Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport des Pays-Bas
24 février 2010
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport des Pays-Bas sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant le rapport de son pays, Mme Marilyn Haimé, Directrice de l'intégration au Ministère du logement, de l'aménagement du territoire et de l'environnement des Pays-Bas, a admis que le débat actuel sur l'immigration et l'intégration aux Pays-Bas avait parfois été mené avec une véhémence que l'on n'associe habituellement pas à son pays. Aussi, a-t-elle souhaité relativiser en expliquant que pouvoir dire ce que l'on ressent ou ce que l'on pense est l'un des piliers de la démocratie néerlandaise, ce qui peut aussi mener à un âpre débat, comme c'est le cas s'agissant de ces questions. Dans son récent rapport sur l'état social du pays, l'Institut néerlandais pour la recherche sociale a conclu qu'en dépit de la l'âpreté du débat politique sur l'intégration des minorités et de l'attention que cette question a suscitée dans les médias, l'attitude de la population était plus modérée ces dernières années. Mme Haimé a d'autre part déclaré que l'obligation morale pour les immigrants de consentir un supplément d'effort a été officialisée dans une procédure obligatoire d'intégration civique, notamment pour apprendre le néerlandais ainsi que les normes, les valeurs et les traditions néerlandaises. Elle a aussi attiré l'attention sur les nouvelles instructions données à la police de s'attaquer activement à la discrimination.
La délégation néerlandaise était composée d'autres représentants du Ministère du logement, de l'aménagement du territoire et de l'environnement, ainsi que du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires sociales et de l'emploi, du Ministère des affaires étrangères et des services du Procureur. Elle a apporté des réponses aux questions soulevées par les membres du Comité en ce qui concerne, notamment, la situation des minorités ethniques et de la minorité nationale des Frisons; la définition des migrants et le processus d'intégration applicable aux migrants souhaitant vivre aux Pays-Bas; les questions de logement; ou encore l'extrémisme politique.
Le rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport néerlandais, M. Dilip Lahiri, a salué les avancées majeures réalisées par le Gouvernement néerlandais au cours de la période couverte par le rapport, notamment la mise en place d'un réseau de bureaux locaux antidiscrimination, et relevé que plusieurs recommandations que le Comité avait émises en 2004 ont été prises en compte. Il a néanmoins conclu que la situation générale de la discrimination raciale s'était dégradée aux Pays-Bas, peut-être même davantage que dans les pays voisins. Dans ses observations finales, le Comité ne devrait pas manquer d'exprimer son embarras en ce qui concerne le changement de paradigme de la politique gouvernementale qui fait désormais retomber la principale responsabilité, pour ce qui est de l'intégration, sur les communautés minoritaires.
Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport des Pays-Bas, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 12 mars 2010.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Japon (CERD/C/JPN/3-6).
Présentation du rapport des Pays-Bas
MME MARILYN HAIMÉ, Directrice pour l'intégration au Ministère du logement, de l'aménagement du territoire et de l'environnement des Pays-Bas, a rappelé que samedi dernier, le Premier Ministre des Pays-Bas avait remis la démission des membres du Gouvernement appartenant au Parti travailliste, les différents membres de la coalition gouvernementale n'étant en effet pas parvenus à se mettre d'accord sur la question du maintien ou non des soldats néerlandais dans la province afghane d'Uruzgan. On s'attend à ce que la Reine demande aux ministres des autres partis de s'occuper des affaires courantes jusqu'à la tenue d'élections régulières l'an prochain ou leur demande de préparer des élections anticipées qui se tiendraient avant cet été.
S'agissant du débat actuel sur l'immigration et l'intégration aux Pays-Bas – débat qui n'est pas passé inaperçu dans d'autres pays - Mme Haimé a admis que parfois, ce débat avait été mené avec une véhémence que l'on n'associe habituellement pas aux Pays-Bas. Aussi, Mme Haimé a-t-elle souhaité remettre les choses en perspective en expliquant que la démocratie est vive aux Pays-Bas; pouvoir dire ce que l'on ressent ou ce que l'on pense est l'un des piliers de la démocratie néerlandaise, le débat pouvant alors être très âpre, ce qui est certainement le cas s'agissant de ces questions. Si, bien entendu, certaines personnes ont des points de vues extrêmes, nombreux sont ceux qui s'efforcent de trouver un terrain d'entente par le biais du débat, en dépit des différences d'opinion, a-t-elle assuré. Dans son récent rapport sur l'état social du pays, l'Institut néerlandais pour la recherche sociale a conclu qu'il y avait eu, aux Pays-Bas, un revirement clair de l'attitude des Néerlandais et qu'en dépit de l'âpreté du débat politique sur l'intégration des minorités – en particulier des musulmans – et de l'attention que cette question a suscitée dans les médias, l'attitude des gens est plus modérée ces dernières années. Alors qu'en 2000, plus de la moitié des Néerlandais estimaient qu'il y avait trop d'immigrants dans le pays, ils n'étaient plus que 39% en 2009.
Par ailleurs, a poursuivi Mme Haimé, les Pays-Bas disposent de tout un réseau d'institutions visant à combattre la discrimination. Le pays possède notamment un système de bureaux locaux antidiscrimination, une Commission sur l'égalité de traitement et un ombudsman national. Ainsi, les gens ont-ils toujours un endroit vers lequel se tourner pour adresser leurs plaintes. À cet égard, les Pays-Bas jouent un rôle de chef de file.
Mme Haimé a souligné que l'attention accordée par les autorités néerlandaises à la lutte contre la discrimination raciale s'inscrit dans une approche plus large du Gouvernement visant l'intégration des nouveaux venus. Pour le Gouvernement néerlandais, l'un des plus grands défis du XXIe siècle est de faire en sorte que chacun participe et soit inclus. La participation signifie non seulement d'avoir un travail et d'aller à l'école, mais aussi de jouer un rôle actif dans d'autres secteurs de la société néerlandaise, a précisé Mme Haimé. Quant à l'inclusion, elle signifie que chaque personne aux Pays-Bas compte, y compris les personnes qui sont nées ailleurs, a-t-elle ajouté. Ce défi est très important parce qu'au cours de ces dernières années, les attentats du 11 septembre, les attaques terroristes contre Londres et Madrid ou encore le meurtre du cinéaste Theo van Gogh ont contribué à une prise de conscience des tensions qui traversent la société néerlandaise et il est devenu patent que les insuffisances en matière d'intégration avaient entraîné de sérieux problèmes sociaux. Les «résidents néerlandais établis» ne se sentent plus chez eux dans leurs propres quartiers et, plus que jamais auparavant, nos nouveaux compatriotes, en particulier ceux d'origine «non occidentale», ont l'impression d'être jugés à la couleur de leur peau, à leur religion ou à leur nom et ne peuvent s'empêcher de penser qu'ils sont et resteront des citoyens de second rang. Le Gouvernement néerlandais prend ces problèmes très sérieusement et son objectif est celui d'une société dans laquelle chacun se sente chez soi – une société dans laquelle personne n'ait de raison de se sentir victime de discrimination ou défavorisé, a insisté Mme Haimé.
Le document gouvernemental sur l'intégration présenté en 2009 au Parlement a clairement indiqué que l'on attendait des immigrants qu'ils s'orientent vers la société néerlandaise et y contribuent, a poursuivi Mme Haimé. Cette obligation morale de consentir un supplément d'effort a été officialisée dans une procédure obligatoire d'intégration civique. En ce sens, l'intégration n'est pas un processus asymétrique, a déclaré Mme Haimé: il est demandé aux nouveaux arrivants de consentir un effort supplémentaire et en retour, la société néerlandaise investit en eux afin qu'ils puissent véritablement y participer. Ainsi, les cours d'instruction civique pour lesquels le pays dépense un demi-milliard d'euros chaque année visent-ils à aider les gens à apprendre le néerlandais ainsi que les normes, les valeurs et les traditions néerlandaises.
Soulignant qu'il ne faut pas se concentrer uniquement sur les problèmes, Mme Haimé a ensuite souligné qu'une classe moyenne de migrants était en train d'émerger. Un nombre sans cesse croissant de migrants parle le néerlandais, les résultats scolaires et la participation au marché du travail se sont améliorés et «l'entreprenariat ethnique» a plus que triplé en dix ans, a-t-elle précisé. En dépit des progrès réalisés, le pays en est encore à chercher à comprendre les problèmes qu'il rencontre. Certes, dans les débats qui s'animent s'agissant de ces questions, certaines personnes testent les limites de ce qui est permis et, parfois, les dépassent; mais le pays dispose de tribunaux indépendants qui statuent sur la nature discriminatoire des déclarations, a souligné Mme Haimé.
La discrimination empêche l'intégration, et le Gouvernement néerlandais rejette toute forme de discrimination, a par ailleurs souligné Mme Haimé. Qu'il s'agisse de railler un homosexuel dans la rue, d'insulter une personne en raison de sa religion ou de refuser un emploi à un jeune originaire d'une minorité ethnique, toutes les formes de discrimination sont également répugnantes, a-t-elle insisté. Les Pays-Bas sont une démocratie gouvernée par la primauté du droit, au sein de laquelle tous sont égaux, comme cela est stipulé à l'article premier de la Constitution et dans la Loi sur l'égalité de traitement.
Mme Haimé a rappelé que le rapport des Pays-Bas montrait que le Gouvernement n'avait ménagé aucun effort pour s'attaquer à la discrimination raciale. Présentant les faits nouveaux intervenus depuis décembre 2006, soit après la période couverte par le rapport, elle a attiré l'attention sur les nouvelles instructions concernant la discrimination qui ont été publiées à l'intention de la police et des services du Procureur et sont entrées en vigueur en décembre 2008. Ces instructions requièrent de la police qu'elle s'attaque activement à la discrimination, a-t-elle précisé. En juillet 2009, a poursuivi Mme Haimé, est entrée en vigueur la Loi sur les services municipaux antidiscrimination en vertu de laquelle chacun, dans le pays, jouit de l'accès à un service antidiscrimination auprès duquel il peut rechercher un service de médiation mais aussi un service d'assistance afin de déposer plainte auprès de la police ou de la Commission sur l'égalité de traitement. Les Pays-Bas sont le premier pays au monde à disposer d'une telle couverture nationale de services antidiscrimination, a fait remarquer Mme Haimé. Elle a également attiré l'attention sur les nouvelles dispositions de la Loi sur les conditions de travail en vertu desquelles il est demandé aux employeurs de mettre en place des politiques antidiscrimination, octroyant ainsi aux employeurs un rôle explicite en matière de lutte contre la discrimination sur le lieu de travail.
Eu égard à la situation politique actuelle des Pays-Bas, dont on ne peut dire si elle sera gérée par des forces de gauche ou de droite tant qu'un nouveau gouvernement n'aura pas été installé, il n'est pas possible de dire à quoi ressemblera la future politique du pays en matière de lutte contre la discrimination, a conclu, en substance, Mme Haimé.
Le rapport périodique des Pays-Bas (CERD/C/NLD/18, regroupant les dix-septième et dix-huitième rapports) indique que qu'après l'assassinat du cinéaste Theo van Gogh, survenu le 2 novembre 2004, des tensions entre la population néerlandaise de souche et des minorités ethniques se sont manifestées, ce qui a entraîné une hausse du nombre d'incidents racistes et xénophobes. Plusieurs mesures stratégiques ont été prises pour remédier à cette situation et améliorer la compréhension réciproque entre les groupes concernés. Parmi celles qui se sont révélées efficaces, il convient de citer la consultation fréquente de plusieurs organismes représentatifs des minorités ethniques, que le Gouvernement néerlandais a regroupés au sein du Comité consultatif national des minorités ethniques (LOM); la tenue régulière de réunions entre le Ministre du logement, des quartiers et de l'intégration et deux groupements d'organisations islamiques, le Bureau d'information pour les musulmans et l'administration publique (CGO) et le Groupe de contact islamique (CGI); l'adoption de politiques tendant à renforcer la capacité d'adaptation des minorités ethniques; le lancement de l'initiative pour la cohésion sociale. Ces mesures ont eu des résultats: en 2005 et en 2006, le nombre d'incidents racistes et xénophobes a considérablement diminué, fait valoir le rapport. Des efforts sont déployés pour créer un réseau national de services de lutte contre la discrimination, dont la tâche la plus importante consistera à enregistrer les plaintes, poursuit le rapport. L'organisation nationale de lutte contre la discrimination «Article premier» consigne les plaintes présentées aux bureaux locaux de lutte contre la discrimination et publie un rapport annuel. Le 1er janvier 2004, une modification des dispositions du Code pénal relatives à la lutte contre la discrimination est entrée en vigueur, avec pour effet d'alourdir la peine maximale sanctionnant les formes structurelles de discrimination, indique le rapport. Il fait en outre savoir que quelque 9,3 % des fonctionnaires de l'administration centrale sont issus d'une minorité ethnique.
Le Gouvernement néerlandais partage les préoccupations du Comité concernant la diffusion sur l'Internet de documents à caractère raciste et discriminatoire. Le grand nombre de plaintes présentées à la Permanence contre la discrimination sur l'Internet (MDI) est imputable à l'augmentation globale du nombre de personnes qui utilisent l'Internet et qui connaissent l'existence de la Permanence, d'une part, et au fait que, comme l'Internet est un moyen de communication relativement anonyme, il offre la possibilité aux individus et aux groupes racistes d'exprimer publiquement leurs idées, d'autre part. Dans son rapport annuel pour 2005, la Permanence contre la discrimination sur l'Internet indique avoir enregistré 1289 messages à contenu raciste cette année-là. En ce qui concerne les groupes ciblés, la Permanence a relevé que le nombre de déclarations visant des musulmans avait considérablement augmenté et, pour la première fois depuis sa création, elle a constaté que les musulmans étaient la minorité qui faisait l'objet du plus grand nombre de déclarations racistes (371). En revanche, cette même année, le nombre de déclarations antisémites (302) et, dans une moindre mesure, de propos discriminatoires visant les Néerlandais de souche (38) publiées sur l'Internet avait diminué.
Le rapport indique que certains quartiers caractérisés par une forte concentration d'immigrants sont très difficiles: le taux de chômage et d'abandon scolaire y est élevé, l'espace public n'y est pas utilisé de manière adéquate et les taux de criminalité sont importants. Rien ne prouve clairement que ces problèmes sont imputables à l'origine ethnique des populations concernées ou qu'ils sont liés à la situation socioéconomique défavorisée des immigrants. Toutefois, le Gouvernement est convaincu que, si la composition de la population était plus diversifiée dans ces quartiers, ceux ci y gagneraient. Dans ce contexte, la diversification doit être comprise non seulement comme le mélange de personnes de différentes origines ethniques mais aussi comme le mélange de diverses catégories socioéconomiques. Le Gouvernement met sur le marché différents types de logements, dont certains destinés aux catégories aisées, l'idée étant qu'un parc immobilier varié permet de diversifier la composition démographique d'un quartier et, avec le temps, d'en faire un «meilleur» quartier. Le Ministère de l'éducation s'efforce certes de lutter contre la ségrégation à l'école, mais les parents sont libres de choisir l'école dans laquelle ils souhaitent placer leur enfant et les écoles privées (contrairement aux écoles publiques) ne sont pas tenues d'accepter des élèves, souligne par ailleurs le rapport.
Conformément aux dispositions de la loi favorisant l'emploi des minorités (Wet SAMEN), toutes les entreprises de plus de 35 employés ont été invitées à soumettre un rapport indiquant combien elles avaient d'employés appartenant à une minorité ethnique (en confrontant ce chiffre aux objectifs régionaux) et quelle politique elles avaient adoptée afin de respecter le principe de proportionnalité défini dans ladite loi. Bien que le nombre d'entreprises qui présentaient un rapport annuel conformément à cette loi ait augmenté d'année en année, ses dispositions n'ont jamais été pleinement appliquées par toutes les entreprises. À l'origine, la loi favorisant l'emploi des minorités était une mesure temporaire et elle a été abrogée en 2004. Elle a toutefois été à l'origine du lancement de diverses activités, qui sont actuellement menées par le Réseau national de gestion de la diversité (DIV), organisme à travers lequel les pouvoirs publics aident les employeurs à mettre en application leurs politiques de promotion de la diversité. Après avoir connu une certaine amélioration, la situation des minorités ethniques sur le marché du travail s'est ensuite détériorée au cours des dernières années, fait ensuite savoir le rapport, et le taux de chômage au sein de ce groupe est passé de 10 % en 2000 à 16 % en 2005. Au cours de la même période, le taux de chômage au sein de la population néerlandaise est passé de 3,8 % à 5,2 %.
Examen du rapport
Questions et observations des membres du Comité
M. DILIP LAHIRI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Pays-Bas, a remercié la délégation pour sa présentation orale du rapport. Il a toutefois souligné qu'il eut été fort utile que le pays fît également rapport sur les Antilles et Aruba – eu égard, en particulier, au fait que les personnes de ces régions seraient devenues particulièrement la cible du racisme aux Pays-Bas. Le rapport traite essentiellement des événements intervenus durant les années 2005 et 2006, et la couverture des années antérieures 2002 à 2004 reste sommaire, alors qu'elles sont importantes du point de vue de l'évolution des politiques du pays s'agissant des questions raciales et minoritaires. Si la situation défavorisée des communautés minoritaires dans les domaines de l'éducation, du logement et de l'emploi est exposée en détail, la manière dont il est répondu à cette situation reste abordée de manière anecdotique. Il aurait été utile que le Comité reçoive davantage d'informations et de statistiques permettant d'expliquer les raisons du changement de direction de la politique néerlandaise que les organisations non gouvernementales ont mis en cause comme étant contraire aux positions traditionnelles de chef de file des Pays-Bas s'agissant de la lutte contre les manifestations de discrimination raciale.
Ces dernières années, a poursuivi M. Lahiri, la démographie néerlandaise, sous l'effet de l'immigration, a considérablement évolué dans le sens de la diversification. Près de 20% des 16,4 millions d'habitants du Royaume ont au moins un de leurs deux parents né en dehors du pays. Les migrants originaires de Turquie, d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie - sauf Indonésie, République de Corée et Japon - sont considérés, dans les statistiques officielles, comme étant «non occidentaux». Les personnes dont au moins l'un des deux parents est «non occidental» représentent près de 11% de la population néerlandaise. Les trois plus grandes communautés «non occidentales» (comptant chacune plus de 300 000 membres) proviennent de Turquie, du Maroc et de l'ancienne colonie néerlandaise du Suriname, a précisé M. Lahiri. Les estimations concernant les Roms et les Sintis situent leur nombre entre 3500 et 6000, alors que les gens du voyage sont évalués à 30 000. Les musulmans constituent la principale minorité religieuse du pays (avec environ 850 000 personnes, soit 5% de la population totale), suivis par les hindous (95 000) et les juifs (40 000). Pour un pays dont les émigrants et l'église dominante ont inspiré l'idéologie du système de l'apartheid en Afrique du Sud, qui s'est prolongé sur plusieurs générations avant de disparaître il y a seulement vingt ans, il est assez extraordinaire que les néerlandais aient réussi à éviter cette voie et soient au contraire parvenus à jouer un rôle de chef de file, parmi les pays européens, pour s'opposer à la discrimination raciale, tant au niveau international qu'au niveau interne. Ces circonstances placent bien évidemment la barre très haut pour les Pays-Bas dont les actions sont plus étroitement surveillées qu'ailleurs et où toute régression ne peut que susciter une déception plus profonde.
Comme ailleurs en Europe, a poursuivi M. Lahiri, la situation en matière de discrimination raciale s'est détériorée aux Pays-Bas ces dernières années, avec des tensions accrues entre la population néerlandaise «native» et les immigrants d'ascendance étrangère ou d'autres minorités ethniques. Cela s'est produit parallèlement à un changement progressif de la politique suivie par le pays en matière d'intégration des immigrants et des communautés de minorités ethniques. Précédemment, la politique en la matière se concentrait sur la responsabilité de l'État de prendre des mesures pour promouvoir l'intégration des minorités au sein de la société; désormais, les choses ont changé, en raison du sentiment croissant selon lequel les possibilités d'intégration existent déjà pour les minorités et que c'est donc sur ces dernières que repose en premier lieu la responsabilité de s'intégrer dans la société néerlandaise, et les minorités sont dès lors blâmées lorsqu'elles n'y parviennent pas. Ce changement d'approche a provoqué une croissance du sentiment anti-immigrants et une polarisation entre les minorités et les Néerlandais «natifs». Le ton du débat politique et public autour des questions d'intégration et des questions relatives aux minorités ethniques s'est sensiblement détérioré, tant chez d'importants politiciens qu'au sein des principaux médias. Dans une enquête menée en 2005, plus de la moitié des Marocains et à peine moins de la moitié des Turcs indiquaient avoir été victimes de discrimination raciale en au moins une occasion au cours de l'année ayant précédé l'enquête.
Des politiques controversées, même si elles n'ont pas toujours été finalement adoptées, ont été proposées et débattues, semant la consternation parmi les minorités ethniques, a poursuivi M. Lahiri. Ces politiques ont entraîné une croissance considérable de l'islamophobie depuis 2000, a-t-il souligné. Le climat de l'opinion s'est également détérioré à l'égard d'autres groupes tels que les Antillais, a-t-il ajouté.
Le test d'intégration à l'intention des étrangers qui souhaitent rejoindre les membres de leurs familles se trouvant aux Pays-Bas sont racialement discriminatoires, en ce sens qu'ils ne s'appliquent qu'aux seuls migrants provenant de certaines nationalités, à savoir essentiellement des pays «non occidentaux».
Cette analyse critique du rapport des Pays-Bas – responsabilité incontournable du rapporteur – ne saurait faire ombrage aux avancées majeures réalisées par le Gouvernement néerlandais au cours de la période couverte par le rapport, a conclu M. Lahiri. Plusieurs recommandations que le Comité avait émises en 2004 ont été traitées et le pays s'apprête à signer la Convention sur la cybercriminalité, a-t-il rappelé, attirant en outre l'attention sur l'obligation qui incombe à chaque municipalité de disposer d'un bureau antidiscrimination.
Un autre membre du Comité a fait part de l'inquiétude que lui inspirent deux partis politiques de droite voire d'extrême droite des Pays-Bas. Il s'est aussi inquiété de l'amalgame trop souvent opéré entre islam et terrorisme. Il a dénoncé le meurtre de Theo van Gogh et l'attitude de ceux qui ont décidé de se substituer aux États-nations. Néanmoins, lorsque la bande à Baader a frappé en Europe, on n'a pas dit que le monde occidental ne valait rien parce que cette bande appartenait à ce monde, a fait observer cet expert.
La situation qui prévaut, du point de vue de l'application de la Convention, dans les Antilles et à Aruba intéresse le Comité, a souligné un expert, souhaitant notamment savoir si les langues locales – tout au moins celles qui étaient utilisées avant l'arrivée des Pays-Bas – sont utilisées dans ces îles. Par ailleurs, le rapport néerlandais ne présente aucune information concernant la situation des Frisons, alors qu'il s'agit de la seule minorité nationale reconnue aux Pays-Bas, a ajouté cet expert.
Un autre expert a souligné que le Comité a reçu des communications individuelles (en vertu de l'article 14 de la Convention) concernant les Pays-Bas et rappelé qu'il avait adressé des recommandations suite à l'examen de ces plaintes. L'expert a aussi demandé des précisions sur l'application de l'article 4 de la Convention et a rappelé l'obligation qui, en vertu de cet article, incombent aux autorités néerlandaises de dissoudre tout parti qui se livrerait à une propagande raciste.
Un expert a fait part de son inquiétude s'agissant de la situation, constatée ailleurs dans la région, qui semble mal augurer des élections à venir aux Pays-Bas, où il est à craindre que les partis populistes xénophobes remportent un succès électoral, ce qui serait surprenant dans un pays réputé ouvert sur l'extérieur comme l'ont toujours été les Pays-Bas. Quels efforts d'information déploient les partis modérés pour mieux préparer la population à cette période électorale vers laquelle le pays se dirige, a demandé cet expert? Il a ailleurs souhaité savoir comment, dans la pratique, est appliquée la loi du 1er janvier 2007 qui garantit des ressources supplémentaires aux écoles qui en ont le plus besoin - à savoir celles où le plus grand nombre d'enfants se trouve en difficulté scolaire. En ce qui concerne les mineurs détenus dans des centres de rétention avec leurs parents en situation irrégulière, l'expert a indiqué ne pas être tout à fait d'accord avec l'interprétation que les Pays-Bas font de l'article 37.c de la Convention relative aux droits de l'enfant qui, en stipulant que les détenus mineurs doivent être séparés des adultes sauf s'il en va de l'intérêt supérieur de l'enfant, vise en fait à séparer les mineurs des adultes au plan de la détention mais en aucune manière à justifier la détention des mineurs dont les parents sont détenus. Dans ce contexte, d'autres mesures alternatives, telles que l'assignation à résidence conjointe des enfants et de leurs parents, ne pourraient-elles pas être envisagées, s'est interrogé l'expert?
Renseignements complémentaires fournis par la délégation
La délégation a déclaré que les questions posées par le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport néerlandais, M. Lahiri, ainsi que les contributions des autres membres du Comité sont toutes pertinentes; elles sont la preuve du dilemme auquel un pays est confronté lorsqu'il s'agit de favoriser l'intégration et de combattre la discrimination dans une démocratie ouverte comme les Pays-Bas.
La délégation a rappelé que l'article premier de la Constitution stipule que tous les individus sont égaux et que les Pays-Bas n'établissent aucune hiérarchie ni distinction entre les motifs de discrimination.
La définition des migrants, occidentaux et non occidentaux, a été établie par l'Institut néerlandais pour la recherche sociale aux seules fins de la recherche, à une époque où l'on ne savait pas grand chose de la situation économique, sociale et culturelle des minorités ethniques et où le besoin se faisait sentir de disposer d'informations étant donné qu'il y avait des signaux indiquant que certains de ces groupes rencontraient de sérieux problèmes. En aucune façon cette définition et ces travaux de recherche n'étaient destinés à être utilisés comme des mesures de comparaison ou pour marquer les individus, a souligné la délégation. Consciente que certaines personnes pourraient utiliser les données à des fins exactement contraires à celles poursuivies par les autorités, la délégation a fait observer que l'alternative, qui consisterait à ne pas disposer d'informations, est encore pire.
Pour ce qui est de la Loi favorisant l'emploi des minorités, la délégation a souligné qu'il existait des doutes quant à l'efficacité de cette loi sur l'intégration des minorités ethniques sur le marché du travail. Cette loi a été abrogée en 2004, a rappelé la délégation.
Les politiques néerlandaises ne visent pas des groupes spécifiques; les politiques relatives au marché du travail et à l'éducation, par exemple, sont d'ordre général, a expliqué la délégation. Bien entendu, les données scientifiques aident à évaluer l'efficacité de ces politiques pour les minorités ethniques, a-t-elle ajouté; mais des mesures complémentaires destinées à des groupes spécifiques ne seront envisagées que si l'on constate que les politiques générales ne sont pas parvenues à atteindre ces groupes ou n'ont pas été efficaces au regard des problèmes existants, a-t-elle ajouté. Cela a été le cas, aux Pays-Bas, pour les Roms et les Sintis, qui rencontraient des problèmes tels que le chômage et des taux extrêmement élevés d'absentéisme scolaire, auxquels s'ajoutent un taux particulièrement élevé d'implication dans des activités criminelles. Bien que la participation des Roms et des Sintis relève en premier lieu d'une responsabilité locale, le Gouvernement central a décidé de soutenir financièrement les municipalités afin de s'attaquer au problème de l'absentéisme scolaire des jeunes filles roms, a indiqué la délégation.
Les Frisons sont la seule minorité nationale aux Pays-Bas avec une langue nationale issue du pays, a poursuivi la délégation. Toutes les autres minorités ethniques du pays ne sont pas considérées comme des minorités nationales au regard de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales, ce qui n'empêche pas qu'elles soient prises comme groupes cibles de la politique d'intégration. Les Frisons, eux, ne sont pas un groupe cible pour la simple raison que, contrairement aux minorités ethniques, ils ne se trouvent pas en position défavorisée au sein de la société néerlandaise, a expliqué la délégation. Depuis 1997, a-t-elle ajouté, il existe une loi sur la structure du dialogue national pour le dialogue avec les principaux groupes de minorités ethniques.
Les points de vues des partis d'extrême droite sont rejetés par les autres partis, à gauche et au centre de l'échiquier politique, a ensuite souligné la délégation. En outre, la grande majorité des néerlandais rejettent l'extrémisme et recherchent un terrain d'entente. Il convient de souligner que le nombre de cas de discrimination présentés à la police et aux services antidiscrimination n'a pas substantiellement augmenté ces dernières années, a d'autre part assuré la délégation.
Les Pays-Bas sont soucieux de demeurer un pays d'accueil hospitalier, mais les autorités doivent aussi tenir compte de la suspicion et des frictions qui peuvent surgir entre les groupes de population, en particulier dans les grandes villes.
S'agissant de la chaîne d'intégration aux Pays-Bas, la délégation a indiqué que le point de départ en est l'intégration à partir de l'étranger, l'étape suivante étant l'intégration aux Pays-Bas eux-mêmes, où un niveau élevé de maîtrise du néerlandais et de connaissance de la société néerlandaise est nécessaire. Pour ce qui est de savoir s'il est discriminatoire de ne demander de passer des tests à l'étranger qu'aux seuls migrants non occidentaux, la délégation a indiqué qu'une distinction doit être faite entre les tests à l'étranger et les tests aux Pays-Bas, les premiers ne s'appliquant qu'aux seuls migrants qui souhaitent venir aux Pays-Bas pour former ou réunifier leur famille et non pas à ceux qui arrivent dans le pays avec un permis de travail. Aux Pays-Bas, tous les migrants, à l'exception de ceux en provenance de l'Union européenne, doivent passer le test requis pour résider de manière permanente dans le pays.
La politique d'intégration des Pays-Bas n'a pas pour objectif d'assimiler, a ensuite précisé la délégation. Les cours d'intégration portent essentiellement sur la langue néerlandaise, compte tenu du fait que la langue reste le facteur d'intégration le plus fort dans toute société, a-t-elle ajouté. Les Pays-Bas ont dépassé le débat purement sémantique sur les notions d'intégration ou d'assimilation et leur objectif premier est de faire en sorte que tous les citoyens participent effectivement à la vie de la société néerlandaise, a déclaré la délégation.
En 2011, a fait savoir la délégation, la présence de membres de minorités ethniques au sein de la fonction publique devrait croître de 50%.
Le nombre d'étudiants issus de l'immigration, turcs ou marocains par exemple, qui suivent un enseignement supérieur a doublé en dix ans, a en outre fait valoir la délégation.
Un tiers du parc immobilier aux Pays-Bas est constitué de logements sociaux qui ne sont attribués qu'aux foyers à revenus faibles et intermédiaires, a en outre souligné la délégation. Les mesures prises en matière de logement ne produisent un effet visible que sur la longue durée – à savoir au moins sur cinq ans, a-t-elle ajouté.
La détention des étrangers, dans tous les cas, est une mesure qui n'est envisagée qu'en dernier recours, a par ailleurs assuré la délégation.
Observations préliminaires
Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport des Pays-Bas, M. DILIP LAHIRI, a jugé franc, ouvert et cordial le dialogue qui s'est noué avec la délégation néerlandaise. Il a rappelé qu'étant donné qu'il incombe au Gouvernement néerlandais d'élaborer des rapports concernant Aruba et les Antilles, il serait utile que la partie européenne du Royaume puisse fournir des fonds et aides techniques à Aruba et aux Antilles afin que le Comité puisse recevoir des rapports des trois parties constitutives du Royaume.
M. Lahiri a félicité le pays pour les mesures positives qu'il a prises et notamment pour sa mise en place d'un réseau de bureaux locaux antidiscrimination. Parmi les sujets de préoccupation, l'expert a souligné que la situation générale de la discrimination raciale s'est dégradée aux Pays-Bas, peut-être même davantage que dans les pays voisins. Dans ses observations finales, le Comité ne devrait pas manquer d'exprimer son embarras en ce qui concerne le changement de paradigme de la politique gouvernementale qui fait désormais retomber la principale responsabilité, pour ce qui est de l'intégration, sur les communautés minoritaires. Étant donnée la réputation de tolérance de la société néerlandaise, il ne devrait pas être difficile pour les autorités de déterminer à quel moment la liberté d'expression commence à constituer une gêne pour d'autres communautés, a poursuivi l'expert. Des préoccupations ont été exprimées quant au risque que lors des prochaines élections aux Pays-Bas, les choses aillent dans un certain sens et il faut espérer, dans ce contexte, que la signature du Protocole à la Convention sur la cybercriminalité ne sera pas retardée, a ajouté M. Lahiri.
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