sont déjà interdits à l'école. Quelles sont les mesures prises pour remédier aux abus et à des formes d'exploitation sexuelle dans les écoles, comme les échanges de faveurs sexuelles contre des succès scolaires?

Un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles 41% des détenus rencontrés par une organisation auraient indiqué avoir été victimes de tortures ou de mauvais traitements. Il a demandé dans ce contexte, quelles étaient les possibilités de visites inopinées des lieux de détention?

Une experte a souhaité savoir ce qui pourrait être considéré comme un arrangement à l'amiable dans des cas de torture tout en étant conforme à la Convention.

Une autre experte a relevé l'augmentation spectaculaire en Équateur des plaintes pour viol – alors que l'on considère généralement qu'au niveau mondial, les plaintes pour viol ne représentent que le dixième des actes de viol réellement perpétrés – et le faible nombre des condamnations prononcées pour ce crime.

La police semble pouvoir agir en toute liberté, a pour sa part souligné une experte qui a souligné que les actes de détention au secret et de torture qui ne pourront être complètement éradiqués sans une véritable réforme de la justice équatorienne.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions sur l'incrimination du crime de torture et les sanctions prévues, la délégation de l'Équateur a indiqué qu'en mai 2010, le Code pénal militaire a été abrogé, alors qu'était promulguée la Loi de réforme du Code pénal portant incrimination des délits commis dans le cadre du service militaire et du service policier. Ces réformes incriminent le délit de torture et établissent l'imprescriptibilité des actions et peines pour les délits tels que le génocide, les crimes contre l'humanité, la disparition forcée, l'exécution extrajudiciaire et la torture. Désormais, les crimes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants seront sanctionnés par des peines d'emprisonnement allant de 12 à 16 ans, a précisé la délégation. En outre, a-t-elle ajouté, la torture et les autres crimes contre l'humanité sont incriminés dans le projet de loi d'indemnisation des victimes de violations des droits de l'homme qui a été présenté à l'Assemblée nationale au mois de juin dernier. Par la suite pourront être élaborées des normes permettant notamment de sanctionner la tentative de torture et d'établir la responsabilité pénale en fonction du degré de participation des personnes accusées. Ainsi, a insisté la délégation, s'il est vrai qu'à ce stade, la torture n'est pas pleinement définie et incriminée dans la législation actuellement en vigueur, elle est sur le point de l'être. Afin d'éviter l'impunité, certains avocats ont recours aux délits contre la vie et à la notion de lésion, a souligné la délégation, tout en reconnaissant que cette pratique est absolument insuffisante et qu'il faut spécifiquement que soit sanctionné le délit de torture. D'un autre côté, depuis quelques temps, la torture est considérée comme une circonstance aggravante dans le Code pénal.

En Équateur, les droits prévus dans les traités internationaux ratifiés par le pays n'ont pas besoin d'être transcris en normes internes pour s'appliquer, a par ailleurs assuré la délégation; ils sont d'application directe et immédiate. Ainsi, est-il déjà arrivé qu'un juge au pénal décide de ne pas appliquer une détention avant mise en accusation au motif qu'elle était contraire à la Convention interaméricaine des droits de l'homme.

Aucune disposition constitutionnelle ne prévoit la restriction des garanties juridictionnelles ou constitutionnelles relatives à un procès équitable, pas même pour les personnes poursuivies ou détenues pour des délits liés au trafic de stupéfiants, a par ailleurs indiqué la délégation. En revanche, en raison de l'impact que ce type de délits a eu dans le pays, certains avantages dont peuvent bénéficier des personnes privées de liberté pour d'autres motifs ne s'appliquent pas aux personnes poursuivies ou détenues pour des délits liés au trafic de stupéfiants, par exemple pour ce qui est des réductions de peines.

La délégation a d'autre part souligné que tout auteur présumé d'une infraction doit être présenté immédiatement devant l'autorité compétente - un juge ou un commissaire - dans un délai maximum de 24 heures à partir du moment de sa détention. Au mois d'octobre 2010, a précisé la délégation, il y avait en Équateur quelque 497 personnes détenues dans les centres de détention provisoire et le pays enregistre une réduction du pourcentage de détenus.

En ce qui concerne le principe selon lequel l'interdiction de la torture est indérogeable, la délégation a indiqué que l'article 33 de la Loi sur la sécurité publique et de l'État stipule que lors des états d'exception, l'abus de pouvoir dûment vérifié, de la part de quelque agent ou fonctionnaire de l'État que ce soit, sera sanctionné administrativement, civilement et pénalement et en tenant compte des instruments internationaux de protection des droits de l'homme.

La délégation a par ailleurs souligné que les accords à l'amiable dans des affaires de torture sont prévus par le système interaméricain des droits de l'homme et consistent en un accord entre l'État et la victime afin d'établir le processus de réparation. Ces accords à l'amiable ne visent pas à exempter de sanction l'auteur de la torture; il s'agit d'un accord avec la victime en vue de l'indemnisation.

C'est la police qui procède à la détention sur ordre de l'autorité judiciaire compétente, a rappelé la délégation. La surveillance du détenu est à la charge de la police dans le centre de détention. En revanche, c'est le parquet (ministère public ou Fiscalía) qui mène l'interrogatoire, en présence de l'avocat de la défense.

Les fonctions de la Commission de la vérité ont été prorogées après qu'elle eut présenté son rapport final, a indiqué la délégation. L'objectif de cette prorogation est notamment de garantir une transition adéquate et un transfert adéquat des informations au parquet afin d'engager les procédures judiciaires nécessaires concernant toutes les affaires. Le parquet a d'ailleurs créé une Unité spéciale d'enquête qui mènera des investigations sur les 118 cas transmis par la Commission de la vérité, à des fins de poursuites en justice et d'éventuelles sanctions contre les personnes présumées responsables.

En vertu du Code de procédure pénale, nul ne peut être détenu au secret, a indiqué la délégation. Elle a aussi indiqué que, conformément au Code de l'enfance et de l'adolescence, aucun adolescent en conflit avec la loi ne peut être détenu au secret. En outre, aucun enfant ne peut être détenu pour quelque motif que ce soit; s'il commet un délit, il sera remis à ses représentants légaux et, s'il n'en a pas, à une entité qui le prendra en charge.

La formation permanente des gardiens de prison va permettre de réduire considérablement l'incidence des châtiments et du confinement dans le système pénitentiaire national, a par ailleurs fait valoir la délégation. Alors que, grâce notamment au programme de construction et de rénovation des centres de réhabilitation sociale, la surpopulation carcérale a été réduite de 70%, il est prévu que le problème soit totalement surmontée dans les prochains dix-huit mois, a indiqué la délégation. En réaction à l'information émanant de l'organisation PRIVA, reprise par un membre du Comité, selon laquelle 41% des personnes privées de liberté affirmaient avoir été torturées, la délégation a indiqué que le Ministère de la justice avait enregistré 5 plaintes de ce type en 2010. PRIVA est une organisation qui utilise l'information relative à la torture dans les centres de réhabilitation, alors que le rapport de l'Équateur se base sur le nombre de plaintes dans le système pénitentiaire du pays, a expliqué la délégation.

La principale institution chargée de superviser et contrôler le respect des droits de l'homme des personnes privées de liberté est le Ministère de la justice, des droits de l'homme et des cultes, à travers le Sous-Secrétariat aux droits de l'homme et le Sous-Secrétariat de la réhabilitation sociale, a poursuivi la délégation. Les services du Défenseur du peuple, d'autre part, veillent à l'équité des procès et au respect des droits de l'homme des personnes privées de liberté. Au cours du dernier semestre écoulé, le Ministère de la justice et les services du Défenseur du peuple ont procédé à des visites dans sept centres de réhabilitation sociale, avec et sans notification préalable, après lesquelles a été élaboré un rapport conjoint contenant des recommandations. Enfin, a précisé la délégation, le parquet et les diverses instances du système d'administration de la justice ont la possibilité de surveiller l'exercice des droits de l'homme dans le système pénitentiaire national.

La frontière entre la Colombie et l'Équateur est gravement affectée par le conflit colombien en général et par la culture de la coca et la production de la cocaïne dans les départements de Nariño et Putumayo en Colombie, qui jouxtent respectivement en Équateur les provinces de Esmeraldas et de Sucumbios. Les différents groupes illégaux de Colombie utilisent le territoire équatorien, à travers une frontière extrêmement perméable, pour les opérations de fabrication et de trafic de drogues, de trafic d'armes, de traite de personnes, de racket et même de soumission des populations frontalières à leurs fins. Tout cela crée une situation de violence chronique dans la zone frontalière équatorienne, car les différents groupes illégaux sont en compétition pour le territoire et pour le contrôle des affaires. Les forces publiques équatoriennes, armée et police confondues, ont investi d'importantes ressources pour renforcer les contrôles face à ces activités et protéger les populations frontalières contre la violence produite par ces groupes armés illégaux. La situation de violence dans les départements colombiens frontaliers a entraîné des déplacements massifs – internes et vers l'étranger – de populations fuyant la violence.

On estime à 135 000 le nombre de Colombiens ayant besoin de protection internationale en Équateur. Or, l'Équateur estime qu'il est urgent de reconnaître ces personnes et de veiller à ce qu'elles soient visibles afin qu'elles puissent avoir accès à tous les droits constitutionnels. Ainsi, en 2000, le pays ne comptait-il que 364 réfugiés reconnus, alors qu'il en comptait 19 502 en 2008 et 45 087 au 26 novembre 2009, a fait valoir la délégation. La Constitution de l'Équateur garantit le non-refoulement, sous quelque circonstance que ce soit, des requérants d'asile et des réfugiés, a-t-elle en outre rappelé. D'autre part, l'expulsion relève d'une procédure administrative qui garantit le droit d'appel, a-t-elle ajouté. Les réfugiés comme les requérants d'asile ont le droit de travailler, a par ailleurs indiqué la délégation.

L'avant-projet de loi de coordination et de coopération entre la juridiction autochtone et la juridiction ordinaire se trouve en troisième lecture par le pouvoir exécutif, a d'autre part indiqué la délégation. Cette proposition de loi a été élaborée en bénéficiant des contributions des dirigeants autochtones et du Haut Commissariat aux droits de l'homme et en tenant compte des recommandations du Rapporteur spécial sur les peuples autochtones, M. James Anaya. Une fois finalisée la troisième lecture de ce texte, il sera transmis à l'Assemblée nationale pour approbation. Comme cela est prévu dans la Constitution comme dans l'avant-projet de loi susmentionné, la limite de la justice autochtone se situe au niveau des droits de l'homme; en effet, il est stipulé que dans l'application de la justice autochtone, les droits de l'homme sont garantis.

L'État équatorien ne promeut, ne soutient ni n'avalise la conduite de conseils de défense paysans ni de quelque autre organisation sociale comme instances de maintien de l'ordre public, a par ailleurs assuré la délégation.

Questions complémentaires des membres du Comité

Le corapporteur, M. GROSSMAN, a insisté pour connaître d'éventuels cas d'application directe de la Convention en Équateur. Il a également insisté sur la nécessité pour l'Équateur de veiller à ce que les réformes qu'il a entreprises permettent réellement de réduire le nombre de personnes placées en détention préventive et la durée de ce type de détention. Combien de personnes sont-elles détenues sans avoir été condamnées, a-t-il demandé?

L'action civile de demande d'indemnisation est-elle indépendante de l'action pénale, a par ailleurs demandé le corapporteur? De quelle disposition du Code pénal relève le viol et combien de plaintes ont-elles été déposées pour ce crime, s'est-il en outre enquis?

Le rapporteur, M. Mariño Menéndez, a souhaité savoir qui ou quel organe est chargé de surveiller que la justice autochtone respecte bien la Constitution.
Existe-t-il des statistiques concernant les décès en détention et des plaintes ont-elles été déposées pour de tels faits, a en outre demandé le rapporteur? Qui surveille spécifiquement la situation dans les prisons en Équateur?

Évoquant la question des conseils de défense paysans, M. Mariño Menéndez a d'autre part rappelé que les structures sociales peuvent toujours être manipulées.

Un autre membre du Comité a relevé que la crainte de représailles explique souvent le faible nombre de plaintes présentées pour des actes de torture. Relevant les divergences entre le nombre de cas de torture dans les lieux de détention recensé par l'organisation PRIVA et celui retenu par les autorités, l'expert s'est demandé si cette divergence ne suffirait pas à justifier une visite adéquate dans le centre de détention pour hommes N°2 à Quito, voire dans d'autres centres de détention.

Une experte a insisté sur le problème des abus sexuels dans le système éducatif équatorien. Les enseignants qui se livrent à de tels actes doivent être poursuivis en justice et condamnés, a-t-elle souligné.

Réponses complémentaires de la délégation

La délégation de l'Équateur a rappelé que la directive sur limitant à 24 heures maximum la détention avant d'être présenté à un juge vient du Ministère de l'intérieur et est d'application immédiate pour les policiers et autres fonctionnaires de l'État. Quatre membres de la police ont été destitués pour non-respect de cette instruction ministérielle, a-t-elle fait valoir. Une personne qui serait détenue plus de 24 heures sans avoir été présentée à un juge peut engager un recours en habeas corpus.

Seul 1% des personnes détenues n'ont pas fait l'objet d'une condamnation; elles sont soumises aux dispositions relatives à la possibilité d'une détention avant jugement de six ou douze mois, a par ailleurs indiqué la délégation.

Dans les trois ans à venir, l'Équateur a prévu d'investir des sommes considérables dans le renforcement et la réforme du système judiciaire, a souligné la délégation. Il est notamment prévu de former plus de 550 magistrats de niveau international.

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