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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT PÉRIODIQUE DU YÉMEN EN L'ABSENCE DE DÉLÉGATION

03 Novembre 2009

3 novembre 2009
 
Le Comité contre la torture a examiné, ce matin, en l'absence de délégation, le deuxième rapport périodique du Yémen sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Comité a en effet décidé d'entamer l'examen de ce rapport bien que le Yémen ait indiqué qu'il n'enverrait pas de délégation pour présenter son rapport et répondre aux questions du Comité.
 
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Yémen, Mme Nora Sveaass, s'est félicitée de l'importance que le Gouvernement semble accorder à la formation et à la diffusion des droits de l'homme au sein de la population, mais s'est étonnée que cette intention affichée contraste nettement avec certaines informations qui lui sont parvenues dénonçant un manque d'ouverture et de transparence en ce qui concerne les cas de torture. Entre autres préoccupations, elle a fait remarquer que les organes de supervision ne semblent pas fonctionner, et qu'il n'y a souvent pas de suite donnée aux allégations de torture et de mauvais traitement. Elle a déploré que se poursuivent la pratique policière de la prise d'otages qui consiste à capturer les parents d'un suspect jusqu'à ce dernier se rende, ainsi que la détention arbitraire et les disparitions forcées.
 
La corapporteuse, Mme Essadia Belmir, a pour sa part regretté que l'âge de la responsabilité pénale ne soit pas respecté au Yémen, faisant remarquer que des enfants de 7 ou 8 ans sont incarcérés, souvent avec des adultes, et sont maltraités; ils seraient parfois condamnés à mort et exécutés, s'est-elle alarmée. Elle a également attiré l'attention sur la situation des femmes détenues maltraitées et parfois violées lors de leur arrestation.
 
Le système législatif ne semble exercer aucun contrôle sur le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire semble muselé, a déploré un autre membre du Comité. Il s'est enquis du statut des avocats et de leur liberté d'agir. Plusieurs experts ont également mis en doute l'efficacité du pouvoir judiciaire et souhaité avoir davantage d'informations et de détails sur différentes affaires. L'un d'entre eux a notamment fait référence à des cas de torture impliquant des enfants qui ont été portés à l'attention du Comité, et souhaité savoir si ces affaires ont été instruites, des poursuites entamées et des réparations accordées.
 
Les membres du Comité ont été nombreux à déplorer l'absence de la délégation et à regretter qu'aucun représentant de la Mission du Yémen à Genève ne soit présent. Ils ont relevé l'importance, dans la conduite des travaux du Comité, d'établir un dialogue avec l'État concerné. Cette exigence n'empêche toutefois par l'examen du rapport: le dialogue est un moyen et non une fin en soi, la fin étant le respect des dispositions de la Convention.
 
Le Comité adoptera des observations provisoires sur ce rapport et les adressera au Gouvernement du Yémen afin qu'il puisse y répondre par écrit.
 

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Slovaquie.
 

Examen du rapport du Yémen
 
Rapport du Yémen
 
Le deuxième rapport périodique du Yémen (CAT/C/YEM/2) explique que le Ministère des droits de l'homme a été créé en 2003 qui a pour fonction de proposer des politiques et des programmes pour les droits de l'homme; d'examiner la législation pour s'assurer de sa compatibilité avec les principes consacrés par les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels le Yémen est partie; de recevoir et examiner les plaintes déposées par des particuliers; et de faire connaître la loi au grand public en informant la population de ses droits et en diffusant une culture des droits de l'homme dans la société. Le Ministère a organisé dans cette optique un certain nombre d'activités de formation; deux ateliers de sensibilisation se sont notamment tenus en février et mars 2007 pour diffuser les principes des droits de l'homme auprès des membres des autorités chargées des enquêtes pénales. En ce qui concerne ses décisions relatives à la mise en œuvre de la Convention, le rapport fait notamment mention d'une décision de 2003 portant création d'un comité chargé d'effectuer des visites dans les prisons afin d'évaluer la situation des détenus et les conditions de détention. Le rapport indique également que conformément à l'article 10 de la Convention contre la torture, des organismes publics et des organisations de la société civile proposent aux fonctionnaires de l'appareil judiciaire, du parquet et de la police des programmes d'instruction et de formation continue sur tous les aspects des droits de l'homme. Cette formation a pour objectif de combattre la torture en veillant à ce que la population comme les agents de l'État connaissent bien la loi et les droits.
 
Le rapport indique que le Gouvernement a adopté, en 1997, un plan de réforme judiciaire, mettant en œuvre des dispositions constitutionnelles et législatives concernant l'indépendance du système judiciaire et des magistrats. Une stratégie nationale pour la modernisation et le développement de la magistrature (2005-2015) a par ailleurs été mise sur pied. L'objectif de cette stratégie est notamment de garantir que les tribunaux rendent avec la diligence voulue des décisions justes sur les différends et les affaires dont ils sont saisis et d'amener la population à faire confiance aux tribunaux et la convaincre qu'ils rendront des décisions fondées et qu'elles seront appliquées. Rien dans la législation yéménite n'autorise à porter atteinte aux droits de l'homme sous quelque prétexte que ce soit. Afin de rendre pleinement effectifs au Yémen les droits énoncés dans les instruments internationaux auxquels le pays a adhéré, dont la Convention contre la torture, plusieurs comités ont été mis en place, et notamment un Comité chargé d'harmoniser les lois nationales avec les traités internationaux.
 
Le Gouvernement s'efforce, dans la limite des ressources disponibles, d'améliorer les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et de se conformer aux normes internationales établies relatives à leur construction. Il a donc pris des mesures, visant en particulier à remédier aux problèmes liés à la surpopulation carcérale. Les lois de la République du Yémen interdisent expressément toutes les formes de torture de quelque nature que ce soit, précise le rapport. Enfin, le rapport indique que divers organismes de l'État ont organisé des visites de prison dans divers districts pour enquêter sur des plaintes ou pour effectuer des inspections inopinées ou régulières. Au titre des préparatifs de l'élaboration du rapport périodique du Yémen, le Ministère a organisé une série d'inspections des tribunaux, des services de sécurité, des bureaux du parquet, des prisons centrales et des lieux de détention avant jugement, à l'occasion desquelles l'équipe a rencontré des chefs des services de sécurité, des juges, des procureurs, des enquêteurs et des responsables de postes de police. Des entretiens ont eu lieu avec un certain nombre de détenus pour déterminer leur statut juridique et leur état de santé et mettre en évidence d'éventuels cas de torture.
 
Observations et questions des membres du Comité
 
M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité, a ouvert la séance en rappelant que le Comité avait décidé, lors de sa séance d'ouverture, de ne pas reporter l'examen du rapport du Yémen, bien qu'il ait été informé par les autorités yéménites qu'aucune délégation ne serait présente à Genève. Conformément à son règlement, le Comité entend examiner le deuxième rapport périodique du Yémen en l'absence de la délégation et adoptera des observations provisoires qu'il adressera au Gouvernement du Yémen afin qu'il puisse y répondre par écrit.
 
MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Yémen, a regretté l'absence de toute délégation, une situation qui n'est pas du tout celle que le Comité espérait. Elle a aussi déploré qu'aucun représentant de la Mission du Yémen auprès des Nations Unies ne soit présent.
 
S'intéressant plus particulièrement aux faits énoncés dans le rapport, elle a regretté qu'en dépit des efforts déployés, et notamment de la mise sur pied du Ministère des droits de l'homme, il n'y ait toujours pas au Yémen d'institution nationale des droits de l'homme conforme aux principes de Paris. Elle a souhaité savoir ce qui est prévu par le Gouvernement à cet égard.
 
Mme Sveaass a ensuite noté l'importance qu'accorde le rapport à la formation et la nécessité de comprendre les droits de l'homme, ainsi qu'à la diffusion des rapports sur ce sujet et la promotion d'une connaissance de droits de l'homme dans la population. Elle s'est réjouie de ce fait, s'étonnant toutefois que cette intention affichée contraste nettement avec certaines informations qui lui sont parvenues. Elle a en effet fait remarquer que le Comité a reçu des informations dénonçant un manque d'ouverture et de transparence en ce qui concerne les cas de torture. Les organes de supervision ne semblent pas fonctionner, et il n'y a souvent pas de suite donnée aux allégations de torture et de mauvais traitement, a-t-elle souligné.
 
La rapporteuse a également relevé l'importance de compter avec une définition de la torture, invitant le Gouvernement à donner davantage d'informations à cet égard, ainsi que sur la manière dont les principes de la Convention sont traduits dans le droit pénal du Yémen.
 
D'autre part, Mme Sveaass a fait part de ses préoccupations s'agissant de certaines informations qui lui sont parvenues. Elle a notamment déploré que se poursuive la pratique policière de la prise d'otages, qui consiste à capturer les parents de personnes recherchées jusqu'à ces derniers se rendent, précisant que cette pratique a été dénoncée par de nombreux organismes. De nombreuses informations font en outre état de cas de détention arbitraire et de disparitions forcées. Des personnes seraient détenues très longtemps sans aucune accusation ni procès, a-t-elle ajouté.
 
S'intéressant ensuite à la détention des femmes, Mme Sveaass a souhaité avoir davantage d'informations sur les raisons de ces détentions. Quels sont les types de crimes que ces femmes commettent? Elle a également estimé que la question du risque de viol par les gardiens de prison mérite une attention particulière.
 
Enfin, la rapporteuse a souhaité que davantage d'informations soient fournies sur les problèmes d'accès aux lieux de détention, faisant référence au refus que se serait vue opposer la Croix-Rouge alors qu'elle souhaitait accéder à certains centres de détention. Quelle serait en outre la possibilité pour les organisations de la société civile d'accéder aux lieux de détention, a-t-elle demandé?
 
MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Yémen, a attiré l'attention sur les défis auxquels est confronté le Yémen, un pays qui souffre de conflits, ainsi que de problèmes économiques et sociaux importants. Elle a également fait remarquer que le tribalisme y est toujours présent, causant un tiraillement entre le formel et l'informel et entravant le mouvement de réforme. Dans ce contexte, elle a noté les efforts déployés par le pays s'agissant de la protection des réfugiés. Elle a également remarqué la volonté du Gouvernement de s'occuper des mineurs et de la délinquance juvénile. Tout en reconnaissant les progrès effectués en matière de réforme juridique, elle a fait remarquer que cela reste des textes et que la pratique peut toutefois faire défaut.
 
La corapporteuse a fait observer que le pouvoir judiciaire semble handicapé, notamment en raison du programme de mobilité des magistrats. Elle a souhaité savoir comment ce programme s'opérait et s'il était imposé. Elle s'est également inquiétée de la prolifération des organes d'arrestation et de détention. Quel est leur rapport avec la justice, a-t-elle demandé? Comment le délai de 24 heures et l'obligation d'avoir un mandat pour procéder à une arrestation peuvent-ils être respectés dans ce contexte?
 
D'autre part, Mme Belmir a regretté que l'âge de la responsabilité pénale ne soit pas respecté, faisant remarquer que des enfants de 7 ou 8 ans sont incarcérés, souvent avec des adultes, et sont maltraités. Ils sont parfois condamnés à mort et exécutés, s'est-elle alarmée. Mme Belmir a également attiré l'attention sur la situation des femmes maltraitées et parfois violées lors de leur arrestation. Certaines restent aussi en prison au-delà de leur période de détention.
 
Toujours s'agissant de la situation des femmes au Yémen, plusieurs experts se sont inquiétés de la persistance des mariages forcés, parfois de filles très jeunes. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour mettre un terme à de telles pratiques, ont-ils demandé?
 
Le système législatif ne semble exercer aucun contrôle sur le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire semble muselé, a déploré un expert. Il s'est enquis du statut des avocats et de leur liberté d'agir. Les avocats sont-ils libres au Yémen, a-t-il demandé? Plusieurs experts se sont enquis de l'efficacité du pouvoir judiciaire et ont souhaité davantage d'informations et de détails sur différentes affaires. Ils ont notamment fait référence à des cas de torture impliquant des enfants qui ont été portés à l'attention du Comité, et souhaité savoir si ces affaires ont été instruites, des poursuites entamées et des réparations accordées.
 
Faisant référence à l'article 166 du code des infractions et des peines, en vertu duquel tout agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, a recours ou ordonne le recours à la torture, à la contrainte ou à la menace pour obtenir une déclaration ou des renseignements, est puni d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à dix ans, un membre du Comité a souhaité savoir si cet article est effectivement appliqué. Il a également fait remarquer que cet article semble limité à des cas où le fonctionnaire cherche à obtenir une confession. Or, la torture peut être utilisée pour intimider quelqu'un ou à des fins de coercition, a-t-il fait valoir.
 
D'autres questions abordées par les membres du Comité avaient trait au statut de la presse; aux moyens de s'assurer que la lutte contre le terrorisme n'entraîne pas des abus; aux problèmes d'accès à un processus judiciaire juste; à l'imprescriptibilité du crime de torture; et aux mesures prises pour améliorer la situation des centaines de milliers de personnes déplacées à cause du conflit qui fait rage dans le nord du pays.
 
Les membres du Comité ont été nombreux à déplorer l'absence de la délégation et à regretter qu'aucun représentant de la Mission du Yémen ne soit présent. Ils ont relevé l'importance, dans la conduite des travaux du Comité, d'établir un dialogue avec l'État concerné. Cette exigence n'empêche toutefois par l'examen du rapport, a estimé une experte qui a rappelé que le dialogue est un moyen et non une fin en soi, la fin étant le respect des dispositions de la Convention.
 

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