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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels examine le rapport de l'Afghanistan

14 Mai 2010

Comité des droits économiques, ESC/10/8
sociaux et culturels 14 mai 2010

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, avant-hier et ce matin, le rapport de l'Afghanistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. Mohammad Qasim Hashimzai, Vice-Ministre de la justice de l'Afghanistan, a rappelé que l'Afghanistan était un pays en situation d'après conflit ayant traversé des décennies de guerre, avec des effets dévastateurs sur chaque aspect du développement, et qu'il compte parmi les pays les moins avancés. C'est pourquoi le pays a opté pour un modèle de développement qui place l'homme en son centre; le développement économique et social est le principal pilier de la Stratégie nationale de développement qui accorde la priorité à la réduction de la pauvreté, à la promotion du développement durable et à l'amélioration des indicateurs de développement humain. L'économie afghane s'est redressée ces neuf dernières années, ce qui a entraîné une croissance considérable du revenu par habitant ainsi qu'une amélioration des indicateurs de développement humain, a fait valoir le Vice-Ministre. Il a indiqué que des mesures doivent encore être prises pour réviser la législation et s'assurer qu'elle soit conforme à la nouvelle Constitution et aux traités internationaux. L'Afghanistan reste confronté à d'énormes défis qui ont ralenti sa progression et entravé ses efforts vers la réalisation de ses objectifs dans le domaine des droits de l'homme, en particulier l'insécurité et les contraintes financières.

La délégation afghane était également composée de la Vice-Ministre de la santé publique, Mme Nadera Hayat Burhani; du Vice-Ministre des affaires sociales au Ministère du travail, des affaires sociales, martyrs et handicapés, M. Wasil Noor Muhmand; du Vice-Ministre de l'éducation, M. Asadullah Muhaqqique; ainsi que de représentants de la Mission permanente de l'Afghanistan auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni des compléments d'informations s'agissant notamment de la justice informelle; de la lutte contre la corruption; de la lutte contre la violence à l'égard des femmes et autres questions relatives à la condition de la femme en Afghanistan; de la pauvreté; du salaire minimum; du chômage et du travail informel; du travail des enfants et de l'interdiction du travail forcé; des questions de santé; de la situation des migrants afghans sans papiers à l'étranger et de ceux qui retournent dans le pays; de la situation en matière d'éducation (7% des enfants qui ne vont pas à l'école dans le monde sont Afghans); ou encore de la question de la restitution des objets pillés et volés en Afghanistan. Elle a notamment indiqué que le Gouvernement contrôlait la capitale et les capitales de district. La sécurité est complète dans les villages et il est donc possible pour l'État d'appliquer la loi partout.

Le rapport de l'Afghanistan était le dernier au programme de la présente session. À sa prochaine séance publique, le vendredi 21 mai, le Comité présentera ses observations finales concernant les rapports de chacun des pays examinés avant de clore ses travaux.

Présentation du rapport

M. MOHAMMAD QASIM HASHIMZAI, Vice-Ministre de la justice de l'Afghanistan, a souligné que depuis 2001, les droits de l'homme ont occupé une place particulière, tant dans le processus politique que dans l'ordre du jour pour le développement de l'Afghanistan. En tant que pays en situation d'après conflit ayant traversé des décennies de guerre, avec un effet dévastateur sur tous les aspects du développement, et en tant que pays parmi les moins avancés avec les plus faibles indicateurs de développement humain, l'Afghanistan a opté pour un modèle de développement qui place l'homme en son centre.

Le développement économique et social est le principal pilier de la Stratégie nationale de développement qui accorde la priorité à la réduction de la pauvreté, à la promotion du développement durable et à l'amélioration des indicateurs de développement humain, a poursuivi M. Hashimzai. Ce pilier est associé à six secteurs qui ont une importance particulière du point de vue du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a-t-il précisé: infrastructure et ressources naturelles; éducation; santé; agriculture et développement rural; protection sociale; gouvernance économique et développement du secteur privé. L'économie afghane s'est redressée ces neuf dernières années, ce qui a entraîné une croissance considérable du revenu par habitant ainsi qu'une amélioration des indicateurs de développement humain, a déclaré le Vice-Ministre de la justice.

M. Hashimzai a souligné que le Gouvernement afghan considère la santé comme étant un droit de l'homme fondamental du peuple afghan. À cet égard, il convient de rappeler que la situation sanitaire en 2002 était beaucoup moins bonne qu'aujourd'hui, alors que le pays ne comptait que 496 centres de soins de santé primaire en fonctionnement. Une enquête menée en 2007-2008 a montré une baisse, depuis 2001, de 37% du taux de mortalité infantile des moins de cinq ans, qui est passé de 257 à 161 décès pour 1000 naissances vivantes et une baisse de 33% du taux de mortalité des enfants de moins d'un an, qui est passé sur la même période de 165 à 111 décès pour 1000 naissances vivantes.

Tous les enfants en âge scolaire ont accès sans discrimination aucune à une éducation de qualité, a poursuivi le Vice-Ministre de la justice. Conformément à l'article 4 de la Constitution, a-t-il souligné, tous les groupes ethniques et toutes les minorités sont reconnus sur un pied d'égalité en Afghanistan. Conformément à l'article 43 de la Constitution, le Gouvernement œuvre à assurer que les cours sont dispensés dans les langues des populations de chaque région. Selon de récentes statistiques, a précisé M. Hashimzai, le pays compte quelque 7 millions d'élèves et étudiants pour 160 128 enseignants et 12 763 écoles (dont 11 892 écoles gouvernementales).

Depuis la Conférence de Londres, a indiqué M. Hashimzai, trois axes de développement ont été définis qui portent respectivement sur le développement rural et l'agriculture; sur le développement des ressources humaines; et sur l'économie et les infrastructures. L'accord de Bonn de 2001 a établi la Commission afghane indépendante des droits de l'homme et jeté les bases pour le traitement des questions de droits de l'homme en Afghanistan, a par ailleurs rappelé le Vice-Ministre.

L'Afghanistan doit prendre des mesures pour passer en revue et éventuellement réviser quelque 700 lois qui sont actuellement en vigueur afin d'assurer qu'elles sont conformes à la nouvelle Constitution et aux traités internationaux auxquels le pays est partie, a poursuivi M. Hashimzai. Dans ce contexte, il a attiré l'attention sur un certain nombre de lois adoptées ou révisées ces deux dernières années, citant notamment l'adoption de la Loi sur l'élimination de la violence contre les femmes; la révision, à la lumière de la Constitution, de la Loi sur le statut personnel chiite; la nouvelle Loi sur les médias; la publication récente, dans le journal officiel, de la Loi sur l'établissement de la Commission chargée de superviser l'application de la Constitution; ou encore le projet de loi sur la planification familiale actuellement examinée par le Ministère de la justice.

Les principes de non-discrimination et d'égalité des droits sont dûment énoncés par la Constitution ainsi que dans diverses lois portant sur des questions relevant du Pacte, au nombre desquelles figurent la Loi sur le travail, la Loi sur l'éducation, la Loi sur les services de santé et la Loi sur les fonctionnaires de l'État, a poursuivi le Vice-Ministre de la justice. En dépit de tous ces efforts, l'Afghanistan reste confronté à d'énormes défis qui ont ralenti sa progression et entravé ses efforts vers la réalisation de ses objectifs dans le domaine des droits de l'homme. L'insécurité et les contraintes financières sont à cet égard deux des plus importants défis, a déclaré M. Hashimzai. L'insécurité dans certaines parties du pays a empêché le développement économique et social, a-t-il précisé. Quant à la rareté des ressources pour financer les programmes de bien-être social d'ampleur nationale – en particulier à l'intention des personnes les plus vulnérables, au nombre desquelles figurent les personnes handicapées, les enfants et les femmes –, il s'agit là d'un autre défi qui mérite de retenir toute l'attention voulue. En conclusion, le Vice-Ministre de la justice a rappelé que la mise en œuvre des programmes et réformes visant la promotion des droits de l'homme en Afghanistan requiert la coopération et la participation de tous les organes gouvernementaux concernés, des institutions de la société civile, mais aussi la coopération directe de la communauté internationale et en particulier des organisations internationales actives dans le domaine des droits de l'homme.

Le rapport périodique de l'Afghanistan (document E/C.12/AFG/2-4 regroupant les deuxième à quatrième rapports) explique que la présentation du second rapport a été retardée en raison de la longue période de troubles, de luttes politiques et d'instabilité qui a affecté l'Afghanistan. En raison de la situation prévalant dans le pays, les données statistiques et chiffrées présentées dans ce rapport ne sont pas toujours exactes, ajoute le rapport. La Constitution de 2004 dispose que le Gouvernement est tenu d'élaborer et de mettre en œuvre des programmes de développement social, culturel, économique et technologique. Le Gouvernement reconnaît que la grande pauvreté de la population demeure très préoccupante dans l'ensemble du pays et que la lutte contre la pauvreté est une tâche urgente. La Constitution interdit spécifiquement toute forme de discrimination et toute distinction entre citoyens afghans. Le Gouvernement est tenu de créer une société prospère et progressiste fondée sur la justice sociale, la protection de la dignité humaine et des droits de l'homme, la mise en œuvre de la démocratie, la réalisation de l'unité nationale, de l'égalité entre les peuples et les tribus, et sur un développement équilibré de toutes les régions du pays. L'Afghanistan est particulièrement attaché à la diversité linguistique. Outre le dari et le pachto, qui sont les deux langues nationales officielles, toutes les autres langues présentes dans le pays telles que l'ouzbek, le turkmène, le baloutchi, le pachayi, le nouristani et le pamiri sont considérées comme des troisièmes langues officielles dans les aires géographiques où elles sont parlées par la majorité de la population locale. Le Gouvernement s'engage également en faveur de la réinsertion des réfugiés afghans, provenant principalement d'Iran et du Pakistan, alors même qu'il est confronté à des difficultés considérables causées par le nombre croissant de personnes déplacées à l'intérieur des frontières en raison de l'insécurité régnant dans le pays. Il y a plus de deux millions de rapatriés et environ 12 000 personnes déplacées à l'intérieur des frontières. Le Gouvernement encourage le retour volontaire de tous les réfugiés restants et leur fournit une assistance, notamment juridique et sociale, pour les aider à se réinsérer dans la société afghane.

Le Gouvernement est fermement résolu à généraliser une perspective antisexiste dans tout le pays pour aider les femmes à parvenir à une participation égale et intégrale au développement économique, social et culturel de l'Afghanistan. Cependant, il faudra beaucoup plus de temps pour parvenir à l'égalité des sexes dans la société afghane. Ceci s'explique par les longues années de guerre, la société traditionnelle, mais aussi par les restrictions financières du Gouvernement, l'écart entre la politique et la pratique, et l'absence d'une société civile forte pour protéger et promouvoir les droits des femmes. En vertu de l'article 70 du Code civil, l'âge légal du mariage est de 18 ans pour les hommes et de 16 ans pour les femmes, indique le rapport. L'application de cette loi et la perpétuation du mariage précoce des filles sont encore très problématiques en Afghanistan, où il est signalé qu'environ la moitié de la population féminine de moins de 16 ans serait mariée. En Afghanistan, en particulier en milieu rural, il est commun de voir les familles pauvres marier leurs filles à un âge précoce moyennant un versement d'espèces. En outre, bien que le Code civil existant traite les questions de succession en disposant que les deux tiers des biens reviennent aux fils et un tiers aux filles, les Chouras n'appliquent pas la loi de l'État et préfèrent souvent appliquer les coutumes communautaires pour régler les différends.

Le taux de chômage estimé en Afghanistan serait de 33%, indique par ailleurs le rapport. Le travail forcé en général et le travail forcé des enfants en particulier sont spécifiquement interdits par la Constitution et le Code du travail. Le Programme de solidarité nationale (NSP) a été mis en œuvre dans plus de 30 000 villages et 346 districts, parmi lesquels se trouvaient 28 capitales de provinces isolées et sous-développées, et a touché 19 millions d'habitants. Dans le cadre de ce programme, des ressources financières sont directement transférées aux conseils villageois du développement pour servir à la reconstruction et au développement des villages. Selon les résultats d'une étude réalisée en 2005, quelque 44% des foyers afghans considèrent vivre dans «l'insécurité alimentaire», indique le rapport. D'un côté, il y a un pourcentage important de paysans sans terre, de l'autre, environ 90% du territoire afghan, appelé “terres du sultanat», sont exclus de la propriété privée. La nouvelle loi foncière vise à intégrer diverses sources de droit issues des différents régimes aux pratiques coutumières pour former une source de droit exhaustive, ajoute-t-il. Le fait que les mécanismes communautaires de règlement des litiges soient encore communs en Afghanistan mérite d'être mentionné; ainsi, les différends successoraux sont souvent portés devant les Chouras/Jirgas plutôt que devant les tribunaux. Sur les questions de santé, 14 des 34 provinces du pays comptent des hôpitaux en mesure de fournir des services de soins de santé mentale. En 2006, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était de 191 décès pour 1000 naissances vivantes, indique le rapport. Il précise également qu'en Afghanistan, 31% des foyers ont accès à une eau potable salubre. En Afghanistan, l'espérance de vie présente une caractéristique unique au monde, puisque l'espérance de vie des femmes y est inférieure à celle des hommes. Le système de soins de santé afghan est principalement axé sur les soins de santé primaire, et jusqu'ici, ce système n'a pas réussi à offrir aux personnes âgées les soins de qualité répondant à leurs besoins, reconnaît en outre le rapport. La moitié de la population afghane est âgée de moins de 18 ans, mais plus de la moitié des enfants d'âge scolaire n'ont pas accès à l'éducation. En 2007, seuls 18% des femmes et 35% des hommes savent lire et écrire.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

Un membre du Comité a assuré comprendre les problèmes énormes auxquels est confronté l'Afghanistan après des décennies de guerre quasi-ininterrompue. Il a souhaité savoir si les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels étaient invoquées devant les tribunaux afghans, ce qui – d'après les informations disponibles – ne semble pas être le cas, a-t-il souligné, en raison notamment de la faiblesse des institutions judiciaires. La Cour suprême afghane prend-elle des décisions en se fondant sur des dispositions du Pacte, a demandé un autre expert?

Un autre problème est celui de la corruption endémique qui affecte le pouvoir judiciaire, à quoi il faut ajouter le climat d'impunité qui prévaut dans un pays où les auteurs de meurtres ne sont même pas poursuivis, a ajouté cet expert. Il n'y a pas de recours efficace pour protéger les droits de l'homme individuels dans le pays et la population afghane ne semble absolument pas avoir confiance dans le pouvoir judiciaire, a-t-il insisté, à l'instar d'autres membres du Comité. L'un d'entre eux a ajouté que l'Afghanistan est confronté à un énorme problème de corruption, auquel s'ajoute le problème de la culture et du trafic de drogues.

Un autre membre du Comité a relevé que les autorités afghanes indiquent avoir l'intention de confirmer l'existence de la justice traditionnelle en Afghanistan et s'est enquis d'éventuels cas où des mécanismes non étatiques de résolution des conflits ont eu à traiter de droits économiques, sociaux et culturels.

Il semble difficile de tenir les autorités afghanes responsables de la non application du Pacte alors que chaque jour, on constate que l'Afghanistan est en proie à la guerre et que le contrôle de certaines zones du pays échappe aux autorités, a souligné un membre du Comité. «Il est courageux voire audacieux de parler de situation de post-conflit pour qualifier la situation actuelle en Afghanistan», a souligné un membre du Comité, avant de s'enquérir de la manière dont la délégation afghane qualifierait et caractériserait la situation actuelle dans le pays.

Un autre expert a demandé quels recours étaient à la disposition d'un citoyen pour se plaindre lorsqu'il estime que l'un de ses droits tels qu'énoncés par le Pacte n'a pas été respecté. Certaines régions de l'Afghanistan sont de facto sous contrôle de troupes étrangères, a rappelé l'expert, qui a voulu savoir comment les autorités afghanes pouvaient assurer l'application du Pacte dans ces zones.

Mineures données en mariages, femmes considérées comme des produits échangeables en règlement d'une dette, fillettes aspergées d'acide parce qu'elles vont à l'école sont quelques-unes des pratiques dénoncées par divers membres du Comité qui se sont inquiétés de la situation des femmes et des fillettes en Afghanistan. Qualifiant de tragique la situation de l'Afghanistan, un autre membre du Comité a relevé que l'espérance de vie en Afghanistan comptait parmi les plus basses du monde, celle des femmes n'atteignant que 44 ans, soit un niveau inférieur à celle des hommes – alors que généralement, à travers le monde, l'espérance de vie des femmes est toujours supérieure à celle des hommes.

Un expert a indiqué ne pas bien saisir en quoi l'économie de marché, pour laquelle les autorités afghanes disent avoir opté, va aider le pays à s'acquitter de ses obligations en vertu du Pacte.
Quels objectifs de développement ne seront pas atteints d'ici cinq ans – date butoir pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement -, a demandé une experte? Qu'entendent exactement les autorités afghanes par «modèle de développement qui place l'homme en son centre», s'est également enquise cette experte, rappelant que les autorités reconnaissent que les Afghans ne sont pas suffisamment qualifiés et relevant qu'elles ont accordé quelque 22 000 permis de travail à des étrangers?

Comme l'attestent plusieurs sources, la population afghane n'a que peu accès à l'éducation et au logement; il n'en demeure pas moins que le pays a réalisé quelques progrès importants dans divers domaines et qu'il convient de féliciter l'Afghanistan pour ces réalisations, a déclaré un membre du Comité.

Un expert s'est enquis de l'éventualité d'une assistance technique de l'Organisation internationale du travail à l'Afghanistan, eu égard au taux de 33% de chômage qui semble frapper le pays. L'expert a relevé qu'un comité d'experts de l'OIT avait souhaité que les dispositions pénales de l'Afghanistan soient réexaminées afin d'éviter que des sanctions n'entraînent un travail forcé ou obligatoire. Il semble que la proportion d'enfants qui travaillent voire sont soumis à un travail forcé soit importante, s'est inquiété cet expert, avant de s'enquérir des mesures qui sont éventuellement prises par les autorités pour empêcher le travail des enfants? L'adoption d'un plan spécifique sur cette question serait peut-être souhaitable, a ajouté l'expert. Existe-t-il un salaire minimum en Afghanistan et quelles sont les dispositions en matière de droit de grève, a-t-il également demandé?

Le travail des enfants semble être un phénomène courant en Afghanistan, ont insisté plusieurs experts, l'un d'eux ajoutant qu'une solution à ce problème ne semble pas en vue. Des preuves attestent que des travailleurs afghans sont victimes de travail forcé à l'étranger, a pour sa part souligné une experte, s'inquiétant de la position des autorités afghanes selon laquelle elles ne s'occupent pas de la situation de ces travailleurs à l'étranger.

Une experte a rappelé que la majorité des migrants afghans sans papiers se trouvent en Iran où ils sont détenus et expulsés lorsqu'ils sont appréhendés par les autorités iraniennes; aussi, s'est-elle enquise de ce que font les gouvernements afghan et iranien pour veiller à ce que les rapatriements de ces personnes se fassent dans la dignité.

La guerre contre les taliban devrait commencer au niveau de la lutte contre la pauvreté, a souligné un membre du Comité, relevant le fort taux de pauvreté qui frappe la population afghane. Il est vrai que les pauvres représentent une réserve de recrues pour les groupes terroristes, a insisté un autre expert.

Relevant que les autorités afghanes se sont donné pour objectif de supprimer d'ici 2020 les inégalités entre hommes et femmes dans le domaine de l'éducation, un expert a indiqué avoir de sérieux doutes quant à la possibilité que cet objectif soit atteint, au vu de ce qui est fait en la matière.

Même si le Gouvernement a déjà beaucoup fait dans le domaine de l'éducation, il n'en demeure pas moins qu'en Afghanistan, 46% d'enfants – soit 5 millions d'enfants – se trouvent encore dans l'impossibilité d'accéder à l'éducation, ce qui représente 7% des enfants qui ne vont pas à l'école dans le monde, a souligné un membre du Comité.

Quelles mesures ont-elles été prises pour lutter contre la pratique consistant à dissuader les jeunes filles de recevoir une éducation en jetant de l'acide au visage de celles qui se rendent à l'école, a demandé un autre expert?

Aujourd'hui, seules 29% des filles afghanes en âge scolaire sont scolarisées dans le pays, alors que le taux est de 43% pour les garçons, a souligné un expert. On constate même une diminution du nombre de filles scolarisées au niveau du secondaire, s'est inquiété cet expert, jugeant cette situation particulièrement préoccupante.

Des efforts ont certes été consentis par les autorités afghanes pour promouvoir l'alphabétisation dans le pays, a reconnu une experte; mais quels sont en la matière les écarts entre hommes et femmes, a-t-elle notamment demandé? Dans la pratique, il ne semble pas exister de programmes visant le développement des langues locales – lesquelles sont pourtant protégées par la Constitution –, a en outre déploré l'experte, soulignant que certaines langues locales semblent même en voie de disparition, tout comme certains instruments de musique locaux.

Un membre du Comité s'est enquis des réponses reçues du Danemark et de la Suisse par les autorités afghanes concernant les demandes de restitution d'objets exportés illégalement d'Afghanistan.

Réponses de la délégation

La délégation de l'Afghanistan a rappelé que le pays avait été durant plusieurs années en situation d'après conflit et se trouvait actuellement en situation de conflit. Le Gouvernement actuellement au pouvoir en Afghanistan contrôle la capitale et les capitales de district; il n'y a qu'un ou deux districts dans lesquels le Gouvernement n'exerce pas son autorité, a affirmé la délégation. Il y a une sécurité complète dans les villages et il est donc possible d'appliquer la loi partout, a-t-elle insisté.

Il existe en Afghanistan une justice informelle qui est rendue, dans chaque village, par une personne connue en qui la population a confiance, a confirmé la délégation. Cette forme de justice informelle traite des conflits liés à la terre, des remboursements de dettes ou des questions familiales, entre autres, en conformité avec les lois du pays. Ces instances informelles ne sont absolument pas habilitées à traiter d'affaires relevant du pénal; elles ne peuvent traiter que des affaires civiles, a-t-elle précisé, faisant valoir que cette justice informelle est plus accessible, ne coûte pas cher et est rapide. La délégation a fait part du souhait des autorités de prendre des mesures permettant aux tribunaux nationaux de donner des conseils à ces mécanismes de justice informelle, notamment pour leur rappeler qu'ils ne doivent pas appliquer des règles allant à l'encontre des droits de l'homme et des femmes

Pour ce qui est de la lutte contre la corruption, la délégation a assuré que lorsqu'une affaire est portée devant les tribunaux, il est très difficile pour une personne d'échapper aux sanctions liées au crime qu'elle a commis ou au privilège qu'elle s'est octroyé. L'Afghanistan a adhéré à la Convention des Nations Unies contre la corruption et un comité de surveillance et de lutte contre la corruption a été mis sur pied conformément aux dispositions de cet instrument, a ajouté la délégation, précisant qu'une loi anticorruption a également été adoptée.

Une loi adoptée par le Parlement stipule que toute violence contre les femmes, y compris le harcèlement sexuel, est illégale, a poursuivi la délégation. Les organisations non gouvernementales aident les autorités à détecter les cas de violence. Le niveau d'alphabétisation des femmes n'atteint que 12% et il s'agit là d'un grave problème, a admis la délégation. Il est vrai que l'espérance de vie des femmes est inférieure à celle des hommes et cela est dû, en particulier, aux difficultés économiques et sociales, au mauvais accès aux services de santé maternelle et au niveau élevé de violence contre les femmes, a poursuivi la délégation. La délégation a précisé que l'Afghanistan disposait d'une Loi contre la discrimination à l'égard des femmes ou encore d'une Loi contre la discrimination à l'égard des minorités, mais ne dispose pas à ce stade de loi antidiscrimination globale.

Le taux de chômage en Afghanistan est de 33% de la population active, a confirmé la délégation, tout en rappelant que, tant les femmes que les hommes ont le droit de travailler. Les 34 provinces du pays disposent d'un département des affaires sociales, a-t-elle ajouté.

Le travail forcé – ou obligatoire – est interdit par la législation en vigueur, a par ailleurs souligné la délégation. Elle a ajouté que selon les statistiques officielles, le pays comptait 1,2 million d'enfants qui travaillent. Le pays a élaboré en 2006 une stratégie à l'intention des enfants en situation de risque, au nombre desquels figurent les enfants qui travaillent, a-t-elle précisé. L'Afghanistan a ratifié en 1994 la Convention relative aux droits de l'enfant et a présenté son rapport initial au Comité des droits de l'enfant en 2009, a en outre rappelé la délégation. Des réseaux de protection des enfants, composés de représentants gouvernementaux et non gouvernementaux, ont été mis en place dans les divers districts et provinces du pays, a-t-elle poursuivi. Au total, quelque 260 000 enfants vulnérables ont bénéficié de services de protection au cours de l'année écoulée, a indiqué la délégation. Un quart des enfants qui travaillent ont moins de 6 ans; 41% ont entre 6 et 9 ans; 25% ont entre 9 et 12 ans; et 9% ont entre 12 et 15 ans, a-t-elle précisé. La délégation a par ailleurs fait part de la création d'une commission de lutte contre le trafic de personnes suite à une loi contre ce phénomène adoptée en 2008. En 2009, le phénomène a marqué le pas, a-t-elle fait valoir.

En Afghanistan, a poursuivi la délégation, le salaire minimum évolue entre 65 à 125 dollars selon les secteurs. Les autorités souhaitent relever le seuil des salaires minima en faisant en sorte qu'ils soient tous au moins égaux à 125 dollars, a-t-elle fait savoir. Il existe bel et bien en Afghanistan un système de négociation collective entre employeurs et travailleurs, a en outre assuré la délégation. En revanche, le Code du travail ne contient pas de disposition en la matière, a-t-elle ajouté.

Une aide sera apportée à l'Afghanistan par l'Organisation internationale du travail, sous forme de conseils et d'assistance, pour tout ce qui a trait au travail et à la sécurité sociale, a d'autre part indiqué la délégation.

Le secteur informel en Afghanistan concerne des millions de personnes qui travaillent dans l'agriculture, a rappelé la délégation. Lorsque le système de sécurité sociale sera mis en œuvre de façon universelle, ces personnes seront couvertes: voilà l'espoir que nous avons et l'objectif que nous nous sommes fixé pour le pays, a-t-elle déclaré.

En ce qui concerne la situation des migrants afghans sans papiers, la délégation a indiqué que les autorités afghanes sont en contact avec les autorités iraniennes qui souhaitent autoriser ces personnes à travailler à condition qu'elles disposent d'un passeport afghan; des négociations sont en cours entre les deux pays en vue de signer un protocole concernant les conditions de travail des travailleurs afghans en Iran, a précisé la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que l'Arabie saoudite compte 100 000 ressortissants afghans. Suite à des négociations menées l'an dernier avec les autorités saoudiennes, les règles pour l'octroi de visas à ces personnes ont changé.

Répondant à des questions sur les réfugiés afghans qui reviennent en Afghanistan, la délégation a notamment indiqué que l'Afghanistan avait créé, il y a cinq ans, un Ministère des réfugiés. Le Gouvernement a prévu de distribuer des terres à ces personnes qui reviennent et se retrouvent sans foyer; mais cela ne va pas sans poser d'immenses problèmes. En effet, la question de la terre pose de graves problèmes en Afghanistan, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer quelles terres appartiennent à l'État et lesquelles sont privées. Les réfugiés souhaitent généralement rester près des villes; or, autour des villes, il n'y a pas de terres disponibles, a expliqué la délégation.

La loi sur l'éducation interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires, a par ailleurs souligné la délégation. Les enseignants coupables de telles violences sont passibles de sanctions disciplinaires, a-t-elle précisé. La violence au sein de la famille est, bien entendu, interdite par la loi, mais il n'en demeure pas moins qu'il est difficile de déceler de tels cas de violence s'il n'y a pas plainte de la victime; il n'y a guère que les médias, voire les mollahs lors de leurs prêches, pour pouvoir mettre en lumière l'interdiction de ce type de violence, a souligné la délégation.

Au total, 40% de la population vivent sous le seuil de pauvreté, a rappelé la délégation. Elle a notamment fait part des objectifs du Gouvernement afghan en matière de lutte contre les stupéfiants, de promotion de l'emploi des jeunes et des femmes vulnérables, d'installation des réfugiés rentrant en Afghanistan et de protection des enfants en situation de risque – dont le nombre s'élève à six millions. La délégation a indiqué que le Gouvernement afghan avait pris un certain nombre de mesures pour accroître le revenu des familles pauvres. Elle a par ailleurs fait part de plusieurs programmes mis en place par les autorités, citant notamment le programme de promotion des soins médicaux en milieu rural et le programme de prêts.

En matière de santé, la délégation a également attiré l'attention sur le programme de services hospitaliers mis en œuvre afin de réduire les taux de mortalité maternelle et infantile. Plus de 2000 agents de santé communautaire, dont la moitié sont des femmes, ont été formés, a-t-elle ajouté. L'Afghanistan compte actuellement quelque 2500 infirmiers et infirmières alors que les besoins réels du pays seraient de 8000, a poursuivi la délégation. Elle a ensuite précisé que le pays comptait davantage d'infirmiers que d'infirmières et que l'Afghanistan ne compte que douze femmes capables de dispenser une formation d'infirmière. La délégation a en outre fait part des objectifs de l'État de réduire de moitié entre 2003 et 2015 le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans et de réduire de moitié entre 2002 et 2020 le taux de mortalité maternelle. D'après la Constitution, les services de santé doivent être fournis gratuitement par le Gouvernement, a indiqué la délégation, remerciant les donateurs extérieurs pour l'aide qu'ils apportent à cette fin.

Les taux d'accès à des services d'eau potable et d'assainissement se situent entre 7% et 5% respectivement, figurant ainsi parmi les plus faibles du monde, a ajouté la délégation.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a rappelé que selon la Constitution, le Gouvernement est tenu d'assurer des classes d'enseignement dans la langue des régions où ces langues sont parlées. Le budget du Ministère de l'éducation représente au total 15% du budget de l'État, a par ailleurs indiqué la délégation. En Afghanistan, le principe de l'égalité entre filles et garçons en matière d'éducation répond aux normes internationales, a d'autre part affirmé la délégation. Le pays compte 19 universités publiques et 21 universités privées, a en outre souligné la délégation. L'Afghanistan dispose par ailleurs de 42 centres de formation pour enseignants.

Pendant la période de troubles en Afghanistan, a rappelé la délégation, la plupart des musées ont été pillés, y compris celui de Kaboul. Les objets pillés sont désormais entre les mains de particuliers ou de musées étrangers. La délégation a souligné qu'il fallait que ces objets puissent être restitués à l'Afghanistan, même dans les cas où les personnes qui sont maintenant en possession de certains de ces objets les ont acquis de bonne foi sans savoir qu'ils avaient été volés. Aussi, les autorités afghanes souhaitent-elles à cette fin que la communauté internationale prenne en charge les frais de justice afin que l'Afghanistan puisse ester en justice pour retrouver les biens en question qui ont été pillés et volés.

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