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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME TERMINE SON DÉBAT SUR LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME DANS TOUS LES PAYS

05 août 1999



APRÈS-MIDI


HR/SC/99/7
5 août 1999





La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a achevé, cet après-midi, son débat consacré à la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et dépendants.

Les experts suivants ont fait des déclarations : M.Miguel Alfonso Martínez, MmeAntoanella Iulia Motoc, M.Rajenda Kalidas Wimala Goonesekere et M.Louis Joinet. Il a notamment été estimé que le principe de droit humanitaire ne saurait s'imposer au détriment de celui de souveraineté des États. Ainsi, les questions humanitaires ne doivent pas servir de prétexte pour s'ingérer dans les affaires intérieures d'un État, a affirmé un expert. Un autre membre de la Sous-Commission a notamment relevé la contradiction majeure qui veut que «mondialisation rime de plus en plus avec balkanisation».

La République de Congo, le Pakistan, le Maroc, le Népal, l'Indonésie, l'Iraq, l'Inde, la Colombie, la Turquie, le Bélarus et le Bhoutan ont exercé leur droit de réponse.

La Sous-Commission reprendra ses travaux en séance publique plénière le mardi 10 août, à 10 heures. Elle devrait entamer l'examen global de sujets précis relatifs à l'élimination de la discrimination raciale, en particulier les questions relatives à la xénophobie et à la situation des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.



Fin du débat sur les violations des droits de l'homme partout dans le monde

M.MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert de la Sous-Commission, a regretté que l'on puisse, sans retenue, déclarer vouloir défendre des populations de violations des droits de l'homme en bombardant le territoire sur lequel se trouvent ces mêmes populations. Il a déclaré que l'ordre juridique international est renversé et a estimé que l'emploi de la force représente une menace. Il a regretté que le Tribunal pénal international ne s'occupe, en Yougoslavie, que des violations réelles ou supposées commises du côté serbe. Il a reconnu que personne ne peut s'abriter derrière le principe de souveraineté nationale pour éviter d'avoir à répondre d'abus dans le domaine des droits de l'homme, mais il a condamné l'utilisation de questions humanitaires comme prétexte d'ingérence dans un État.

M.Alfonso Martínez a souligné que des personnes coupables de graves violations des droits de l'homme occupent aujourd'hui, en toute impunité, des postes de haute responsabilité dans leur pays. Il a déclaré que le principe du «devoir d'ingérence humanitaire» est employé pour justifier des actions qui se situent hors du droit. Le recours à l'argument humanitaire pour défendre des interventions armées est une tendance qui mérite une réflexion approfondie. Il a douté que les pays en développement doivent renoncer sans hésiter à leur souveraineté tout en reconnaissant la souveraineté des grandes puissances, étant entendu qu'aucun bombardement ne se déroulera jamais sur les territoires de ces puissances.

MME ANTONELLA IULIA MOTOC, membre suppléant de la Sous-Commission, a affirmé que la période contemporaine semble marquée par une demande croissante pour que les droits de l'homme deviennent une réalité effective pour tous. Elle a mis en garde contre le danger d'un discours qui tendrait à relativiser l'universalité des droits de l'homme. Aujourd'hui, le problème essentiel vient de l'opposition qui est faite de plus en plus souvent entre souveraineté des États et droits de l'homme. Les groupes ethniques, religieux ou autres s'opposent aujourd'hui plus que jamais à l'État. Ces questions requièrent que l'on se penche sur la définition de certaines notions et de certains termes. L'intervention humanitaire telle qu'elle s'effectue aujourd'hui pose la question de la limite des pouvoirs dans la société internationale actuelle. Les interventions humanitaires ne se font pas dans le cadre strict de la Charte des NationsUnies, a fait observer l'experte. Aujourd'hui, il est difficile de trouver un mécanisme international susceptible de limiter le pouvoir des grandes puissances. Le Conseil de sécurité, comme l'a montré la crise au Kosovo, pas plus que la Cour internationale de justice, comme l'a attesté la crise de Lockerbie, ne semblent en mesure d'assumer pleinement ce rôle.

M.RAJENDA KALIDAS WIMALA GOONESEKERE, expert de la Sous-Commission, a déclaré que le principe de droit humanitaire international ne doit pas impliquer le passage sous silence de la question de la souveraineté nationale. Il faut trouver les possibilités d'intervention lorsque cela semble nécessaire, tout en s'assurant que cela n'entraîne pas l'apparition d'autres problèmes, a-t-il déclaré. Il a douté que les interventions armées puissent effectivement se concentrer sur les objectifs militaires et épargner les victimes innocentes.

M.LOUIS JOINET, expert de la Sous-Commission, a pris note du processus en cours en Algérie et a estimé que l'une des tâches les plus difficiles à laquelle le Président Bouteflika est confronté consiste à savoir comment engager en profondeur un processus de réconciliation qui ne soit pas marqué par l'impunité et serait par conséquent voué à l'échec. M.Joinet a espéré que le report de date d'une visite du Groupe de travail sur la détention arbitraire au Bahreïn soit mis à profit pour mettre en oeuvre les réformes attendues. S'agissant de la République populaire démocratique de Corée, l'expert s'est réjoui de l'annonce de ce pays d'adhérer à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et de son engagement à présenter son rapport périodique au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Beaucoup de chemin reste à parcourir mais le plus difficile était de faire les premiers pas : voilà qui est fait.

Au Bélarus, a poursuivi l'expert, l'évolution de la situation se résume à un seul mot : l'immobilisme, les mêmes causes produisant les mêmes effets. M.Joinet a d'autre part relevé qu'alors que certains prédisaient des désordres au Mexique suite à l'adoption l'an dernier d'une résolution sur l'évolution de la situation des droits de l'homme dans ce pays, cette résolution a surtout provoqué un choc salutaire en faveur de la protection et de la promotion des droits de l'homme.

S'agissant du Togo, M.Joinet a déclaré que le régime de ce pays a atteint un degré de despotisme qu'il n'est pas possible de passer sous silence. Il a préconisé de vérifier les allégations concernant des violations de droits de l'homme, par exemple en créant une commission d'enquête internationale, ce que le Gouvernement togolais semble disposé à faire. Tout au moins, ce Gouvernement devrait-il accepter une visite du Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires dans le pays.

La Sous-Commission avait fait son travail dès 1993 en attirant l'attention sur la situation au Kosovo, a par ailleurs rappelé M.Joinet avant de souligner qu'il avait personnellement rendu publique devant la Sous-Commission la liste des magistrats de souche albanaise qui avaient été révoqués au Kosovo. M.Joinet a rappelé qu'il avait à l'époque été traité de menteur. L'histoire a montré de quel côté étaient les menteurs. En tout cas, la Sous-Commission avait alors fait son travail. Si le travail n'a pas été fait ailleurs, la responsabilité n'en incombe pas à cet organe.

Mondialisation rime de plus en plus avec balkanisation, a déclaré M.Joinet, relevant qu'il s'agit là d'une contradiction majeure. Il serait préférable que les organisations non gouvernementales n'intègrent pas de parlementaires dans leurs délégations, sauf à titre exceptionnel s'il s'agit d'un parlementaire qui a été victime de violation de droits de l'homme, a par ailleurs estimé M.Joinet.


Droit de réponse

Le représentant de la République du Congo a réagi à la déclaration faite hier matin par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) en soulignant que la situation dans le pays a considérablement évolué dans le sens d'une amélioration de la sécurité. Il n'y a pas d'épuration ethnique en République du Congo, a-t-il souligné. La presse n'est aucunement muselée. Les diverses mises au point faites par les autorités relatives aux allégations de violations des droits de l'homme ne sauraient être perçues comme des menaces à l'endroit des défenseurs des droits de l'homme. Le représentant a déclaré que la guerre civile a été provoquée par les autorités déchues qui aujourd'hui arment des jeunes gens drogués et fanatisés. Il a donc estimé que renvoyer dos à dos les «bandits armés» et la Force publique relève de la mauvaise foi. Il a affirmé la volonté du Président d'organiser prochainement des élections démocratiques.

Le représentant du Pakistan a déclaré que les arguments employés par la Conférence des organisations non gouvernementales (CONGO) dénotent un manque de respect pour les droits de l'homme. La plupart de ces arguments représentent une propagande hostile au Pakistan qui émane du Gouvernement indien, a-t-il estimé. Le représentant a déclaré que les Cachemiriens ont entamé leur lutte contre l'occupation indienne il y a plus de dix ans et que leur cause est juste et noble. Il a rappelé que plus de 60000 Cachemiriens ont été tués par les forces d'occupation indiennes. Il a souligné que la lutte des Cachemiriens ne reçoit pas de soutien extérieur. Cette lutte du peuple cachemirien pour la liberté ne peut être remise en question par des descriptions la qualifiant de fondamentalisme musulman ou de terrorisme.

Le représentant du Maroc a répondu à «une certaine ONG qui a cru bon de prêter son nom au représentant de l'autre partie dans la question du Sahara», qui a décrit la situation des droits de l'homme au Maroc sur une base mensongère et dénuée de tout fondement. Il a souligné qu'il est regrettable que l'on veuille s'engager dans des joutes verbales stériles et polémiques au sujet d'une question qui fait déjà l'objet d'une action déterminée des autorités marocaines. C'est dans le cadre d'une politique de consolidation de l'état de droit et de promotion des droits de l'homme que le Gouvernement marocain s'est engagé à régler les différents dossiers dont celui des disparus. Une commission d'arbitrage va être créée pour examiner minutieusement la question de la réparation équitable de l'ensemble des personnes ayant subi un préjudice matériel ou moral du fait d'une disparition. En plus de l'oeuvre louable et minutieuse de recherche et de clarification entreprise par le Conseil consultatif des droits de l'homme, le Maroc entend poursuivre sa coopération constructive avec le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires pour faire la lumière sur tous les cas en suspens et élucider toutes les allégations à ce sujet. À cette occasion, le Maroc renouvelle son appel pour obtenir des informations plus détaillées sur les personnes en question afin de faciliter les recherches.

Le représentant du Népal a rappelé que son pays est pleinement engagé à nouer un dialogue avec le Bhoutan pour trouver une solution à la question des réfugiés bhoutanais vivant dans les camps népalais depuis une dizaine d'années. La huitième réunion ministérielle sur la question qui était prévue pour cette année entre les deux pays n'a toujours pas eu lieu. Le problème des réfugiés bhoutanais au Népal est un problème de droits de l'homme puisqu'il concerne des milliers de personnes qui sont privées de leur droit de rentrer chez elles. Ce problème reste une des questions prioritaires de la politique étrangère du Népal. Le Népal fera tout son possible pour faire en sorte que les négociations bilatérales sur cette question aboutissent au plus vite.

La représentante de l'Indonésie a répondu à la déclaration d'une organisation non gouvernementale en assurant que le Gouvernement indonésien a adopté à Aceh une nouvelle politique axée sur le dialogue et la réconciliation. Elle a reconnu que les opérations militaires menées par l'Indonésie est provoqué des souffrances inutiles au sein de populations innocentes et a annoncé que le gouvernement a décrété l'amnistie d'un certain nombre de prisonniers politiques, y compris de M.Tengqu Bantaquiah. Le gouvernement a mis fin au statut de «zone d'opération militaire» de la province d'Aceh. L'ordre et la sécurité publics y sont désormais assurés par la police et les victimes d'abus passés et leurs familles recevront des dédommagements. Elle a également indiqué que le gouvernement a adopté, en juillet 1999, des lois renforçant l'autonomie de la région et le Parlement indonésien examine actuellement un projet de loi accordant à la province d'Aceh un statut d'«autonomie spéciale». Elle a cependant souligné que des groupes séparatistes armés continuent d'avoir recours à la violence et se sont livrés à l'intimidation d'électeurs lors des dernières élections générales, ils ont tué des civils et des membres de la police et de l'armée et ils ont détruit des installations publiques, a déploré le représentant. Des dizaines de milliers d'habitants d'Aceh ont de ce fait été obligé de fuir leurs foyers.

Le représentant de l'Iraq a déclaré, en réponse à la déclaration de l'organisation non gouvernementale Interfaith International, que si cette organisation avait été objective, elle aurait dénoncé les bombardements américains et les souffrances de la population iraquienne. Au sujet des allégations de destruction de certains temples, le représentant a souligné que son gouvernement a toujours accordé une grande importance à la protection de tous les lieux de culte. L'Iraq tient à sauvegarder sa cohésion nationale, a-t-il souligné.

Le représentant de l'Inde a rappelé que la situation qui prévaut actuellement dans l'État indien du Jammu-et-Cachemire est essentiellement due à la guerre par procuration qu'y mène le Pakistan. La récente intrusion armée du côté indien de la ligne de contrôle dans le secteur de Kargil n'est qu'une manifestation de plus de l'ambition d'extension territoriale du Pakistan. Le Gouvernement indien a le devoir de protéger ses citoyens contre tout acte terroriste. Il est engagé à leur assurer une telle protection tout en respectant strictement les normes démocratiques de la Constitution indienne ainsi que les normes internationales relatives aux droits de l'homme. La Sous-Commission doit aider la communauté internationale à adopter une démarche commune pour lutter contre le fléau du terrorisme qui constitue aujourd'hui l'une des plus graves menaces pesant sur les droits de l'homme. La délégation indienne rejette catégoriquement comme étant mensongères toutes les allégations proférées par la délégation du Pakistan à l'encontre de l'Inde.

Le représentant de la Colombie a souligné qu'en dépit de la situation difficile à laquelle le pays est confronté à cause du conflit interne, le Gouvernement a déployé d'importants efforts pour assurer la protection intégrale des droits de l'homme et des libertés fondamentales. À cet effet, le Gouvernement a accordé une importance particulière ainsi que des ressources considérables au déploiement de mesures susceptibles d'assurer le respect de l'intégrité des défenseurs des droits de l'homme et des dirigeants syndicaux. Dans le cadre du Programme de protection des témoins et des personnes déplacées, le Ministère de l'intérieur a pris un certain nombre de mesures parmi lesquelles figurent des mesures de protection des locaux d'organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme et d'organisations syndicales. Pour garantir la protection individuelle des défenseurs des droits de l'homme, huit équipes de sécurité opèrent actuellement autour de personnes menacées.

Le représentant de la Turquie a souligné qu'au cours des cinq dernières années, les gouvernements turcs successifs ont démontré leur ferme volonté de veiller à ce que les responsables de violations des droits de l'homme ne bénéficient pas de l'impunité. En ce qui concerne un éventuel «conflit armé», le représentant a souligné que la Turquie ne connaît pas de conflit de ce type tels qu'ils sont décrits par les Conventions de genève de 1949. Il s'agit plutôt d'actes de terrorisme impitoyables qui visent même la communauté qu'ils sont sensés défendre, a-t-il déclaré. À propos de la minorité kurde, le représentant a souligné que la Turquie est un pays multiethnique et que les droits individuels de chaque citoyen y sont garantis, quelle que soit son origine ethnique. S'agissant de l'affaire Loizidou, il a déclaré que le statut de l'avis qui a été rendu à ce sujet n'entraîne pas son application.

Le représentant de Bélarus a déclaré que son gouvernement considère que les droits de l'homme sont indivisibles et interdépendants. Il a souligné que le Bélarus est un pays où les groupes ethniques vivent en harmonie et où le taux de criminalité est faible. Tout en reconnaissant que tout n'est pas parfait dans son pays, le représentant a rejeté les accusations selon lesquelles le Bélarus mènerait une politique de violation des droits de l'homme.

Le représentant du Bhoutan a déclaré que la proposition de son pays tendant à tenir des pourparlers à haut niveau au sujet de la question des réfugiés au Népal a été rejetée par le Népal. L'un des obstacles majeurs à la poursuite d'un dialogue de haut niveau sur la question réside en fait dans l'instabilité des gouvernements népalais qui se sont succédés ces dernières années. Il faut espérer que le Népal parviendra à fixer une date pour la huitième conférence ministérielle sur le sujet, dont le Bhoutan a proposé la tenue.

Le représentant du Pakistan a rappelé que le Jammu-et-Cachemire n'est pas un territoire indien : il s'agit d'un territoire contesté. Ce qui se passe au Cachemire ne se fait pas par une quelconque procuration. C'est l'armée indienne qui sévit dans la région. Depuis 1995, les forces de sécurité indiennes ont eu recours sans relâche à des groupes paramilitaires qui se sont rendus coupables de violations graves des droits de l'homme. L'Inde prétend être une démocratie. Si tel est le cas, l'Inde n'a qu'à laisser le peuple du Cachemire s'exprimer librement.

Le représentant du Népal a assuré que les gouvernements successifs du Népal ont tous adopté la même position en ce qui concernes les réfugiés bhoutanais. Tous les partis politiques népalais ont la même approche sur ce sujet. Il a déclaré que les Bhoutan n'a toujours pas répondu à l'invitation qui lui a été adressée de participer au dialogue.

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