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Communiqués de presse Procédures spéciales

UN EXPERT DES DROITS DE L'HOMME DEMANDE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE CAMBODGIENNE DE RESTAURER L'IMMUNITÉ DE TROIS DÉPUTÉS

08 Février 2005

7 février 2005


Le Représentant spécial du Secrétaire général pour la situation des droits de l'homme au Cambodge, M. Peter Leuprecht, a fait aujourd'hui une déclaration dans laquelle, au vu du manque d'indépendance avéré du pouvoir judiciaire au Cambodge, il se dit préoccupé au plus point par la levée, jeudi dernier, 3 février 2005, de l'immunité parlementaire de trois membres du Parti Sam Rainsy de l'Assemblée nationale, MM. Sam Rainsy, Chea Poch et Cheam Channy, ainsi que par l'arrestation de ce dernier, le même jour.

Le vote de l'Assemblée nationale, qui s'est fait à main levée, est intervenu lors d'une séance à huis clos à l'issue de laquelle 98 députés sur 103 votants ont décidé de lever l'immunité de M. Poch et 97 sur 104 votants ont décidé de lever celle de MM. Channy et Rainsy. MM. Sam Rainsy et Chea Poch ont alors immédiatement quitté le pays.

La levée de l'immunité parlementaire de ces trois parlementaires et l'arrestation subséquente d'un membre de l'Assemblée nationale sont les dernières d'une série d'actions qui, ces derniers mois, laissent douter de l'engagement des deux partis du Gouvernement de coalition au Cambodge (le Parti du peuple cambodgien et le Front Uni National pour un Cambodge Indépendant, Neutre, Paisible et Coopératif-FUNCINPEC) en faveur d'un véritable système démocratique pluraliste. Elles interviennent en effet après le refus d'accorder au Parti Sam Rainsy le moindre siège au sein des commissions de l'Assemblée nationale, un accord entre les deux partis au pouvoir afin de reporter les élections sénatoriales pourtant requises par la Constitution, et le non-respect des dispositions de la Loi sur l'administration municipale selon laquelle les chefs de village doivent être choisis par les conseils municipaux élus.

Alors que la levée de l'immunité parlementaire de MM. Rainsy et Poch est liée à des plaintes pour diffamation, l'arrestation de M. Channy est liée à une accusation émanant du Premier Ministre qui, le 18 juillet 2004, trois jours après la formation du nouveau Gouvernement, affirmait que le Parti Sam Rainsy était en train de mettre sur pied une force militaire secrète. Rares sont ceux qui, en dehors des renseignements militaires et du tribunal militaire, semblent avoir accordé crédit à ces allégations. De hauts responsables gouvernementaux du Parti du peuple cambodgien ont publiquement déclaré que les autorités n'ont trouvé aucun élément de preuve attestant qu'une quelconque force armée serait en cours de création.

M. Cheam Channy a été arrêté vers 7 heures du matin, le 3 février, après la levée de son immunité et après qu'un mandat d'arrêt eut été lancé contre lui par le Bureau du Procureur militaire. Il est accusé de «crime organisé» et de «fraude» en vertu de la loi et de la procédure pénales et judiciaires applicables dans le pays durant la période de transition. M. Channy a été déféré au Bureau du Procureur militaire pour y être interrogé puis emmené dans la prison militaire de Phnom Penh, adjacente au Bureau du Procureur. Le Bureau du Haut Commissariat au Cambodge poursuit ses efforts pour entrer en contact avec M. Channy.

Le Représentant spécial demande que M. Cheam Channy soit libéré immédiatement et sans condition. M. Channy est un civil et, en tant que tel, ne relève pas d'une juridiction militaire.

L'immunité a pour objet de protéger les membres de l'Assemblée nationale de toute procédure ou accusation sans fondement qui pourrait être politiquement motivée ou lancée de mauvaise foi. Le bon fonctionnement du régime d'immunité parlementaire est fondamental pour garantir l'indépendance de l'Assemblée nationale. L'article 80 de la Constitution du Cambodge de 1993 stipule que «La poursuite, l'arrestation, la garde à vue ou la détention d'un membre de l'Assemblée nationale n'est possible qu'avec l'accord de l'Assemblée nationale ou du comité permanent dans l'intervalle des sessions, sauf en cas de flagrant délit. Dans ce dernier cas, le service compétent doit présenter, d'urgence, un rapport à l'Assemblée Nationale ou au comité permanent pour décision. La décision du comité permanent de l'Assemblée nationale doit être soumise à la prochaine session pour adoption à la majorité des deux tiers de ses membres.».

Ces événements suscitent des préoccupations quant à l'avenir de la démocratie au Cambodge, face à une forme de gouvernement de plus en plus autocratique. M. Leuprecht demande à l'Assemblée nationale de rétablir immédiatement l'immunité parlementaire de MM. Rainsy, Poch et Channy; de rendre publics les comptes rendus de ses séances tenues à huis clos; et de faire en sorte que des membres du parti d'opposition se voient accorder des sièges au sein des commissions parlementaires.

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