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Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Panama
02 mars 2010
2 mars 2010
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Panama sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, M. Jorge Ricardo Fabrega, Vice-Ministre du Gouvernement et de la justice du Panama, a rappelé qu'historiquement, le Panama se caractérisait par sa société multiraciale, pluriethnique, multilingue et cosmopolite qui rejette toute doctrine fondée sur la supériorité ou la différence raciale ainsi que tout acte qui affecte la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques. Le gouvernement actuel a concentré ses efforts sur la situation des minorités ethniques par le biais de l'application de politiques publiques visant à garantir la pleine jouissance des droits à tous, ressortissants ou étrangers, y compris les afrodescendants, les autochtones, les personnes handicapées, les groupes marginaux et les secteurs les plus vulnérables de la société. Le Panama a créé la Commission spéciale pour l'établissement d'une politique gouvernementale visant la pleine inclusion de l'ethnie noire panaméenne et le Conseil national de l'ethnie noire. Pour ce qui est de la thématique autochtone, le Panama s'est attaché à assurer le bien-être de ce groupe; c'est l'un des rares pays du monde où il existe une délimitation territoriale pour l'usage exclusif des populations autochtones, a fait valoir le Vice-Ministre.
La délégation panaméenne était également composée de représentants du Ministère du gouvernement et de la justice et du Ministère des relations extérieures. Elle a fourni aux membres du Comité des compléments d'information en ce qui concerne, en particulier, la situation des populations autochtones, notamment pour ce qui a trait aux recensements de la population, aux religions autochtones, aux terres ancestrales ou encore à l'éducation. Elle a également apporté des réponses aux questions soulevées s'agissant des Afro-Panaméens et a exposé les raisons pour lesquelles Panama n'accède pas à la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux.
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport du Panama, M. José Francisco Cali Tzay, a exprimé sa préoccupation face aux différences qui existent entre les informations fournies par la délégation et celles apportées par les organisations non gouvernementales. M. Cali Tzay a en particulier évoqué la situation des Afro-Panaméens et des autochtones au sujet desquels des questions se posent. Le racisme et de la discrimination raciale s'expriment à l'encontre des autochtones panaméens et c'est d'ailleurs ce qui explique que parfois, ils fuient ou renient leur identité, a-t-il notamment souligné.
Le Panama était le dernier pays devant présenter un rapport au cours de la présente session du Comité, qui terminera ses travaux le vendredi 12 mars en rendant publiques ses observations finales sur les rapports des onze pays examinés depuis le 15 février dernier.
Présentation du rapport
M. ALBERTO NAVARRO BRIN, Représentant permanent du Panama auprès des Nations Unies à Genève, a pris la parole à l'ouverture de ce dialogue pour exprimer sa solidarité avec le peuple et le Gouvernement chiliens qui viennent d'être frappés par une grande catastrophe.
M. JORGE RICARDO FABREGA, Vice-Ministre du Gouvernement et de la justice du Panama, a ensuite présenté le rapport, rappelé qu'historiquement, le Panama se caractérisait par sa société multiraciale, pluriethnique, multilingue et cosmopolite qui rejette toute doctrine fondée sur la supériorité ou la différence raciale ainsi que tout acte qui affecte la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et des droits civils et politiques. Jour après jour, le Gouvernement panaméen continue de promouvoir l'adoption de mesures susceptibles de mettre à jour et d'éradiquer tout type de pratique discriminatoire, a-t-il poursuivi. Il est toujours plus efficace de chercher à contrôler et contenir une pratique discriminatoire dès le début, avant qu'elle ne prenne forme, et d'éviter ainsi de se laisser entraîner aveuglément par l'inertie, a-t-il souligné. Le Panama reconnaît l'importance que revêt, dans ce contexte, l'éducation et ne ménage aucun effort pour promouvoir l'enseignement en matière de droits de l'homme, a-t-il ajouté. L'éducation est un facteur déterminant dans la promotion, la diffusion et la protection des valeurs démocratiques de justice et d'équité, a-t-il insisté.
Le Gouvernement actuel a concentré ses efforts sur la situation des minorités ethniques par le biais de l'application de politiques publiques visant à garantir la pleine jouissance des droits à toutes les personnes, ressortissants ou étrangers, se trouvant sur le territoire national, y compris les afrodescendants, les autochtones, les personnes handicapées, les groupes marginaux et les secteurs les plus vulnérables de la société, a indiqué M. Fabrega. À cette fin, a-t-il précisé, la nouvelle administration de l'État panaméen a lancé une série de programmes visant à élargir l'accès à l'éducation, à étendre la participation de la femme dans tous les domaines et à assurer et promouvoir la pleine jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous.
Résumant ensuite les réponses apportées par son pays à la liste de questions écrites préalablement adressée au Panama par le Comité, M. Fabrega a souligné que la position de l'État panaméen pour ce qui est de protéger le droit à la non-discrimination a toujours été très claire, bien avant même que le pays n'adhère à la Convention en 1967, comme en témoigne le fait que l'article 21 de la Constitution de 1956 – modifié depuis – abordait déjà le thème de la non-discrimination. L'article 19 de la Constitution dispose qu'«il n'y a pas de statut ou de privilège personnels ni de discrimination fondée sur la race, la naissance, la classe sociale, le sexe, la religion ou les idées politiques», a rappelé M. Fabrega. Par ailleurs, a-t-il ajouté, l'article 4 de la Constitution établit que la République de Panama respecte les normes du droit international.
Le Vice-Ministre a en outre attiré l'attention sur la loi n°16 de 2002 qui régit le droit d'admission dans les établissements publics et prévoit des mesures afin d'éviter la discrimination. L'article 2 de cette dernière loi stipule qu'elle a pour objectif de condamner la discrimination, sous toutes ses formes, et de promouvoir l'adoption de mesures nécessaires pour que les divers groupes de la société, comme les peuples autochtones, les afrodescendants et les secteurs exclus, puissent jouir des droits énoncés dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Conformément à l'article 8 de cette loi n°16, a été créée une Commission nationale contre la discrimination chargée d'analyser l'application, par le Panama, de ladite Convention, a poursuivi M. Fabrega. Par ailleurs, a-t-il ajouté, le pays dispose d'interdictions explicites de la discrimination telles que celles énoncées dans le Code pénal en référence aux crimes contre l'humanité ou aux crimes contre le droit international des droits de l'homme. En outre, le Code pénal contient des dispositions relatives aux délits contre la liberté de culte et sanctionne également les délits contre la liberté et l'intégrité sexuelles. Enfin, la loi du 22 avril 2005 interdit la discrimination dans le domaine du travail pour des raisons de race, de naissance, de handicap, de classe sociale, de sexe, de religion ou d'idée politique.
M. Fabrega a ensuite fait part des nombreux programmes, plans, politiques et institutions dont dispose le Panama pour lutter contre la discrimination raciale, attirant notamment l'attention sur l'institution du Défenseur du peuple et sur la Commission nationale contre la discrimination présidée par ledit Défenseur, ou encore sur le Bureau de l'égalité des chances créé au sein du Ministère du gouvernement et de la justice. Il a également mentionné la Commission spéciale pour l'élaboration d'une politique gouvernementale visant l'intégration de l'ethnie noire panaméenne – Commission qui a créé le Secrétariat national pour le développement des Afro-Panaméens (SENADAP).
Afin de favoriser la participation populaire à l'élaboration des politiques publiques, la loi n°6 de 2002 stipule que les institutions de l'État ont l'obligation de permettre la participation des citoyens dans tous les actes de l'administration publique susceptibles d'affecter les intérêts et les droits de groupes de citoyens, a poursuivi M. Fabrega.
Le Vice-Ministre a par ailleurs indiqué que, dans le cadre de ses efforts visant à inclure pleinement l'ethnie noire, le Panama a adopté le décret exécutif n°124 du 27 mai 2005 portant création de la Commission spéciale pour l'établissement d'une politique gouvernementale visant la pleine inclusion de l'ethnie noire panaméenne. Par la suite, en mai 2007, a été adopté le décret exécutif n°116 portant création du Conseil national de l'ethnie noire – Conseil qui applique un plan d'action permettant de garantir la participation de la population afropanaméenne, sur un pied d'égalité et en toute équité, aux processus de développement de la société et du pays. L'un des grands progrès auxquels est parvenu le SENADAP est d'avoir obtenu que soit inscrite, dans le cadre du recensement de la population qui se déroulera en mai prochain, une question se rapportant à l'ethnie noire ou afrodescendante et autochtone, a poursuivi M. Fabrega. Avec l'inclusion d'une telle perspective ethnique dans le recensement, a-t-il souligné, un pas est accompli pour élargir les possibilités d'investigations susceptibles de servir de base à l'élaboration de politiques publiques différenciées visant la satisfaction de besoins particuliers en prenant comme point central l'appartenance à un groupe ethnique particulier.
Depuis sa création en 1998, la Commission nationale d'assistance aux réfugiés a accordé une protection à quelque 752 réfugiés, a par ailleurs fait valoir M. Fabrega. Il a en outre attiré l'attention sur les objectifs sociaux et stratégiques poursuivis par le Gouvernement en vue de réduire la pauvreté et d'améliorer la répartition des revenus dans le pays. Le programme d'alphabétisation a déjà permis d'alphabétiser plus de 21 000 personnes, a-t-il souligné, précisant que l'objectif est d'alphabétiser 168 000 personnes. Le Vice-Ministre du Gouvernement et de la justice a par ailleurs fait part des programmes de nutrition et de distribution alimentaire dans les zones autochtones exécutés par le SENADAP.
Pour ce qui est de la thématique autochtone, a poursuivi M. Fabrega, le Panama s'est caractérisé par le bien-être de ce groupe; c'est l'un des rares pays du monde où il existe une délimitation territoriale pour l'usage exclusif des populations autochtones, a-t-il fait valoir, précisant que pour l'heure, le Panama compte cinq «comarcas», à savoir celles de Kuna Yala, Emberá de Darién, Ngöbe-Buglé, Kuna de Madungandí et Kuna de Wargandí. Le Vice-Ministre a par ailleurs fait état de l'existence d'un accord de coopération avec le Costa Rica afin de permettre aux autochtones de la zone de travailler au-delà des frontières en garantissant la libre circulation des personnes entre les deux frontières.
La politique sociale du Gouvernement panaméen met désormais l'accent sur les groupes de population afrodescendants et autochtones, avec pour objectif affiché d'appliquer des politiques visant à garantir la participation de ces groupes, sur un pied d'égalité et en toute équité, aux processus de développement de la société et du pays.
Le rapport périodique du Panama (CERD/C/PAN/15-20, document regroupant les quinzième à vingtième rapports) indique que le pays est aujourd'hui une nation pluriculturelle et pluriethnique, qui abrite une pléthore de races − métis, autochtones, Orientaux, Antillais d'origine africaine, Hébreux, Hindous, Arabes et Européens, parmi d'autres. Depuis l'instauration de la République, l'État s'est employé à façonner l'image de la nationalité panaméenne et s'est efforcé d'établir des règles et des modèles culturels communs à tous les groupes sociaux qui vivent sur le territoire national afin de renforcer l'identité nationale. Le pays s'est attaché au cours des dernières années à accorder une attention prioritaire à la situation des minorités ethniques, des autochtones, des personnes handicapées, des groupes marginalisés et des secteurs les plus vulnérables de la société et poursuit dans cette voie, ajoute le rapport. Ses efforts en ce sens sont axés tout particulièrement sur l'éducation en tant que moyen qui permettra aux citoyens panaméens et à la société panaméenne dans son ensemble, de développer tout leur potentiel.
Face aux manifestations déguisées de discrimination raciale, les autorités nationales compétentes ont institué des règles claires afin de faire cesser ces pratiques. C'est ainsi que la coordination nationale des organisations noires panaméennes a dénoncé le fait qu'un certain nombre d'établissements privés d'enseignement secondaire se réservaient le droit de décider de l'inscription d'un élève en fonction de sa couleur ou instauraient des règles qui empêchaient les filles d'ascendance africaine de porter des coiffures traditionnelles. Des pratiques analogues avaient aussi été constatées dans des bars, des restaurants et des discothèques, réprouvées au demeurant par l'opinion publique. Autre manifestation de discrimination: les obstacles à l'accès au marché du travail qui consistent à exiger du demandeur d'emploi la présentation d'une photographie, ce qui signifie qu'un Noir à moins de chances de trouver un emploi. Il existe aujourd'hui une règle interdisant d'exiger des candidats à un emploi de joindre une photographie à leur curriculum vitae. La discrimination raciale n'est pas un problème au Panama et en ce qui concerne la xénophobie l'État tient fidèlement compte des orientations données à cet égard par des organes des Nations Unies, affirme le rapport.
La Direction nationale de la politique autochtone, créée par la loi no 18 de 1952, a pour mission de veiller au développement économique et social des communautés autochtones dans le cadre du Plan national de développement, tout en respectant leurs valeurs politiques et culturelles, indique par ailleurs le rapport. Parmi les pays d'Amérique, le Panama est un de ceux dans lesquels la loi confère aux autochtones la plus grande autonomie territoriale, souligne-t-il. Le problème des peuples autochtones est une priorité du Gouvernement qui a mis en œuvre, par l'intermédiaire de la Direction nationale de la politique autochtone, une série de programmes dont celui du projet de développement Kuy Yala, qui a pour objet de renforcer la capacité des Kunas d'administrer leur territoire de manière durable. Divers programmes de nutrition et de distribution d'aliments sont en cours dans les zones autochtones, ajoute le rapport.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Panama, s'est réjoui de cette reprise du dialogue de Panama avec le Comité. Incontestablement, la première préoccupation qui me vient à l'esprit est de connaître l'espace réel qu'occupe la Convention dans la législation du Panama, a souligné M. Cali Tazy. Quel est le statut exact de la Convention au Panama, a-t-il ainsi demandé?
Quel est le statut précis des cinq «comarcas» (régions) autochtones dont il est question aux paragraphes 4 et 6 du rapport, a en outre demandé M. Cali Tzay? Quelle(s) différence(s) le Panama établit-il entre minorités ethniques et autochtones, s'est-il également interrogé? Un autre expert s'est quant à lui enquis des garanties des droits des peuples autochtones dans ces cinq régions, pour ce qui est, en particulier, du droit foncier, du droit à la consultation effective (des peuples autochtones) avant toute décision touchant leurs terres ou encore du droit à compensation en cas d'activités susceptibles d'affecter leurs droits.
Y a-t-il eu des invocations ou des applications judiciaires de l'article 39 de la Constitution qui dispose que «ne sont pas reconnues les associations dont la création est inspirée par des idées ou des théories fondées sur la prétendue supériorité d'une race ou d'un groupe ethnique, ou qui justifient ou encouragent la discrimination raciale», a également souhaité savoir l'expert? Quel statut précis l'article 35 de la Constitution accorde-t-il aux religions des peuples autochtones, a également demandé le rapporteur?
Relevant l'affirmation qui figure dans le rapport selon laquelle le Panama est l'un des pays d'Amérique où les autochtones jouissent de la plus grande autonomie territoriale en vertu de la législation en vigueur, l'expert a souhaité en savoir davantage sur le fondement juridique de cette autonomie territoriale. Qu'en est-il du statut des terres ancestrales autochtones dans la législation panaméenne? Il a en outre souligné que certains autochtones ne semblent pas être favorables au projet dit du «Tapón de Darién» ni au projet de conservation de la biodiversité à Darién.
Si tant est que cela soit avéré, quelles sont les raisons expliquant que le programme d'éducation bilingue espagnol/langues autochtones ait été suspendu ou annulé, a demandé le rapporteur?
Relevant que le Gouvernement s'est fixé comme priorité la résolution du «problème des peuples autochtones», M. Cali Tzay s'est enquis de la nature de ce problème. Quelle valeur le Panama accorde-t-il à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a-t-il demandé? Qu'en est-il en outre de la position du pays s'agissant d'une éventuelle ratification de la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) relative aux peuples indigènes et tribaux?
Relevant la volonté des autorités panaméennes de garantir la participation des Afro-Panaméens, dans des conditions d'équité, au processus de développement du pays, M. Cali Tzay a souhaité savoir si les Afro-Panaméens ont manifesté leur désir d'être pleinement inclus dans la société panaméenne et s'ils revendiquent des spécificités culturelles.
Un expert a pour sa part rappelé qu'en 1911, 71% de la population panaméenne avaient des origines africaines; il n'est donc pas étrange qu'aujourd'hui, les leaders afropanaméens revendiquent une population d'environ 60% du total national. Affirmant s'être rendu au Panama, cet expert a jugé extrêmement important d'aborder la question afropanaméenne et a relevé de nombreux aspects positifs dans les efforts déployés à cet égard par le pays. Il s'est félicité que le Panama ait soutenu l'initiative visant à proclamer l'année 2011 comme Année internationale des personnes d'ascendance africaine dans le monde.
Il faut toutefois reconnaître que le racisme et l'exclusion sociale existent au Panama comme ailleurs en Amérique latine, a souligné cet expert. Évoquant la situation assimilable à un apartheid qui prévalut un temps dans la province de Choco de son pays - où une entreprise d'exploitation dirigée par des blancs gérait des écoles et autres lieux dont l'accès était interdit aux noirs -, cet expert a indiqué que, dans la dynamique de la construction du canal de Panama, on a assisté à un phénomène analogue qui peut expliquer en partie la situation de marginalisation de certaines communautés. Ce même expert s'est inquiété d'une situation où les mesures de couvre-feu décrétées dans le pays semblent être appliquées de manière disproportionnée à l'encontre des jeunes afropanaméens. Cet expert s'est en outre enquis de la ventilation par groupes ethniques de la population carcérale panaméenne.
L'affirmation, contenue dans le rapport du Panama, selon laquelle la discrimination raciale n'existe pas dans le pays n'est pas acceptable pour le Comité et est d'ailleurs contredite par d'autres paragraphes de ce même rapport ainsi que par l'existence de plaintes et de dénonciations à ce sujet, a souligné un membre du Comité.
Informations complémentaires fournies par la délégation
La délégation a rappelé que le Panama est un pays de transit, de commerce, abritant de nombreuses cultures qui se sont fondues de telle sorte que, si certaines ethnies restent entières et ont conservé leur origine, d'autres se sont mélangées.
En ce qui concerne les questions autochtones, la délégation a fait observer que la politique pour le développement des autochtones a obtenu d'importants acquis au Panama; les autochtones ont en effet cessé d'être des objets et sont devenus des sujets de leur propre développement, a-t-elle souligné. Différentes directions et départements existent au niveau des différents ministères (santé, développement agricole, jeunesse, économique et finances…) qui traitent des questions autochtones, a-t-elle rappelé.
À partir du recensement de 1970, le Panama a souhaité redéfinir le concept de population autochtone utilisé dans le contexte du recensement. Jusqu'alors, on considérait comme autochtone toute personne vivant dans une zone où vivaient des autochtones, mais ce concept était basé sur des critères par trop géographiques. Pour le recensement de 1990, la définition a donc été étoffée en ayant recours à des critères liés à la langue et aux conditions économiques et socioculturelles, entre autres.
Pour ce qui est de la question des religions des peuples autochtones, la délégation a indiqué que la législation régissant le développement des peuples autochtones a clairement énoncé les dispositions visant à assurer le respect des différentes traditions religieuses des «comarcas» autochtones.
S'agissant du concept de «terres ancestrales», la délégation a rappelé que selon la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, les peuples autochtones disposent de terres, territoires et ressources qui ont été les leurs et, le cas échéant, ont droit à réparation par le biais de restitutions ou d'indemnisations justes et équitables. Au Panama, de nombreux territoires représentant 22,5% du territoire national ont été définis comme étant au bénéfice des peuples autochtones, pour une superficie totale de 16 953 kilomètres carrés – sans compter les zones qui seront ultérieurement définies comme propriété collective et permettront d'atteindre un total couvrant environ 30% du territoire national, a indiqué la délégation.
La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur le décret exécutif n°274 de 2007 qui portait création de la Direction nationale de l'éducation interculturelle bilingue. Elle a ajouté que l'Assemblée nationale a été saisie d'un projet de loi ayant fait l'objet de consultations auprès de toutes les «comarcas» autochtones, qui vise à mettre en œuvre un programme scolaire bilingue.
Précisant la manière dont le pays appréhende les notions de «comarcas» et de terres collectives, la délégation a expliqué que la notion de «comarcas» a toujours été utilisée au Panama pour délimiter les terres des sept principaux groupes autochtones résidant dans le pays. La «comarca» présuppose une certaine organisation - ou structuration - territoriale, a-t-elle ajouté. On s'est efforcé, à travers l'instauration de la «comarca», de légaliser la propriété des terres pour l'usufruit des communautés concernées, a insisté la délégation.
Au total, 165 familles sont touchées par les effets du projet Changuinola, dans la province de Bocas del Toro, a indiqué la délégation; l'écrasante majorité d'entre elles ont déjà conclu un accord assorti d'une indemnisation économique par l'entreprise à l'origine de ce projet, a-t-elle ajouté.
Le Gouvernement ne permettra pas que l'on viole les droits des peuples autochtones, a assuré la délégation. On ne pourra pas violer les droits historiques des communautés autochtones qui se trouvent dans les «comarcas», a-t-elle précisé. Toutes les personnes ayant des documents qui prouvent leur propriété verront leurs droits respectés, a-t-elle ajouté.
En ce qui concerne la situation spécifique de l'ethnie noire au Panama, la délégation a rappelé que selon la Constitution (article 19), «il n'y a pas de statut ou de privilège personnels ni de discrimination fondée sur la race, la naissance, la classe sociale, le sexe, la religion ou les idées politiques». La loi d'avril 2002 réglemente le droit d'admission aux établissements publics et prévoit la possibilité de déposer une plainte auprès du bureau du Défenseur du peuple en cas de discrimination dans ce domaine, a-t-elle ajouté. Elle a également rappelé l'existence du Conseil national de l'ethnie noire – organe composé de 13 membres issus d'organisations de la société civile compétentes dans le domaine de l'ethnie noire et de 4 membres représentant le pouvoir exécutif.
En réponse aux allégations de marginalisation de l'ethnie noire au Panama, la délégation a assuré que tel n'était pas le cas. Au Parlement, neuf députés sont d'ascendance africaine, a-t-elle fait valoir, attirant en outre l'attention sur les nombreux sportifs noirs de renom que possède le pays.
Un membre du Comité ayant souhaité savoir si, aux yeux des autorités panaméennes, il existe des cas de racisme et de discrimination raciale au Panama, la délégation a admis qu'il existe dans ce pays un processus de discrimination qui remonte à l'apparition des premiers esclaves. Oui, bien sûr, comme ailleurs, il y a des cas de discrimination au Panama; mais ce qui est certain, c'est que le Gouvernement n'a pas l'intention d'autoriser ni de tolérer cette attitude de la part de qui que ce soit, a souligné la délégation.
Le Panama n'a pas ratifié la Convention n°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux pour diverses raisons et notamment en raison d'incompatibilités existantes entre les dispositions de cet instrument et la législation panaméenne, a par ailleurs indiqué la délégation. De plus, cette Convention n'admet aucune réserve, contrairement à d'autres instruments internationaux. Le Panama considère par ailleurs que cette Convention dépasse la compétence de l'OIT car elle tend à instaurer des obligations qui dépassent les compétences de cette Organisation.
Observations préliminaires
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport panaméen, M. JOSÉ FRANCISCO CALI TZAY, a remercié la délégation panaméenne pour ce dialogue très utile. À titre liminaire et personnel, il a exprimé sa satisfaction pour la manière dont cette délégation a répondu aux questions du Comité. Il a toutefois exprimé sa préoccupation face aux différences qui existent entre les informations fournies par la délégation et celles apportées par les organisations non gouvernementales. Il est préoccupant d'observer une telle asymétrie, a-t-il insisté, tout en soulignant qu'il est nécessaire d'établir un certain équilibre entre toutes ces sources d'information. M. Cali Tzay a en particulier évoqué la situation des Afro-Panaméens et des autochtones au sujet desquels des questions se posent. Il existe du racisme et de la discrimination raciale à l'encontre des autochtones panaméens et c'est d'ailleurs ce qui explique que parfois, ils fuient ou renient leur identité, a-t-il notamment souligné. Il s'est en outre demandé si certaines pratiques n'équivalaient pas à une violation du droit de libre circulation des Panaméens sur leur propre territoire. M. Cali Tzay a par ailleurs relevé que selon certaines affirmations, 84% des autochtones vivent dans une situation de pauvreté extrême. Au Panama, affirmait, il y a peu, un article de presse, il est dangereux d'être autochtone, a en outre fait observer le rapporteur. M. Cali Tzay a encouragé le Panama à adopter la Convention n°169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux.
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