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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme adopte les résultats de l'Examen périodique universel de la Suède, de la Grenade et de la Turquie

22 Septembre 2010

MATIN

22 septembre 2010

Le Conseil des droits de l'homme a adopté cet après midi les documents finaux résultant de l'Examen périodique universel s'agissant de la Suède, de la Grenade et de la Turquie. Le document final sur l'examen de chacun de ces pays est constitué du rapport adopté par le Groupe de travail chargé de l'Examen périodique universel ainsi que des informations complémentaires fournies au cours de la présente séance par la délégation concernée.

La délégation de la Suède a souligné que le pays avait reçu un grand nombre de recommandations et qu'il en avait accepté la grande majorité; d'autres questions soulevées étaient encore en discussion en Suède. Le Gouvernement est notamment en train d'examiner la mise en place d'une institution nationale indépendante des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris. La délégation a également réitéré la volonté de la Suède de lutter contre les actes racistes et xénophobes, précisant toutefois que le pays ne peut accepter la recommandation d'interdire les organisations racistes car cela est contraire à la Constitution. Concernant les droits des minorités, la délégation a indiqué que le Parlement suédois avait reconnu les Sâmes comme peuple autochtone de Suède, il est envisagé d'inscrire cette reconnaissance dans la Constitution.

Dans le cadre du débat qui a suivi cette intervention, tout en saluant l'œuvre exemplaire de la Suède en matière de droits de l'homme, des délégations ont relevé certaines failles dans la mise en œuvre de mesures visant à garantir la promotion et la protection des droits de l'homme, pointant notamment l'absence d'une institution nationale de droits de l'homme en conformité avec les Principes de Paris, la persistance d'actes d'intolérance de xénophobie et d'islamophobie, la discrimination touchant les migrants et les personnes transsexuelles. Des organisations non gouvernementales ont en outre dénoncé la politique de ventes d'armes de la Suède aux pays en développement. Ont participé au débat les délégations des pays suivants: Cuba, Algérie, Bélarus, République islamique d'Iran, Thaïlande et Indonésie. Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Alliance internationale d'aide à l'enfance, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Association lesbienne et gay internationale – Europe (au nom également de Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland), Indian Council of South America, Charitable Institute for Protecting Social Victims (au nom également de Organization for Defending Victims of Violence) et l'Association mondiale pour l'école instrument de paix.

Le Procureur de la Couronne de la Grenade, M. Adebayo Olowu, a expliqué que son pays ne pouvait pas accepter certaines recommandations émises dans le rapport, notamment celles concernant l'abolition de la peine de mort et la législation relative aux homosexuels. Il a toutefois souligné que la peine de mort n'était plus appliquée depuis des décennies. La Grenade accepte les recommandations visant l'amélioration des conditions de détention, la réduction des violences domestiques et l'assistance aux victimes, notamment. Enfin, la Grenade a accepté de considérer les recommandations relatives à la prohibition de la traite d'êtres humains et, dans une perspective plus large, d'envisager la mise en conformité de ses lois nationales avec ses obligations internationales.

Dans le cadre du débat général qui a suivi le Maroc et l'Algérie ont félicité la Grenade pour les réformes engagées tout en regrattant que la pays n'ait pas accepté de revoir sa législation en ce qui concerne les droits de l'homme. Le Royaume-Uni a partagé la même préoccupation. L'organisation non gouvernementale Réseau juridique canadien VIH/sida a déploré que la Grenade refuse toujours d'adopter des lois visant à mettre fin à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Le Vice-directeur général au Ministère des affaires étrangères de la Turquie, M. Kaan Esener, a indiqué que son pays avait accéléré la transcription de textes internationaux dans la législation nationale et intensifié la formation des membres des forces de sécurité et d'autres fonctionnaires. Il a aussi souligné que la peine capitale a été abolie. Des réformes ont par ailleurs été engagées conformément aux résultats du référendum constitutionnel qui s'est tenu le 12 septembre dernier, prévoyant notamment l'inclusion de mesures de discrimination positive au profit de personnes ayant besoin d'une protection sociale; l'octroi de garanties constitutionnelles relatives à la protection des données personnelles et au droit des enfants de bénéficier de soins adéquats; l'élargissement de la portée de la liberté d'association; la suppression des obstacles à la création d'une institution de médiateur des droits de l'homme; et la révision du mode de contrôle des activités des forces armées, notamment l'interdiction de jugement de civils par des tribunaux militaires. Outre ces mesures constitutionnelles, M. Esener a enfin fait savoir que son pays avait accepté immédiatement 95 des 152 recommandations issues l'examen.

Plusieurs délégations sont intervenues pour saluer la récente réforme constitutionnelle, ainsi que le rôle joué par la Turquie dans la promotion des droits de l'homme, de la paix et de la sécurité dans sa région, et la poursuite de ses efforts en faveur du dialogue interculturel. Les efforts menés par le pays pour renforcer la liberté d'expression, prévenir la torture et interdire l'usage disproportionné de la force par la police ont aussi été salués. Les délégations de deux pays ont regretté que la Turquie n'ait pas accepté les recommandations qu'elles lui avaient adressées. Les délégations des pays suivants ont fait des déclarations: Yémen, Algérie, Arménie, Azerbaïdjan, Qatar, Égypte, Chypre, Bahreïn, Venezuela, Pakistan et Royaume-Uni. Ont également participé au débat les organisations non gouvernementales suivantes: Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1), Amnesty International, Islamic Human Rights Commission, Verein Südwind Entwicklungspolitik, Association lesbienne et gay internationale - Europe (au nom également de Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland), Conscience and Peace Tax International, Syriac Universal Alliance, European Centre for Law and Justice et Human Rights Watch.

Le Conseil examinera demain, dès 10 heures, les documents finaux concernant l'Examen périodique universel s'agissant du Guyana, du Koweït et du Bélarus, en vue de leur adoption. L'examen du document final concernant Kiribati, initialement prévu pour mardi et reporté à demain, a été de nouveau reporté; la date de l'examen de ce pays sera annoncée ultérieurement. Demain après-midi, le Conseil tiendra un débat général sur l'Examen périodique universel.

Examen périodique universel

Les rapports du Groupe de travail chargé de l'Examen périodique universel sont disponibles sur la page Internet du Conseil à l'adresse suivante: http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/15session/reports.htm

Suède

Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel concernant la Suède (A/HREC/15/11 et Add.1), qui s'est déroulé le 11 mai 2010. Les trois rapporteurs chargés de faciliter cet examen étaient Maurice, l'Ukraine et l'Uruguay.

Pays concerné

M. JAN KNUTSON (Suède) a déclaré que son pays avait reçu un grand nombre de recommandations et en a accepté la grande majorité. Certaines questions soulevées lors de l'examen font encore l'objet de discussions en Suède. Le Gouvernement est notamment en train d'examiner la mise en place d'une institution nationale indépendante des droits de l'homme, avec un mandat élargi en vue de se conformer aux Principes de Paris. Les conclusions de cet examen seront remises au Gouvernement à la fin du mois.

Abordant les recommandations relatives à la lutte contre le racisme et au traitement des migrants, le représentant a rappelé que son pays souhaitait ouvrir un dialogue inclusif avec tous les pays d'origine. Les crimes racistes et xénophobes sont contraires aux valeurs fondamentales de la Suède et, depuis le milieu des années 90, le pays a pris un certain nombre de mesures pour punir durement les crimes de haine et il continuera de prendre de telles mesures, a assuré le représentant. Il a cependant indiqué que la Suède avait refusé la recommandation l'invitant à interdire les organisations racistes car cela allait à l'encontre de la Constitution suédoise. Il a souligné qu'il existait déjà une législation nationale contre les actes racistes et xénophobes, à commencer par le code pénal lui-même. M. Knutson a aussi indiqué que son pays acceptait la recommandation l'invitant à prêter plus d'attention à l'islamophobie.

Concernant l'aide médicale aux personnes en situation irrégulière et demandeurs du droit d'asile, le représentant suédois a indiqué que les demandeurs d'asile de moins de 18 ans bénéficiaient déjà de l'accès aux soins comme tous les enfants résidant en Suède. Par ailleurs, le Gouvernement mène actuellement une enquête en vue d'étudier la possibilité de fournir des soins médicaux aux résidents illégaux. S'agissant de la minorité sâme, le Parlement a reconnu cette population comme peuple autochtone suédois. Le Gouvernement a recommandé au Parlement en décembre 2009 une révision de la Constitution reconnaissant explicitement les Sâmes en tant que peuple autochtone.

Débat

MME MARGARITA VALLE (Cuba) a relevé que le Gouvernement suédois avait refusé un grand nombre de recommandations, notamment celle émise par Cuba visant à mettre fin à la négation du droit à l'éducation pour les enfants issus de minorités ethniques ou ne disposant pas de permis de séjour. D'autre part, elle a noté que la Suède refuse de mettre fin au transit des vols secrets de la CIA en territoire suédois. Enfin, la représentante cubaine a exhorté la Suède à lutter davantage contre la xénophobie et la discrimination contre les minorités, notamment les migrants.

M. MOHAMED DJALEL EDDINE BENABDOUN (Algérie) a salué le rôle exemplaire joué par la Suède dans le domaine des droits de l'homme, mais regrette que le rapport suédois passe sous silence les progrès qu'il lui reste à faire dans ce domaine. Le représentant a regretté que la recommandation de l'Algérie s'agissant de la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille n'ait pas été acceptée par la Suède. Le représentant algérien a espéré que la démocratie suédoise saurait accomplir cette démarche indispensable à la protection des migrants.

MME NATALIA ZHYLEVICH (Bélarus) a espéré que la Suède trouvera des solutions aux difficultés qui subsistent dans le pays dans le domaine des droits de l'homme. Le Bélarus regrette en effet que la Suède ait rejeté ses recommandations prônant le renforcement de l'institution familiale et une lutte plus affirmée contre les appels à la haine dans l'espace public. Le Bélarus regrette enfin que la Suède ait rejeté les nombreuses recommandations visant une meilleure protection des droits des travailleurs migrants.

M. MESBAH ANSARI (République islamique d'Iran) a salué l'acceptation par la Suède de certaines des recommandations qui lui ont été adressées. Toutefois, il s'est dit préoccupé par le fait que le pays n'ait pas ratifié Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Les besoins des enfants migrants, en matière d'éducation notamment, doivent être satisfaits de toute urgence.
MME EKSIRI PINTARUCHI (Thaïlande) a déclaré que son pays, qui attache une grande importance au rôle des institutions nationales de droits de l'homme, était favorable à la recommandation formulée à l'intention de la Suède relative à la création d'une telle institution qui soit conforme aux Principes de Paris. La Thaïlande se félicite d'autre part des recommandations visant les mesures de lutte contre la violence à l'encontre des femmes. Par ailleurs, elle encourage la Suède à renforcer encore la promotion et la protection des droits des travailleurs migrants, en particulier les femmes victimes de la traite des êtres humains. La représentante thaïlandaise a aussi appelé le Gouvernement suédois à assurer la mise en œuvre de mesures contre la violence sexuelle et celle de la loi contre l'achat de services sexuels.

M. DICKY KOMAR (Indonésie) a remarqué que, comme d'autre pays, la Suède n'avait pas encore crée d'institution nationale de droits de l'homme en conformité avec les Principes de Paris. Il a notamment regretté que des actes d'intolérance et d'islamophobie se perpétuent. Il a invité le gouvernement suédois à édicter des législations plus fermes en la matière. Il s'est félicité de la volonté du gouvernement d'initier des dialogues bilatéraux.

Organisations non gouvernementales

MME DAVINIA OVETT BONDI (Alliance internationale d'aide à l'enfance) a demandé à la Suède de prendre en compte dans sa législation tous les enfants migrants, y compris ceux sans papiers, afin qu'ils puissent avoir accès à la santé et à l'éducation, à l'instar des personnes titulaires de permis de séjour. En outre, l'ONG souligne l'importance de prendre en compte à la fois enfants et adultes dépourvus de papiers en règle s'agissant de leur accès aux soins de santé, le bien-être d'un enfant étant lié à celui de ses parents.

MME EMMA ENGSTOM (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) a observé que la Suède avait été, entre 2000 et 2007, le huitième fournisseur d'armes aux pays en développement, pour un montant de près de trois milliards de dollars. La représentante a mentionné en particulier des contrats d'armements avec le Pakistan portant sur 1,2 milliard de dollars, soit douze fois le montant alloué par ce pays à l'adduction de l'eau et à l'assainissement. La représentante a appelé la Suède à accorder la priorité à la promotion des droits de l'homme: le fait de vendre des armes à des pays instables est contraire aux principes de droit international et aux recommandations des organes conventionnels, a-t-elle souligné.

M. BJORN VAN ROOSENDAHL (Association lesbienne et gay internationale - Europe, au nom également de Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland) a félicité la Suède pour avoir accepté les recommandations relatives à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre, et pour avoir adopté pour la première fois un texte contre la discrimination fondée sur l'identité transgenre. Ces ONG demeurent toutefois préoccupées par l'exigence de stérilisation visant les personnes transsexuelles si elles veulent voir leur nouvelle identité officialisée par l'état-civil et figurer dans leur passeport par exemple.

M. RONALD BARNES (Indian Council of South America) a félicité la Suède d'avoir accepté les conclusions et les recommandations relatives à la reconnaissance des droits des Sâmes et a salué les efforts consentis pour améliorer l'accès des femmes aux postes les plus élevés. Il a demandé à la Suède de prendre toutes les dispositions nécessaires pour corriger la situation s'agissant des discriminations subies par les migrants.

MME MARYAM SAFARI (Charitable Institute for Protecting Social Victims, au nom également de Organization for Defending Victims of Violence) a appelé la Suède à accorder davantage d'attention au problème de l'islamophobie et à l'incitation à la haine contre l'islam et les musulmans, telles qu'elles se manifestent dans la presse. La représentante a aussi appelé la Suède à intensifier ses efforts pour sanctionner et prévenir la discrimination fondée sur l'origine ethnique dans tous les domaines de la vie, en particulier celle frappant les femmes et les enfants réfugiés, migrants ou appartenant à des minorités ethniques.

M. JOSHUA COOPER (Association mondiale pour l'école instrument de paix) a noté que l'examen périodique universel de la Suède constituait une bonne occasion d'évoquer le sort des peuples autochtones nordiques. Il a souligné l'importance de la mise en place d'une législation nationale pour les droits du peuple sâme. Il s'est dit heureux de voir que la recommandation émise par l'Afrique du Sud en faveur des droits des Sâmes ait été acceptée.

Conclusion de la délégation concernée

M. JAN KNUTSSON, Représentant permanent de la Suède auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que son pays considérait l'Examen périodique universel comme une part intégrante de son action systématique en faveur des droits de l'homme. La Suède a accepté la grande majorité des recommandations qui lui ont été faites. Le suivi de leur application sera confié au groupe de travail interministériel chargé des droits de l'homme. Le représentant a mentionné plusieurs enquêtes et travaux relatifs à l'action du Gouvernement en matière de droits de l'homme, en particulier la mise en œuvre du deuxième plan national dans ce domaine, dont l'évaluation a lieu cette année même; il a aussi signalé la parution prochaine du rapport final de la Délégation nationale aux droits de l'homme, qui contiendra des propositions en vue du plein respect des droits de l'homme en Suède.

Grenade

Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel concernant la Grenade (A/HRC/15/12), qui s'est déroulé le 12 mai 2010. Les trois rapporteurs chargés de faciliter cet examen étaient le Gabon, l'Italie et le Qatar.

Pays concerné

M. ADEBAYO OLOWU, Procureur de la Couronne de la Grenade, a estimé qu'il n'était pas possible pour la Grenade d'accepter les recommandations relatives à l'abolition de la peine de mort, tout en rappelant que celle-ci n'était plus appliquée depuis des décennies. Par ailleurs, l'abolition des châtiments corporels n'est pas envisageable car ces pratiques sont autorisées par certains règlements locaux; le représentant a néanmoins indiqué qu'une sensibilisation était menée à ce sujet. En outre, il a déclaré que le Gouvernement de la Grenade n'était pas disposé à décriminaliser les relations sexuelles entre personnes de même sexe car il s'agit d'un délit inscrit dans le droit national.

Le Procureur grenadien s'est exprimé en faveur des recommandations visant à l'amélioration des conditions de détention, notamment en ce qui concerne la surpopulation carcérale, la réduction des violences domestiques et l'assistance aux victimes. Enfin, la Grenade a accepté de considérer les recommandations relatives à la prohibition de la traite d'êtres humains et, dans une perspective plus large, d'envisager la mise en conformité de ses lois nationales avec ses obligations internationales.

Débat

M. IDRISS JAZAIRY (Algérie) a indiqué que son pays avait souligné à plusieurs reprises, durant l'examen de la Grenade, l'engagement de ce pays envers la bonne gouvernance, la reddition des comptes et l'État de droit. L'Algérie a aussi souligné la ratification par la Grenade de plusieurs instruments internationaux des droits de l'homme, l'adoption de lois contre la violence domestique et pour la protection des enfants, ainsi que la création de l'institution de l'Ombudsman (Médiateur). L'Algérie attend cependant des réponses aux recommandations qu'elle a formulées s'agissant, notamment, de la ratification de la Convention sur les travailleurs migrants. Le représentant a assuré que son pays était conscient des difficultés que rencontre la Grenade en matière de promotion et la protection des droits de l'homme, en particulier des influences et pressions externes qu'elle doit subir en tant que petit pays insulaire dépourvu de ressources substantielles.

M. PHILIP TISSOT (Royaume-Uni) a regretté que le Gouvernement de la Grenade n'ait pas accepté les recommandations visant à la réforme de sa législation en vue de se conformer aux cadres internationaux en matière de droits de l'homme. Il a déploré en particulier que n'ait pas été accepté celle visant à étendre les invitations aux procédures spéciales du Conseil et celle visant l'abolition de la peine de mort. Il a souhaité avoir des réponses concernant ces recommandations.

M. OMAR RABI (Maroc) a remercié la délégation de la Grenade de ses explications quant aux suites qu'elle entendait donner aux recommandations qui lui ont été faites lors de l'examen. Le Maroc salue les efforts du Gouvernement de ce pays en faveur des groupes défavorisés. Il accueille avec satisfaction l'acceptation par la Grenade de la majorité des recommandations issues de l'examen. Nombre de ces recommandations nécessiteront l'ouverture d'un vaste chantier de réformes institutionnelles, a observé le représentant, qui s'est félicité de la création d'une institution nationale de droits de l'homme.

Organisations non gouvernementales

M. JOHN FISHER (Réseau juridique canadien VIH/sida) a déploré que la Grenade refuse toujours la promulgation de lois interdisant la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Il a dit attendre du pays l'adoption de mesures en vue de respecter ses engagements internationaux en la matière.

Conclusion de la délégation concernée

M. ADEBAYO OLOWU, Procureur de la Couronne de la Grenade, a indiqué, à l'intention de la délégation algérienne, qu'aucune décision n'avait encore été prise concernant la ratification de la Convention sur les travailleurs migrants. Le Conseil de la couronne étudie les provisions de cet instrument et de plusieurs autres, et il devrait rendre un avis sous peu. La Grenade procède aussi à la transposition de sa législation en conformité avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il a rappelé en conclusion que son pays avait accepté presque toutes les recommandations, à la notable exception de celle relative à l'abolition de la peine capitale en particulier.

Turquie

Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel concernant la Turquie (A/HRC/15/13 et Add.1), qui s'est déroulé le 12 mai 2010. Les trois rapporteurs chargés de faciliter cet examen étaient l'Angola, l'Arabie saoudite Unis et Cuba.

Pays concerné

M. KAAN ESENER, Vice-directeur général au Ministère des affaires étrangères de la Turquie, a assuré que la promotion et la protection des droits de l'homme comptaient parmi les priorités de son pays. La Turquie a engagé un vaste train de réformes, tant aux niveaux constitutionnel que pénal et civil, parallèlement à un important effort de lutte antiterroriste. La Turquie a transcrit un certain nombre de normes universelles dans son droit interne, accéléré le rythme de la ratification des instruments internationaux et intensifié la formation des membres des forces de sécurité et d'autres fonctionnaires, autant de démarches qui ont exigé des changements profonds dans les mentalités. La peine capitale, qui n'était plus appliquée depuis 1984, a été abolie en 2004. La Turquie est désormais partie au sixième et au treizième Protocoles se rapportant à la Convention européenne des droits de l'homme, tous deux relatifs à l'abolition de la peine de mort. Depuis 1987, la Turquie accorde le droit à ses ressortissants de présenter un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, dont le caractère obligatoire de la juridiction a été reconnu en 1990. La liberté d'expression fait partie intégrante de l'ordre démocratique turc, tandis que le pays est déterminé à lutter contre la torture et les mauvais traitements. Enfin, la Turquie a lancé des invitations ouvertes aux procédures spéciales des institutions des droits de l'homme des Nations Unies en 2001.

M. Esener a fourni des précisions quant au train de réformes qu'applique son pays en vertu des résultats du référendum constitutionnel qui s'est tenu le 12 septembre dernier. La réforme prévoit, notamment, l'inclusion de mesures de discrimination positive au profit de personnes ayant besoin d'une protection sociale; l'octroi de garanties constitutionnelles relatives à la protection des données personnelles et au droit des enfants de bénéficier de soins adéquats; l'élargissement de la portée de la liberté d'association, au profit notamment des syndicats; la suppression des obstacles à la création d'une institution de médiateur des droits de l'homme; et la révision du mode de contrôle des activités des forces armées, notamment l'interdiction de jugement de civils par des tribunaux militaires. Outre ces mesures constitutionnelles, la Turquie a amendé en juillet dernier sa loi contre le terrorisme pour garantir que les mineurs suspects soient traduits devant des tribunaux pour enfants.

Le représentant turc a enfin fait savoir que son pays avait accepté immédiatement 95 des 152 recommandations issues l'examen. Il a ajouté qu'entre-temps, 25 des 39 recommandations qui étaient encore à l'examen ont été acceptées partiellement ou intégralement, ou étaient déjà appliquées.

Débat

M. FADHL AL-MAGHAFI (Yémen) a déclaré que la Turquie était un modèle à suivre en ce qui concerne la démocratie et les droits de l'homme, notamment après la tenue du référendum sur la réforme constitutionnelle. La Turquie a accepté 85% des recommandations qui lui étaient adressées, ce qui prouve le sérieux de ce pays. Le représentant a recommandé l'adoption du rapport et salué la collaboration de la Turquie avec la procédure spéciale.

M. IDRISS JAZAIRY (Algérie) a félicité la Turquie pour le succès du référendum constitutionnel du 12 septembre 2010 et son engagement en faveur de la valorisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il a salué le geste de solidarité avec le peuple palestinien qu'avait constitué la flottille d'aide humanitaire Mavi Marmara pour Gaza. Réitérant l'existence de liens historiques séculaires unissant les deux pays, il a précisé que l'Algérie avait émis quatre recommandations, qui ont toutes reçu l'aval de la Turquie.

MME DZIUNIK AGHAJANIAN (Arménie) a dit prendre note de l'engagement de la Turquie à protéger la minorité arménienne de Turquie, en garantissant leurs droits et en protégeant leurs lieux de culte. Cependant, on entend encore des remarques racistes et xénophobes à leur endroit de la part de représentants des autorités. La représentante s'est dite déçue que le pays ait rejeté les recommandations émises par son pays, notamment celle visant à la création de conditions favorables à la réalisation du droit à la vérité.

M. MURAD N. NAJAFBAYLI (Azerbaïdjan) s'est félicité de l'acceptation par la Turquie des deux recommandations faites par son pays concernant les droits des femmes et la poursuite de ses efforts en faveur du dialogue interculturel. Il s'est toutefois dit inquiet des retombées du terrorisme, réaffirmant le soutien de l'Azerbaïdjan à la Turquie dans cette lutte.

M. MANSOOR ABDULLA AL-SULAITIN (Qatar) a salué le rôle joué par la Turquie dans la promotion des droits de l'homme, de la paix et de la sécurité dans la région. Il a par ailleurs souhaité bonne chance à la Turquie pour l'adoption du rapport final.

MME HEBA MOSTAFA RIZK (Égypte) a salué les réalisations de la Turquie ainsi que sa détermination en matière de promotion et de protection des droits de l'homme à travers les amendements constitutionnels récents relatifs à la discrimination positive pour les groupes de personnes particulièrement vulnérables tels que les femmes, les enfants et les handicapés.

MME MARIA MICHAEL (Chypre) a regretté que les recommandations sincères formulées par son pays aient été rejetées d'emblée par la Turquie pour des motifs totalement étrangers au principe de l'Examen périodique universel. La Turquie a admis ouvertement avoir procédé de la sorte pour des raisons subjectives, ce qui constitue un précédent préoccupant pour le déroulement de l'exercice. À cet égard, Chypre déplore ce qui apparaît comme une impuissance collective à garantir la crédibilité et l'intégrité du mécanisme d'examen entre pairs. Chypre rappelle que les États ne sauraient se défausser de leurs responsabilités au regard du droit international pour des motifs de nature politique. Chypre est enfin certaine que le Conseil ne permettra pas la répétition d'un tel précédent, au risque de compromettre le mécanisme d'examen périodique universel par une instrumentalisation fondée sur des motivations politiques.

MME BUDOOR ABDULAZIZ AHMED (Bahreïn) a salué l'acceptation par la Turquie des recommandations qui lui étaient adressées, dont celles émises par son pays. Elle a salué l'effort de promotion et de protection des droits de l'homme consenti par la Turquie, avant de recommander l'adoption du rapport.

M. EDGARDO TORO CARREÑO (Venezuela) a relevé les progrès de la Turquie dans le cadre de sa politique d'éducation garantissant l'accès universel à l'éducation, dans la lutte contre le décrochage scolaire et l'absentéisme, favorisant ainsi la totale inclusion des enfants dans les écoles, en particulier au sein des classes les plus nécessiteuses.

M. SHAFQAT ALI KHAN (Pakistan) a relevé avec satisfaction que la Turquie avait fait part de son intention de créer rapidement une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris. Le Pakistan estime que l'entrée en fonction d'une telle institution aidera la Turquie à améliorer encore un système respectueux des droits de l'homme. Le représentant a salué l'engagement de la Turquie au renforcement de sa législation contre les discriminations, conformément à ses obligations au regard du droit international et dans le cadre de ses réformes pour promouvoir la tolérance et l'inclusion. Le Pakistan félicite enfin la Turquie de ses efforts concrets pour combattre la traite des êtres humains et pour renforcer le dialogue interconfessionnel.

M. PHILIP TISSOT (Royaume-Uni) s'est félicité des progrès de la Turquie dans l'adaptation de sa législation en vue de protéger les droits de l'homme. Il a notamment salué la tenue du référendum constitutionnel qui va dans le sens des négociations pour son adhésion à Union européenne. Il a encouragé le gouvernement à mettre en œuvre ces mesures rapidement. Il a noté la mise en place d'organes nationaux de défense des droits de l'homme et les améliorations enregistrées pour promouvoir le principe d'égalité et la non-discrimination, les efforts pour améliorer la liberté d'expression, la lutte contre la torture ou encore contre l'usage disproportionné de la force par la police.

Organisations non gouvernementales

M. GIANFRANCO FATTORINI (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1) a dit apprécier les efforts de la Turquie pour intégrer les droits de l'homme dans la loi et dans la pratique du pouvoir exécutif et salué l'abolition de la peine de mort par la Turquie en 2004. Le MRAP déplore cependant les restrictions apportées à la liberté de la liberté d'expression par une interprétation très restrictive de la loi antiterroriste. Le MRAP appelle la Turquie à intensifier la lutte contre l'impunité des auteurs de violations de droits de l'homme, à garantir la liberté d'expression des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes en particulier; il l'appelle aussi à garantir l'impartialité et l'indépendance du pouvoir judiciaire; il l'appelle enfin à poursuivre ses efforts en vue de l'adoption d'une loi contre les discriminations couvrant tous les droits et libertés garantis par l'article 5 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

MME CLAIRE CAHILL (Amnesty International) s'est félicitée du récent amendement de la loi sur le terrorisme mettant fin à la possibilité de poursuivre les mineurs au même titre que les adultes. Mais les tribunaux interprétant parfois ce texte de manière divergente, elle a appelé les autorités à donner une ligne directrice à ce sujet. Elle leur a aussi demandé de dédommager les mineurs ayant été jugés en vertu de l'ancienne législation. Amnesty International appelle par ailleurs le Gouvernement turc à enquêter systématiquement sur toutes les allégations de torture lors d'une arrestation ou d'une détention. Elle s'inquiète enfin de la lenteur de la ratification du Protocole additionnel de la Convention contre la torture.

MME MAIDAH LILLIEBJERG (Islamic Human Rights Commission) a salué les efforts de la Turquie dans le traitement des prisonniers, mais aussi son attitude positive envers les Kurdes et les autres minorités. Cependant, elle a estimé que les discriminations que subissaient les femmes musulmanes portant le foulard islamique étaient intolérables; elle a exhorté la Turquie à revenir sur l'interdiction du hijab.

MME SHOLEH ZAMINI (Verein Südwind Entwicklungspolitik) s'est étonnée du très faible nombre des recommandations acceptées par la Turquie. La représentante a aussi observé que le code pénal turc légitimait toujours les poursuites, les actes d'intimidation et les persécutions de défenseurs des droits de l'homme. La représentante a insisté sur la gravité de la situation des réfugiés iraniens en Turquie, qui ne bénéficient pas de la protection prévue par la Convention sur les réfugiés de 1951, protection que les autorités turques n'accordent qu'aux ressortissants européens. La représentante a encore appelé le Gouvernement turc à consacrer davantage d'attention aux processus réglementaires et participatifs susceptibles de résoudre les conflits avec la minorité kurde.

M. BJORN VAN ROOSENDAHL (Association lesbienne et gay internationale - Europe, au nom également de Federatie Van Netherlandse Verenigingen Tot Integratie Van Homoseksualiteit - Coc Nederland) a demandé à la Turquie d'inclure l'identité sexuelle comme motif de non discrimination pour répondre à ses obligations internationales. Il a attiré l'attention du Conseil sur les violences envers les personnes transsexuelles. Ces crimes restent impunis et nous demandons à la Turquie de mener des enquêtes pour que les auteurs de ces crimes soient punis, a-t-il ajouté.

M. DEREK BRETT (Conscience and Peace Tax International) a salué l'acceptation par la Turquie de nombreuses recommandations concernant la liberté d'opinion et d'expression mais a estimé que ces efforts étaient en partie contredits par la pénalisation de l'objection de conscience au service militaire.

M. BASIL OLZKAYA (Syriac Universal Alliance) a estimé que la Turquie devait encore réaliser d'importants progrès dans le domaine des droits des minorités, s'agissant notamment de la reconnaissance de leurs droits collectifs. La Turquie continue de nier l'existence des Araméens (Syriaques), alors qu'elle reconnaît les minorités grecque, arménienne et juive. Le représentant a demandé au Gouvernement turc de donner des explications convaincantes de cette situation injuste et déraisonnable. Le représentant a regretté que la Turquie n'ait pas saisi, le 12 septembre dernier, la chance historique qui lui était offerte de moderniser sa définition démodée des minorités et de mettre sa Constitution en conformité avec les normes internationales dans ce domaine.

M. GREGOR PUPPINCK (European Centre for Law and Justice) a estimé que les minorités turques souffraient encore d'hostilité à leur encontre. Dans un pays de 75 millions d'habitants, quelle menace peut peser la présence des 3 000 derniers Grecs orthodoxes encore présents sur la terre de leurs ancêtres, a-t-il demandé. La promotion de la tolérance et du dialogue des civilisations ne devrait pas être seulement un produit d'exportation, a conclu le représentant.

M. PHILIPPE DAM (Human Rights Watch) a souligné que le Gouvernement turc devrait confirmer son engagement de longue date d'aller de l'avant dans la révision de la Constitution de 1982, dans la perspective de la levée de restrictions à la liberté d'expression et des droits des minorités. En outre, l'institution nationale des droits de l'homme n'est pas conforme aux Principes de Paris. Par ailleurs, la lutte contre la culture de l'impunité doit demeurer une priorité. Pour HRW, les autorités doivent faire en sorte que des enquêtes rapides et efficaces soient menées lorsque des représentants de l'État sont soupçonnés d'avoir commis des abus ou d'avoir omis de protéger la vie d'individus clairement menacés. La Turquie doit enfin lever toute restriction à la liberté d'expression. HRW appelle la Turquie à revenir sur sa décision de rejeter les recommandations qu'elle n'a pas acceptées.

Conclusion de la délégation concernée

M. KAAN ESENER, Vice-directeur général au Ministère des affaires étrangères de la Turquie, a déclaré que le débat a démontré le caractère universel de la promotion et la protection des droits de l'homme. M. Esener a assuré avoir pris note de toutes les questions. S'agissant de la liberté religieuse, le Vice-directeur général a fait savoir qu'une importante cérémonie avait été organisée la semaine dernière dans une église chrétienne rénovée. La Turquie entend de plus favoriser le dialogue avec toutes les minorités non musulmanes, comme en témoignent les relations que son Gouvernement entretient avec elles. D'autre part, contrairement à ce qui pu être dit, aucun arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n'incrimine la Turquie au motif de discrimination de certaines minorités religieuses, a tenu à souligné M. Esener.

Le Gouvernement turc est bien déterminé, d'autre part, à appliquer une politique de «tolérance zéro» à l'égard de la pratique de la torture. Un mécanisme de prévention des mauvais traitements est en train d'être mis au point. Le Gouvernement étudie d'ailleurs, en ce moment même, les modalités d'application d'importants arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant de la lutte contre la torture. Par ailleurs, la création d'une institution des droits de l'homme, parmi d'autres mécanismes de contrôle de l'application des droits de l'homme, fait partie des priorités du Gouvernement.

La Turquie n'est certes pas encore en mesure de répondre à toutes les critiques, a poursuivi M. Esener. Cependant, la volonté politique d'améliorer la situation des droits de l'homme est forte, les résultats engrangés à ce jour en portant témoignage. La Turquie présentera dans deux ans un rapport intermédiaire concernant l'application des recommandations qu'elle a acceptées dans le cadre de l'Examen périodique universel, a rappelé M. Esener.

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1Déclaration conjointe: Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); International Educational Development; Alliance internationale des femmes; France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, Fédération syndicale mondiale et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté)

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