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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de l'Algérie

06 Mai 2010

6 mai 2010
 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport de l'Algérie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport de son pays, M. Idriss Jazaïry, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que les autorités algériennes procédaient à la mise en conformité de sa législation avec les normes internationalement reconnues et avec les dispositions des traités auxquels le pays est partie. Cette mise en conformité a touché tous les textes législatifs de base dans le cadre de la réforme de la justice et le pays va continuer à évoluer dans ce sens, a-t-il précisé. La justice, l'éducation et les missions de l'État font l'objet de réformes profondes confiées à des commissions dont les recommandations guident l'action des pouvoirs publics. L'Algérie connaît les effets bénéfiques de différents programmes de développement, a poursuivi le représentant; le pays a déjà réalisé le premier objectif du Millénaire pour le développement en matière de réduction de moitié de la pauvreté extrême, a-t-il fait valoir. Par ailleurs, le taux de chômage a pu être réduit malgré la crise mondiale. L'Algérie est en outre fière d'être parmi les pays qui ont atteint l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à la généralisation de l'enseignement primaire. L'Algérie se place enfin dans le peloton de tête des pays qui ont réduit significativement la mortalité infantile.

La délégation algérienne était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la santé, de la population et de la réforme hospitalière; du Ministère des ressources en eau; du Ministère de la culture; du Ministère de l'habitat et de l'urbanisme; du Ministère de l'agriculture et du développement rural; du Ministère de la solidarité nationale, de la famille et de la communauté nationale à l'étranger; du Ministère de la justice; du Ministère de la formation et de l'enseignement professionnel; du Ministère du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale; du Ministère de l'éducation nationale; ainsi que de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme. Elle a fourni des compléments d'informations en ce qui concerne, notamment, la question berbère – s'agissant en particulier de la langue amazighe; l'indépendance du pouvoir judiciaire; la lutte contre la corruption; les raisons du maintien de l'état d'urgence; la condition de la femme; les questions de salaire, d'emploi et d'assurance chômage; les questions syndicales; la situation en matière de logement; l'accès à l'eau potable; les questions de santé et d'éducation; ainsi que l'accès à la culture. La délégation a aussi présenté les activités de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme et indiqué que l'Algérie venait de déposer un recours contre la décision de la déclasser prise par le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme.

Le Comité rendra publiques, à la fin de la session, le vendredi 21 mai, ses observations finales concernant l'examen du rapport de l'Algérie.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Maurice.

Présentation du rapport

M. IDRISS JAZAIRY, Représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que l'Algérie avait toujours soutenu que les droits économiques, sociaux et culturels devaient recevoir au Conseil des droits de l'homme une attention qui ne soit pas moindre que celle apportée aux droits civils et politiques. Il a par ailleurs rappelé que le quatrième rapport périodique de l'Algérie présenté aujourd'hui date du début de l'année 2009 et se fonde donc sur des statistiques qui sont déjà quelque peu anciennes, puisque certaines ont trait à l'année 2005.

M. Jazaïry a affirmé que l'État algérien ne ménageait aucun effort pour la promotion et la protection de tous les droits de l'homme. L'Algérie est consciente qu'il s'agit là d'une question indispensable à l'émergence de toute société démocratique, a-t-il ajouté. Les autorités algériennes procèdent à la mise en conformité de la législation nationale avec les normes internationalement reconnues et avec les dispositions des instruments internationaux auxquels le pays est partie; cette mise en conformité a concerné tous les textes législatifs de base dans le cadre de la réforme de la justice et le pays va continuer à évoluer dans ce sens. La justice, l'éducation et les missions de l'État font l'objet de réformes profondes confiées à des commissions dont les recommandations guident l'action des pouvoirs publics, a indiqué M. Jazaïry.

Des avancées significatives ont été enregistrées, en dépit de la contrainte liée aux séquelles d'une décennie tragique de criminalité terroriste, a poursuivi le Représentant permanent de l'Algérie. À ces défis, se sont ajoutées plusieurs catastrophes naturelles, en particulier le tremblement de terre dévastateur qui a touché le nord du pays en 2003 ainsi que les inondations qui ont dévasté de vastes régions du sud du pays. Depuis la présentation du précédent rapport, a ajouté M. Jazaïry, un important événement a marqué le quotidien de tous les Algériens: il s'agit de l'adoption, par référendum, de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui traduit la volonté du peuple algérien de construire durablement un avenir de paix et de stabilité. Dans cet esprit, la promotion durable d'un développement social, économique et culturel adossé à une paix durable a été le fondement d'une politique résolue et multidimensionnelle du Président Abdelaziz Bouteflika.

L'Algérie connaît les effets bénéfiques de différents programmes de développement, a poursuivi M. Jazaïry. Figurent à ce titre le Programme spécial de relance économique, le Programme complémentaire de soutien à la croissance économique (2005-2009), ainsi que les Programmes spéciaux «Hauts plateaux» et «Sud». Grâce à ces programmes, l'économie algérienne a poursuivi sa croissance malgré les crises économiques et financières internationales. La mise en œuvre de mesures d'accompagnement et des programmes spécifiques ciblant les populations les plus démunies a permis de réduire la pauvreté et d'améliorer les conditions de vie des ménages. L'Algérie a déjà réalisé le premier objectif du Millénaire pour le développement en matière de réduction de moitié de la pauvreté extrême, a fait valoir le Représentant permanent. Le taux de pauvreté en Algérie est passé de 14,1% en 1995 à 12,1% en 2000 et 5,7% en 2005 et la proportion de la population vivant avec moins d'un dollar par jour par personne représente moins de 0,6% de la population totale. À la fin de l'année 2009, le taux d'occupation des logements avait été ramené à 4,9 occupants par logement, a en outre indiqué M. Jazaïry. Par ailleurs, les efforts du Gouvernement en matière de création d'emplois et de résorption du chômage visent à traduire sur le terrain l'article 55 de la Constitution qui stipule que «tous les citoyens ont droit au travail». En termes concrets, cela s'est traduit par la réduction du taux de chômage de 27,3% en 2001 à 10,2% en 2009, malgré la crise mondiale. Toutefois, a admis le Représentant permanent de l'Algérie, en dépit de cet effort colossal, le chômage, surtout celui des jeunes, pèse encore lourdement sur le corps social; c'est pourquoi un plan d'action pour la promotion de l'emploi et la lutte contre le chômage a été élaboré et adopté par le Gouvernement en 2008, qui encourage l'investissement productif générateur d'emplois et la production nationale par des mesures incitatives.

En Algérie, a par ailleurs rappelé M. Jazaïry, l'accès à l'éducation est un droit constitutionnel consacré par l'article 53 de la loi fondamentale. Aux termes de la nouvelle loi d'orientation sur l'éducation nationale, promulguée en janvier 2008, ainsi que de la loi d'orientation sur la formation et l'enseignement professionnel, les autorités algériennes ont pris le pari de dispenser à chaque jeune algérien âgé de 6 ans un enseignement de base obligatoire et gratuit d'une durée de neuf ans et une formation professionnelle également gratuite. D'ailleurs, l'Algérie peut se prévaloir d'importants progrès réalisés notamment en ce qui concerne l'égalité d'accès à l'enseignement et la scolarisation des filles. Ainsi, le taux de scolarisation des enfants est passé de 43% en 1966 à 97,96% en 2009. Il n'en demeure pas moins qu'une analyse plus fine des indicateurs montre la persistance de nombre de difficultés, se rapportant particulièrement à la déperdition scolaire.

La récente restructuration de l'enseignement secondaire offre davantage de possibilités de maintien des élèves dans le système scolaire, a fait valoir M. Jazaïry. L'Algérie est fière d'être parmi les pays qui ont atteint l'objectif du Millénaire pour le développement relatif à la généralisation de l'enseignement primaire. Comme le droit à l'éducation, le droit à la santé est consacré par la Constitution, a poursuivi le représentant algérien. À la faveur de la promulgation du décret exécutif n°07-140 du 19 mai 2007, une nouvelle carte sanitaire est entrée en application; à ce titre, une réorganisation des niveaux de soins a été opérée autour des établissements publics hospitaliers et des polycliniques et ces derniers ont été érigés en établissements publics de soins de proximité. Ainsi, 257 établissements publics de soins de proximité ont été créés, l'objectif étant d'assurer ainsi l'amélioration qualitative des soins de base tout en garantissant le principe de la gratuité. En outre, a ajouté M. Jazaïry, la santé maternelle et périnatale a été érigée au rang des priorités de santé en 2009. L'Algérie se place d'ailleurs, selon le rapport 2007 de l'Organisation mondiale de la santé, dans le peloton de tête des pays qui ont réduit significativement la mortalité infantile – dont le taux est passé de 39,4 pour mille en 1999 à 25,5 pour mille en 2008, alors que les autorités ambitionnent de le réduire encore de moitié d'ici 2015. Cette tendance s'applique également à la mortalité maternelle, a souligné M. Jazaïry.

Aux fins d'une réappropriation identitaire progressive et à la faveur d'un amendement apporté à la Constitution en date du 10 avril 2002, la langue tamazight a été érigée en langue nationale, a d'autre part rappelé M. Jazaïry. «La partie préambulaire de la Constitution algérienne établit la dimension amazighe comme constitutive de notre identité aux côtés de ses dimensions arabe et musulmane», a-t-il ajouté. Le rapport et les réponses apportées par l'Algérie à la liste de questions écrites qui lui a été adressée décrivent la série de mesures législatives et institutionnelles prises pour concrétiser sur le terrain la pleine prise en compte de la culture amazighe, a-t-il indiqué. Cette prise en compte peut être illustrée, au-delà de l'enseignement de la langue tamazight, par l'existence de cette langue dans les «médias lourds» et par la libre création culturelle encouragée par l'État à travers l'institutionnalisation, entre autres, de deux festivals annuels consacrés respectivement à la musique et au cinéma en langue amazighe. Par ailleurs, l'Algérie est un pays pionnier et précurseur au Maghreb pour avoir été le premier, en mars 2009, à avoir créé une chaîne satellitaire en langue tamazight.

En réponse aux recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels et d'autres mécanismes onusiens des droits de l'homme, le Gouvernement algérien a procédé à la mise en conformité de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme avec les Principes de Paris, a poursuivi M. Jazaïry. Le représentant a par ailleurs attiré l'attention sur la révision de deux textes fondamentaux, le Code de la nationalité et le Code de la famille, qui consacrent désormais davantage l'égalité de l'homme et de la femme devant la loi. Désormais, a-t-il précisé, la transmission de la nationalité par la mère est devenue une réalité et cette situation s'est traduite par la levée de la réserve que l'Algérie avait émise au sujet du paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

Les autorités algériennes ont décidé d'inviter cette année sept procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme, dont cinq, a précisé M. Jazaïry, sont en charge de questions liées à la réalisation de droits économiques, sociaux et culturels, à savoir le droit à l'éducation, le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale, le droit à l'alimentation, le logement convenable et l'accès à l'eau potable et à l'assainissement.

Le rapport périodique de l'Algérie (document E/C.12/DZA/4 regroupant les troisième et quatrième rapports périodiques) affirme que depuis la présentation du deuxième rapport de l'Algérie, en 2001, les pouvoirs publics ont poursuivi leur tâche de consolidation de l'État de droit, de la démocratie pluraliste et de la promotion et de la protection des droits de l'homme en dépit de la contrainte liée aux séquelles d'une décennie de la criminalité terroriste. Ainsi, de nouvelles consultations électorales ont été organisées, les mécanismes de promotion des droits de l'homme déjà en place ont été renforcés, et certains aspects de la législation économique, sociale et culturelle mis en conformité avec les nouvelles réalités. Le Président de la République a procédé, le 9 octobre 2001, à l'installation officielle de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme, rappelle en outre le rapport. Il indique par ailleurs que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 août 1989, a confirmé le principe constitutionnel selon lequel les traités internationaux ratifiés ont primauté sur la loi interne. Dans la partie préambulaire de la Constitution algérienne, la dimension amazighe a été mise en exergue à l'instar des dimensions arabe et musulmane, poursuit le rapport. Avec cette progressive réappropriation identitaire et à la faveur d'un amendement de la Constitution en date du 10 avril 2002, la langue amazighe a été érigée en langue nationale.

La disposition prévoyant l'obéissance de l'épouse à son mari n'est plus de mise dans le Code de la famille actuel, souligne en outre le rapport. S'agissant du point relatif à la discrimination fondée sur le sexe en matière de succession, il y a lieu de rappeler dans ce cadre, que les lois relatives à la succession découlent de la loi musulmane (Chari'a) et de ce fait, sont incontournables. Ce sont des lois de prescription divine que le droit positif ne peut contredire en aucune manière; cependant, il y a d'autres procédés pour rétablir, le cas échéant, le prétendu équilibre au moyen de la donation entre vifs ou par voie testamentaire, souligne le rapport.

Au nombre des statistiques présentées dans le rapport, figurent celles indiquant que le taux de chômage s'établissait à 12,3 % en 2006; que, pour la même année, le taux de mortalité infantile s'élevait en moyenne à 26,9 pour mille et le taux de mortalité maternelle à 88,9 décès pour 100 000 naissances vivantes; et que, pour 2007, le taux de scolarisation atteignait 98%. Une stratégie nationale de lutte contre le chômage a été mise en place depuis le début des années 2000, poursuit le rapport; elle a permis, à la faveur de la mise en place des différents dispositifs, de créer 1 688 361 emplois et de ramener le taux de chômage durant la même période de 29,5 % à 12,3 %. La lutte contre la pauvreté est l'une des plus urgentes préoccupations des pouvoirs publics en Algérie, souligne par ailleurs le rapport. À ce titre, l'édifice institutionnel s'est renforcé par la création, sur décision du Président de la République, de l'Observatoire national de l'emploi et de la lutte contre la pauvreté. Ce nouveau mécanisme constitue un cadre de concertation de tous les partenaires et des intervenants dans ce domaine (fonctionnaires, experts de centres de recherches, société civile et patronat). Cette mobilisation s'est traduite également par une étude qui a abouti à l'établissement d'une carte nationale de la pauvreté qui a conditionnée le lancement d'actions concrètes en direction des personnes en difficultés. Tout citoyen en situation difficile physique, mentale, économique ou sociale et qui ne dispose pas de moyens pour subvenir à ses besoins, a pu faire appel à la collectivité. L'aide sociale ou plus précisément les transferts sociaux ont contribué de manière significative à la politique de soutien apportée aux plus démunis. On mentionnera que l'effort social de la nation représente actuellement plus de 12,5 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui a permis de renforcer la lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale.

La question du logement constitue une action à laquelle les pouvoirs publics ont accordé depuis 1999, un rang de priorité élevée, ajoute le rapport. Le programme spécial lancé durant la période 1999–2004 a permis la réalisation d'un parc de 810 000 logements. Ces réalisations ont quelque peu atténuées la crise du logement que connaissait le pays. Les dépenses de santé sont passées de 7,7 % en 1999 à 9,1 % en 2005 du total des dépenses publiques, indique d'autre part le rapport. Par ailleurs, la dernière enquête statistique réalisée par le Ministère de l'éducation nationale, en 2005/06, montre la réduction du taux d'abandon scolaire qui est passé de 7,73% en 1999/2000 à 6,36% en 2005/2006 à la fin du cycle primaire; de 23,4% en 199/2000 à 19,81% en 2005/2006 à la fin du cycle moyen; et de 30,03% en 1999/2000 à 25,16% en 2005/2006 à la fin du cycle secondaire. Le rapport attire en outre l'attention sur la diminution du taux d'analphabétisme qui est passé de 85 % en 1962 à 31,9 % en 1998, pour atteindre 26,5 % en 2002. Il avoisine les 24 % aujourd'hui.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Relevant que les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels priment sur celles du droit interne, plusieurs membres du Comité ont souhaité savoir s'il y a eu en Algérie des cas où le Pacte aurait été invoqué directement devant les tribunaux algériens. Avec quelle fréquence et à quelles occasions des citoyens algériens ont-il pu invoquer des droits économiques, sociaux et culturels devant les tribunaux, a demandé un expert ?

Un expert s'est inquiété d'informations selon lesquelles en Algérie, le pouvoir judiciaire ne serait pas indépendant mais serait inféodé au pouvoir politique, ce qui amènerait les gens à régler leurs revendications non pas devant les tribunaux mais dans la rue, par des émeutes.

L'attention a par ailleurs été attirée sur le mauvais classement de l'Algérie (110ème rang mondial) en termes de corruption, selon le classement de l'ONG Transparency International.

Plusieurs membres du Comité se sont enquis des intentions et de la position de l'Algérie à l'égard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte (instituant une procédure de plainte auprès du Comité).

Plusieurs experts ont souhaité en savoir davantage au sujet du statut et du fonctionnement de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme.

Relevant que l'Algérie avait reçu, respectivement en 2002 et 2007, des visites des Rapporteurs spéciaux sur la violence contre les femmes et sur la liberté de religion, un expert a souhaité savoir si le Gouvernement envisageait d'élargir les invitations adressées aux procédures spéciales thématiques.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet des procédés auxquels fait référence le paragraphe 81 du rapport visant à «rétablir, le cas échéant, le prétendu équilibre au moyen de la donation entre vifs ou par voie testamentaire», dans le contexte des droits de succession.

Beaucoup de femmes en Algérie vivent dans la rue sans domicile fixe, s'est inquiétée une experte. La législation algérienne autorise toujours la polygamie, a-t-elle en outre relevé, avant de s'enquérir des distorsions que cela peut entraîner dans la pratique du point de vue de l'égalité de la femme.

En Algérie, l'état d'urgence est en vigueur depuis 18 ans; or, une urgence qui dure 18 ans n'est plus une urgence, a fait observer un membre du Comité. Indiquant craindre que cet état d'urgence n'entrave la pratique et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, il a souhaité savoir si l'État algérien envisageait de le lever.

Le rapport algérien est très bien conçu, s'est félicité un expert, relevant l'utilisation judicieuse des statistiques qui, à chaque fois, viennent en appui d'une affirmation.

Le salaire minimum est-il suffisant pour permettre à un travailleur percevant un tel salaire de vivre et de faire vivre sa famille et, si tel est le cas, pourquoi alors tant de personnes cherchent-elles à émigrer, s'est interrogé un expert?

Un membre du Comité s'est enquis du taux de pauvreté en Algérie à l'heure actuelle, en gardant à l'esprit le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement qui établit un lien entre l'accès à l'eau et la pauvreté. En outre, les estimations établissent à 13 millions les besoins de l'Algérie en termes d'unités de logement et à 1,2 million le nombre de personnes qui vivent dans des bidonvilles ou dans des conditions similaires, a poursuivi cet expert, avant de s'enquérir de l'éventuelle stratégie nationale de l'Algérie visant à réduire la pénurie de logements en promouvant une amélioration non seulement quantitative mais aussi qualitative des logements.

Un autre expert a estimé que l'Algérie aurait besoin de se doter de lois ou règlements spécifiques contre les châtiments corporels et la violence domestique, même si ces pratiques sont sûrement couvertes par le Code pénal.

Un membre du Comité a indiqué ne pas bien saisir si tous les enfants ont accès à l'éducation obligatoire et gratuite ou seulement ceux qui sont de nationalité algérienne. Il a rappelé que les dispositions pertinentes du Pacte précisent que l'enseignement obligatoire doit être accessible gratuitement à tous – ce qui comprend les non-ressortissants se trouvant sur le territoire algérien.

Réponses de la délégation

S'agissant de la question berbère et de la notion de population autochtone, la délégation a affirmé que cette notion de population autochtone n'était pas très scientifique. L'histoire de l'Algérie ressemble à celle des Balkans où vivait une souche ethnique slave dont certains éléments ont été influencés par la culture musulmane alors que d'autres sont restés chrétiens. En Algérie, nous sommes tous des Berbères, dont certains ont été arabisés et d'autres pas, a expliqué la délégation. Interrogée sur la raison pour laquelle la langue amazighe (tamazight) est qualifiée de langue officielle et non de langue nationale, la délégation a rappelé que l'Algérie reste à la pointe sur cette question puisque c'est le seul pays à reconnaître cette langue. En 1995, le pays comptait 30 000 étudiants qui suivaient des cours de langue amazigh; or ils sont aujourd'hui 240 000.

En Algérie, a poursuivi la délégation, les problèmes de déplacements de populations qu'a connus le pays sont liés à la sombre décennie des années 1990 durant laquelle des populations nombreuses vivant dans les zones rurales ont été amenées à se déplacer dans un mouvement de fuite.

S'agissant de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, la délégation a souligné que la création de cette institution a été une avancée qualitative puisqu'elle a succédé à un observatoire des droits de l'homme. La vocation de la Commission - et l'objectif qui lui a été fixé - est d'être conforme aux Principes de Paris, a déclaré la délégation. Elle a été créée par un décret de 2006 amendé en 2009, et se fonctions sont d'examiner les situations d'atteinte aux droits de l'homme et de participer à l'adoption de mesures appropriées. Il s'agit d'une institution publique indépendante dotée de l'autonomie financière, a souligné la délégation. Ses 45 membres sont choisis sur des critères de diversité et de compétence, a-t-elle indiqué, précisant que seize femmes en font partie. La Commission a effectué des visites in situ dans les prisons, dans les hôpitaux et dans les centres accueillant des enfants privés de famille, des personnes âgées ou des femmes en détresse et a publié à l'issue de ces visites des rapports qui peuvent être consultés et dont on peut dire que certains d'entre eux «n'ont pas fait plaisir à tous les ministères», a indiqué la délégation. Elle a ajouté que l'Algérie a déposé hier un recours, fondé sur des arguments juridiques, pour contester le déclassement de la Commission consultative algérienne par le Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme.

La délégation a indiqué que les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels n'ont pas été directement invoquées par les tribunaux algériens car le pays a procédé à la mise en conformité de sa législation nationale avec les dispositions du Pacte, de sorte que les magistrats trouvent dans le droit interne des dispositions conformes au Pacte à l'appui de leurs décisions.

Pour ce qui est de la position de l'Algérie à l'égard du Protocole facultatif se rapportant au Pacte (créant une procédure de plaintes), la délégation a tenu à souligné que, parmi les pays ayant le même niveau de développement, l'Algérie est celui qui présente le plus grand nombre de rapports et de réponses aux instances de droits de l'homme, ce qui représente déjà une charge de travail extraordinaire pour le pays.

La question de l'indépendance du judiciaire peut être considérée comme un slogan politique, a affirmé la délégation: dans une démocratie où l'on n'est pas d'accord avec le Gouvernement en place, on peut toujours remettre en cause l'indépendance du judiciaire et cela arrive partout dans le monde, a-t-elle souligné. La Constitution algérienne assoit l'indépendance du pouvoir judiciaire en disposant notamment que le juge n'obéit qu'à la loi et en le protégeant contre toute manœuvre ou pression consistant à nuire à l'exercice de sa fonction, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption, la délégation a rappelé que l'Algérie avait été l'un des premiers pays à ratifier la Convention des Nations Unies contre la corruption. Des règles de bonne gouvernance ont été instaurées, qui s'articulent en particulier autour de la transparence dans les processus contractuels et autour du contrôle des dépenses publiques. Reste désormais à l'Algérie à mettre en place l'organe national de prévention et de lutte contre la corruption, tel que prévu dans la Convention susmentionnée.

Pour ce qui est des raisons du maintien de l'état d'urgence en Algérie, la délégation a rappelé que cette mesure a été adoptée dans le contexte de la criminalité terroriste qui sévissait durant les années 1990. L'état d'urgence n'a jamais eu pour finalité d'entraver la jouissance des droits de l'homme mais au contraire de garantir le droit à la vie des citoyens ainsi que le fonctionnement normal des institutions publiques et la stabilité de l'État, a souligné la délégation. En outre, les mesures spéciales associées à l'état d'urgence ont toutes été levées, qu'il s'agisse du couvre-feu ou des camps de sûreté – qui ont été fermés en 1995 – ou encore des cours spéciales – également supprimées en 1995. Ne reste donc désormais du dispositif d'état d'urgence initial que les fonctions de police; en effet, des poches de terrorisme subsistent encore en Algérie et l'intervention des forces habilitées – police et armée - doit demeurer possible et efficace pour endiguer toute action terroriste, a expliqué la délégation.

S'agissant de la condition de la femme, la délégation a notamment souligné que la décennie 2000 a été marquée par un renforcement de l'édifice institutionnel consacré à la femme et à la famille. En novembre 2006, a-t-elle précisé, a été créé par décret le Conseil national de la femme et de la famille, puis en 2008, a été validée en Conseil des ministres la Stratégie nationale d'intégration de la femme au développement. L'année précédente, avait déjà été validée une stratégie de lutte contre les violences faites aux femmes, a rappelé la délégation.

En ce qui concerne les questions relatives à l'emploi, la délégation a indiqué que la priorité des actions de l'État dans ce domaine a été accordée à l'emploi des gens du sud et à l'emploi des jeunes. S'agissant de l'information fournie par l'Algérie, dans les réponses à la liste de questions écrites qui lui ont été adressées, selon laquelle plus de 70% des personnes comptabilisées comme sans emploi ont moins de 30 ans, la délégation a tenu à souligner que ce taux couvre des situations bien différentes puisqu'il englobe les étudiants au nombre des personnes comptabilisées comme sans emploi.

Certes, même ramené à un taux de 10,2% en 2009, le chômage en Algérie reste à un niveau élevé, mais pas démesuré au regard des taux de chômage qui sévissent actuellement dans certains pays comme l'Espagne, a déclaré la délégation, tout en admettant que le problème est plus aigu en ce qui concerne le chômage des jeunes. La Caisse nationale d'assurance chômage (CNAC) a été instituée en Algérie en 1994 suite à des compressions d'effectifs qui s'étaient produites dans les années 1990 et avaient touché quelque 500 000 travailleurs, en raison des conditionnalités de prêts du FMI et de la Banque mondiale, a expliqué la délégation. Il fallait donc assurer une couverture à ces travailleurs – pour au moins trois ans à l'époque. Au bout de trois ans – et ce, depuis dix ans – la CNAC forme et recycle les chômeurs qui n'ont pas de qualification ou les aide, sous forme de l'octroi de prêts à taux zéro, à créer leur entreprise. Les contrats à durée déterminée (CDD) ne bénéficient pas de la couverture de la CNAC, car ils concernent des personnes qui travaillent de façon temporaire. Quant aux fonctionnaires, ils ne sont pas concernés par la CNAC puisqu'il n'y a pas de compression d'effectifs dans la fonction publique, a précisé la délégation.

Poursuivant ses réponses aux questions portant sur la situation de l'emploi, la délégation a expliqué que l'Algérie était en train de négocier son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui se fonde malheureusement sur le principe selon lequel tous ceux qui arrivent en retard doivent, pour entrer, payer plus cher que ceux qui y sont déjà. Ainsi, l'Algérie n'a-t-elle pas trouvé auprès de la coopération internationale une solution à ses problèmes de chômage qu'elle a dû régler elle-même, a déclaré la délégation. Alors qu'elle exportait jadis pour 40 milliards de dollars d'hydrocarbures et importait 9 milliards de dollars en équipement et denrées alimentaires, l'Algérie importe désormais autant qu'elle exporte, de sorte que l'accord d'association qu'elle a conclu a de facto entraîné la création d'emplois en Europe, en particulier, mais pas en Algérie, a par ailleurs expliqué la délégation.

Pratiquement aucun salarié, dans le salaire formel, ne touche le salaire minimum – qui est d'environ 15 000 dinars et qui ne sert en fait que de référence par rapport au calcul des retraites, a indiqué la délégation. Le salaire moyen national, toutes catégories confondues, est de 28 000 dinars. Selon les dernières statistiques disponibles, environ un million de travailleurs exercent une activité économique informelle, c'est-à-dire travaillent dans le cadre des échanges commerciaux informels qui ne rentrent pas dans le cadre du marché du travail officiel. Il s'agit de personnes qu'il est difficile de quantifier; l'inspecteur du travail n'est pas habilité à aller demander aux gens dans la rue pour le compte de qui ils travaillent. Un décret de 2007 a bien réglementé le travail à domicile – qui n'est pas du travail informel – et qui donne droit à la sécurité sociale et aux congés, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est des questions syndicales, la délégation a indiqué que 58 organisations de salariés sont à ce jour enregistrées en Algérie qui couvrent plus de 2,5 millions de travailleurs et auxquelles il faut ajouter plus d'une vingtaine d'organisations d'employeurs. Les autorités veillent à ce que les statuts de ces organisations ne contiennent aucune disposition discriminatoire ou autrement contraire à la loi, a souligné la délégation. L'administration doit statuer dans un délai – opposable – de 30 jours sur les demandes d'enregistrement de telles organisations qui lui sont présentées; l'administration doit délivrer un récépissé de dépôt qui constitue enregistrement du syndicat. Lorsque la demande ne remplit pas l'une ou l'autre des conditions légales pour la constitution d'une organisation syndicale, le dossier reste en instance jusqu'à ce que les demandeurs relancent le dossier en y associant les éléments requis, a expliqué la délégation. La loi défend à l'administration de s'ingérer d'une manière ou d'une autre dans le fonctionnement des organisations syndicales, a-t-elle ajouté. La loi en vigueur prévoit qu'une organisation syndicale se fonde autour d'une branche d'activité déterminée; aussi, les obstacles auxquelles se heurtent certaines demandes d'enregistrement ont trait au fait qu'elles souhaitent former une organisation syndicale regroupant plusieurs branches d'activités. Il conviendra donc de modifier la loi afin que les organisations syndicales puissent se regrouper en fédérations et confédérations.

En ce qui concerne les questions de logement – et en réponse à un membre du Comité qui estimait que l'idéal serait pour l'Algérie serait d'avoir un taux d'occupation de trois personnes par logement –, la délégation a rappelé que l'Algérie est un pays en développement qui a connu une démographie galopante – qu'il essaie maintenant de contenir. Afin de répondre à la demande sans cesse croissante en logements, l'Algérie a construit, dans le contexte d'un programme couvrant les années 2004-2009, quelque 1 045 000 unités de logements englobant les logements publics locatifs, les logements promotionnels - aidés ou non – et le logement rural. Sur ce million de logements, l'État a financé plus de 554 000 unités. À travers des programmes complémentaires, ont en outre été créées 650 000 unités supplémentaires – dont 150 000 destinées aux wilayas du Sud et aux Hauts Plateaux. En 1998, le parc immobilier algérien comptait environ 5 millions d'unités; à la fin 2009, ce parc s'élevait à près de 7 millions d'unités (pour 34 millions d'habitants en 2008). La délégation a par ailleurs cité le chiffre de 561 000 unités de logements précaires et a fait part des mesures de réhabilitation prises dans ce contexte.

Sans rappeler l'ensemble des efforts que l'Algérie a déployés en matière de développement des infrastructures, la délégation a indiqué que les statistiques actualisées concernant la fourniture d'eau potable établissent que le taux de raccordement de la population atteint désormais les 93% dans le pays, selon les chiffres de 2009.

S'agissant des questions de santé, la délégation a notamment fait part du dispositif multisectoriel mis en place pour lutter contre la toxicomanie. Le pays dispose de trois centres de cure et de désintoxication, a ajouté la délégation, précisant que l'objectif des autorités est d'en avoir 15 à l'horizon 2014. Le ratio actuel en Algérie est d'un médecin généraliste pour 1373 habitants, a indiqué la délégation. Si l'on additionne médecins généralistes et spécialistes, le ratio est d'un praticien pour 830 habitants, contre un pour 25 463 habitants au lendemain de l'indépendance, en 1962.

Selon la loi du 2 juillet 1983, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, exerçant une activité quelconque sous quelque contrat de travail que ce soit sont affiliées à la sécurité sociale; en application de cette loi, un décret de 1985 fixe les cotisations de sécurité sociale pour les différentes catégories de travailleurs. Fin 2009, l'Algérie comptait ainsi plus de 8,9 millions d'assurés sociaux, auxquels il faut ajouter les ayants droit des travailleurs – conjoints et enfants à charge. Ainsi, la majorité de la population algérienne bénéficie-t-elle de la protection sociale, a souligné la délégation. Le système du tiers payant dispense à l'avance l'assuré et ses ayants droit des frais pharmaceutiques, a-t-elle précisé.

Aujourd'hui, tous les Algériens ont droit à l'éducation et – c'est un grand succès – ont accès à ce droit, a par ailleurs fait valoir la délégation. Bien entendu, ce droit est également accessible à tous les autres résidents en Algérie; mais pour les étrangers, il peut s'avérer difficile de suivre un enseignement en langue arabe et ils peuvent alors être amenés à se tourner vers l'enseignement privé. En 2010, le budget de l'éducation s'élève à un peu plus de 390 milliards de dinars contre 222 milliards environ en 2006, a précisé la délégation. Le budget de l'éducation en Algérie est supérieur à celui de la défense, a-t-elle fait valoir. Au total, les ressources allouées à l'éducation représentent 20,88% du budget de l'État, a-t-elle indiqué.

Ce sont les Romains qui jadis, en référence aux barbares, furent les premiers à appeler Berbères ceux que les Algériens appellent les Amazighs, a rappelé la délégation. L'Algérie compte trois universités qui enseignent la langue amazighe, a-t-elle souligné. Pour ce qui est de la question de la langue, l'Algérie ne souhaite pas être frappée par le syndrome belge, a-t-elle souligné; «les Belges peuvent peut-être se le permettre, mais ce n'est pas notre cas».

La délégation a fait valoir que l'accès à la culture est aisé en Algérie, comme en témoignent les 110 festivals, dont certains sont internationaux, que compte la programmation annuelle du pays et qui sont tous gratuits. En effet, en Algérie, prévaut la gratuité de l'accès à la culture, grâce aux ressources allouées par l'État à ce secteur.
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