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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME : MONDIALISATION ET RESPONSABILITÉ DU FMI ET DE L'OMC EN MATIÈRE DE DROITS DE L'HOMME AU CENTRE DES DÉBATS

08 août 2001



Sous-Commission de la promotion et
de la protection des droits de l'homme
53ème session
8 août 2001
Matin



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels en entendant les déclarations de plusieurs organisations non gouvernementales et institutions internationales ainsi que les interventions de onze de ses membres.

Un représentant de l'Organisation mondiale du commerce a notamment souligné que l'OMC doit tenir compte de tous les instruments juridiques internationaux, notamment dans le domaine des droits de l'homme. Un représentant du Fonds monétaire international (FMI) a pour sa part rappelé que le FMI n'a pas de mandat en matière de droits de l'homme et n'est pas lié par les différentes déclarations et conventions.

M. Fisseha Yimer s'est vivement étonné qu'un représentant du FMI affirme devant un organe des droits de l'homme que ces droits ne sont pas la préoccupation du Fonds. M. El-Hadji Guissé a pour sa part estimé que, pour les pays en développement, l'OMC est un «syndic qui protège les privilèges et les intérêts» de quelques pays du monde. Mme Iulia Antoanella Motoc a notamment mis l'accent sur la grave crise de légitimité à laquelle sont confrontées les institutions financières et commerciales internationales.

M. Yozo Yokota a estimé que le régime des droits de l'homme doit l'emporter sur les régimes commerciaux et a préconisé que les organes du système des droits de l'homme adopte une position claire indiquant que les régimes commerciaux et financiers sont soumis au droit international et sont donc tenus de protéger et de respecter les droits de l'homme. M. Fried Van Hoof a déclaré que s'il est incontestable qu'entre régime commercial et régime des droits de l'homme, la primauté va aux droits de l'homme, il faut néanmoins expliquer comment traduire cette primauté dans les faits. M. Yeung Kam Yung Sik Yuen a jugé important de reconnaître que, si la mondialisation a des effets positifs, il convient d'insister davantage sur les aspects humains de ce processus. M. José Bengoa a rappelé que la mondialisation n'est pas un phénomène récent mais a reconnu qu'il y a eu une rupture par rapport à la mondialisation telle qu'elle se manifestait jusqu'à présent.

(à suivre)
Mme Erica-Irene Daes a souligné que les populations autochtones n'acceptent pas l'idée que l'humanité va réellement bénéficier d'une société de consommation. M. Alonso Gómez-Robledo Verduzco a mis l'accent sur la nécessité d'identifier qui bénéficie et qui pâtit de la mondialisation.

M. Asbjørn Eide a recommandé à la Sous-Commission d'adopter un projet de résolution dans lequel elle lancerait un appel aux gouvernements pour qu'ils prennent des mesures visant à protéger la fonction sociale de la propriété intellectuelle. La Haut-Commissaire aux droits de l'homme pourrait être priée de réaliser une étude sur les droits de propriété intellectuelle dans le contexte des populations autochtones, a-t-il ajouté.

La Sous-Commission a par ailleurs entendu les déclarations des organisations non gouvernementales suivantes: Association internationale des juristes démocrates, Libération, Alliance internationale des femmes, Congrès du monde islamique, Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants, Franciscain international, Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples et Pax Romana.


Cet après-midi, à partir de 16 heures, la Sous-Commission achèvera son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels et entamera l'examen des questions relatives à la prévention de la discrimination.


Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels

M. SEONGYI PAEK (Association internationale des juristes démocrates) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le sort des écoliers coréens au Japon. Il a estimé que les écoles coréennes au Japon sont l'objet d'une politique discriminatoire et raciste; une politique fondée sur une directive de 1965 qui prive les écoliers coréens qui n'étudient pas dans des écoles japonaises de toute aide gouvernementale, ce qui souvent les empêche d'accéder à l'enseignement supérieur. Dans la préfecture de Tokyo, par exemple, les subventions représentent seulement un cinquième de ce que reçoivent les écoles privées japonaises et uniquement un dixième de ce que reçoivent les écoles publiques japonaises. Le représentant a appelé la Sous-Commission à prendre position sur cette question en demandant au Gouvernement japonais de respecter l'égalité des droits de l'enfant à une éducation. Il a également invité les membres de la Sous-Commission à visiter une école coréenne au Japon pour qu'ils se rendent compte de la qualité de l'enseignement qui y est dispensé.

MME MAGGIE BOWDEN (Libération, au nom également de la Conférence asiatique des bouddhistes pour la paix) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la capacité des sociétés transnationales à se soustraire à toute responsabilité dans les pays dans lesquels elles opèrent. Il faut absolument mettre en place un système afin que ces sociétés assument une responsabilité pour leurs actes, notamment du point de vue des droits de l'homme et en particulier dans les pays en développement. La représentante de Libération a par ailleurs déploré le taux d'analphabétisme élevé qui sévit dans le Sindh. Elle a par ailleurs souligné que, dans cette province du Pakistan, le taux de mortalité infantile est très important. Le Gouvernement pakistanais n'hésite pourtant pas à faire d'importantes dépenses militaires dans cette province. Les habitants du Sindh sont en fait marginalisés dans leur propre pays. La représentante a d'autre part dénoncé les discriminations dont sont victimes les ressortissants coréens naturalisés qui vivent au Japon, notamment en ce qui concerne les régimes de retraite. Elle a par ailleurs plaidé en faveur de la levée des sanctions économiques contre l'Iraq et Cuba. Elle a par ailleurs apporté son soutien à la cause du peuple d'Assam, en Inde.
MME SAMIRA YASSINI (Alliance internationale des femmes) a dénoncé l'attitude du Front Polisario, au Sahara occidental, qui retire à leurs familles des enfants à partir de 14 ans pour leur dispenser une formation militaire. Certains sont formés aux techniques de guerre dans certains pays d'Europe orientale et d'Amérique du Sud. La représentante a rappelé que de telles pratiques sont contraires au plan de règlement des Nations Unies et inacceptables au regard des instruments des Nations Unies.

M.SHAH GHULAM QADIR (Congrès du monde islamique) a rappelé que la moitié de la population mondiale n'a jamais utilisé un téléphone et que la mondialisation n'a, pour l'heure, bénéficié qu'à une petite partie de la population mondiale, laissant en marge des centaines de millions d'êtres humains. Les combats de rue à Gênes ont illustré l'envers de la médaille de la mondialisation, même s'il est clair qu'elles ne sauraient constituer une fin en soi, a ajouté le représentant. Il a recommandé au Groupe de travail sur le droit au développement de se pencher sur la réalisation de ce droit pour les minorités, les femmes et les peuples autochtones ainsi que sur la nécessité de promouvoir le droit au développement dans les zones de conflit, notamment dans le Jammu-et-Cachemire occupé par l'Inde. La Sous-Commission pourrait entreprendre une étude sur les différents aspects du droit au développement et envoyer les résultats de cette étude au Groupe de travail sur le droit au développement, a estimé le représentant.

M. SAFI GHULAM MUHAMMAD (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants) a rappelé qu'un cinquième de la population mondiale vit en Asie du Sud ) au Bangladesh, au Bouthan, en Inde, aux Maldives, au Népal, au Pakistan et au Sri Lanka ) et qu'une grande partie de la population de ces pays survit dans un état de pauvreté extrême. Une situation causée en partie par les guerres qui divisent la région. Il a déploré que la part des budgets consacrés à la défense dans ces pays continue d'augmenter. Il a souligné l'importance, dans ce cadre, d'une solution au conflit au Cachemire. Le représentant a par ailleurs apporté son soutien à l'étude réalisée par le Haut-Commissariat sur la question de l'impact des règles concernant la propriété intellectuelle sur les droits de l'homme.

M. PHILIPPE LEBLANC (Franciscain international) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les aspects moraux et humanitaires dans le contexte des sanctions économiques imposées à certains pays tels que l'Iraq. L'expérience a démontré que, malgré les exceptions concernant les biens de nature humanitaire, les sanctions imposent d'indicibles souffrances à des populations innocentes et il y a peu de chances qu'elles atteignent leur objectif. Dans quelle mesure des citoyens peuvent-ils être tenus pour responsables des actes de l'État dans lequel ils vivent, s'est interrogé le représentant? L'Iraq a importé treize millions de tonnes d'aliments et de médicaments et la communauté internationale n'a pourtant aucune garantie que la population sera correctement nourrie. Il faudrait donc réévaluer le régime des sanctions à la lumière de considérations morales qui, jusqu'à présent, n'ont pas été prises en compte.

MME VERENA GRAF (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a dénoncé l'attitude des sociétés transnationales en matière de droits de l'homme. Elle a demandé que des organes de surveillance de tels comportements soient mis en place par les instances internationales. L'experte a affirmé que 51% des richesses mondiales seraient aux mains des sociétés transnationales contre 49% aux mains des États. Une situation inacceptable qui est la conséquence directe du modèle néolibéral et qui entraîne de nombreuses violations des droits de l'homme et entrave l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination. À cet égard, la représentante a demandé à la Sous-Commission de lancer une étude sur l'impact de la mondialisation, des politiques néolibérales et des ajustements structurels sur le droit des peuples à l'autodétermination.
M. CHULHYO KIM (Pax Romana) a fait part à la Sous-Commission de témoignages qu'il a recueillis à Gênes, lors du Sommet du G8, auprès de personnes venant de toutes les régions du monde, sur les conséquences sur les revenus et l'emploi des activités des sociétés transnationales et des programmes d'ajustement structurel. Certaines affirmaient en outre que la dette du tiers monde devait être annulée à titre de réparations pour la période coloniale. La plupart des manifestants présents à Gênes réclamaient de manière pacifique le droit à l'éducation, le droit à l'alimentation et le droit au travail. Pourtant, la réponse du G8 fut la répression brutale utilisant la force de manière disproportionnée, ce qui équivaut à un déni du droit d'assemblée, du droit d'expression et même du droit à la vie. Le droit de participation populaire aux décisions politiques et économiques devrait être respecté si l'on veut que soit réalisé et promu le droit au développement. La plupart des institutions multilatérales - qui dirigent le processus de mondialisation - n'ont pourtant prévu aucun mécanisme permettant d'assurer la participation de la société civile. Pax Romana exhorte donc la Sous-Commission à débattre du droit de participation populaire au processus de mondialisation dans le cadre du Forum social qu'elle a prévu d'organiser.

MME GABRIELLE MARCEAU (Organisation mondiale du commerce) a souligné que les membres des groupes spéciaux de l'Organe de règlement des différents de l'OMC ne font pas partie du personnel de l'OMC. Il a précisé que, en particulier dans les cas concernant un pays en développement, il arrive souvent que ces experts soient originaires de pays en développement. En outre, contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport présenté à la Sous-Commission, des opinions dissidentes peuvent être exprimées. La représentante de l'OMC a reconnu que les pays en développement ne sont à l'origine que d'un tiers des différents soumis pour examen à l'OMC, mais, a-t-elle fait remarquer, cela correspond à leur participation dans le commerce international. Elle a par ailleurs souligné que l'OMC doit tenir compte de tous les instruments juridiques internationaux, et notamment dans le domaine des droits de l'homme.

Une autre intervenante s'exprimant au nom de l'OMC a abordé la question de l'accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC). Elle a rappelé que cet accord a pour but de protéger les droits des individus dans leur activité créatrice, qu'elle soit scientifique, littéraire ou artistique. Un réexamen de la question des médicaments est actuellement en cours afin de veiller à ce que l'accord n'empêche pas leur diffusion et mette en danger la santé publique dans le monde, a-t-elle indiqué. L'intervenante a souligné qu'une période de transition d'application de l'ADPIC jusqu'en 2006 est prévue pour les pays les moins avancés et que cela devrait permettre de minimiser les déséquilibres entre les pays qu'aurait pu entraîner une application immédiate de l'accord en l'an 2000.

M. GRANT B. TAPLIN (Fonds monétaire international, FMI) a rappelé que le FMI est une organisation intergouvernementale qui compte actuellement 183 États membres et dont l'organe décisionnel est le Conseil des gouverneurs, qui se réunit en automne de chaque année. Les activités quotidiennes sont quant à elles menées par des conseils exécutifs. Le FMI est en outre doté de deux organes de tutelle, traitant l'un des finances et l'autre du développement. Ainsi, ce sont les pays membres du Fonds qui décident de ce que fait le FMI, a souligné le représentant. Commentant le rapport des rapporteurs spéciaux sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme, le représentant du FMI a souligné la nouveauté que constitue pour le FMI la promotion de programmes stratégiques de réduction de la pauvreté dont la maîtrise appartient entièrement aux gouvernements concernés. En revanche, la décision de soutenir ou non ces programmes d'un point de vue financier relève du Fonds et à la Banque mondiale en dernier ressort. Le représentant a fait observer qu'il n'existe pas de perspective de droits de l'homme convenue en ce qui concerne les questions relatives à la réduction de la dette. En outre, le FMI doit rendre compte non pas à la société civile mais à ses États membres.
Le FMI n'a pas de mandat en matière de promotion des droits de l'homme, a rappelé le représentant avant d'ajouter que le Fonds n'est pas lié par les différentes déclarations et conventions. Son autonomie est fermement ancrée dans l'accord qu'il a passé avec les Nations Unies en 1947. Il n'en demeure pas moins que le Fonds s'efforce de promouvoir les droits de l'homme par différents moyens.

M. FISSEHA YIMER, expert de la Sous-Commission, a exprimé sa surprise devant l'affirmation du représentant du FMI selon laquelle les droits de l'homme ne sont pas la préoccupation de son organisation. Une formulation quelque peu inattendue formulée devant un organe chargé de promouvoir les droits de l'homme. Il a félicité les rapporteurs, M. Joseph Oloka-Onyango et Mme Deepika Udagama pour leur rapport sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance des droits de l'homme. Il a souligné qu'il s'associait aux inquiétudes des rapporteurs s'agissant des inégalités en matière de santé publique pouvant résulter d'une protection excessive de la propriété intellectuelle en matière de médicaments. Il s'est félicité que l'OMC se sente tenue par le droit international. Néanmoins il a souligné qu'on ne doit pas permettre l'imposition de conditions en matière de droits de l'homme. M. Yimer a estimé que la société civile devait continuer à faire pression sur les États dans le cadre du débat sur la mondialisation. Il a appelé la Sous-Commission à poursuivre ses efforts de réflexion sur le sujet.

M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, s'est félicité du rapport présenté par M. Oloka-Onyango et Mme Udagama sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme, qu'il a jugé équilibré et équitable. L'un des aspects positifs de la mondialisation réside dans la mondialisation des normes relatives aux droits de l'homme, a fait observer l'expert. Il a estimé que le régime des droits de l'homme doit l'emporter sur les régimes commerciaux. Les droits de l'homme ne sauraient être limités ou ignorés même à la suite d'un accord entre États ou entre les États et des institutions tierces. Le régime des droits de l'homme - dont fait partie la Sous-Commission - devrait adopter une position claire indiquant que les régimes commerciaux et financiers sont soumis au droit international et sont donc tenus de protéger et de respecter les droits de l'homme, ce qui ne saurait être négociable.

M. EL-HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, après avoir félicité les Rapporteurs spéciaux pour leur travail sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme, leur a demandé de se pencher sur la question de l'applicabilité par les organes internationaux des droits de l'homme et des «nouveaux droits de l'homme» que sont les droits économiques, sociaux et culturels. M. Guissé a souligné que l'attitude, dans l'enceinte même de la Sous-Commission, du représentant du Fonds monétaire international qui considère que les droits de l'homme n'intéressent pas son organisation est à la limite de l'injure. Il a de son côté dénoncé le FMI pour son rôle d'huissier international au service des pays riches. Il a également souligné que l'attitude de l'OMC qui essaie de se situer hors du droit international en tentant de créer ses propres règles est celle d'une organisation qui ne peut-être considérée que comme le représentant d'un club très fermé: celui des pays riches. Ainsi, à ses yeux, les pays du tiers monde qui ont adhéré à cette organisation l'ont fait pour rien. Ces deux organisations ne servent qu'à écraser les pauvres et servir les riches. Il a indiqué que toutes les réglementations produites par ces organisations doivent être assimilées à une tentative de protectionnisme des pays riches vis-à-vis des pays pauvres. Un verrou que la société civile par ses actions finira par faire sauter.


M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a estimé que la mondialisation est une question qui devrait faire l'objet d'une analyse permanente et pourrait peut-être constituer l'un des sujets essentiels des débats à l'ordre du jour de la Sous-Commission. S'interrogeant sur ce qui est nouveau et ce qui est déjà ancien dans le processus de mondialisation, M. Bengoa a rappelé que la mondialisation n'est pas un phénomène récent puisqu'elle remonte aux grands voyages transatlantiques et à la colonisation. Les communications se sont ensuite de plus en plus développées et les obstacles à la circulation des capitaux ont été progressivement levés. Aussi, on peut se demander si la mondialisation est réellement nouvelle et si aujourd'hui, elle relève d'une question de forme ou d'une question de fond.

En fait, certains éléments attestent incontestablement une rupture par rapport à la mondialisation telle qu'elle se manifestait jusqu'à présent, a estimé M. Bengoa. On peut ainsi parler d'une rupture affectant les communautés et les cultures. On peut aussi relever qu'après un mouvement d'ouverture de l'intérieur vers l'extérieur, la mondialisation a pris la forme d'un mouvement de l'extérieur vers l'intérieur qui dessine ainsi un mouvement de repli. La mondialisation remet aujourd'hui en question l'habitat dans lequel nous avons toujours vécu, a par ailleurs relevé M. Bengoa. L'expert a identifié un autre élément de rupture, à savoir la crise des États Nations qui se manifeste par l'affaiblissement de la responsabilité des États. On peut aussi relever la fin d'un monde multipolaire, auquel succède la prédominance de la puissance des États–Unis.

M. ASBJØRN EIDE , expert de la Sous-Commission, a souligné que l'universalisation des droits de l'homme et la mondialisation économique sont des phénomènes parallèles qui entretiennent des rapports tendus. Il s'est déclaré intéressé par l'ouverture au dialogue que la représentante de l'OMC a semblé proposer lors de son intervention. Par contre, pour ce qui est du FMI, il semble que le dialogue soit impossible, une situation qui devra évoluer dans le temps selon l'expert car il n'est pas envisageable que cette organisation ne se soumettre pas au droit international. Au sujet du système de commerce multilatéral, M. Eide a souligné le lien direct entre la libéralisation des services et sur les droits sociaux. Il a exhorté l'OMC à ne pas perdre de vue ce lien afin que des services internationaux privatisés n'échappent pas au contrôle social. Il a souhaité que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme d'entreprendre une étude sur l'impact de ces accords commerciaux sur les droits de l'homme.

S'agissant de l'accord sur les droits de propriété intellectuelle en matière de commerce (ADPIC), il s'est réjoui qu'un dialogue se soit engagé sur le sujet, comme l'a rappelé la représentante de l'OMC. Il s'est également félicité que certaines entreprises commencent à prendre au sérieux le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, notamment ses dispositions sur le droit à la propriété intellectuelle. Il a proposé l'adoption par la Sous-Commission d'une résolution de suivi sur les droits à la propriété intellectuelle ainsi que sur les incidences de l'ADPIC sur les droits des autochtones. Il a demandé à la Sous-Commission de ne pas perdre de vue l'aspect des droits de l'homme lors des discussions en cours sur la mondialisation.

M. SÉRGIO PAULO PINHEIRO, expert de la Sous-Commission, a réagi à la déclaration «extraordinaire» faite par le représentant du FMI et a préconisé que la Sous-Commission demande à ce représentant de développer plus avant la position de son institution qui semble assez unique dans le système des Nations Unies.


MME IULIA-ANTONELLA MOTOC, experte de la Sous-Commission, après avoir félicité les Rapporteurs spéciaux pour leur rapport sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme, s'est interrogée sur la façon dont la Sous-Commission doit poursuivre l'examen de la question. Elle a suggéré comme direction possible les conséquences de la mondialisation sur la condition de la femme dans le monde. Elle s'est par ailleurs interrogée sur la question de la légitimité des institutions internationales financières et commerciales, comme l'OMC, qui sont de plus en plus contestées dans la rue. Mme Motoc a insisté sur l'importance d'un débat concernant la prise en considération des droits de l'homme dans le cadre de toutes les discussions actuelles sur la mondialisation. Elle a appelé de ses vœux la prise en considération par l'OMC des questions relatives aux droits de l'homme. Dans le cadre de ses mécanismes de règlement des différends, elle a souhaité une présence plus importante de représentants des pays du tiers monde. L'experte a suggéré que des informations accessibles aux ONG soient rendues disponibles pour renforcer la présence de la société civile dans le débat sur la mondialisation.

M. FRIED VAN HOOF, expert de la Sous-Commission, a dit partager les positions exprimées par MM. Eide et Yokota. Il a souligné que la tenue d'un dialogue constructif suppose que l'on se comprenne et que l'on parle la même langue. M. Van Hoof a donc recommandé aux rapporteurs spéciaux sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme de tenir compte des arguments de «la partie opposée». Certes, la primauté entre régime commercial et régime de droits de l'homme va aux droits de l'homme mais il faut néanmoins traduire cette primauté dans les faits.

M. YEUNG KAM YEUNG SIK YUEN, expert de la Sous-Commission, s'est félicité du message adressé à la Sous-Commission par M. Oloka-Onyango, Rapporteur spécial sur la mondialisation, à savoir que si la mondialisation a des effets positifs, il convient d'insister davantage sur les aspects humains de ce processus. Avec la mondialisation, tout bouge vite, a souligné l'expert; or, s'il peut être bon de bouger vite, cela a un prix et la question est de savoir si ce prix est juste ou s'il est trop élevé.

M ALONSO GÓMEZ-ROBLEDO VERDUZCO, expert de la Sous-Commission, a exprimé son accord avec les auteurs du rapport sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme, qui abordent la question de la mondialisation en tant que phénomène politique. Il a rappelé qu'il fallait déterminer quels sont les pays qui sont en train de bénéficier de ce mouvement et quels sont les pays qui en pâtissent. Il a souligné qu'il est difficile de prouver la responsabilité de telle ou telle organisation dans les déséquilibres qu'entraîne la mondialisation. Du point de vue juridique, la détermination des responsabilités dans le cas d'espèce est très délicate, voire impossible. La signature par les États d'une convention cadre semblerait être une solution qui permettrait à l'avenir de trouver des responsabilités a suggéré l'expert.

MME ERICA-IRENE DAES, experte de la Sous-Commission, a souligné que le rapport sur la mondialisation et ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme aborde des questions très controversées. Elle a néanmoins relevé que ce rapport n'aborde pas certaines questions et a souligné qu'il existe dans le monde des populations qui n'acceptent pas l'idée que l'humanité va réellement bénéficier de la société de consommation : ce sont les populations autochtones. «La consommation dévore l'avenir des autres», a déclaré Mme Daes. Les populations autochtones sont riches d'idées, a poursuivi l'experte avant de relever le paradoxe qui veut que la mondialisation crée un marché de diffusion de nouvelles idées mais ne permet qu'à une seule voix de se faire entendre, au détriment des autres.


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