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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Danemark

18 août 2010

Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

18 août 2010

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Danemark sur les mesures prises par ce pays pour assurer l'application des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M. Allan Rahbol Jacobsen, Chef de l'Unité des droits de l'homme au Ministère danois des affaires étrangères, a fait observer que depuis le mois de juillet dernier, son gouvernement a pris des mesures supplémentaires pour lutter contre la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou raciale, adoptant notamment, le mois dernier, un nouveau Plan d'action sur l'égalité de traitement ethnique et sur le respect de l'individu. Une campagne se concentrera cet automne sur les effets bénéfiques de la diversité ethnique sur le marché du travail, a-t-il ajouté. La délégation danoise a rappelé que la législation danoise s'applique à tous les résidents, indépendamment de leur origine nationale, de leur race ou de leur appartenance ethnique. En outre, la plupart des droits et des responsabilités sont liés à la résidence et non pas à la nationalité, ce qui signifie que les immigrants, y compris les migrants roms, qui résident légalement au Danemark ont accès à une vaste gamme de services sociaux. De plus, des programmes d'intégration spécifiques sont offerts à tous les nouveaux arrivants afin d'assurer qu'ils puissent participer à tous les aspects de la société. La délégation a par ailleurs rappelé que le Danemark ne reconnaît qu'une population autochtone, à savoir celle des Inuits; elle considère la question de la «tribu de Thulé» comme classée.

La délégation danoise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère des réfugiés, de l'immigration et de l'intégration; du Ministère de la justice; du Ministère de l'éducation; du Ministère de l'emploi; et du Gouvernement autonome du Groenland. Elle a fourni des compléments d'information s'agissant, entre autres, de la poursuite en justice des cas de discrimination raciale et des pouvoirs du ministère public; des conditions d'octroi du permis de résidence permanente; de la stratégie contre la ghettoïsation; de la situation des Roms; ou encore des dernières évolutions au Groenland.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés du pouvoir trop large laissé au Directeur du parquet (ministère public), qui peut notamment décider de refuser de poursuivre en matière d'infractions racistes. Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport danois, M. Chris Maina Peter, a souligné à cet égard que le public doit être protégé contre un pouvoir discrétionnaire excessif et a souhaité que la délégation transmette les préoccupations qui ont été exprimées au sujet de l'efficacité de cette institution s'agissant des poursuites pour des faits de discrimination raciale. Le rapporteur s'est en outre inquiété des nouveaux critères établis au printemps dernier par le Gouvernement danois pour l'acquisition d'un permis de résidence permanente. Il a aussi souligné, en fin de séance, que des réponses complémentaires devront encore être fournies s'agissant notamment de la question des Roms et des données statistiques concernant cette communauté.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Danemark, qui seront rendues publiques à la fin de sa session, le 27 août prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale entamera l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine (CERD/C/BIH/7-8).

 

Présentation du rapport

M. ALLAN RAHBOL JACOBSEN, Chef de l'Unité des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères du Danemark, a fait observer que depuis le mois de juillet dernier, le Gouvernement danois a pris des mesures supplémentaires pour lutter contre la discrimination fondée sur l'origine ethnique ou raciale. Ainsi, un nouveau Plan d'action sur l'égalité de traitement ethnique et sur le respect de l'individu a-t-il été publié le mois dernier, a-t-il précisé. Ce nouveau Plan d'action comprend notamment des initiatives de soutien aux communautés locales, une aide locale pour les victimes de discrimination, une campagne sur le respect des droits fondamentaux et des projets de recherche sur l'ampleur de la discrimination.

D'autre part, a poursuivi M. Jacobsen, le Gouvernement danois continue de se concentrer sur des mesures visant à prévenir et combattre les délits à caractère racial et les discours haineux, Il reste engagé à assurer que les crimes de haine fassent effectivement l'objet d'enquêtes et de poursuites. Pour ce qui est de l'intégration, a ajouté le Chef de l'Unité des droits de l'homme, le Ministère des réfugiés, de l'immigration et de l'intégration lancera cet automne une campagne de sensibilisation sur les effets bénéfiques de la diversité ethnique sur le marché du travail.

Dans le domaine de l'éducation, a par ailleurs indiqué M. Jacobsen, le Gouvernement danois a participé à une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur l'éducation des migrants dont le rapport a été publié en mars dernier. Le Ministère de l'éducation a également engagé une campagne de recrutement visant à accroître le nombre de candidats d'origines ethniques différentes.

Enfin, au mois de mars dernier, le Parlement danois a adopté une nouvelle loi sur l'enregistrement des naissances et des décès qui abroge l'obligation qu'avaient les parents d'informer les agents des registres ministériels pertinents de la naissance de leur enfant; c'est désormais le personnel qui procède à l'accouchement qui doit prendre contact avec les autorités compétentes.

La délégation danoise a ensuite répondu à une liste de questions écrites préalablement adressée au Danemark par le Comité. S'agissant des motifs pour lesquels le Directeur du parquet pourrait mettre fin à une enquête ou décider de ne pas ouvrir d'enquête au sujet d'informations invoquant des violations de la disposition du Code pénal qui sanctionne la discrimination raciale (article 266B), la délégation a indiqué que tous les cas pour lesquels des charges préliminaires ont été retenues pour violation de cette disposition doivent être transmis au Directeur du parquet qui doit déterminer les charges finales. En outre, le Directeur du parquet doit être notifié des rapports transmis à la police pour violation de cet article dans les cas où, sur recommandation d'un commissaire de police, le Procureur public a refusé d'engager des investigations ou les a stoppées alors qu'elles avaient déjà commencé. La décision du Directeur du parquet de poursuivre ou d'abandonner les charges se fait toujours sur la base d'une évaluation individuelle des circonstances en tenant compte, notamment, des prescriptions de l'article susmentionné du Code pénal et de la jurisprudence.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles les candidats d'origine ethnique autre que danoise échouent aux examens d'entrée dans la police, la délégation a indiqué que c'est effectivement le cas, en particulier pour la partie écrite du test et a ajouté que la police nationale danoise n'est pas en mesure d'expliquer ce phénomène. Selon l'une des hypothèses avancées, il a été suggéré que la profession policière ne serait pas considérée comme attrayante par les membres de ces groupes ethniques, a indiqué la délégation.

S'agissant de la politique relative à l'enseignement dans la langue maternelle, réservé aux enfants bilingues originaires de l'Union européenne ou de pays de l'Espace économique européen, la délégation, interrogée sur les mesures envisagées au sujet des enfants ne bénéficiant pas de cette politique pour qu'ils puissent jouir des mêmes droits sur un pied d'égalité, a rappelé que le Danemark n'a aucune obligation internationale d'offrir une éducation dans leur langue maternelle aux enfants bilingues. L'éducation dispensée à l'école primaire danoise vise à préparer les enfants à une vie au Danemark et l'une des compétences les plus importantes requise à cet égard réside dans une maîtrise suffisante de la langue danoise. Dans ce contexte, a insisté la délégation, le Gouvernement danois est d'avis que la meilleure façon d'utiliser les ressources disponibles pour le système éducatif pour ce qui est d'aider les enfants bilingues à apprendre le danois est de concentrer les ressources sur l'aide à l'apprentissage de la langue danoise dès le plus jeune âge, a déclaré la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que le Conseil de recours des réfugiés évalue individuellement chacun des cas dont il est saisi pour décider si un requérant remplit les exigences requises pour se voir octroyer un permis de résidence au titre de l'article 7 de la Loi sur les étrangers. Aussi, n'est-il pas possible pour ce Conseil de fournir des motifs généraux de refus opposé dans ce contexte, a-t-elle expliqué. En 2009, le Conseil de recours des réfugiés a examiné 401 affaires concernant au total 483 personnes qui cherchaient à obtenir un permis de résidence en vertu de l'article 7 de la Loi sur les étrangers; sur ce nombre, 257 affaires concernant 304 personnes ont abouti à un rejet de la demande.

Il est vrai que les immigrants en provenance de pays non occidentaux ont un taux de chômage supérieur à celui des personnes d'origine danoise, a par ailleurs reconnu la délégation. Mais l'évolution en la matière va dans le bon sens, a-t-elle aussitôt ajouté, assurant que l'intégration des immigrants non occidentaux sur le marché du travail a été un succès au Danemark ces dernières années. En effet, a-t-elle précisé, la «fréquence d'embauche» des immigrants non occidentaux s'est accrue de près de dix points de pourcentage, passant d'environ 44% en 2001 à environ 54% en 2009, alors que sur la même période, cette «fréquence» restait inchangée pour les personnes d'origine danoise.

Répondant aux questions sur la situation des Roms, la délégation a notamment souligné que la législation danoise s'applique à tous les résidents, indépendamment de leur origine nationale, de leur race ou de leur appartenance ethnique. La législation danoise n'établit de discrimination d'aucune sorte entre les différents groupes ethniques, a-t-elle insisté. En outre, selon la législation danoise, la plupart des droits et des responsabilités sont liés à la résidence et non pas à la nationalité. Cela signifie que les immigrants, y compris les migrants roms, qui résident légalement au Danemark ont accès à une vaste gamme de services sociaux. De plus, des programmes d'intégration spécifiques sont offerts à tous les nouveaux arrivants afin d'assurer qu'ils puissent participer à tous les aspects de la société. Les estimations varient en ce qui concerne le nombre de Roms résidant actuellement au Danemark, a ajouté la délégation, précisant que les chiffres varient de 1500 à 10 000.

La délégation a indiqué que le Danemark ne reconnaît qu'une population autochtone, à savoir celle des Inuits, et considère la question de la tribu de Thulé comme classée. Tous les membres du Parlement et du Cabinet groenlandais sont des Inuits, a souligné la délégation. Ce Cabinet a été mis en place suite au référendum populaire mené en 2008 à l'issue duquel 75,5% des personnes se sont dites favorables au Gouvernement autonome du Groenland, a-t-elle ajouté.

Le rapport périodique du Danemark (document CERD/C/DNK/18-19 regroupant les dix-huitième et dix-neuvième rapports) indique que de 2004 à 2008, le nombre d'immigrés et de descendants d'immigrés originaires de pays non occidentaux ayant un emploi a augmenté de 26 000. Le Gouvernement a ainsi atteint plus tôt que prévu l'objectif qu'il s'était fixé de faire entrer 25 000 personnes de plus sur le marché du travail avant 2010. Le Gouvernement a publié en novembre 2003 un «Plan d'action visant à promouvoir l'égalité de traitement et la diversité et à combattre le racisme» et indique que le Plan d'action est en cours de révision, un nouveau plan devant être lancé d'ici à la fin de 2009. Le rapport indique par ailleurs que, selon l'enquête annuelle de victimation criminelle de 2008, 6 % des victimes de violences étaient absolument certaines que le racisme était la cause de l'infraction, 4 % estimant que cela avait peut être été le cas. Les Roms qui vivent aujourd'hui sur le territoire danois peuvent être divisés en deux grandes catégories: d'une part, le groupe arrivé au Danemark à la fin des années 1960 et, d'autre part, les groupes qui sont arrivés à partir du milieu des années 1990, fuyant les guerres en ex-Yougoslavie. À la connaissance du Gouvernement, tous les Roms qui ont élu domicile au Danemark avant les années 1960 ont été complètement intégrés et ne constituent pas un groupe identifiable. La communauté rom est composée pour partie d'immigrés et pour partie de réfugiés, les Roms ne constituent donc pas, de l'avis du Gouvernement, une minorité nationale au Danemark.

Les décisions de la Commission de recours des réfugiés sont définitives; c'est un organe d'experts de caractère quasi judiciaire et les tribunaux ne peuvent se prononcer que sur des points de droit. En 2008, la Commission de recours des réfugiés a examiné 389 affaires. Dans 79 cas, les requérants ont obtenu le statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et, dans 43 cas, les intéressés se sont vu accorder la protection subsidiaire. Dans 246 cas, les requérants ont été déboutés. Le Gouvernement considère que les demandeurs d'asile déboutés sont tenus de quitter le pays et doivent donc séjourner dans un centre pour demandeurs d'asile jusqu'à leur départ. Par ailleurs, les familles de demandeurs déboutés avec enfants qui résident au Danemark depuis plus de trois ans après la date du rejet définitif de leur demande d'asile et qui sont originaires d'un pays dans lequel elles ne peuvent être renvoyées de force ont la possibilité de vivre dans des lieux d'hébergement spéciaux en dehors des centres d'asile. La loi autorise certains groupes de demandeurs d'asile déboutés à suivre une formation d'une durée de six à neuf mois au Danemark à condition qu'ils s'engagent, par un contrat conclu avec le Service danois de l'immigration, à repartir de leur plein gré à l'achèvement de la formation. Elle prévoit aussi que les intéressés recevront un soutien économique au moment de leur retour ainsi qu'une aide à la réintégration dans leur pays d'origine liée à la formation qu'ils auront suivie au Danemark. Ce dispositif est proposé uniquement aux ressortissants des pays en phase de reconstruction, et aux ressortissants des pays vers lesquels un renvoi forcé n'est pas possible. À l'origine, le dispositif ne s'appliquait qu'aux demandeurs d'asile iraquiens qui avaient été déboutés, mais il pourrait être étendu ultérieurement aux demandeurs d'asile déboutés d'autres nationalités. Les demandeurs d'asile mineurs sont autorisés à prendre part à des activités de loisir, telles que la pratique de sports, aux côtés des autres enfants de la communauté locale. À certaines conditions, les enfants ont aussi la possibilité de fréquenter une école publique locale.

De manière générale, on a assisté ces dernières années à une évolution positive de l'intégration des immigrés et descendants d'immigrés non occidentaux sur le marché du travail danois, fait valoir le rapport. Malgré ces avancées, le taux de chômage reste plus élevé parmi les immigrés et descendants d'immigrés originaires de pays non occidentaux que parmi le reste de la population danoise. En 2000, 23 % des immigrés et descendants d'immigrés de certains pays non occidentaux s'estimaient victimes d'une discrimination à l'embauche. En 2005, ce pourcentage était tombé à 13 %. Le rapport indique que l'enregistrement des naissances se fait par inscription sur un registre tenu par le clergé luthérien, mais le déclarant n'entre pas en contact avec l'Église évangélique luthérienne et n'a pas à accomplir le moindre acte religieux. La personne qui déclare une naissance n'a pas à fournir d'informations sur son affiliation religieuse. Un certificat de naissance peut également être délivré par une communauté religieuse reconnue, si l'enfant reçoit son prénom par baptême en son sein. L'obligation faite aux municipalités de proposer un enseignement dans la langue maternelle ne concerne que les enfants bilingues originaires des pays de l'Union européenne et de l'Espace économique européen, ainsi que des îles Féroé et du Groenland.

L'annexe 1 au rapport, intitulée «Rapport sur le Groenland» indique que dans son arrêt concernant l'affaire de Thulé, du nom d'une tribu habitant dans le nord-ouest du Groenland (la communauté d'Uummannaq), la Cour suprême, abordant la question des peuples autochtones, a estimé que la tribu de Thulé ne constituait pas un peuple tribal ou un peuple autochtone distinct au sein du peuple groenlandais dans son ensemble ou coexistant avec lui. Cet avis de la Cour suprême est conforme à la déclaration faite par le Gouvernement danois, et approuvée par le Gouvernement autonome du Groenland, lors de la ratification de la Convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux. Selon cette déclaration, le Danemark a «un seul peuple autochtone» au sens de cette Convention, à savoir la population autochtone du Groenland, également appelée population inuit. La loi sur l'autonomie administrative du Groenland est entrée en vigueur le 21 juin 2009, ajoute le rapport. Eu égard à l'unité du Royaume du Danemark et à la Constitution danoise, les autorités autonomes ne peuvent prendre en charge les domaines de compétence suivants: questions constitutionnelles; affaires étrangères, politique de défense et de sécurité; Cour suprême; citoyenneté; et politique monétaire et des taux de change. La loi contient des règles indiquant comment le Groenland peut devenir ultérieurement un État indépendant. La décision d'engager des négociations en vue de l'accession à l'indépendance appartient au peuple du Groenland. Si une telle décision est prise, le Gouvernement danois entamera des négociations en vue de conclure un accord avec le Landsstyre. Un accord concernant l'accession du Groenland à l'indépendance ne peut être conclu entre le Landsstyre (aujourd'hui le Naalakkersuisut) et le Gouvernement danois qu'avec le double consentement du Landsting (aujourd'hui l'Inatsisartut) et du Folketing (le Parlement danois). Le consentement du Folketing est une exigence découlant de la Constitution danoise, en vertu de laquelle le Gouvernement ne peut, sans le consentement du Folketing, «faire aucun acte ayant pour résultat d'étendre ou de réduire le territoire du Royaume». La langue officielle du Groenland est le groenlandais. L'Annexe II au rapport porte sur les îles Féroé.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. CHRIS MAINA PETER, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport danois, a souligné que le Danemark est un État partie «fiable» en ce sens qu'il présente de manière régulière au Comité ses rapports dus au titre de la Convention. Les trois valeurs fondamentales de l'aide publique au développement accordée par le Danemark sont la démocratie, les droits de l'homme et l'état de droit, a-t-il poursuivi. Depuis 1993, tous les premiers ministres au Danemark ont le même nom: Rasmussen, a par ailleurs relevé l'expert. Il a également souligné que la population danoise est composée à 95% de luthériens évangélistes.

M. Peter a relevé que le Directeur du parquet a des pouvoirs très étendu, car si une affaire est portée devant lui, il peut refuser d'ouvrir une instruction ou en stopper une lorsqu'il le souhaite. Aussi, au vu de la proportion importante de plaintes pour discrimination n'aboutissant à aucune poursuite, l'expert s'est demandé si cela ne développait pas une certaine culture de l'impunité. Si l'on veut encourager le dépôt de plaintes pour discrimination, le moment ne serait-il pas venu de retirer au ministère public certains de ses pouvoirs afin que les affaires puissent se poursuivre en justice, s'est interrogé M. Peter?

M. Peter s'est en outre inquiété des nouveaux critères établis au printemps dernier par le Gouvernement danois pour l'acquisition d'un permis de résidence permanente. En vertu du nouveau régime, il faut que le demandeur atteigne un total de 100 points qui lui sont progressivement octroyés s'il respecte un certain nombre de critères, dont: avoir plus de 18 ans, avoir résidé au Danemark depuis 4 ans (au lieu de 7 auparavant), ne pas avoir été condamné à une peine de plus de 18 mois d'emprisonnement, ne pas avoir contracté de dette dépassant les 100 000 couronnes, ne pas avoir reçu d'aide publique (au titre de la loi sur la politique sociale active ou de la loi sur l'intégration) au cours des trois dernières années, avoir signé une déclaration d'intégration et de citoyenneté active, avoir réussi un examen en langue danoise, avoir eu un emploi à plein temps de 30 mois sur les 36 mois précédant la demande.

Le rapporteur s'est notamment demandé en quoi le fait qu'une personne ait contracté un emprunt devrait l'empêcher d'obtenir une résidence permanente au Danemark. En outre, en quoi le fait d'avoir été employé à temps plein deux ans et demi au cours des trois dernières années devrait-il également l'en empêcher? Ce nouveau régime ne complique-t-il pas la manière d'acquérir le permis de résidence permanente? Il s'est demandé s'il n'y avait pas discrimination entre les personnes qui peuvent respecter ces critères et les autres; en particulier, il semblerait que les personnes pauvres ou ayant un faible niveau d'éducation ne parviendront jamais à acquérir un permis de résidence permanente au Danemark.

M. Peter a souhaité obtenir davantage d'informations sur la situation des Roms au Danemark, notamment en ce qui concerne ceux qui sont arrivés dans le pays après les années 1990. Certaines questions concernant les Roms n'ont pas été abordées par la délégation, s'agissant notamment des expulsions de Roms du Danemark ou du «profilage» de la part de la police.

S'agissant enfin de la problématique autochtone, M. Peter a rappelé les points de vue exprimés par divers organes des Nations Unies – à savoir le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et le Comité des droits de l'homme – au sujet de la nécessité pour le Danemark de se pencher sur la question de l'auto-identification de la tribu de Thulé en vue de la détermination de son statut, en dépit de la décision de la Cour suprême du Danemark déclarant que la tribu de Thulé ne constituait pas un peuple tribal ou un peuple autochtone distinct.

Un autre membre du Comité a souhaité obtenir des précisions sur les compétences du nouveau Gouvernement autonome du Groenland et sur le statut de la Convention dans ce territoire.

Un expert a remercié la délégation pour sa régularité dans la présentation des rapports du Danemark et a salué les progrès réalisés par le pays et présentés par la délégation dans sa présentation. Il s'est enquis du statut de la Convention dans le droit interne danois et a regretté que le pays maintienne sa décision de ne pas incorporer la Convention dans l'ordre juridique interne alors qu'il l'a fait pour d'autres instruments internationaux; il a souhaité en connaître les motivations juridiques et le si une évolution dans ce domaine est envisagée. L'expert s'est en outre étonné du nombre élevé de communications individuelles présentées contre le Danemark devant le Comité, qui concernent en particulier des discours de haine émanant de personnalités politiques.

L'expert a aussi demandé si le Gouvernement avait pris des mesures pour remédier aux difficultés qu'éprouvent les victimes de racisme en termes d'accès à la justice, en particulier eu égard aux difficultés liées à l'établissement de la preuve dans les affaires de discrimination raciale. Il a préconisé à cet égard un renversement de la preuve dans les contentieux civils relatifs à des actes de discrimination raciale ainsi qu'un recours à des pratiques de «testing» afin de déceler et constater les discriminations raciales trop nombreuses qui se manifestent dans tous les pays en matière d'accès à l'emploi, au logement, à l'éducation et aux lieux publics. À l'instar du rapporteur, cet expert s'est inquiété du pouvoir trop large laissé au Directeur du parquet, qui peut décider de refuser de poursuivre en matière d'infractions racistes.

La question de l'intégration de nouveaux arrivants venus d'horizons divers se pose au Danemark comme dans de nombreux autres pays, a souligné un expert qui a voulu connaître les mesures envisagées par le Gouvernement dans ce domaine.

En matière d'emploi, les immigrés non occidentaux peuvent-ils occuper au Danemark des fonctions valorisantes telles qu'avocats ou médecins, a demandé un autre expert?

Intervention de l'institution nationale des droits de l'homme

M. JONAS CHRISTOFFERSEN, Directeur exécutif de l'Institut danois des droits de l'homme, a reconnu que le Gouvernement du Danemark a pris un certain nombre d'initiatives positives depuis l'examen du précédent rapport en 2006 afin de promouvoir la diversité et renforcer la lutte contre la discrimination.

Tout en partageant le point de vue exprimé par certains membres du Comité selon lequel la pratique des procureurs publics manque de clarté, certaines affaires qui semblent mûres pour faire l'objet d'enquête et de poursuites n'étant en effet pas poursuivies en justice et ne font pas l'objet d'enquête, le représentant de l'Institut danois des droits de l'homme a déclaré qu'il serait très préoccupé si le Comité en venait à recommander que les pouvoirs du procureur devraient être circonscrits d'une manière ou d'une autre. En effet, a-t-il précisé, les pouvoirs des procureurs sont définis dans la Loi sur l'administration de la justice et couvrent tous les domaines de l'enquête pénale; aussi, une telle recommandation serait-elle assez étrangère à la loi danoise et son degré de crédibilité ne serait pas très élevé. On ne saurait demander au Gouvernement de changer un système de poursuites qui fonctionne généralement bien et qui est clairement légitime, a insisté le Directeur de l'Institut danois des droits de l'homme.

Étant donné les sérieuses difficultés que rencontrent les requérants d'asile – en particulier ceux qui sont déboutés - durant les procédures d'asile prolongées, M. Christoffersen a en revanche estimé qu'il serait judicieux de demander au Danemark de fournir dans son prochain rapport davantage d'informations à ce sujet. Il serait également utile de demander au Danemark de fournir davantage d'informations, dans son prochain rapport, sur les mesures prises pour améliorer la situation des Roms et sur la situation de cette communauté sur le terrain.

Réponses de la délégation

Le Danemark étant le pays qui fait l'objet du plus grand nombre de communications soumises au Comité au titre de l'article 14 de la Convention (plaintes de particuliers), la délégation a indiqué que cela est peut-être dû au fait que la société danoise est particulièrement au courant de la Convention et des procédures qui y sont associées.

Évoquant les pouvoirs du Directeur du parquet, la délégation a rappelé que les autorités de poursuites en justice opèrent sous un principe strict d'objectivité. La délégation a assuré que le Danemark est convaincu que les affaires intéressant l'article 266B du Code pénal relatif à l'incrimination des propos haineux doivent se voir accorder toute l'attention voulue. De 2004 à 2008, a-t-elle ajouté, seules 24 affaires relatives à des discours de haine ont fait l'objet de poursuites devant les tribunaux, un nombre inférieur de cas ayant abouti à des condamnations. Au cours de cette même période, 190 plaintes concernant des infractions à l'article 266B avaient été reçues par la police. Cette année, a ajouté la délégation, l'immunité parlementaire d'un député, en rapport avec des propos haineux, a été levée sur la base d'une recommandation du Directeur du parquet.

Certes, il faudrait inciter les victimes de crimes haineux à porter plainte et, à cette fin, il faut leur donner l'assurance que les services de police et de justice les prennent au sérieux afin qu'elles aient confiance en eux, a par la suite déclaré la délégation.

En vertu de la nouvelle législation en vigueur, les étrangers bien intégrés parviendront plus facilement qu'auparavant à obtenir un permis de résidence permanente au Danemark - puisqu'il leur suffira de résider depuis quatre ans dans le pays au lieu de sept auparavant – alors que cela sera plus difficile pour ceux qui ne le sont pas, a expliqué la délégation. En ce qui concerne l'exigence pour le requérant d'un permis de résidence permanente de ne pas avoir de dette supérieure à 100 000 couronnes, la délégation a souligné que cette exigence ne concerne que les dettes publiques impayées et non les emprunts bancaires qui, eux, n'ont aucune incidence sur l'octroi ou non du permis de résidence.

La Stratégie contre la ghettoïsation adoptée par le Danemark vise l'inclusion et l'intégration, a poursuivi la délégation. En effet, la ghettoïsation est un processus dans lequel les personnes exclues en particulier du marché du travail se concentrent de plus en plus dans une zone d'habitation déterminée. Plutôt que d'empêcher le regroupement ethnique, cette stratégie vise à empêcher le regroupement marginalisé, a souligné la délégation, mettant en avant les mesures prises à cette fin par les autorités afin de promouvoir les logements sociaux.

S'agissant de la question de savoir si un enseignement dans une langue maternelle autre que celles parlées dans les pays européens peut être dispensé au Danemark, la délégation a indiqué que certaines municipalités ont choisi de dispenser un tel enseignement en faisant payer des frais d'inscription aux parents concernés. Le but de l'enseignement danois n'est pas de maintenir l'identité minoritaire des enfants bilingues mais de promouvoir leur intégration sur le marché du travail et dans la société danoise, a souligné la délégation. Il n'y a pas d'offre séparée pour l'éducation des enfants roms dans le système danois depuis la fermeture, en 2005, d'une classe de ce type, a-t-elle également indiqué.

S'agissant de la situation des Roms au Danemark, la délégation a rappelé qu'il n'y a pas d'enregistrement de l'origine ethnique dans les statistiques officielles, de sorte qu'il n'est pas possible de dire avec assurance quel est le nombre de Roms dans le pays. Selon diverses sources, notamment les organisations non gouvernementales représentant les Roms, il y aurait entre 1500 et 10 000 Roms au Danemark, essentiellement originaires de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine et de Roumanie. Ces personnes, pour l'essentiel, ont émigré au Danemark dans les années 1990. On compte des Roms dans 30 des 98 municipalités que compte le Danemark, a ajouté la délégation.

Observations préliminaires

M. Chris Maina Peter, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport danois, a indiqué accorder beaucoup d'importance à la question de la lutte contre le racisme dans le sport. Il a déclaré à cet égard que le Danemark connaît une grave situation de racisme dans le football, rappelant qu'une équipe danoise a dû payer une amende pour racisme. M. Peter a toutefois relevé que la fédération danoise de football avait alors déclaré sans ambages qu'elle ne tolèrerait aucun acte de racisme dans le football.

Jugeant fructueux le dialogue entre le Comité et la délégation danoise, M. Peter a souligné qu'il avait permis de dissiper de nombreux doutes. Néanmoins, subsistent des sujets sur lesquels des réponses complémentaires s'avèreront utiles, s'agissant notamment de la question des Roms et des données statistiques les concernant. La question des droits de la tribu de Thulé sera également posée, en dépit de la décision de la Cour suprême à ce sujet, a ajouté M. Peter, rappelant que divers organes des Nations Unies prient le Danemark de continuer d'étudier cette question.

M. Peter a relevé que les membres du Comité ont posé de nombreuses questions sur les poursuites intentées dans le contexte des activités du bureau du Procureur public, ou Directeur du parquet; il est à cet égard important que le bureau en charge des poursuites soit non seulement indépendant, mais aussi efficace. Le public doit être protégé contre un pouvoir discrétionnaire excessif, a insisté M. Peter. Il convient donc à la délégation de transmettre les préoccupations qui ont été exprimées au sujet des performances actuelles de cette institution.

Conclusion de la délégation

Évoquant les dernières évolutions au Groenland, la délégation a rappelé que le 23 juin 2009, Journée nationale du Groenland, le Gouvernement autonome du Groenland a été mis en place. En ce qui concerne l'évolution du statut du Groenland par rapport au Danemark, la délégation a souligné qu'ont été reconnus l'autonomie du Groenland; le droit du peuple du Groenland à disposer de ses ressources naturelles sur ce territoire; ainsi qu'une langue autochtone commune inuit, reconnue comme langue officielle, même si le danois continue d'être enseigné. Si le Groenland choisit de devenir indépendant dans les conditions déjà mentionnées, il obtiendra son indépendance, a ajouté la délégation. Tous les membres du Parlement du Groenland sont d'ascendance inuit, a insisté la délégation.

La délégation a enfin tenu à assurer le Comité que le Gouvernement danois est convaincu que la liberté d'expression ne saurait être invoquée pour empêcher que des propos de haine raciale fassent l'objet de poursuites.

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