Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Maroc
17 août 2010
Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale
17 août 2010
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Maroc sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport, M. Omar Hilale, Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que le Royaume est engagé, sous la conduite du Roi Mohammed VI, dans un processus stratégique irréversible de consolidation de l'État de droit, d'enracinement de la démocratie et d'élargissement des libertés publiques fondamentales. Il a affirmé que la lutte contre toutes les formes et toutes les manifestations de discrimination figure parmi les priorités constantes du Gouvernement marocain. L'unité et l'indivisibilité de la nation marocaine est une donnée de l'histoire et une réalité de la vie quotidienne, a par ailleurs déclaré le Représentant permanent. L'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), qui fête cette année son neuvième anniversaire, peut se prévaloir d'un bilan positif incontestable dans la promotion de la langue et de la culture amazighes, a-t-il par ailleurs fait valoir, attirant l'attention en particulier sur le lancement, le 1er mars dernier, de la chaîne de télévision amazighe. En outre, les autorités marocaines ont pris récemment les dispositions nécessaires pour remédier aux difficultés rencontrées dans l'application de certains textes concernant l'enregistrement des prénoms auprès de l'état civil.
La délégation marocaine était également composée de représentants du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur; du Ministère de l'emploi; du Ministère du développement social, de la famille et de la solidarité; et de la Mission permanente à Genève. Elle a fourni des compléments d'information s'agissant, notamment, des questions relatives aux migrants irréguliers; des questions relatives à la culture amazighe; de la législation antiterroriste et des procédures spéciales applicables; de la question de l'égalité face à l'héritage; des populations vivant dans des campements à Laâyoune et de la population du Sahara en général. À cet égard, elle a affirmé qu'il n'existe pas au Maroc, y compris au Sahara, de personnes ou de groupes de personnes auxquels on peut attribuer le qualificatif de «personnes déplacées», au sens retenu par les Nations Unies. Elle a par ailleurs fait valoir qu'à ce jour, aucun procès pour discrimination raciale n'a été intenté devant la justice marocaine, affirmant en conclusion que «Le racisme ne fait pas partie de notre quotidien; il n'est pas dans nos gènes».
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, Mme Fatimata-Binta Victoire Dah, a relevé que depuis 2003, beaucoup avait été entrepris par le Maroc dans le domaine des droits de l'homme. Des discriminations subsistent toutefois en matière de succession, a-t-elle souligné. Elle a ajouté que le Maroc connaît une poussée de xénophobie liée à l'arrivée de migrants venus d'Afrique noire et estimant qu'il était urgent d'agir face à ce phénomène. Elle s'est réjouie, en fin de séance, de l'ouverture dont a fait preuve la délégation qui a clairement indiqué que les observations du Comité pourraient être prises en compte dans le contexte de la réforme prochaine du Code pénal. La principale difficulté de la modernisation est de parvenir à changer les mentalités tout en restant fidèle à ses racines, a souligné Mme Dah. Il y a des améliorations à apporter au Maroc, en particulier pour rendre la législation marocaine plus conforme à la Convention.
Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Maroc, qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 27 août prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale entamera l'examen du rapport du Danemark (CERD/C/DNK/18-19).
Présentation du rapport
En préambule à sa présentation, M. OMAR HILALE, Représentant permanent du Maroc auprès des Nations Unies à Genève, a exprimé au Président du Comité, M. Anwar Kemal, la solidarité de son pays à l'égard du Gouvernement et du peuple du Pakistan pour la catastrophe que le pays subit depuis plusieurs semaines.
M. Hilale a affirmé que le Maroc est engagé, sous la conduite du Roi Mohammed VI, dans un processus stratégique irréversible de consolidation de l'État de droit, d'enracinement de la démocratie et d'élargissement des libertés publiques fondamentales. Partie à la quasi-totalité des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, le Maroc a initié depuis 2006 un processus en plusieurs étapes de levée des réserves qu'il avait émises sur ces instruments, a-t-il poursuivi. Dans ce contexte, le Maroc a annoncé en octobre 2006 la reconnaissance de la compétence du Comité à recevoir des communications en vertu de l'article 14 de la Convention (adressées au Comité par des particuliers se plaignant de violations de leurs droits).
Matrice fondamentale des politiques publiques, les droits de l'homme sont au cœur des dispositifs et des programmes des autorités marocaines et imprègnent positivement l'ensemble de leurs actions et interventions, a indiqué M. Hilale. Dans cette perspective, le champ des réformes a connu, depuis 2003, des progrès et des avancées majeurs, notamment: la conclusion des travaux de l'Instance équité et réconciliation (IER), reconnue au niveau international parmi les expériences pionnières et novatrices en matière de justice transitionnelle; le lancement de l'Initiative nationale de développement humain (INDH), qui constitue une véritable stratégie pour le développement socioéconomique équitable et la lutte contre l'exclusion sociale et les disparités qui existent entre les régions; la restructuration du Conseil consultatif des droits de l'homme; le renforcement des capacités de l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM); et la mise en place d'une Délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion, en vue de promouvoir la situation des établissements pénitentiaires et de les mettre à niveau et garantir les conditions adéquates d'une insertion effective et d'une véritable qualification de leurs pensionnaires, l'objectif étant de faciliter leur réintégration dans la société et, partant, de lutter contre la discrimination dont ils pourraient faire l'objet. D'autres chantiers structurants de réformes ont été ouverts en 2009, notamment celui de la régionalisation avancée et la réforme de la justice, a ajouté M. Hilale.
L'unité et l'indivisibilité de la nation marocaine est une donnée de l'histoire et une réalité de la vie quotidienne, a par ailleurs déclaré le représentant. Le Roi, dans le discours historique qu'il a prononcé à Ajdir, le 17 octobre 2001, qui annonce la création de l'IRCAM, a affirmé que «l'amazighité qui plonge ses racines au plus profond de l'histoire du peuple marocain appartient à tous les Marocains, sans exclusive». L'IRCAM, qui fête cette année son neuvième anniversaire, peut se prévaloir d'un bilan positif incontestable dans la promotion de la langue et de la culture amazigh. Parmi les récentes réalisations enregistrées dans ce domaine, a poursuivi M. Hilale, il y a lieu de citer le lancement, le 1er mars dernier, de la chaîne de télévision amazighe. Les autorités marocaines ont pris, récemment, les dispositions nécessaires pour remédier aux difficultés rencontrées dans l'application de certains textes concernant l'enregistrement des prénoms auprès de l'état civil, a en outre annoncé le Représentant permanent du Maroc.
La lutte contre toutes les formes et toutes les manifestations de discrimination figure parmi les priorités constantes du Gouvernement marocain, a assuré M. Hilale. Il a insisté sur le progrès notable qu'a constitué l'ajout d'une section spéciale dédiée à la question de la discrimination dans le code pénal (en vertu du dahir du 11 novembre 2003); cette section reprend la définition de la discrimination telle qu'elle figure dans les traités internationaux, en particulier l'article premier de la Convention. Sur cette base, la discrimination définie à l'article 431-1 est punie de l'emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une demande de 1200 à 50 000 dirhams, lorsqu'elle consiste: à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service; à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque; à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne; à subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service ou l'offre d'un emploi à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 431-1. Toute une série d'institutions participent activement à la lutte contre ces discriminations au Maroc, a poursuivi M. Hilale, citant le Conseil consultatif des droits de l'homme, le Diwan Al Madhalim (ou Ombudsman) et le Conseil de la Communauté marocaine à l'étranger. Pour leur part, les agences régionales de développement (Sud, Nord, Oriental) contribuent efficacement à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels de tous les Marocains et favorisent l'éradication progressive des disparités entre les régions.
Par ailleurs, le Maroc a accordé une attention toute particulière à l'éducation et à la formation aux droits de l'homme, aux niveaux national, régional et international, a ajouté M. Hilale.
Répondant à une liste de questions écrites préalablement adressées au Maroc par le Comité, la délégation a évoqué la question de l'enregistrement des prénoms amazighs au registre de l'état civil en rappelant que les dispositions d'une loi de 2002 précisaient (article 21) que le prénom à enregistrer à l'état civil devait présenter un caractère marocain. Bien entendu, en interprétant voire en voulant appliquer cette disposition, des officiers de l'état civil ont refusé d'enregistrer des prénoms qu'ils ne considéraient pas comme ayant un caractère marocain, et notamment des prénoms amazighs et des prénoms arabes moyen-orientaux. Une haute commission avait donc été saisie de cette question. Aujourd'hui, on peut dire que les autorités ont pris une mesure ferme en vue de régler définitivement cette question par le biais d'une circulaire du Ministère de l'intérieur relative au choix des prénoms. Depuis la publication de cette circulaire, aucun litige n'a été enregistré, ni aucune plainte soumise au Ministère de l'intérieur, a fait valoir la délégation. Elle a ajouté que sur les millions de demandes d'enregistrement de prénoms que les officiers de l'état de civil avaient eu à traiter avant cette circulaire depuis l'adoption de la loi de 2002, seuls 454 cas avaient fait l'objet d'un litige et soumis à la haute commission qui avait donné un avis favorable dans 359 cas, n'en refusant que 95. La délégation a précisé que les décisions de cette haute commission étant administratives, les intéressés avaient parfois recouru à la justice devant laquelle ils avaient eu gain de cause, les prénoms ayant été inscrits. Il n'existe aucune liste de prénoms acceptés ou refusés, a précisé la délégation.
En ce qui concerne la question de l'inscription de la langue amazighe dans la Constitution comme langue officielle, la délégation a souligné que la langue amazighe est une langue fondamentale de la culture et de l'identité marocaines. Des dispositions ont été prises par l'IRCAM afin d'intégrer cette langue dans les espaces publics, en particulier dans les programmes d'enseignement et dans les médias, a indiqué la délégation. Le débat concernant une éventuelle inscription de la langue amazigh dans la Constitution se poursuit, a-t-elle précisé.
L'article 9 du Code du travail interdit toute discrimination, y compris raciale, à l'égard des salariés, a par ailleurs souligné la délégation.
De 2005 à 2007, 144 étrangers mariés à des femmes marocaines ont bénéficié de la naturalisation, a indiqué la délégation en réponse à une autre question.
La détention n'admet pas de discrimination au Maroc, a en outre assuré la délégation. La procédure pénale octroie des garanties conformes aux droits de l'homme pour ce qui est des conditions et de la supervision des détentions, a-t-elle insisté.
Pour ce qui est de la situation des immigrants irréguliers, la délégation a notamment fait état de la Stratégie nationale de lutte contre le trafic des êtres humains mise en place par le Maroc, qui comporte des volets de prévention, de lutte et de protection. La délégation a également attiré l'attention sur les opérations de sauvetage de migrants en mer menées par les services compétents des autorités du pays.
La délégation a affirmé qu'il n'existe nullement au Maroc, y compris au Sahara, de personnes ou de groupes de personnes auxquels on peut attribuer le qualificatif de «personnes déplacées», se référant à cet égard à la définition des «personnes déplacées» retenue par les Nations Unies.
Le rapport périodique du Maroc (document CERD/C/MAR/17-18 regroupant les dix-septième et dix-huitième rapports périodiques du Maroc) rappelle que le Maroc a lancé un processus d'identification des violations graves des droits de l'homme commises par le passé en instituant l'Instance équité et réconciliation (IER), qui a mené les enquêtes nécessaires et organisé des auditions publiques au cours desquelles les victimes étaient invitées à décrire les violations qu'elles avaient subies par le passé, afin d'en tirer des enseignements et éviter qu'elles ne se reproduisent. L'IER a ainsi pu examiner les violations graves des droits de l'homme commises dans le passé, à en déterminer les victimes et à évaluer les indemnisations qui devraient leur être versées. Plusieurs de ses recommandations et propositions visent à établir les mécanismes législatifs et pratiques pouvant garantir que ces violations ne se reproduisent pas et que les victimes soient dédommagées. Le pays a procédé à une autocritique franche et sincère qui a permis d'analyser le sujet sous tous ses aspects, d'en examiner les raisons et les caractéristiques et d'établir des prévisions pour les vingt ans à venir. À la suite de ce processus d'identification des violations des droits de l'homme, une nouvelle initiative a été lancée: l'Initiative nationale pour le développement humain, annoncée en 2005. Dans le cadre de cette démarche fondée sur les réformes, le domaine législatif a connu un changement important qui s'est traduit par l'adoption de plusieurs textes de loi, dont le Code de la famille de 2004, qui supprime toute distinction entre l'homme et la femme et leur attribue des droits et devoirs similaires.
Aux termes des dispositions de la Constitution, tous les Marocains ont des droits et devoirs égaux et sont égaux devant la loi sans aucune distinction fondée sur la langue, le sexe, la religion, la culture ou l'identité politique, culturelle ou régionale. La diversité de la population marocaine qui est composée d'Arabes, d'Amazighes, de musulmans, de chrétiens et de juifs, de peau blanche ou noire constitue encore aujourd'hui une source de diversité et de richesse qui contribue à l'unité nationale, du fait de la coexistence pacifique de ces populations depuis des siècles, et constitue l'une des qualités et des caractéristiques du peuple marocain. Une loi de 2003 complétant le Code pénal incrimine la discrimination et la définit comme suit: «toute discrimination entre les personnes physiques fondée sur l'origine nationale ou sociale, la couleur de peau, le sexe, la situation familiale, l'état de santé, le handicap, l'opinion politique, l'appartenance à un syndicat ou l'appartenance ou la non-appartenance, réelle ou supposée, à une race, à une nation, à une communauté ethnique ou à une religion particulière». La discrimination est passible d'une peine de prison d'un mois à deux ans et d'une amende de 1 200 à 50 000 dirhams (1 euro équivaut à environ 10 dirhams). La peine prévue par la loi marocaine pour sanctionner la discrimination est appliquée pour tout acte consistant à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service, à refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne pour des motifs discriminatoires. La discrimination a également été érigée en infraction pénale dans des textes de lois régissant le domaine de l'emploi en vue de protéger les salariés. L'interdiction et l'incrimination de la discrimination sont étendues aux libertés fondamentales et aux activités politiques, comme il ressort des nouvelles dispositions introduites dans les lois relatives à la presse, aux associations et aux partis politiques qui prévoient expressément des sanctions pour tout acte de discrimination.
Le rapport affirme qu'il serait faux d'assimiler la question de l'amazighité à une question ethnique ou raciale qui concerne un peuple autochtone du Maroc en particulier. L'enseignement de l'amazigh a commencé au début de l'année scolaire 2003/04 dans près de 5 % des établissements scolaires, étant entendu que l'intégration se poursuivrait progressivement jusqu'à sa généralisation de façon verticale et horizontale, poursuit le rapport. Ainsi, au cours de l'année 2006/07, lorsque l'intégration du programme dans l'enseignement primaire en sera à sa quatrième année, l'amazigh sera enseigné dans 30 % des établissements scolaires. S'agissant des habitants du Sahara, le rapport indique que le Maroc a proposé une solution pacifique au sujet du Sahara marocain, consistant à confier aux habitants l'autogestion de leurs affaires et à leur permettre ainsi de contribuer au développement durable local au profit de la population sahraouie, indique par ailleurs le rapport. Le Gouvernement marocain poursuit ses efforts, en collaboration avec divers partenaires, en vue de prendre des mesures propres à garantir aux habitants du Sahara l'exercice et la jouissance de tous leurs droits économiques, sociaux et culturels. Les régions sahariennes constituent aux yeux du Maroc une partie intégrante de son territoire où les habitants bénéficient, en tant que Marocains, du même traitement dont jouissent leurs concitoyens dans les autres régions, respectent les mêmes règles et ont les mêmes droits et responsabilités. Leur sont notamment garantis le droit à un procès équitable, le droit à la sûreté de la personne et la liberté de circulation, d'expression et d'initiative. Ainsi, nul ne peut être détenu ou poursuivi en justice qu'en vertu de la loi. Étant donné que l'État de droit impose le respect de la loi à tous, l'arrestation et le jugement de certains habitants de ces régions qui avaient organisé une manifestation sans en avoir obtenu l'autorisation se sont déroulés conformément à la loi. Par ailleurs, les procès engagés contre des Marocains du Sahara étaient équitables et offraient aux parties toutes les garanties juridiques nécessaires du fait que les actes qu'ils avaient commis tombaient sous le coup de la loi, respectée par tous sans distinction ni exception aucune.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, a déploré l'absence, pour le présent dialogue, de tout représentant du Conseil consultatif des droits de l'homme.
La rapporteuse a rappelé que le Maroc a toujours été un pont entre l'ouest et l'est, entre le nord et le sud. Elle a aussi rappelé que le Maroc s'était opposé, en son temps, à la déportation de juifs marocains par la France de Vichy.
Beaucoup a été entrepris par le Maroc dans le domaine des droits de l'homme depuis 2003, a poursuivi Mme Dah. En 2008, le pays a été soumis à l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme, a-t-elle rappelé. Elle a également rappelé que la Rapporteuse spéciale sur les droits des migrants s'était rendue dans le pays en 2003 et le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, en 2006.
L'ossature institutionnelle des droits de l'homme figurait, pour l'essentiel, dans le précédent rapport périodique, qu'il s'agisse du Conseil consultatif des droits de l'homme, de l'ombudsman, de l'Institution équité et réconciliation ou encore de l'IRCAM, a poursuivi Mme Dah. Ce sont donc les réformes législatives menées durant la période à l'examen, c'est-à-dire depuis 2003, qui sont les plus impressionnantes, en particulier au regard de l'adoption du Code de la famille, a-t-elle déclaré. Des discriminations subsistent toutefois en matière de succession, a souligné l'experte. En outre, un traitement différencié semble subsister en fonction du statut personnel: musulman, juif et étranger.
Qu'en est-il de la transmission de la nationalité marocaine par une femme marocaine à son époux étranger, a par ailleurs demandé Mme Dah? N'y a-t-il pas traitement préférentiel accordé aux ressortissants de pays arabes voire musulmans en termes de naturalisation, a-t-elle également demandé?
Mme Dah s'est en outre enquise des procédures pénales applicables à la garde à vue dans certaines circonstances exceptionnelles.
Cela fait quatre ans que le Maroc a fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, mais à ce jour, le Comité n'a jamais reçu aucune plainte en provenance ce cet État partie, a d'autre part relevé l'experte.
Mme Dah s'est enquise du statut de la Convention dans l'ordre juridique interne marocain et a voulu savoir si la Convention est souvent invoquée en justice.
La définition de la discrimination raciale telle qu'elle apparaît dans la législation marocaine - que ce soit dans le Code pénal ou dans des lois spécifiques telles que le Code du travail - n'est pas tout à fait conforme à celle de l'article premier de la Convention, a par ailleurs souligné la rapporteuse. Aussi, a-t-elle suggéré que le pays devrait adopte une loi spécifique définissant la discrimination raciale dans les termes de l'article premier de la Convention.
Mme Dah a souhaité savoir s'il existe des indicateurs socioéconomiques concernant les Amazighs, les Sahraouis, les Noirs et autres minorités. La situation des Sahraouis intéresse tout particulièrement le Comité en leur qualité de personnes déplacées, a-t-elle insisté.
La rapporteuse a voulu savoir s'il existe au Maroc des personnes qui ne parlent que les langues - en dehors de l'arabe - usitées dans la région ou dans le groupe auxquels elles appartiennent.
Précisant que le Comité ne considère pas que le principe d'autodétermination figure à l'article 3 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones doive porter atteinte à la souveraineté ou à l'intégrité territoriale d'un État, Mme Dah a demandé si le Maroc adhérait à la notion de peuple autochtone en soi.
Qu'en est-il de la situation des personnes sahraouies qui vivent sous des tentes, en marge du processus de développement, a demandé l'experte?
Le Maroc connaît une poussée de xénophobie due essentiellement à l'arrivée de migrants venus d'Afrique noire, a poursuivi Mme Dah, qui a demandé quelles dispositions législatives ont été prises pour interdire l'incitation à la haine raciale et les organisations à caractère raciste. Le Maroc fait face ces dernières années à un afflux de migrants suite aux conflits dans certains pays, notamment en Iraq mais aussi dans certains pays d'Afrique subsaharienne, a-t-elle relevé, soulignant que la précarité guette les demandeurs d'asile qui, souvent, sont refoulés. Il est urgent d'agir face à la montée de la xénophobie au Maroc, pourtant historiquement terre d'asile, a insisté Mme Dah.
Mme Dah s'est également enquise de la protection des personnes vulnérables, y compris les minorités et les autochtones, dans l'administration de la justice. Parmi les personnes vulnérables, on pourrait compter notamment les Amazighs, les Noirs ou encore des migrants, en situation régulière ou non.
Le Maroc a fait du droit à l'éducation sa priorité nationale, a rappelé Mme Dah, relevant également que la langue amazighe est enseignée depuis 2003 comme seconde langue après l'arabe. Elle a souhaité connaître la première appréciation que fait la délégation de cette démarche: a-t-elle été payante ou conviendrait-il de modifier l'approche dans ce domaine?
Un autre membre du Comité a souligné que le Maroc a connu depuis l'examen de son précédent rapport une «évolution remarquable» dans les domaines législatifs et institutionnels. La difficulté persiste, faute de données démographiques, de bien appréhender la question amazighe, entre autres, a souligné cet expert, avant de s'enquérir de la situation socioéconomique et culturelle des Amazighs.
Un expert a souligné qu'il y avait beaucoup d'éléments positifs dans le rapport et dans les informations fournies par la délégation. Selon certaines informations, a-t-il toutefois relevé, l'IRCAM, qui avait suscité de grands espoirs, n'aurait pas tenu pleinement ses promesses. On parle encore d'obstacles à l'enregistrement des prénoms berbères par les services municipaux, en dépit de la circulaire dont a fait état la délégation dans sa déclaration de présentation, a fait observer l'expert.
La loi de 2003 relative aux étrangers et immigrés a renforcé les droits de ces personnes; néanmoins, la situation des immigrants irréguliers venus, en particulier, d'Afrique subsaharienne reste inquiétante, notamment au regard des sentiments de xénophobie contre ces personnes, a-t-il été souligné.
Un membre du Comité a souligné que si un État ne souhaite pas reconnaître l'auto-identification d'une partie de sa population, on se retrouve alors dans une situation où une discrimination insidieuse se glisse derrière l'idée d'«une nation, un peuple» que défend l'État concerné.
Réponses de la délégation
La délégation marocaine a fait part de sa volonté de nouer avec le Comité un dialogue constructif, franc et ouvert et, surtout, tourné vers la compréhension. La délégation est venue non pas pour dire que le Maroc est un paradis où il n'y a pas de problème mais pour brosser un tableau de la situation du pays, des progrès réalisés, des efforts accomplis et des difficultés rencontrées, a-t-elle ajouté. Elle a insisté sur le choix stratégique, clair et net du Gouvernement de lutter contre toute forme de racisme et de discrimination raciale et de tout faire en termes de législation et de structure institutionnelle pour conformer l'action du Gouvernement aux engagements du pays.
L'identité du Maroc est à la fois plurielle et unique, a-t-elle ajouté. La richesse du Maroc, c'est sa diversité, a-t-elle déclaré; c'est précisément en raison de cette diversité que le Maroc est tolérant.
En ce qui concerne les questions relatives aux migrants irréguliers, la délégation a notamment souligné que les reconduites aux frontières respectent les procédures légales. D'autre part, la philosophie de la stratégie applicable à ces personnes établit une distinction entre la victime et le trafic, a-t-elle ajouté. Ainsi, cette stratégie privilégie-t-elle le retour volontaire et librement consenti vers leur pays d'origine des victimes en situation de séjour irrégulière au Maroc. En outre, des campagnes d'information et de prévention sont menées afin d'attirer l'attention sur les dangers associés à l'immigration illégale et à l'exploitation par des réseaux.
Pour ce qui est opérations de secours en haute mer, les services marocains compétents sont parvenus, depuis 2006, à sauver plus de 7000 ressortissants subsahariens qui se trouvaient sur ces routes maritimes dangereuses, a précisé la délégation.
Aujourd'hui, on compte au Maroc plus de 75 000 étrangers légalement établis, a par ailleurs indiqué la délégation. Interrogée sur le nombre de migrants en transit au Maroc, elle a souligné que, de par la nature cachée du phénomène, il est difficile de quantifier le nombre d'immigrants illégaux, mais on évalue à 91% la baisse du nombre de migrants illégaux depuis 2004, comme en témoigne la situation dans les forêts au sud de Melilla.
Il n'y a pas au Maroc de xénophobie en tant que comportement sociétal ancré à l'égard des migrants, a par ailleurs assuré la délégation.
S'agissant de la culture amazighe, la délégation a souligné que le Maroc n'est pas un pays d'ethnies. Le Maroc est un seul et même peuple doté de la même identité au sein de laquelle peuvent coexister plusieurs foyers culturels, a-t-elle poursuivi. La question amazighe ne saurait donc être identifiée comme une question ethnique associée à l'existence d'une population autochtone, a-t-elle déclaré. En 2009, 251 associations ont conclu des partenariats avec l'IRCAM et ont reçu des subventions à hauteur de six millions de dirhams, a-t-elle précisé.
Pour ce qui est de l'inscription des prénoms amazighs aux registres de l'état civil, la délégation a réitéré le principe de la liberté du déclarant de pouvoir choisir le prénom qu'il veut, la seule restriction fixée par la loi de 2003 ayant trait au caractère marocain que doit avoir le prénom – lequel prénom ne doit par ailleurs pas être de nature à porter atteinte aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. Avant la promulgation de la nouvelle loi relative à l'état civil, des listes de prénoms avaient été établies, à titre indicatif, à l'intention des agents de l'état civil; mais ces listes ne sont plus en vigueur aujourd'hui, a assuré la délégation. Depuis 2003, sur les quelque 3,6 millions de prénoms déclarés, seuls 95 ont été refusés; tous ces refus étant antérieurs à la publication de la circulaire du Ministère de l'intérieur mentionnée plus tôt.
En ce qui concerne la question des populations vivant dans des campements dans la ville d'Laâyoune, la délégation a assuré qu'il ne s'agit nullement de populations déplacées; il s'agit de personnes originaires des provinces du sud qui sont venues de toutes les parties du Royaume suite à l'appel des Nations Unies afin qu'elles puissent être inscrites sur les listes électorales en vue du référendum qui était alors prévu à l'époque. Cette question est définitivement réglée depuis 2008 par l'accès à la propriété des résidents du campement, a ajouté la délégation.
S'agissant de la loi antiterroriste (loi 03/03) adoptée après les événements du 11 septembre 2001, la délégation a assuré qu'il s'agit d'une loi normale contenant des dispositions générales appliquées dans d'autres pays du monde. Le Code de procédure pénale s'applique aux procédures en rapport avec des activités terroristes et prévoit des dérogations concernant en particulier la garde à vue et les perquisitions. La garde à vue, qui est d'une durée de 48 heures prorogeable de 24 heures pour les crimes normaux, est de 96 heures, renouvelables de 96 heures supplémentaires, pour les affaires de terrorisme. Quant aux fouilles et perquisitions à domicile, qui se font habituellement entre 6 heures et 21 heures, elles peuvent, dans les affaires de terrorisme et sur autorisation écrite du parquet, se faire en dehors de ces horaires.
Le Code de procédure pénale, déjà amendé en 2003 afin de garantir les conditions d'un procès équitable, sera de nouveau révisé afin de le rendre conforme au projet de réforme globale de la justice annoncé en août 2009 par le Roi. Les remarques du Comité seront prises en considération lors de la préparation de cette révision par le Ministère de la justice, a indiqué la délégation.
La loi sur les prisons prohibe la discrimination à l'encontre des prisonniers sur quelque base que ce soit, a d'autre part réaffirmé la délégation.
En ce qui concerne la question de l'égalité face à l'héritage, la délégation a rappelé qu'au Maroc, comme cela est d'ailleurs le cas dans les autres pays à travers le monde, le Code civil tient compte des spécificités culturelles de la population. Ainsi, les dispositions relatives à l'héritage se basent sur la charia islamique pour les musulmans marocains et sur la loi judéochrétienne pour les juifs marocains. Ces dispositions ne sont pas considérées comme discriminatoires par les personnes auxquelles elles s'appliquent. Elles peuvent certes être considérées comme des discriminations aux yeux de la Convention, mais il convient ici de rappeler que la Déclaration et le Programme d'action adoptés à Vienne en 1993 stipulent que les États ne doivent pas ignorer l'influence et l'impact de leurs spécificités culturelles et historiques lorsqu'ils appliquent les droits de l'homme et qu'il serait souhaitable que les États choisissent le moment propice pour réformer leurs textes en vue de les conformer aux instruments internationaux. C'est précisément ce qu'a fait le Maroc lorsqu'il a réformé son Code de la famille en 2003 en prenant en compte diverses jurisprudences sans pour autant déroger à la charia, a expliqué la délégation.
En réponse à une autre question, la délégation a expliqué que le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS) est notamment mandaté pour défendre la marocanité du Sahara et œuvrer à la promotion du développement économique et social des provinces du sud, a en outre indiqué la délégation.
De 2004 à 2007, le bureau du médiateur a examiné plus de 23 000 plaintes, a également indiqué la délégation.
S'il est vrai que ce principe n'est pas expressément consacré dans la Constitution, il n'en demeure pas moins que plusieurs législations marocaines, notamment le Code de procédure pénale et le Code de nationalité marocaine, stipulent la primauté des dispositions des conventions internationales ratifiées par le pays sur la législation interne, a d'autre part indiqué la délégation. Ces dernières années, il est de plus en plus fréquent que la jurisprudence marocaine consacre également ce principe, a-t-elle fait valoir.
Jusqu'à aujourd'hui, il n'y a pas eu un seul procès intenté devant la justice marocaine pour discrimination raciale, a également fait valoir la délégation. Il n'y a jamais eu de disparition forcée, par exemple, ou de privation d'un quelconque droit parce qu'une personne était amazighe, a-t-elle souligné. «Le racisme ne fait pas partie de notre quotidien»; il «n'est pas dans nos gènes», a insisté la délégation.
Observations préliminaires
MME FATIMATA-BINTA VICTOIRE DAH, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Maroc, s'est félicitée de la qualité du dialogue entre les membres du Comité et la délégation marocaine. Au nombre des aspects positifs, elle a relevé les réformes juridiques et institutionnelles engagées par le Maroc depuis 2003. Il y a cependant des améliorations à apporter, a-t-elle poursuivi: tout d'abord pour rendre la législation marocaine plus conforme à la Convention, surtout à ses articles 1 et 4; ensuite, pour fournir des données statistiques concernant la composition de la population.
Mme Dah a invité le Maroc à réviser son document de base, qui date de 2002 et est déjà dépassé au vu des réformes qu'a engagées le pays. Ainsi, pourront désormais être inclus le cadre juridique et institutionnel actuel et, si possible, les statistiques qui viennent d'être réclamées au pays.
Mme Dah s'est par ailleurs réjouie de l'ouverture dont a fait preuve la délégation qui a clairement indiqué que les observations du Comité pourraient être prises en compte dans le contexte de la réforme prochaine du Code pénal. La principale difficulté de la modernisation est de parvenir à changer les mentalités tout en restant fidèle à ses racines, a souligné l'experte.
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