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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture entend les réponses de la délégation du Liechtenstein

05 Mai 2010

APRES-MIDI
 
5 mai 2010
 

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Liechtenstein aux questions que lui avaient adressées, hier matin, les experts s'agissant des mesures prises pour mettre en œuvre la Convention.

Dirigée par M. Roland Marxer, Directeur du Bureau des affaires étrangères du Liechtenstein, la délégation a annoncé que le Code de procédure pénale serait révisé de sorte à autoriser la présence d'un avocat dès le premier interrogatoire par la police, une disposition qui jusqu'ici faisait défaut. Des membres du Comité s'étant pas ailleurs inquiétés de cas d'arrestation au cours desquels les yeux de la personne arrêtée sont couverts, la délégation a expliqué que cette pratique est exceptionnelle, et n'intervient que lorsqu'il y a un risque de représailles à l'encontre de l'officier de police. Enfin, en matière d'asile, la délégation a assuré que les autorités traitent les demandes au cas par cas, conformément à la loi sur les réfugiés qui a été élaborée en coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Aucun demandeur d'asile n'est détenu au Liechtenstein, a-t-elle insisté. Les requérants sont logés dans le Centre pour les réfugiés où ils peuvent bénéficier de soins de santé et de cours d'allemand, et reçoivent de l'argent de poche et de la nourriture.

Les autres questions auxquelles la délégation du Liechtenstein a répondu portaient notamment sur les méthodes d'interrogatoire; l'accès des détenus à un médecin; le traitement des plaintes pour mauvais traitements commis par les forces de police; le suivi des recommandations formulées par le mécanisme national de prévention; la manière dont le Liechtenstein s'assure que les droits de ses prisonniers purgeant leur peine dans une prison autrichienne sont respectés; la durée de la détention avant jugement; et les prérogatives du Prince régnant.

La délégation ayant précisé que la présence d'une personne de confiance aux côtés d'un mineur lors de son interrogatoire n'est prévue qu’à la demande du mineur, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liechtenstein, M. Xuexian Wang, s'est demandé pourquoi la présence d'une personne de confiance n'était pas obligatoire. Il s'est également demandé pourquoi une formation n'est prévue pour le personnel de la prison nationale qu'en cas de lacunes de formation et non pas de manière obligatoire. La corapporteuse, Mme Myrna Y. Kleopas, a pour sa part regretté que la torture ne soit pas incriminée en tant que délit spécifique. Elle a par ailleurs exprimé sa préoccupation qu'aucune disposition ne garantit l'accès à un médecin dès le début de la détention. Enfin, Mme Kleopas a souhaité savoir si des enquêtes ont été menées pour les cas d'abus de la force par la police.

Les conclusions et recommandations du Comité sur le rapport du Liechtenstein seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 14 mai prochain.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation de l'Autriche aux questions formulées par les experts lors de l'examen de ce matin.

 

Réponses de la délégation du Liechtenstein

S'agissant de l'accès à un avocat, la délégation a expliqué que selon le Code de procédure pénale, les avocats n'ont pas le droit d'être présents lors de l'interrogatoire, sauf dans le cas où la personne interrogée est mineure. Toutefois, ce Code va être entièrement révisé; la nouvelle version prévoit d'autoriser la présence d'un avocat dès le premier interrogatoire par la police; cette nouvelle loi devrait être adoptée d'ici à la fin de l'année.

En ce qui concerne les méthodes d'interrogatoire, tous les interrogatoires de police doivent faire l'objet d'un rapport écrit qui est soumis pour signature à la personne interrogée. Celle-ci peut apporter des modifications et refuser de signer. La délégation a ajouté, en réponse à la question d'un expert, que les interrogatoires ne sont pas enregistrés, à l'exception des entretiens avec les victimes de crimes sexuels.

Pour ce qui est de l'accès à un médecin, la délégation a indiqué qu'il n'y a pas de médecin présent en permanence dans la prison du Liechtenstein et ce, en raison de la petite taille de l'établissement. Le Bureau de la santé publique a mandaté un médecin privé pour qu'il se charge des soins des détenus et, le cas échéant, décèle des traces de torture. Ce médecin est indépendant et n'a rien à voir avec la police ou le personnel de la prison, a précisé la délégation.

Invitée à donner des détails sur le traitement des plaintes pour mauvais traitements commis par les forces de police, un représentant du Liechtenstein a indiqué que ces plaintes doivent être transmises au Commissaire national qui en informe ensuite le Ministère de l'Intérieur. Il a également souligné qu'aucune enquête n'est initiée sans en avoir informé le Procureur général.

Des experts s'étant inquiétés de cas d'arrestations musclées lors desquels les policiers auraient couvert le visage ou bandé les yeux de la personne arrêtée, la délégation a assuré que cette pratique n'est utilisée que de manière exceptionnelle. La police ne couvre le visage de la personne arrêtée que lorsqu'il y a suspicion de représailles à l'encontre du policier, a-t-elle expliqué.

Le mécanisme national de prévention de la torture ayant recommandé de proposer aux détenus la possibilité de travailler, la délégation a expliqué que la durée de la détention de la plupart des détenus de la prison de Vaduz est trop courte pour y suivre une formation professionnelle ou pour y travailler. Elle a d'autre part expliqué que la recommandation du mécanisme national de prévention relative à la nécessité d'obliger le personnel pénitentiaire à suivre une formation ne reflète pas la réalité: cette recommandation était fondée sur le fait qu'aucun des cinq officiers de la prison n'avait suivi de cours en 2009; en aucun cas, le mécanisme n'a pu observer des lacunes dans les compétences du personnel, a assuré la délégation.

Interrogée sur les accords entre l'Autriche et le Liechtenstein relatifs aux détenus, la délégation a précisé que le traité de 1982 qui régit la question des détenus définit clairement les différentes compétences des deux parties. En général, la loi autrichienne est applicable lors de l'arrestation de détenus en Autriche; la Cour du Liechtenstein reste compétente, par exemple pour toute interruption de la peine; en outre, la nouvelle loi d'exécution des peines du Liechtenstein - entrée en vigueur en 2008 - se fonde sur la loi autrichienne: par conséquent, un prisonnier du Liechtenstein qui devrait purger sa peine en Autriche ne voit aucune différence de traitement que son arrestation se soit produite en Autriche ou au Liechtenstein. Dans ce contexte, les autorités du Liechtenstein sont assurées que les détenus du Liechtenstein dans les prisons autrichiennes sont traités de manière équitable. En outre, la délégation a précisé que les autorités du Liechtenstein n'ont reçu aucune information, ni par les autorités autrichiennes, ni par les organisations non gouvernementales, ni par les prisonniers eux-mêmes, faisant état de mauvais traitement des détenus dans les prisons autrichiennes.

La délégation a également indiqué que le Liechtenstein a modifié les dispositions du Code de procédure pénale relatives à la détention avant jugement. La durée de cette détention est de 14 jours; le juge doit ensuite vérifier, y compris par le biais d'un entretien avec la personne détenue, s'il y a des raisons de prolonger cette détention; à défaut, la personne est immédiatement libérée. À l'inverse, la détention peut être prolongée d'un mois. Au total, la durée de la détention avant jugement ne peut excéder trois mois, voire 6 mois en cas de crime. La détention peut se monter à un an, uniquement pour les crimes punissables de plus de cinq ans d'emprisonnement, a ajouté la délégation, précisant toutefois que ce cas de figure est extrêmement rare.

Répondant aux questions des experts sur la procédure d'asile, un membre de la délégation a tout d'abord indiqué que le Liechtenstein avait connu, dans la seconde moitié de 2009, une arrivée massive de réfugiés de Somalie et d'Érythrée. Les autorités traitent les demandes au cas par cas, conformément à la loi sur les réfugiés, une loi qui, a-t-il précisé, a été élaborée en coopération avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés. En vertu de cette loi, les demandeurs d'asile peuvent rester au Liechtenstein jusqu'à la fin de la procédure. Aucun demandeur d'asile n'est détenu au Liechtenstein, a insisté la délégation. Les demandeurs d'asile sont logés dans le Centre pour les réfugiés où ils peuvent bénéficier de soins de santé, de cours d'allemand, d'argent de poche et de nourriture. La délégation a toutefois souligné qu'en raison de l'arrivée massive de réfugiés, le Centre a rapidement été rempli; des solutions temporaires ont dû être trouvées; ainsi un certain nombre de réfugiés - des hommes seuls - ont-ils été placés dans des abris prévus pour les situations d'urgence. La délégation a par ailleurs assuré que le principe de non-refoulement, stipulé dans l'article 3 de la Convention, s'applique à toutes les décisions.

Un expert s'étant enquis de l'intention du Liechtenstein de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la délégation a expliqué qu'un groupe de travail avait été chargé d'examiner les mesures requises pour l'incorporation de cette Convention et de son Protocole facultatif dans la législation du pays. Ce groupe poursuit encore son travail; il présentera son rapport final dans la seconde moitié de 2010.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'un nouveau Bureau d'assistance aux victimes a été créé en avril 2008. Ce Bureau est actuellement géré par une seule personne: un pédagogue, travailleur social. Dans le cas où cette personne ne serait en mesure d'assurer une assistance, elle coopère étroitement avec d'autres institutions dont le Bureau des affaires sociales ou le foyer des femmes. En réponse à une question du Comité, la délégation a précisé que les victimes de torture peuvent bénéficier de l'assistance prévue par la loi d'assistance aux victimes. Cette loi prévoit cinq formes d'aide: un service de conseils; une assistance sur le long terme; une contribution aux frais de l'assistance sur le long terme; des compensations; et une assistance juridique. Dans le cas où le crime a été commis au Liechtenstein, la victime bénéficie de ces cinq formes d'aide. Si le crime a été commis à l'étranger, la victime ne peut en bénéficier que s'il était résident du Liechtenstein au moment du crime. Par conséquent, un réfugié qui aurait été soumis à la torture dans un autre pays avant son arrivée au Liechtenstein n'est pas couvert par cette loi.

En ce qui concerne l'inspection des institutions psychiatriques, la délégation a expliqué que le mécanisme national de prévention est habilité à surveiller le traitement des personnes privées de liberté dans tous les centres de détention. Les lieux de détention autres que la prison nationale de Vaduz seront examinés à nouveau en 2010.

Répondant aux questions relatives à la violence domestique, la délégation a expliqué que le Code pénal prévoyait la pénalisation de toute une série de crimes qui peuvent être commis au sein du foyer. En ce qui concerne les mesures qui peuvent être prises en vertu de la loi sur la protection contre la violence, il peut par exemple être décidé d'expulser l'auteur du crime de son foyer ou de l'empêcher de s'approcher de sa victime. La délégation a précisé qu'en 2007, 17 personnes se sont réfugiées dans le foyer des femmes, desquelles 13 étaient résidentes du Liechtenstein. En 2008, sur les 13 personnes admises au foyer, seules 6 étaient des résidentes du Liechtenstein.

En matière de discrimination raciale, le Liechtenstein a adopté une série d'amendements au Code pénal établissant des sanctions pour les actes racistes, l'incitation à de tels actes et la diffusion d'idées xénophobes. Une étude a été menée sur l'extrémisme au Liechtenstein; le Gouvernement a, sur la base de cette étude, adopté un plan d'action visant notamment à accroître la sensibilisation aux dangers de l'affiliation aux mouvements d'extrême droite.

Répondant à des questions sur le rôle du Prince régnant, la délégation a expliqué que son pouvoir était contrebalancé par les droits démocratiques étendus du peuple du Liechtenstein. Le Prince agit comme Chef de l'État; il représente l'État dans ses relations avec l'étranger. Il peut dissoudre le Parlement et demander la démission du gouvernement; il a le droit d'accorder la grâce ou une diminution des peines. Le Prince est également chargé de la nomination des juges; l'élection des juges est toutefois préparée par un organe spécial composé de représentants du Parlement: si le Parlement élit un candidat, le Prince doit le nommer. Le Prince exerce ses droits conformément à la Constitution, a assuré la délégation, un expert s'étant enquis de la manière dont le pouvoir du Prince était contrôlé.

Enfin, la délégation a assuré le Comité que toute personne qui estime que ses droits ont été violés pouvait porter plainte auprès de la Cour constitutionnelle. La compétence de cette Cour lui permet de statuer sur des plaintes individuelles. Le cas échéant, la victime peut aussi saisir la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, a ajouté la délégation.

Questions et observations supplémentaires des membres du Comité

MME MYRNA Y. KLEOPAS, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Liechtenstein, a regretté que la torture ne soit pas incriminée en tant que délit spécifique, une préoccupation qu'elle avait déjà exprimée hier.

La corapporteuse s'est félicitée de la nouvelle loi garantissant la présence d'un avocat au cours des interrogatoires. Elle a souhaité connaître la position des autorités du Liechtenstein s'agissant de l'enregistrement audio ou vidéo de tous les interrogatoires et pas uniquement des témoignages des victimes de crimes sexuels.

Constatant par ailleurs qu'aucune disposition ne garantit l'accès à un médecin dès le début de la détention, l'experte a demandé à la délégation de fournir des informations supplémentaires sur la manière dont le Liechtenstein veille à assurer ce droit.

Mme Kleopas a aussi souhaité savoir s'il existe une disposition stipulant que toute victime de torture peut recevoir une indemnisation de la part de l'État.

Revenant sur les accords entre le Liechtenstein et l'Autriche concernant les détenus, la corapporteuse a souhaité savoir, dans le cas d'une plainte déposée par un détenu du Liechtenstein dans une prison autrichienne, qui se chargera de l'enquête et qui paiera l'indemnisation.

D'autre part, l'experte a dit avoir reçu des informations selon lesquelles l'État ferait pression sur les demandeurs d'asile afin qu'ils quittent le Liechtenstein; elle a demandé à la délégation de s'exprimer sur ce sujet.

Enfin, Mme Kleopas a souhaité savoir si des enquêtes ont été lancées pour les cas d'abus de la force par les forces de police, comme par exemple des cas de recours disproportionné à la force ou de l'emploi exagéré de menottes.

M. XUEXIAN WANG, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liechtenstein, a requis un complément d'informations sur la formation dispensée au personnel de la prison nationale. Il s'est demandé pourquoi, au vu des détails donnés par la délégation, une formation n'est prévue pour le personnel de la prison nationale qu'en cas de lacunes de formation et non pas de manière obligatoire ou avant que les lacunes de compétences n'apparaissent.

Il a constaté que la présence d'une personne de confiance aux côtés d'un mineur lors de son interrogatoire ne semble prévue que sur la demande du mineur. Il a souhaité savoir pourquoi la présence d'une personne de confiance n'est pas obligatoire.

Réponses complémentaires de la délégation

Face aux questions complémentaires des experts, la délégation a indiqué qu'elle enverra ses réponses par écrit. Réagissant à certaines questions, elle a toutefois dit n'avoir aucune information s'agissant d'une prétendue pénurie d'avocats au Liechtenstein. Elle a reconnu qu'il était possible que certains requérants d'asile aient eu de la difficulté à obtenir une aide juridique; toutefois, ce cas de figure est loin d'être courant. Une aide juridique gratuite est mise à la disposition des requérants, a-t-elle insisté.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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