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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

SOUS-COMMISSION DE LA PROMOTION ET DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME:12 EXPERTS INTERVIENNENT SUR LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME DANS LE MONDE

05 août 1999


MATIN


HR/SC/99/6
5 août 1999






La Sous-Commission a poursuivi, ce matin, son débat sur les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays en entendant douze de ses membres ou suppléants. Les experts suivants sont intervenus : M.Ahmad Khalifa, M.Sang-Yong Park, MmeHalima Warzazi, M.Joseph Oloka-Onyango, M.Bossuyt, MmeErica-Irene A. Daes, M.David Weissbrodt, M.Asbjørn Eide, MmeFrançoise Jane Hampson, M.Alberto Diaz-Uribe et M.Vladimir Kartashkin et M.Zhong Shukong.

Les experts ont examiné la situation des droits de l'homme dans de plusieurs pays, soulignant en particulier la gravité de la crise qu'a connue le Kosovo, tout en faisant observer que d'autres pays, notamment d'Asie ou d'Afrique, mériteraient de recevoir la même attention de la part de la communauté internationale et des organisations humanitaires. À cet égard, un expert a déploré l'existence d'un «racisme institutionnel» jusqu'au sein d'une organisation humanitaire des NationsUnies.

Des experts ont également regretté que certains États entreprennent, de leur propre chef, des actions militaires dans d'autres États. Face à ce phénomène, un expert a suggéré l'adoption de nouvelles règles internationales, un autre à appelé à la ratification et à la mise en application des accords existants. Plusieurs membres de la Sous-Commission ont appelé au renforcement de l'autorité des NationsUnies. Ils ont condamné les politiques unilatérales et exhorté les États à consulter le Conseil de sécurité des NationsUnies avant d'entreprendre une action armée.

La Sous-Commission se réunira à nouveau cet après-midi, à 15 heures. Elle achèvera son débat sur les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays. Elle entendra en particulier plusieurs délégations de pays qui exerceront leur droit de réponse suite aux interventions qui ont été faites dans le cadre de l'examen de la question de la violation des droits de l'homme dans tous les pays.


Débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tous les pays

M.AHMAD KHALIFA, expert de la Sous-Commission, a déclaré que le droit international, établi pour assurer un équilibre et un modus vivendi entre les nations, a souvent été bafoué. Souvent, le destin des nations est soumis à la loi du plus fort; il est entre les mains de quelques-uns. S'agissant du Kosovo, il peut paraître choquant de voir qu'une guerre livrée pour éviter une catastrophe humanitaire a causé tant de dégâts. Mais la situation au Kosovo, comme auparavant en Bosnie, recelait beaucoup de caractéristiques communes avec l'acte de génocide, et cette guerre devait être gagnée à tout prix. L'objectif était d'imposer la paix par la guerre.

M.Khalifa a estimé que la Sous-Commission devrait porter son attention sur la question du droit d'intervention. La reconstruction au Kosovo va être assurée en prélevant les ressources sur des fonds qui étaient initialement prévus pour venir en aide à des pays en développement. L'évaluation de l'aventure du Kosovo reste à faire, a relevé l'expert. La stabilité va-t-elle finalement prévaloir dans les Balkans, s'est-il interrogé.

À la lumière de l'ampleur des violations des droits de l'homme qui étaient en cause, l'intervention internationale était peut-être à propos. Mais lorsqu'il est fait si peu de cas d'un système, lorsque les règles de ce système ne sont pas respectées, il est nécessaire d'en changer, d'édicter de nouvelles lois, de nouveaux systèmes, qui viennent remplacer les anciens. Le monde ne saurait vivre sans «totem» inspirant à chacun le respect, a estimé M.Khalifa. Il faut que les interventions humanitaires soient intégrées d'une manière ou d'une autre dans le droit international, tout en excluant les tendances unilatéralistes. Désormais nous entrons dans une phase fatale dans laquelle la licéité fait défaut, a fait observer l'expert. Il a estimé que le XXIème siècle aura grandement besoin d'une harmonisation entre le concept de souveraineté et celui du droit voire du devoir d'ingérence pour la défense des droits de l'homme.

M.SANG-YONG PARK, expert de la Sous-Commission, a reconnu que des progrès ont eu lieu dans le domaine des droits de l'homme et de la mise au point de mécanismes institutionnels nécessaires à l'avancement de cette cause. Il a souligné que les droits de l'homme sont universels et que, sans droits de l'homme, la paix et la prospérité ne peuvent être durables. L'expert s'est félicité de l'adoption par l'Assemblée générale de la Déclaration sur la protection des défenseurs des droits de l'homme. Il a ajouté qu'il convient d'accorder une attention accrue aux domaines des droits économiques, sociaux et culturels et au droit au développement. En dépit des progrès accomplis dans le domaine des droits de l'homme au cours des cinquante dernières années, l'expert a souligné que l'année qui vient de s'écouler a vu de graves violations de ces droits. De plus, la pauvreté, l'analphabétisme et l'exclusion sociale ont augmenté dans de nombreux pays.

M.Park a déclaré qu'au cours des derniers mois, de toutes les situations préoccupantes en matière de droits de l'homme, la situation au Kosovo a été la plus grave. Il a appelé au rapatriement des réfugiés kosovars et à leur réinsertion dans les meilleures conditions de sécurité. L'expert a par ailleurs insisté sur l'importance pour la communauté internationale d'unir ses efforts afin d'éviter que se produise un autre génocide, conflit ethnique ou massacre et de s’assurer qu'il n'y ait plus de réfugiés. Il a déclaré que l'attention de la communauté internationale ne se manifeste le plus fortement que dans certaines parties du monde où se trouvent des nations composées de plusieurs ethnies et où plusieurs religions sont pratiquées. L'Asie ne reçoit pas l'assistance qu'elle mérite, a-t-il regretté, en ajoutant que l'Afrique compte à elle seule plus de six millions de réfugiés et personnes déplacées. Ces populations méritent autant d'attention et d'assistance que le peuple du Kosovo, a-t-il insisté.

L'expert a ensuite souligné que certaines régions du monde connaissent des situations explosives et que des guerres ou des situations d'urgence complexes pourraient s'y présenter. À cet égard, il a souligné qu'il faut accorder la plus haute priorité à la prévention des conflits sur l'amélioration des situations de conflits. Soulignant l'étendue de l'arsenal juridique dont dispose la communauté internationale dans le domaine des droits de l'homme, M.Park a insisté pour que ces instruments soient ratifiés puis mis en oeuvre, grâce à des efforts au niveau national, mais aussi un renforcement de la coopération internationale.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a remercié les innombrables amis et personnes qui l'ont approchée pour lui exprimer leurs condoléances et leur regret pour l'immense perte subie par le peuple marocain. Sa Majesté le Roi Hassan II était le père de la nation et il n'a ménagé aucun effort pour assurer à son peuple prestige, prospérité et liberté à travers une politique de dialogue constant avec son peuple et avec toutes les sensibilités du pays. Le peuple marocain a manifesté son attachement et sa fidélité à Sa Majesté le Roi Mohamed VI qui s'est engagé à poursuivre la voie tracée par son auguste père, une voie visant à faire entrer le Maroc de plein pied dans le troisième millénaire grâce à une ouverture plus poussée, à une modernité respectueuse de la tradition, à une protection de tous les droits de l'homme et au renforcement de l'état de droit.

Mme Warzazi a déclaré que le cheminement historique qui a mené à l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme suivie d'une série d'instruments internationaux semble aujourd'hui engagée dans une impasse lourde de conséquences pour la promotion des idéaux de paix, de justice, de tolérance, de coexistence pacifique et de liberté. À l'aube du troisième millénaire, nous assistons à l'émergence ou à la recrudescence de la violence sous ses formes les plus extrêmes et les plus aberrantes, telles que le terrorisme. Le phénomène de l'extrémisme national, ethnique et religieux fait de plus en plus de victimes et les statistiques électorales, notamment en Europe, indiquent que l'extrémisme xénophobe et raciste se répand tel la gangrène, faisant accéder à la politique de dangereux élus dont le credo constitue une sérieuse menace pour les démocraties dont se réclament les gouvernements.

En outre, le monde se déchaîne en luttes armées et, en 1998, on ne compte pas moins de 27 conflits armés, ce qui ne laisse présager rien de bon pour le prochain millénaire. L'utilisation de la force semble être banalisée et les événements de ces derniers mois ne peuvent qu'engendrer de graves inquiétudes chez les peuples dont la vulnérabilité contraste dramatiquement avec les menaces et les démonstrations de force. Après l'intervention humanitaire, c'est la défense des minorités qui est invoquée, a poursuivi MmeWarzazi. Dans le cas du Kosovo, a-t-elle rappelé, on ne peut pas dire que les horreurs que devaient vivre les kosovars étaient une surprise inattendue. En effet, la Sous-Commission a, pendant des années, adopté des résolutions visant à alerter la communauté internationale et les pays concernés afin qu'ils prennent des mesures de prévention alors qu'il était encore temps. Or, loin de prévenir la catastrophe, l'intervention qui, venue trop tard, a mobilisé pendant de longs jours les moyens de commu
nication de masse, a consisté à guérir le mal par le mal.

Plus que jamais, nous sommes amenés à réaliser que «la démocratie et les droits de l'homme sont intimement liés au développement et au développement global», a affirmé MmeWarzazi. Certes, on ne peut nier que dans bon nombre de pays, des progrès sont réalisés en matière de promotion des droits de l'homme, a poursuivi l'experte. Mais sans l'établissement d'une coopération internationale solide et l'instauration d'un système économique international à visage humain, il ne sera pas aisé de mettre fin à la pauvreté et à l'ignorance qui, à ce jour, alimentent l'insécurité, les extrémismes, les violences et les exploitations les plus diverses. Certes, la Sous-Commission a un rôle très important à jouer en vue de sensibiliser les États et de les amener à assumer pleinement leurs devoirs et leurs obligations. Mais c'est sur le terrain que l'action est la plus palpable, a fait valoir MmeWarzazi. Elle a donc rendu hommage aux organisations non gouvernementales et à tous ceux qui veulent faire des droits de l'homme
une réalité.

M.JOSEPH OLOKA-ONYANGO, expert de la Sous-Commission, a salué ceux qui ont eu le courage de s'élever contre les violations des droits de l'homme en Ouganda. Il a souligné qu'aucun pays véritablement engagé dans la promotion des droits de l'homme ne doit en autoriser la violation sur son propre territoire. Il a mis l'accent sur l'importance du droit à la paix, tout en reconnaissant que ce droit n'est pas reconnu par tous. Il a déclaré que le continent africain est en guerre avec lui-même et le reste du monde. Il s'agit d'une «guerre du déni et de la négligence», a-t-il dit, car si des conflits d'ampleur comparable à ceux qui se déroulent en République démocratique du Congo, ou entre l'Éthiopie et l'Érythrée, se déroulaient dans toute autre région du monde, ils seraient considérés comme une guerre mondiale. Comparant la réaction de la communauté internationale à la situation au Kosovo, à celle dont elle a fait preuve face aux situations de la Namibie, de l'Angola, du Soudan et du Burundi, l'expert a estimé qu'elle traduit le désintérêt et la négligence. Il a en outre condamné la part accordée par les pays belligérants aux dépenses militaires, au détriment des droits de leur population à la santé, l'éducation et à une vie décente. Ces armes proviennent de sources extérieures à l'Afrique, a-t-il ajouté.

M.Oloka-Onyango a par ailleurs déclaré que le racisme reste vivace, au point d'être devenu une institution. Évoquant des meurtres racistes perpétrés aux États-Unis, M.Oloka-Onyango a estimé qu'il ne s'agissait pas de simples incidents. Il a ajouté que cette institutionnalisation du racisme conduit le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à distribuer aux réfugiés du Kosovo des rations alimentaires quatre fois supérieures à celles qui sont distribuées aux réfugiés d'un camp de Tanzaniens. À cet égard, l'expert a appelé la Sous-Commission à mettre fin à l'impunité et à réfléchir sur les manières de sanctionner non seulement les responsables de violations des droits de l'homme mais aussi les responsables de la fourniture d'assistance aux victimes. En l'absence de sanctions, a-t-il déclaré, il faudrait demander des comptes aux responsables à tous les niveaux. L'expert a enfin appelé la communauté internationale à accorder l'attention qui convient à la situation des droits de l'homme au Togo et à faire en sorte qu'il soit mis fin à l'impunité.

M.MARC BOSSUYT, expert de la Sous-Commission, a affirmé que «l'événement de l'année en matière de droits de l'homme se situe sans doute au Kosovo». Alors que la politique d'oppression de la majorité albanaise au Kosovo s'était renforcée depuis la suppression de l'autonomie dans cette province de la Serbie en 1989, il a fallu attendre dix ans avant qu'une réaction internationale y mette fin. Finalement, un groupe d'États faisant partie de l'Alliance atlantique et, devant le refus des autorités serbes de donner leur accord à un règlement négocié, a pris l'initiative d'une intervention aérienne en Serbie, au Monténégro et au Kosovo. La véritable question qu'il convient de se poser dans ce contexte consiste à se demander si cette réaction était justifiée et appropriée.

Pour ma part, a déclaré M.Bossuyt, j'estime que la communauté internationale a attendu trop longtemps pour intervenir. Il est clair que la logique de la politique serbe conduisait à un enchaînement de conflits armés. Si la communauté internationale avait réussi à stopper cette politique plus tôt, d'innombrables souffrances humaines auraient pu être évitées. Ceci aurait pu se faire alors à un prix inférieur à celui qu'il a finalement fallu y mettre. Bien sûr, il aurait été préférable que le Conseil de sécurité réussisse à prendre une décision autorisant explicitement une telle intervention. Mais dans des cas réellement exceptionnels, comme au Kosovo, une intervention humanitaire peut se justifier, a estimé l'expert. La communauté internationale ne peut être condamnée à rester un spectateur impuissant devant des violations massives et flagrantes des droits de l'homme. Quant à savoir si cette intervention était appropriée, M.Bossuyt a affirmé que le bilan de l'intervention est mitigé. La méthode employée, à savoir le bombardement aérien des centres de commandes et de l'infrastructure du régime responsable de ces violations, ne soulève pas seulement des questions du point de vue de l'efficacité de l'intervention mais aussi de sa légitimité et donc de sa légalité. «Il me semble que les fondements juridiques d'une intervention humanitaire sont d'autant plus solides qu'elle empêche immédiatement et directement la perpétration de violations massives des droits de l'homme», a déclaré M.Bossuyt.

Reste que la comparaison entre l'attention que la communauté internationale porte aux événements au Kosovo et celle qu'elle porte à l'Afrique que ce soit au Rwanda ou plus récemment au Sierra Leone fait planer le spectre d'une discrimination raciale à grande échelle. Au Burundi, le pire, c'est-à-dire un génocide à grande échelle, annoncé depuis cinq ans, ne s'est heureusement pas produit. La pierre d'achoppement à Arusha concerne surtout la composition ethnique de l'armée burundaise, a souligné l'expert. Il a estimé que le pire a pu être évité dans ce pays grâce à ce que l'on peut appeler «l'équilibre de la peur» : la peur de la minorité à l'égard de la majorité qui dispose de la force du nombre et la peur de la majorité à l'égard de la minorité qui s'appuie sur la force de l'armée. Au Burundi, la réforme de l'armée doit être l'aboutissement et non le début d'un processus d'établissement de relations de confiance mutuelle, a estimé M.Bossuyt.

S'agissant de l'Indonésie, l'expert s'est réjoui qu'un accord ait pu être trouvé sous l'égide des NationsUnies entre les gouvernements indonésien et portugais au sujet d'un processus qui doit permettre au Timor oriental d'exercer son droit à l'autodétermination. Il faut veiller à ce que tout le nécessaire soit fait pour que la consultation populaire à ce sujet puisse se dérouler dans des conditions satisfaisantes. L'expert a exprimé sa profonde préoccupation devant la dégradation des relations ethniques dans certaines parties de l'Indonésie. M.Bossuyt a indiqué qu'il a préféré se concentrer, dans son intervention, sur certaines situations en particulier mais qu'il aurait tout aussi bien pu parler des situations qui prévalent en République démocratique du Congo, au Congo-Brazzaville, au Togo, au Bélarus, au Mexique, en Colombie ou encore en République populaire démocratique de Corée.

MME ERICA-IRENE A. DAES, experte de la Sous-Commission, a déclaré que la communauté internationale ne peut rester indifférente face aux violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales honteuses et systématiques. Elle a souligné que la guerre et les conflits armés représentent la plus grande menace qui soit pour le respect des droits de l'homme. Ces conflits ont pour principales victimes les populations civiles, y compris les enfants, les femmes, les vieillards, les malades, les minorités et les réfugiés, a-t-elle souligné.

L'experte a regretté que les autorités yougoslaves aient eu recours, au Kosovo, à un usage disproportionné de la force, entraînant des morts, des souffrances et des déplacements forcés à grande échelle. Elle a également rappelé que les frappes aériennes de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ont sans doute atteint des populations et des installations civiles, et que l'OTAN a choisi des cibles décidées unilatéralement.

MmeDaes a aussi exprimé sa préoccupation concernant la situation en Colombie où 27 défenseurs des droits de l'homme ont trouvé la mort depuis 27ans, dont 5 cette année. Elle a particulièrement déploré l'assassinat d'Ingrid Washinatok. Elle a ajouté que la population rurale colombienne est victime d'atrocités toujours plus fréquentes.

MmeDaes a également souligné que l'embargo est une institution inhumaine qui atteint d'abord l'existence des enfants, des femmes, des vieillards et des malades ainsi que de tous les groupes vulnérables. Le Conseil de sécurité et les États devraient par conséquent éviter d'imposer des mesures d'embargo, a-t-elle insisté. Mme Daes a aussi déclaré que la situation des droits de l'homme est particulièrement préoccupante en Indonésie où des milliers de personnes sont arrêtées, des membres des minorités et des communautés autochtones sont torturés et subissent des traitements inhumains. Les peuples autochtones du Timor oriental sont victimes de traitements inhumains systématiques, a-t-elle déclaré. Elle a espéré que les accords signés par les Gouvernements du Portugal, de l'Indonésie et des représentants du Timor oriental sous les auspices du Secrétaire général des NationsUnies seront mis en application dans les meilleurs délais et bénéficieront au peuple indonésien. L'experte a en outre regretté les graves violations des droits de l'homme qui se déroulent au Mexique, et dont les populations autochtones sont les cibles privilégiées. Elle a regretté que le Gouvernement mexicain n'ait pas appliqué une politique de reconnaissance des droits de l'homme des populations autochtones du Mexique.

En ce qui concerne la Turquie, MmeDaes a regretté que des violations systématiques s'y poursuivent, ainsi que des déplacements forcés de populations dans le sud-est du pays et des arrestations de journalistes. Elle a également regretté la position du Gouvernement turc concernant MmeLoizidou, une habitante des territoires occupés de Chypre.

M.DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, a reconnu qu'aucun pays n'est exempt de problèmes en matière de droits de l'homme, pas même les États-Unis qui sont indirectement critiqués par la Commission des droits de l'homme pour leur recours à la peine capitale et leurs sanctions unilatérales contre Cuba. Les États-Unis ont d'ailleurs probablement d'autres problèmes de droits de l'homme liés, par exemple, à la discrimination basée sur la race, le sexe ou l'orientation sexuelle, ainsi qu'aux souffrances des communautés autochtones. Mais il existe par ailleurs des nations puissantes qui échappent à toute critique significative de la part de la Commission et des autres organes des NationsUnies. Depuis plusieurs années, la Commission n'est pas parvenue à se prononcer sur la situation des droits de l'homme en Chine. Pourtant, de nombreux membres de la Commission sont conscients de la situation en ce qui concerne la répression contre la communauté tibétaine et ses chefs spirituels. Étant donné le grand pouvoir et la grande influence dont dispose la Chine, il n'est pas surprenant que les NationsUnies n'aient accordé que peu d'attention à la situation des droits de l'homme au Tibet. Pour sa part, M.Weissbrodt a affirmé ne pas vouloir se faire le complice de ce silence persistant.

Le Jammu-et-Cachemire est une autre situation à l'égard de laquelle la Sous-Commission est restée largement silencieuse, peut-être parce que l'Inde et le Pakistan sont des pays influents. Il ne fait pourtant aucun doute que la situation au Jammu-et-Cachemire se caractérise par de graves violations des droits de l'homme perpétrées par la police aussi bien que par les insurgés armés et les forces paramilitaires appuyées par l'étranger.

En Algérie, certaines informations témoignent de la poursuite des assassinats et de la répression à l'encontre des organisations de droits de l'homme. Toutefois, le pays dispose d'un nouveau gouvernement et de grands espoirs d'amélioration se sont fait jour. M.Weissbrodt a par ailleurs relevé qu'en dépit des efforts déployés par la Sous-Commission l'an dernier pour encourager les négociations entre le Bhoutan et le Népal, aucun dialogue constructif n'a été noué entre les deux pays et aucun progrès n'a été enregistré en ce qui concerne le retour des 80000 à 100000 réfugiés qui ont été expulsés du Bhoutan il y a dix ans. La situation en Colombie est quant à elle aujourd'hui pire que l'an dernier. Le Pérou est sur le point de prendre une décision malheureuse selon laquelle il ne reconnaîtrait plus la compétence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. En Turquie, s'il est vrai que certaines informations indiquent une baisse de la pratique de la torture, la liberté d'expression continue d'être violée et plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l'homme font état de violations des droits de l'homme de la minorité kurde.

S'agissant de l'Indonésie, M.Weissbrodt a souligné que si la situation au Timor oriental a reçu une attention accrue de la part de la Commission, il convient d'accorder une plus grande attention aux événements qui se produisent à l'intérieur même de l'Indonésie. Ainsi, de nombreux assassinats et viols ont été perpétrés à l'encontre des minorités ethniques et des personnes d'origine chinoise. La récente violence entre groupes ethniques a aussi entraîné le déplacement interne de nombreuses personnes, a souligné l'expert. Il a d'autre part souligné que la situation au Togo se caractérise par une impunité systématique à l'égard des exécutions extrajudiciaires et autres violations des droits de l'homme alors que de nombreuses preuves attestent que ce sont souvent les forces de sécurité togolaises qui attaquent et brutalisent les civils. S'agissant du Bélarus, M.Weissbrodt a affirmé que peu de changement de fond sont intervenus à l'intérieur du pays depuis l'an dernier. Les défenseurs des droits de l'homme et les membres de l'opposition politique ainsi que les journalistes continuent d'être la cible privilégiée de la répression. M.Weissbrodt a fait part de sa satisfaction face à l'annonce de la République populaire démocratique de Corée de devenir partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Il a encouragé ce pays à inviter la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et d'autres organes et organisations des droits de l'homme à se rendre dans ce pays. L'expert a toutefois fait part de sa préoccupation constante en ce qui concerne l'enlèvement de femmes et de fillettes aux fins de trafic sexuel.

M.ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a souligné qu'il faut accorder une attention accrue à la situation en Afrique subsaharienne. Il a déclaré que certaines situations découlent de conflits profondément enracinés auxquels les gouvernements n'ont pas su trouver de solution démocratique. Évoquant la situation des peuples autochtones au Mexique et en Australie, l'expert a déclaré que la reconnaissance des droits des peuples autochtones permettrait de mettre fin aux violations des droits de l'homme de ces populations.

L'expert a ensuite affirmé que le concept d'autonomie locale est très différent de celui de sécession. À propos de conflits entre un gouvernement central et un groupe ethnique vivant sur son territoire, l'expert a rappelé que les Albanais du Kosovo, ainsi que les Kurdes de Turquie, ont été privés de leurs droits. Seul un changement de politique de la part du gouvernement permet de résoudre de telles situation, a-t-il insisté, tout en déconseillant le recours à la force, par des acteurs intérieurs ou extérieurs. Il a exprimé ses craintes concernant les opérations militaires telles que celles qu'à entreprises l'OTAN dans les Balkans. Il a espéré qu'aucune action militaire de ce type ne sera plus entreprise sans l'accord explicite du Conseil de sécurité des NationsUnies.

Concernant la situation au Sri Lanka, M.Eide a déclaré qu'elle a été provoquée par une politique hégémonique de l'État, aggravée ensuite par le comportement des groupes d'opposition militaire qui se transforment en groupes terroristes. Il a déploré l'assassinat de M.Neelan Thiruchelvam à l'instigation des dirigeants des Tigres de l'Eelam tamoul. En ce qui concerne l'Indonésie, l'expert s'est félicité de la transition démocratique que connaît le pays. Il a cependant attiré l'attention de la Sous-Commission sur l'héritage que laissent les autorités indonésiennes au Timor oriental, à savoir les forces de sécurité régressives et leurs soutiens paramilitaires. L'expert a suggéré l'élaboration de politiques qui permettront à la population du Cachemire d'avoir voix au chapitre en ce qui concerne sa propre existence, et qui rétabliront les droits de l'homme et les libertés religieuses de chacun. Évoquant la politique de la Chine en ce qui concerne ses minorités ethniques, l'expert a suggéré que ce pays prenne des mesures de «décentralisation démocratique». Il a également condamné les manifestations d'intolérance religieuse observées en Algérie, en Iran, et chez les taliban d'Afghanistan.

M.Eide a par ailleurs estimé que les inégalités dans le contrôle des ressources à l'intérieur des États et entre les États représentent une cause structurelle du déni des droits de l'homme. Il a enfin appelé au rétablissement de l'autorité des NationsUnies, faute de quoi le champs des droits de l'homme sera investi par des politiques unilatérales ou mises au point par un petit nombre d'États influents, et dont l'objectif sera d'imposer les priorités de ces États.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a exprimé l'espoir que l'exemple du Bahreïn, qui a libéré de nombreux détenus, permis le retour de nombreux exilés et accepté une visite d'Amnesty International, inspirera d'autres États de la région. Elle a dénoncé la détérioration du respect du droit international relatif aux conflits armés. À cet égard, elle s'est demandé pourquoi tous les pays composant l'Assemblée générale des NationsUnies avaient adopté le 8 février dernier une résolution demandant que soit convoquée une Conférence des Hautes parties contractantes aux Conventions de Genève pour envisager de prendre des mesures afin qu'Israël respecte ses obligations au titre de la Quatrième Convention de Genève dans les territoires occupés depuis 1967. En effet, pourquoi avoir adopté une telle résolution si l'on n'avait pas l'intention de prendre effectivement des mesures allant dans le sens voulu comme semble le laisser paraître le fait que les Parties contractantes ne se sont réunies que dix minutes à Genève le 15 juillet dernier et que cette réunion n'a même pas fixé de date pour une discussion de fond ou pour une quelconque décision concernant les mesures à prendre ?

Mme Hampson a déclaré que l'attitude de la communauté internationale à l'égard des situations de conflit et des violations graves des droits de l'homme se caractérise par une extraordinaire sélectivité et par une certaine discrimination. Une personne venant d'une autre planète conclurait sans conteste que sur Terre, la vie d'un Albanais du Kosovo vaut plus que celle d'un Somalien, d'un Angolais ou d'un Sierra-léonien. Lorsqu'un génocide est en cours dans un pays, quel qu'il soit, il n'est pas acceptable pour la communauté internationale de ne rien faire. Il est certes préférable que les États qui désirent alors réagir recherchent l'aval du Conseil de sécurité. Mais tant que l'attitude des membres de ce Conseil, en particulier l'attitude de ceux qui disposent du droit de veto, sera le produit de vieilles alliances et de basses considérations politiques, l'aval du Conseil de sécurité pour engager une opération ne saura constituer une condition préalable indispensable pour assurer la légitimité de ladite opération.

Mme Hampson a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation au Jammu-et-Cachemire, en Turquie, au Mexique, en Angola et au Sierra Leone. Elle a notamment estimé que l'exemple du Sierra Leone soulève la question de l'impunité, question indissociable des situations de conflit, quelles qu'elles soient. Si la Sous-Commission veut contribuer à mettre un terme à l'impunité, il faudra qu'elle discute aussi de la situation au Tibet.

M.ALBERTO DIAZ URIBE, expert suppléant de la Sous-Commission, a regretté que, la guerre froide ayant pris fin et dans un contexte de globalisation, certains pays aient entrepris de leur propre chef des actions contraires au consensus, aux accords et traités internationaux. Ces pays remplacent les concepts de souveraineté et d'obligations internationales par ceux de «sécurité nationale» ou d'«intérêt national». Il a regretté que les organisations régionales et internationales du système de protection des droits de l'homme perdent progressivement leur capacité d'action.

À cet égard, l'expert a regretté que le Congrès du Pérou ait accepté, avec effet immédiat, que le Pérou émette des réserves concernant la capacité de la Cour interaméricaine des droits de l'homme à régler des contentieux. Les Péruviens perdent ainsi leur droit à recourir à une instance supranationale, a-t-il souligné. L'expert a ensuite évoqué la crise humanitaire que traverse la Colombie. Il a déclaré que ce conflit s'aggrave de jour en jour et que les acteurs armés renforcent leurs tactiques de guerre par des massacres, des déplacements forcés, des séquestrations, des attaques dirigées contre la population civile au mépris du droit humanitaire international. Malheureusement, a-t-il déclaré, tout indique que l'on s'achemine vers une intervention militaire étrangère. Une telle intervention ne ferait qu'aggraver une situation déjà difficile et éloignerait d'autant le renforcement de la démocratie en Colombie, a souligné l'expert. Il s'est déclaré convaincu que la Colombie sortira de cette situation par elle-même. Il a enfin appelé à un renforcement de la coopération entre la Colombie et le Haut Commissariat aux droits de l'homme et du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que le Comité international de la Croix-Rouge.

M.VLADIMIR KARTASHKIN, expert suppléant de la Sous-Commission, a constaté que le Conseil de sécurité est de plus en plus ignoré dans le cadre des relations internationales et qu'il est de plus en plus fréquemment fait recours à la force pour régler les problèmes. Cela est inévitable lorsque l'on se trouve dans une situation où une seule puissance essaie d'imposer aux relations internationales sa façon de voir et de faire. Chaque pays a ses propres intérêts en fonction de ses caractéristiques propres, ce qui rend inévitable l'émergence de points de vue différents sur divers sujets, a affirmé l'expert. Ce n'est donc que dans le cadre des NationsUnies que l'on peut régler les problèmes qui se posent à la communauté internationale, a-t-il observé. M.Kartashkin a souligné qu'il n'est nullement opposé aux interventions humanitaires mais a précisé que ces interventions ne doivent en aucun cas causer de morts ni entraîner d'autres violations des droits de l'homme.

Relevant que de nombreux États membres des NationsUnies ne sont pas parties aux pactes et autres conventions des NationsUnies relatifs aux droits de l'homme, M.Kartashkin a insisté sur la nécessité d'inciter ces États à accéder aux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il s'est par ailleurs dit étonné de voir un de ses collègues passer en revue la situation des droits de l'homme dans nombre de pays à travers le monde sans jamais parler de la situation dans les Balkans. Il faut cesser de politiser les questions relatives aux droits de l'homme, a affirmé M.Kartashkin.

M.ZHONG SHUKONG, expert suppléant de la Sous-Commission, a souligné que les frappes aériennes qu'a subies la Yougoslavie ont causé de grandes souffrances à une population innocente. Les bombardements ont également provoqué une destruction massive des infrastructures de ce pays. En outre, les frappes aériennes auront des conséquences à long terme sur l'environnement, en particulier du fait de la propagation de très importantes quantités de dioxine au cours des bombardements, ainsi que par l'utilisation d'armes à l'uranium appauvri. Il a déclaré que de nombreuses personnalités d'Asie, d'Afrique et d'Amérique Latine ainsi que d'Europe ont estimé que ces faits constituent une violation grave et massive des droits de l'homme qui aura de graves conséquences pour l'humanité.

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