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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels auditionne les organisations non gouvernementales

03 Mai 2010

APRES-MIDI
 
3 mai 2010
 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a tenu, cet après-midi, une réunion avec des organisations non gouvernementales pour discuter de la situation prévalant, au regard de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans certains des pays dont l'examen des rapports est à l'ordre du jour de la présente session.

S'agissant de la Colombie, dont l'examen du rapport débutera demain matin, plusieurs intervenants ont dénoncé la persistance de la malnutrition et de l'insécurité alimentaire; les lacunes en matière de logement; les taux élevés de jeunes en marge du système éducatif et de jeunes au chômage; les pratiques discriminatoires à l'encontre des femmes, des autochtones, des personnes d'ascendance africaine et des homosexuels; ainsi que la persécution et la violence à l'égard des militants syndicaux. Les importants déplacements de populations dans ce pays ont également été particulièrement évoqués.

En ce qui concerne l'Algérie, dont le rapport sera examiné à partir de mercredi prochain, un intervenant a dénoncé les discriminations dont souffrent, selon lui, les Berbères dans ce pays.

Pour ce qui est de Maurice et du Kazakhstan, les intervenants ont attiré l'attention sur la toxicomanie élevée qui prévaut dans ces pays et sur les conséquences du phénomène sur la propagation du VIH/sida, en particulier. L'examen du rapport de Maurice débutera dans la matinée de vendredi prochain et celui du rapport kazakh dans l'après-midi de lundi prochain.

En ce qui concerne, enfin, l'Afghanistan, dont le rapport sera examiné mercredi 12 mai, un intervenant a attiré l'attention sur les nombreux problèmes rencontrés par le pays, citant en particulier la pauvreté, le chômage et la sécheresse.

Un intervenant a fait observer que l'Afghanistan, Maurice, la Colombie et le Kazakhstan sont tous les quatre concernés par des problèmes de drogues et a déploré que les questions relatives aux stupéfiants et à la toxicomanie soient sous-évaluées du point de vue de leur impact sur les droits de l'homme.

Les représentants des organisations non gouvernementales ci-après sont intervenus: International Harm Reduction Association; Tamazgha; Coalition colombienne pour les droits de l'homme; Commission colombienne de juristes; Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir (FIAN); Coordination régionale du Pacifique colombien; Comunidad Indígena Wayuú de Wepiapaa; Corporación Grupo Semillas; Collectif Urgence Toxida; Global Health Research Center; Bureau for Reconstruction and Development.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Colombie (E/C.12/COL/5).

Aperçu des interventions

Un représentant de International Harm Reduction Association a fait observer que l'Afghanistan, Maurice, la Colombie et le Kazakhstan sont tous les quatre concernés par des problèmes de drogues. Il a déploré que les questions relatives aux stupéfiants et à la toxicomanie soient sous-évaluées du point de vue de leur impact sur les droits de l'homme, eu égard notamment à la criminalité organisée, donc à la sécurité des personnes, et aux déplacements de populations - comme l'illustre le cas de la Colombie. La Colombie est la principale source de cocaïne et l'Afghanistan la principale source d'héroïne, a rappelé le représentant. En Afghanistan, l'opium est une culture exigeante qui requiert accès à l'eau et irrigation. Le problème des stupéfiants est étroitement lié aux droits de l'homme et à la réduction de la pauvreté, a insisté le représentant.

En ce qui concerne spécifiquement l'Algérie, un représentant de Tamazgha a plaidé pour la défense des droits des Berbères en Algérie. Il a dénoncé les discriminations dont souffrent les Berbères et dont est responsable, selon lui, l'État algérien. Il existe une importante déconnexion entre les affirmations de l'État algérien et la réalité sur le terrain, a-t-il déclaré. L'Algérie, a-t-il notamment précisé, maintient une loi de généralisation de la langue arabe et institutionnalise la discrimination linguistique, notamment vis-à-vis de la langue berbère: le tamazigh. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas d'avancée s'agissant de la langue tamazigh puisque cette langue est aujourd'hui mentionnée dans la Constitution alors qu'il y a quelques années seulement elle n'avait même pas droit de citer. Toutefois, il faut maintenant que l'État algérien abroge les lois nationales qui sont en contradiction avec des lois plus récentes, et font en sorte que l'Algérie compte actuellement deux lois nationales, a souligné le représentant.

S'agissant de la Colombie, une représentante de la Coalition colombienne pour les droits de l'homme a affirmé que le niveau de garantie des droits économiques, sociaux et culturels est loin d'atteindre les paramètres d'une jouissance totale. En témoignent la persistance de la malnutrition et de l'insécurité alimentaire, les déficits en matière de logement, le taux élevé de jeunes se trouvant en dehors du système éducatif, la précarisation des personnes qui travaillent, les inégalités institutionnalisées s'agissant du système de santé ou encore la persistance de pratiques discriminatoires à l'encontre des femmes, des autochtones, des personnes d'ascendance africaine et de la population gay et lesbienne. La Colombie traverse une grave crise humanitaire, a poursuivi la représentante, rappelant la gravité des déplacements forcés de population. En outre, la concentration des richesses figure parmi les plus élevée de la région et tend à se creuser du fait de l'adoption de mesures régressives qui entravent la redistribution des revenus, a-t-elle ajouté, dénonçant également la concentration de la propriété des terres et les récents projets de lois favorisant la dépossession des communautés autochtones et d'ascendance africaine.

Une représentante de la Commission colombienne de juristes a notamment dénoncé la loi 789 adoptée en 2002 par la Colombie, affirmant que cette loi avait eu un impact négatif sur plusieurs garanties reconnues aux travailleurs en vertu du Code du travail. Elle a également dénoncé la réforme du régime des transferts des ressources du budget de l'État vers les budgets des départements ou régions du pays, ainsi que le chapitre du Traité de libre échange conclu entre les Gouvernements de la Colombie et des États-Unis qui concerne la propriété intellectuelle. Ainsi, a-t-elle insisté, l'État colombien, loi d'avancer vers un respect complet des droits économiques, sociaux et culturels, a adopté des mesures qui constituent autant de régressions délibérées et injustifiables au regard des normes du droit international relatif aux droits de l'homme, a conclu la représentante. Un autre représentant de la Commission colombienne de juristes a attiré l'attention sur la situation dramatique que traverse la Colombie en ce qui concerne le monde du travail. Il a notamment fait observer que le nombre de personnes travaillant dans l'économie informelle a atteint 58% et a souligné que le chômage des jeunes se situe 10 points au-dessus de la moyenne nationale. En outre, a-t-il souligné, la persécution et la violence à l'égard du syndicalisme persiste: entre 2002 et 2009, quelque 679 travailleurs syndiqués ont été assassinés et l'impunité face à cette violence systématique est très élevée.

Une représentante du Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir (FIAN) a jugé préoccupantes les données relatives à l'alimentation obtenues de sources étatiques et universitaires s'agissant de la Colombie. Dans ce pays, 41% des foyers se trouvent en situation d'insécurité alimentaire et les groupes les plus affectés sont les autochtones, les personnes d'ascendance africaine, les personnes déplacées et les paysans. Or, la Colombie refuse d'admettre l'existence d'une crise alimentaire et ne prend pas de mesures pour surmonter le manque d'accès aux ressources pour les groupes les plus marginalisés. Au contraire, la politique agro-exportatrice appliquée par les autorités colombiennes a dégagé des lignes de crédit au profit de ceux qui sont, du point de vue politique et économique, les plus forts.

Un représentant de la Coordination régionale du Pacifique colombien, précisant représenter les communautés noires du Pacifique colombien, a dénoncé les mégaprojets de l'État colombien qui continuent de se développer dans cette région et modifient les conditions d'usage de la terre, les coutumes et la vie des communautés touchées par ces projets. Il a attiré l'attention sur les déplacements de population provoqués par ces mégaprojets, rappelant que 95% des personnes déplacées abandonnent leurs biens.

Une représentante de la Comunidad Indígena Wayuú de Wepiapaa a attiré l'attention sur la situation de la communauté à laquelle elle appartient – la communauté autochtone Wayuú de Wepiapaa du Haut San Jorge dans la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie – en dénonçant le déplacement de cette communauté après qu'en novembre 2005, des paramilitaires eurent enlevé l'oncle de l'oratrice.

Une représentante de la Coalition colombienne pour les droits de l'homme a estimé qu'il faudrait que le Comité insiste auprès de l'État colombien, sur la nécessité d'appliquer les recommandations qu'il lui avait adressées en 2001 et l'invite à adhérer au Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

Un représentant de Corporación Grupo Semillas a indiqué que son organisation œuvrait à la défense des territoires de la biodiversité et des systèmes de survie des communautés colombiennes. De ce point de vue, il a dénoncé l'impact des cultures transgéniques (OGM) sur les droits des communautés autochtones et paysannes de Colombie.

Un membre du Comité s'est enquis des causes des importants déplacements de populations enregistrés dans le pays. Un autre expert a demandé aux représentants des organisations non gouvernementales sur quelles priorités ils souhaiteraient que les membres du Comité mettent l'accent s'agissant de la Colombie.

Une représentante de la Coalition colombienne pour les droits de l'homme a constaté une importante différence entre les chiffres présentés par l'État et ceux présentés par les organisations de droits de l'homme s'agissant du nombre de personnes déplacées en Colombie; néanmoins, dans les deux cas, ces chiffres sont considérables, a-t-elle souligné. La Cour constitutionnelle colombienne a fait savoir que la situation des personnes déplacées était anticonstitutionnelle en ce sens qu'elle mettait en péril tous les droits garantis par la Constitution, a par ailleurs souligné l'oratrice. La principale cause des déplacements de population est le conflit armé, qui est lui-même en rapport avec un conflit social qui n'est pas étranger au problème de la dépossession des terres, a-t-elle ajouté.

Une représentante de la Commission colombienne de juristes a souligné que les problèmes les plus graves que l'on rencontre en Colombie résultent du fait que les politiques adoptées s'adressent toujours à des petits groupes très puissants. Une autre représentante de cette même ONG a pour sa part insisté sur la concentration des richesses qui prévaut dans ce pays et a indiqué que le budget militaire de la Colombie est le plus élevé d'Amérique latine par rapport au PIB.

Pour ce qui est de Maurice, un représentant du Collectif Urgence Toxida - Maurice, a déclaré que Maurice a été classé deuxième consommateur mondial d'opiacées par habitant. À cause de cette toxicomanie par voie intraveineuse, le sida a atteint à Maurice un taux de prévalence quatre fois plus élevé que celui qui prévaut en France. L'État mauricien semble certes avoir pris conscience de ce problème; mais le fait est que le Premier Ministre, dans le contexte de la période électorale qui s'ouvre, a promis, pour résoudre les problèmes de criminalité induits par cette situation, de rétablir la peine de mort pourtant abolie il y a plusieurs années. Or, là ne réside pas la solution au problème soulevé. Le problème est celui de l'offre et de la demande associés à ce commerce juteux et ce n'est pas la peine de mort qui le résoudra puisqu'au contraire elle fera augmenter les prix et rendra encore plus juteux le commerce des stupéfiants, a fait observer l'intervenant.

Un membre du Comité s'étant enquis des raisons pour lesquelles Maurice semblait, au vu de cet exposé, avoir sombré dans le problème de la drogue, il lui a été répondu que d'après les études menées, il semblerait que c'est l'argent en jeu qui est responsable de cette situation.

S'agissant du Kazakhstan, une représentante de Global Health Research Center a déclaré que ce pays compte 174 000 toxicomanes. Or, aucune forme de traitement de substitution n'est disponible au Kazakhstan, a-t-elle déploré, attirant l'attention sur les conséquences que cette situation peut avoir du point de vue de la propagation du VIH/sida, sans parler des cas mortels d'overdose.

En ce qui concerne, enfin, l'Afghanistan, un représentant du Bureau for Reconstruction and Development a déploré les nombreuses occasions perdues par le pays du fait de l'affaiblissement de l'État. Il a attiré l'attention sur les nombreux problèmes rencontrés par l'Afghanistan, citant en particulier la pauvreté, le chômage et la sécheresse. Il a rappelé les obligations qui sont celles de l'État de protéger les droits économiques, sociaux et culturels et d'assurer leur jouissance par tous. L'insurrection armée ne pourra pas être vaincue par les seuls moyens militaires, a souligné le représentant, avant de plaider pour la promotion du développement économique.

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