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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME TIENT UNE RÉUNION PRÉPARATOIRE DE SON «FORUM SOCIAL»

13 août 2001



Sous-Commission de la promotion et de
la protection des droits de l'homme
53ème session
13 août 2001
Après-midi





Elle poursuit son débat sur la prévention de la discrimination


La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, à l'occasion d'une séance qui s'est prolongée jusqu'à 21 heures, une réunion préparatoire du Forum social. Elle a ensuite poursuivi son débat sur la prévention de la discrimination en entendant les déclarations d'une quinzaine d'organisations non gouvernementales ainsi que de plusieurs experts.

S'agissant de la réunion préparatoire du Forum social que la Sous-Commission a décidé l'an dernier d'organiser, Mme Mary Robinson, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a mis l'accent sur la nécessité pour ce Forum d'assurer une participation effective de tous les acteurs concernés autour d'un objectif commun : l'éradication de la pauvreté.

M. José Bengoa, en tant que Rapporteur spécial de la Sous-Commission à l'origine de la proposition de créer le Forum social, a estimé que la raison d'être du Forum social doit être la promotion de l'incorporation des droits économiques, sociaux et culturels dans une politique économique mondialisée. Un autre objectif de ce Forum est lié à la nécessité de rendre compte des décisions prises dans le domaine économique et social. M. Bengoa a estimé que les nouvelles formes de pauvreté devraient occuper une place centrale dans l'ordre du jour du Forum social.

M. Rubens Ricupero, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a souligné que des valeurs techniques telles que la concurrence ne doivent plus être considérées comme neutres du point de vue leur impact sur l'être humain : les possibilités de résoudre des problèmes économiques ne sauraient se limiter à des solutions uniquement techniques.

Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme, a estimé que le Forum social doit aller au-delà de la simple mise lumière de problèmes spécifiques et s'efforcer d'apporter des réponses pratiques et concrètes à ces problèmes. Elle est très préoccupée par l'avenir des droits des travailleurs car, afin d'appuyer les impératifs de la mondialisation, les principales forces économiques, voire les États, ont noué des alliances qui visent à diluer et réduire les droits de l'homme pourtant reconnus.

M. George Abi Saab, membre de l'organe d'appel de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a estimé que le Forum social devra réfléchir aux moyens d'appliquer les solutions - déjà identifiées - aux problèmes rencontrés dans le contexte de la mondialisation.

M. Andrew Clapham, Professeur à l'Institut supérieur d'études internationales, a notamment estimé que le Forum social pourrait apporter l'espace de dialogue permettant d'aborder les questions liées à l'impact des politiques socioéconomiques mondiales sur l'environnement et le développement.

Ont également pris part à cette réunion préparatoire M. Miloon Kothari, Rapporteur spécial sur le droit à un logement adéquat; M. Paul Hunt, Rapporteur du Comité des droits économiques, sociaux et culturels; M. Alfredo Sfeir-Younis, de la Banque mondiale; M. Lee Swepton, de l'Organisation internationale du travail (OIT) et Mme Patricia Feeney, d'Oxfam.

Un échange de vues s'est ensuite engagé entre les membres de la Sous-Commission, les délégations de certains pays, certaines organisations non gouvernementales et les panélistes invités autour des questions intéressant le Forum social, notamment en ce qui concerne la participation à ce Forum, ses méthodes de travail et les questions sur lesquelles il devrait se pencher. Certains se sont par exemple interrogés sur la manière dont le Forum pourrait communiquer ses résultats afin de toucher le plus grand nombre, le recours à l'internet a été mentionné. L'accent a été mis sur la nécessité d'assurer une valeur ajoutée à ce Forum ainsi qu'une transparence absolue dans sa façon de travailler.

Reprenant son débat sur la prévention de la discrimination, la Sous-Commission a entendu les déclarations des ONG suivantes: Fian - pour le droit à se nourrir, Parti radical transnational, Fédération mondiale pour la santé mentale, Internationale des services publics, Franciscain international, Shimin Gaikou Centre, Mouvement indien «Tupaj Amaru», Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples, Conseil international de traités indiens, Japan Fellowship of Reconciliation, Avocats de Minnesota pour les droits de l'homme, Confédération internationale des syndicats libres, Fédération mondiale de la jeunesse démocratique et Interfaith International.

Plusieurs experts ont commenté les rapports présentés ce matin par Mme Daes sur les questions intéressant les populations autochtones.

Au titre des questions diverses, qui seront examinées demain par la Sous-Commission, M. Manuel Rodríguez-Cuadros, expert de la Sous-Commission, a présenté son document de travail sur la promotion et la consolidation de la démocratie. Il a notamment fait observer que la structure juridique de l'État comporte des facteurs dont certains encouragent et d'autres inhibent la réalisation de la démocratie et des droits de l'homme.

Demain matin, à 10 heures, la Sous-Commission achèvera son débat sur la prévention de la discrimination avant d'entamer l'examen des questions diverses.



Réunion préparatoire du Forum social

M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission et Rapporteur spécial, a noté qu'il semble aujourd'hui que le thème de la mondialisation soit la principale caractéristique du débat social contemporain. Ainsi, le revenu perçu par un paysan dans un pays comme le Chili, par exemple, est directement lié à des décisions prises par des instances dont il ne soupçonne même pas l'existence. Avec l'accélération du processus de mondialisation, le XXIe siècle a commencé dix ans avant la fin du XXe siècle, a déclaré M. Bengoa.

La raison d'être du Forum social doit être de promouvoir l'incorporation des droits économiques, sociaux et culturels à la politique économique mondialisée, a poursuivi M. Bengoa. Il faut en effet faire en sorte que les droits économiques, sociaux et culturels deviennent des droits «exigibles». Le deuxième objectif du Forum social est lié à la nécessité de rendre compte des décisions prises dans le domaine économique et social. Le critère ou les principes qui régiraient cette obligation redditionnelle ne seraient autres que les droits économiques, sociaux et culturels, a estimé M. Bengoa. Le Forum social pourrait ainsi devenir au fil du temps un espace permettant de rendre compte des décisions prises aux niveaux économique et social à la lumière des droits économiques, sociaux et culturels. L'idée de réaliser un «forum social virtuel» permettant de réunir les différents acteurs qui ne seront pas en mesure de participer en personne au Forum social est intéressante, a déclaré M. Bengoa.

Selon M. Bengoa, il incombera aux membres de la Sous-Commission qui participeront au Forum social de préparer un rapport qui serait transmis à la Sous-Commission. Il a estimé que les nouvelles formes de pauvreté devraient occuper une place centrale dans l'ordre du jour du Forum social. M. Bengoa a souligné qu'il est aussi important de définir des objectifs que de décider des procédures qui permettront de les aborder. Le Forum social devrait inviter des secteurs et acteurs influents aujourd'hui encore absents du débat à participer à ses travaux, a affirmé M. Bengoa. Il a suggéré d'envisager la possibilité de réunir le Forum social à une date ne s'inscrivant pas dans le cadre de la session annuelle de la Sous-Commission.

M. RUBENS RICUPERO, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a estimé que deux paramètres doivent orientent les débats sur le Forum social l'émergence d'un mouvement de contestation du phénomène de la mondialisation et la dégradation actuelle de la situation économique mondiale. Il a estimé que des valeurs telles que la concurrence ne sont pas autonomes ou neutres. Ainsi, il faut étudier les effets des valeurs défendues par les tenants de la mondialisation sur le bien-être des individus et sur leur droits. La crise économique actuelle ne doit pas empêcher la prise en compte des éléments sociaux dus à la mondialisation. Il semble que des négociations doivent avoir lieu pour parvenir à l'équilibre entre des gages d'efficacité et la protection des droits sociaux, a estimé M. Ricupero. Il faudra envisager qu'une série de règlements soient rapidement mis en place en vue de minimiser les effets négatifs de la mondialisation. En raison de l'importance de la question, il semble souhaitable que les discussions commencent le plus rapidement possible sans attendre la tenue du Forum social. Au lieu de vouloir couvrir toutes les questions possibles, le Forum devrait se concentrer sur ce qui a déjà été mis en œuvre, en approchant la question sous l'angle des droits de l'homme. Si l'on parvient à une situation où, dans le cadre de discussions multilatérales, chaque accord est examiné au regard de ses conséquences sur les droits de l'homme, alors le Forum remplira sa mission.

MME HINA JILANI, Représentante spéciale du Secrétaire général sur les défenseurs des droits de l'homme, a déploré que si peu d'attention soit accordée aux conséquences que peut entraîner un accès insuffisant aux droits économiques, sociaux et culturels. La concurrence elle-même devient inéquitable, a-t-elle souligné. Lorsqu'un gouvernement ne répond pas aux aspirations de sa population, la démocratie elle-même est de plus en plus mal vécue et acceptée, ce qui peut entraîner des conséquences graves pour les droits de l'homme, a ajouté Mme Jilani.

Le Forum social doit aller au-delà de la simple mise en lumière de problèmes spécifiques et s'efforcer d'apporter des réponses pratiques et concrètes. Mme Jilani a indiqué qu'elle était très préoccupée par l'avenir des droits des travailleurs. En effet, afin d'appuyer les impératifs de la mondialisation, les principales forces économiques, voire les États, ont noué des alliances qui visent à diluer et réduire les droits de l'homme déjà reconnus pour lesquels des cadres juridiques étaient pourtant déjà en place. Il sera par conséquent très difficile d'établir de nouveaux cadres pour la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, a estimé Mme Jilani. Aujourd'hui, la question des droits fonciers et du droit à la terre est, dans certaines parties du monde, l'une des plus vitales, a-t-elle poursuivi. Il existe une relation directe entre la montée du militarisme et le fait que les États s'appuient sur les forces des militaires non seulement pour faire face à des situations de conflit mais aussi pour régler des problèmes d'autorité, a par ailleurs fait observer la Représentante spéciale du Secrétaire général. Le Forum social doit assurer une très étroite coordination avec les instances où sont prises les décisions politiques, a estimé Mme Jilani.

M. GEORGE ABI SAAB, membre de l'organe d'appel de l'Organe de règlement des différents de l'Organisation mondiale du commerce, a relevé le paradoxe qui veut que l'on n'a jamais autant parlé des droits de l'homme alors qu'ils n'ont jamais été aussi peu respectés. Il a néanmoins estimé que «les choses changent même si cela est très long»: il faut d'abord passer des idées aux textes de loi, puis il faut parvenir à changer les mentalités et, en dernier lieu, traduire les droits de l'homme dans la réalité. C'est dans le cadre de cette succession très lente d'étapes que se placeront les travaux du Forum social. Il a insisté sur le fait que les problèmes liés à la mondialisation sont identifiés, ainsi que les solutions à ces problèmes, mais que l'on n'a pas encore trouvé le moyen d'appliquer ces solutions. Il faut mobiliser l'opinion publique dans ce domaine. Le rôle du Forum sera donc de réfléchir aux moyens à inventer pour que la transition ait lieu, pour arriver à réaliser ce qui est juste. M. Saab a insisté sur la difficulté de réaliser les droits sociaux, économiques et culturels des individus alors même que ces droits individuels ne peuvent s'exprimer que dans un cadre collectif, il y a là une contradiction difficile à surmonter. Le droit au développement tel qu'il a été défini dans les années soixante-dix l'a été comme un droit agressif alors même que la réalité actuelle montre le besoin d'un droit protecteur. La seule manière de progresser sur la question des droits sociaux, économiques et culturels est la création d'une nouvelle donne internationale qui ne se limite pas à la charité des riches envers les pauvres. Ainsi, le Forum social devra chercher à inventer de nouveaux moyens s'il veut réellement faire évoluer la situation.

M. ANDREW CLAPHAM, Professeur à l'Institut supérieur d'études internationales, a relevé que la Sous-Commission semble se saisit d'interactions complexes telles que celles existantes entre développement et investissements. Il a estimé que le Forum social pourrait apporter l'espace de dialogue permettant d'aborder les questions liées à l'impact des politiques socioéconomiques mondiales sur l'environnement et le développement. Le Forum social pourrait judicieusement faire office de passerelle entre deux types de fonctionnaires nationaux: ceux qui décident des prêts octroyés dans le cadre d'instances internationales telles que le FMI et ceux qui se présentent au nom de leur pays devant les organes des droits de l'homme de l'ONU. Le Forum social pourrait également engager un débat sérieux sur les pressions auxquelles sont soumis certains ministères, notamment lorsqu'ils négocient des prêts. Il est impératif de ne pas se rendre complice de violations des droits de l'homme commises par un tiers, a rappelé M. Clapham. Il a attiré l'attention de la Sous-Commission sur une initiative prise notamment par le Financial Times concernant les sociétés jugées responsables d'atteintes aux droits de l'homme.

M. MILOON KOTHARI, Rapporteur spécial sur la question du droit à un logement adéquat à la Commission des droits de l'homme, a attiré l'attention sur le lien entre le droit au logement et d'autres droits tels que le droit à l'eau potable ou le droit des autochtones à la terre. Il a souligné que la privatisation des programmes de logement a une influence néfaste sur le droit à la propriété et entraîne la marginalisation des pauvres. Il a souligné le rôle important de réflexion et de conseil que le Forum social pourrait jouer sur la question. Il faut se demander s'il l'on doit renoncer aux perspectives macroéconomiques offertes par la mondialisation, mais qui profitent d'abord aux plus riches, au détriment des plus pauvres. Il a souligné que le Forum social aura une importance réelle dans la définition des obligations des États concernant les droits économiques, sociaux et culturels des individus. Il a également souligné l'importance de la société civile, notamment dans le cadre du Forum social de Porto Alegre, dans la définition des obligations des États en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Il a encouragé la Sous-Commission à assurer la collaboration du Forum social avec les différentes institutions de la société civile.

M. PAUL HUNT, Rapporteur du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, a souligné que c'est la première fois qu'un membre du Comité participe à une réunion de la Sous-Commission. Il a félicité la Sous-Commission pour avoir pris l'initiative de mettre en place un Forum social. Ce Forum devrait s'efforcer de compléter les arrangements institutionnels existants, a estimé M. Hunt. Il a mis l'accent sur la nécessité de promouvoir les synergies entre les divers organes abordant les questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels. Dans ses observations finales, a fait observer le rapporteur, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels identifie notamment, dans un premier temps, les initiatives positives prises au niveau national pour promouvoir ces droits. Aussi, le Forum social pourrait-il se pencher sur la diffusion des bonnes pratiques dans ce domaine. M. Hunt a fait valoir que le Comité élabore des recommandations générales ainsi que des déclarations afin de préciser le contenu des différents droits énoncés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a poursuivi M. Hunt. Le Forum social pourrait donc envisager de se pencher sur les questions relatives à ce cadre normatif. Rappelant que l'éradication de la pauvreté est aujourd'hui l'objectif essentiel des Nations Unies, M. Hunt a souligné que le Comité espère que sa déclaration sur la pauvreté contribuera à cet objectif.

MME MARY ROBINSON, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a salué la richesse du dialogue en cours sur l'organisation du Forum social. Elle a souligné que le Forum social ne doit pas faire double emploi avec les institutions qui existent déjà. Pour cela, il faut que le Forum soit une occasion d'écouter les plus vulnérables et leurs défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a souligné qu'il faudra faire preuve d'un esprit novateur sur ces questions afin de susciter un large débat, peut-être par l'organisation d'un débat virtuel. Ensuite, le Forum social devra faire le lien entre les activités des Nations Unies concernant les droits de l'homme et les conférences internationales qui ont lieu sur la mondialisation. Elle a insisté sur l'importance de la création de ce nouvel espace qui est appelé à jouer un rôle novateur en matière de protection des droits de l'homme.

M. ALFREDO SFEIR-YOUNIS (Banque mondiale) a estimé que le Forum social est susceptible de devenir une instance unique au sein de laquelle pourraient être créés les espaces institutionnels et politiques permettant de répondre aux questions fondamentales soulevées par la situation des personnes démunies, des sans voix, des pauvres. Le Forum social devrait aborder la politique sociale de manière prospective en respectant, en son sein, les principes de pluralisme et de transparence. Ce Forum doit en outre s'appuyer sur un processus largement pragmatique et non pas dogmatique. Il devrait par ailleurs procéder à une analyse sociale qui aboutisse à la formulation de nouveaux systèmes de valeurs. Ce Forum devrait également permettre de fédérer un grand nombre de débats en cours au sein de la communauté internationale.

La première question sur laquelle devrait se pencher ce Forum est celle du lien entre les droits de l'homme et la création de richesses ainsi que des options sociales envisageables pour atteindre les objectifs en matière d'équité et de droits de l'homme. La seconde question qu'il devrait examiner devrait concerner l'examen des dimensions non matérielles des politiques sociales.

M. LEE SWEPSTON (Organisation internationale du travail - OIT) a réaffirmé la volonté de l'OIT de participer aux discussions du Forum social. Il a estimé que, dans le cadre de ce débat, la contribution du Forum social devra prendre en compte ce qui est déjà fait sur la question dans d'autres organes internationaux afin d'avoir une vue d'ensemble de la question. De nombreux travaux étant menés au sein de nombreuses organisations internationales, le Forum social devrait avoir pour but de réfléchir à l'impact de ces travaux en les regroupant afin d'avoir une vision globale des questions abordées. Le Forum pourrait également aider les institutions des Nations Unies à contribuer à la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Cette vision élargie de la question par le Forum social devrait favoriser l'émergence de nouvelles normes dans le cadre du phénomène de la mondialisation.

MME PATRICIA FEENEY (Oxfam) a estimé que la contestation qui s'est manifestée notamment à Gênes témoigne du fait que les miettes concédées par les riches aux pauvres ne suffisent plus. Elle a dénoncé le transfert de l'autorité de l'État à des acteurs non étatiques qui n'ont pas de comptes à rendre. Le Forum social devrait se pencher sur la manière dont les avis techniques dispensés par diverses institutions internationales vont à l'encontre des normes en matière de droits de l'homme. Un effort s'impose en matière de réglementation des activités des sociétés transnationales, a par ailleurs estimé la représentante d'Oxfam. Elle a estimé que les accords et traités commerciaux internationaux devraient être analysés dans le cadre du Forum social.


Suite du débat sur la prévention de la discrimination

M. GODFREY BAYOUR PREWARE, expert de la Sous-Commission, s'est associé à l'appel lancé par de nombreux membres de la Sous-Commission afin que Mme Daes continue de participer aux travaux sur la question de peuples autochtones. Une des grandes contributions du travail de Mme Daes aura été de mettre en évidence l'importance du lien entre les populations autochtones et la terre a rappelé M. Preware. Face à ce qui apparaît comme inacceptable, la disparition de certains peuples, M. Preware constate que le droit international en est toujours resté à une vision eurocentrique du droit qui ne prend pas en compte les particularités de la relation qu'entretiennent les peuples autochtones avec la terre, qui offre à ces peuples la seule possibilité pour survivre.

M. JOSÉ SEBASTIAN JANSASOY (FIAN - pour le droit à se nourrir) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les violations des droits de l'homme fondamentaux des populations autochtones en Colombie, où une guerre civile s'est déclarée depuis deux ans. Des milliers de personnes ont été déplacées suite à cette guerre, a-t-il souligné avant de demander à la Sous-Commission de se pencher sur la politique d'expulsion forcée suivie par le Gouvernement colombien. Le représentant de FIAN a plaidé en faveur de la suspension des fumigations sur les terres autochtones afin que soit respecté le droit fondamental des populations autochtones à vivre sur des terres non polluées.

M. KOK KSOR (Parti radical transnational) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation des montagnards autochtones des hautes terres centrales du Viet Nam. En février dernier, des milliers d'entre eux ont pacifiquement manifesté pour demander au Gouvernement vietnamien de respecter leurs droits de l'homme et le gouvernement leur a répondu en envoyant des troupes armées, des chars et des hélicoptères, entamant ainsi une véritable répression militaire à l'encontre de ce peuple. C'est en 1975 que le régime communiste vietnamien a commencé sa vengeance brutale contre ce peuple parce qu'il été allié des États-Unis durant la guerre du Viet Nam. Les Nations Unies et la communauté internationale doivent prendre des mesures urgentes d'intervention, d'enquête et de surveillance face à la répression militaire dans les hautes terres centrales. Elles devraient en outre surveiller les problèmes de fond affectant le peuple des montagnards et y remédier, notamment en ce qui concerne la confiscation de leurs terres ancestrales, ainsi que la persécution religieuse, les politiques de stérilisation forcée et de violation systématique des droits de l'homme dont ils sont victimes.

MME WILDA SPALDING (Fédération mondiale pour la santé mentale) a déclaré que la situation dans les steppes du Botswana, sur les montagnes du Tibet, sur les eaux d'Aoteara, sur les plaines des Mandans et sur les forêts primitives du Brésil sont autant de situations qui appellent le Groupe de travail sur les populations autochtones à poursuivre ses travaux et continuer d'exister en dépit de la création de l'Instance permanente sur les peuples autochtones. En effet, cette Instance a un mandat totalement différent de celui du Groupe de travail, a estimé la représentante.

MME SONIA SÁNCHEZ (Internationale des services publics) a rappelé que lors du 26ème Congrès de son organisation, qui s'est déroulé à Yokohama, au Japon, en 1997, les populations autochtones ont fait une déclaration dans laquelle elles ont déclaré que les syndicats, en particulier ceux du service public, peuvent et doivent - en tant que fournisseurs de services à l'intention de nombreuses populations autochtones - jouer un rôle plus actif et responsable pour soutenir et promouvoir les droits autochtones. En effet, les syndicats peuvent, par leurs activités, avoir un impact direct sur les populations autochtones, notamment en négociant l'équité en matière d'emploi là où des discriminations existent. La représentante a indiqué que son organisation continuera de se battre pour faire valoir la justice sociale sur les lieux de travail.

M. PHILIPPE LEBLANC (Franciscain international) a rappelé que les populations autochtones souffrent d'agressions et de violations de leurs droits depuis plus de cinq siècles. Récemment, ces agressions et violations semblent s'être aggravées dans le cadre de la mise en œuvre de politiques économiques néolibérales qui appréhendent souvent les populations autochtones et leurs terres essentiellement en termes d'argent et de profit. Le peuple tribal de l'État du Jharkhand, en Inde, résiste sans violence au mégaprojet du barrage Koel-Karo depuis 30 ans. Au Bangladesh, Franciscain international proteste contre le développement d'un «éco-parc» dans le nord-est du pays. Franciscain international continue en outre d'être préoccupé par la situation des populations autochtones au Mexique, situation qui illustre les défis auxquels le gouvernement et la société sont actuellement confrontés en matière de réalisation de l'équité et de la justice pour tous. Il est impératif que les États membres des Nations Unies accordent toute l'attention voulue aux recommandations contenues dans les rapports et documents présentés par Mme Daes sur les questions intéressant les populations autochtones.

MME YUKI HASEGAWA (Shimin Gaiko Centre) a évoqué la situation de la minorité aïnoue qui est victime de discrimination au Japon, comme l'a noté le Comité pour l'élimination de toute forme de discrimination raciale (CERD) en mars dernier. Le Japon n'a aucune loi nationale pour prévenir les discriminations raciales ou ethniques, a déploré la représentante du Shimin Gaiko Centre. Elle a demandé au Gouvernement japonais le vote de telles lois et à la communauté internationale de prendre des mesures pour que ces droits soient garantis dans tous les pays du monde. Le Japon ne doit pas être considéré comme ethniquement homogène et les Aïnous ainsi que les Uchinanchu d'Okinawa demandent à ce qu'ils soient reconnus comme des peuples autochtones. La représentante a demandé aux organes des Nations Unies de les aider dans cette lutte pour leur reconnaissance.

M. LAZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a déclaré que les peuples autochtones exigent d'être indemnisés pour la période de l'esclavage et de la colonisation. Il a évoqué l'extermination massive de dizaines de millions d'Indiens des Amériques et le génocide sous ses formes les plus cruelles dont ils ont été victimes avec intention de détruire intentionnellement les communautés autochtones concernées. À cela s'ajoutent le régime d'esclavage le plus inhumain qui faisait de l'Indien un serf considéré comme une propriété et l'exploitation jusqu'à épuisement des ressources naturelles des autochtones. Un autre orateur intervenant au nom de cette ONG a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation de la minorité coréenne au Japon en soulignant que les membres de cette minorité risquent d'être expulsés.

MME ORETTA BANDETTINI DI POGGIO (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a indiqué que le mot qui a tout de suite attiré son attention dans le rapport de Mme Daes sur les peuples autochtones et leur relation à la terre est le mot «échec» : l'échec des États en matière de reconnaissance des droits élémentaires de populations autochtones. Une situation d'autant plus regrettable que les peuples autochtones représentent 90% du potentiel de diversité culturelle de l'humanité même s'ils ne représentent que 5% de la population mondiale et que 80% du potentiel de biodiversité mondiale se trouve sur les terres qu'ils revendiquent. Le représentant a évoqué les cas de l'Alaska, du Chiapas et des Western Shoshone où les peuples autochtones voient leur droits d'accès à la terre bafoués. À cet égard, le représentant a insisté sur l'importance du droit des peuples autochtones à l'autodétermination et il a demandé à la Sous-Commission d'inscrire cette question à son ordre du jour afin d'actualiser ses rapports sur le sujet.

M. MARIO IBARRA (Conseil international de traités indiens) a relevé la contradiction qui existe entre les progrès enregistrés en matière de reconnaissance des droits des populations autochtones et les retards subsistant dans de nombreux pays en matière de jouissance par ces populations de leurs droits fondamentaux. Le représentant s'est dit préoccupé par la situation des populations autochtones au Mexique où de nouvelles mesures gouvernementales tendent à limiter l'exercice des droits fondamentaux internationalement reconnus. Il est honteux que le Chili, 10 ans après la fin de la dictature, reste l'un des pays où la reconnaissance des droits des populations autochtones accuse le plus grand retard. La Convention n?169 de l'OIT sur les populations autochtones n'a toujours pas été ratifiée par le Chili et aucune mesure de lutte contre la discrimination à l'encontre des populations autochtones n'a été prise au Chili. Le représentant a également attiré l'attention sur l'impact qu'ont les activités d'exploitation pétrolière sur les populations autochtones d'Alaska.

M. ALONSO GÓMEZ-ROBLEDO VEDUZCO, expert de la Sous-Commission, a demandé au représentant de l'International Indian Treaty Council de faire preuve d'un tout petit peu plus d'objectivité concernant la situation des populations autochtones au Mexique.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a mis l'accent sur l'importance que revêt, en tant qu'instrument international, la convention n?169 de l'Organisation internationale du travail sur les populations autochtones et s'est interrogé sur les raisons du refus de certains pays de ratifier cette convention, notamment dans le cas des pays où se trouvent des populations autochtones.

M ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a insisté sur la qualité du travail de Mme Daes au cours des années. Il a souligné que tous les experts lui ont demandé de continuer son travail dans ce domaine. Il a par ailleurs rappelé qu'un groupe de travail sur les peuples autochtones en Afrique a été créé récemment, et a accueilli cette nouveauté avec satisfaction.

MME ERICA-IRENE DAES, experte de la Sous-Commission, Présidente du Groupe de travail sur les populations autochtones et Rapporteuse spéciale sur les populations autochtones et leur relation à la terre, s'est félicitée que les États-Unis aient accepté une reconnaissance interne des droits à l'autodétermination dans le pays mais aussi que le terme «peuple autochtone» soit en train de supplanter le terme «population autochtone». Elle a également remercié les organisations non gouvernementales pour leur aide sur la question, aide sans laquelle rien n'aurait été possible a-t-elle souligné. Elle a également noté, en réponse à M. Kartashkin, que si tous les gouvernements n'ont pas encore ratifié la Convention 169 sur les droits des peuples autochtones, c'est souvent en raison de la lenteur des processus de ratification par les gouvernement et ce, quels que soient les traités.

M. ETSURO TOTSUKA (Japan Fellowship of Reconciliation) a mis l'accent sur l'importance du rôle de l'éducation aux droits de l'homme, pourtant si souvent négligé. Cette question devrait être abordée par la Sous-Commission ainsi que par la Conférence mondiale contre le racisme qui se tiendra à la fin du mois à Durban. S'il faut certes se réjouir de l'efficacité de l'éducation aux droits de l'homme qui se fait à travers le site internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, il n'en demeure pas moins qu'au Japon, comme ailleurs dans le monde, de nombreuses personnes ne sont pas en mesure de lire les informations contenues sur ce site en anglais ni dans une autre langue officielle des Nations Unies. La Haut-Commissaire aux droits de l'homme devrait donc faire tout son possible pour résoudre ces problèmes de langue. M. Totsura a par ailleurs attiré l'attention de la Sous-Commission sur les conséquences néfastes de l'éducation publique lorsqu'elle aggrave le racisme et la xénophobie comme cela est le cas au Japon où le gouvernement a récemment approuvé un nouveau manuel scolaire du secondaire qui ne mentionne pas les atrocités commises en temps de guerre, ni même les pratiques telles que l'esclavage sexuel dont de nombreuses femmes asiatiques ont été victimes dans les anciennes colonies et autres territoires occupés par le Japon.

MME CHIP PITTS (Avocats de Minnesota pour les droits de l'homme) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le fait que des statistiques telles que la mortalité infantile peuvent être des indicateurs indirects de la présence de racisme et de xénophobie dans certaines sociétés. Le représentant a également attiré l'attention de la Sous-Commission sur plusieurs points qu'il est nécessaire à ses yeux d'intégrer à la Conférence mondiale contre le racisme: cette conférence devrait accueillir les principaux organes de protection des droits de l'homme de l'ONU; examiner la question des discriminations fondées sur l'ascendance et l'emploi; insister sur la mise en place de politiques d'action positive pour lutter contre la discrimination; mettre en place des processus de suivi pour que les décisions de la Conférence ne restent pas lettre morte. Le représentant a encouragé la Sous-Commission à poursuivre son travail de lutte contre toutes les formes de racisme, y compris les plus subtiles, qui se développent dans le monde.

MME ANNA BIONDI (Confédération internationale des syndicats libres) a affirmé qu'il est du devoir des syndicats de combattre le racisme et la xénophobie pour promouvoir la justice sociale. Les syndicats, grâce à leur activités d'éducation, de promotion et de protection des droits des travailleurs, contribuent à la prise de conscience indispensable au recul du racisme et de la xénophobie sur les lieux de travail et donc, par prolongement, dans la société civile a insisté le représentant. Mme Biondi a lancé un appel à la Sous-Commission pour qu'elle envoie un message clair à la Conférence de Durban afin que le respect du droit du travail tel qu'il est défini par l'OIT soit reconnu comme l'un des points de départ efficaces de la lutte pour l'élimination de toutes les formes de racisme et de xénophobie.

M. MOHAMMED AHSAN (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique) s'est félicité que le rapport du Groupe de travail sur les populations autochtones mette l'accent sur l'importance d'aider chaque groupe minoritaire à conserver son identité et ses caractéristiques. Il a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation des Mohajirs dans les centres urbains du Sindh, au Pakistan, en soulignant que pour eux, le principal enjeu consiste à obtenir les moyens adéquats leur permettant de renforcer leur identité et leur personnalité. Aujourd'hui, les Mohajirs sont victimes de la répression et de la discrimination exercées à leur encontre par le groupe ethnique hégémonique des Punjabis ainsi que de leur isolement dans les centres urbains du Sindh. La Sous-Commission devrait donc demander au Gouvernement du Pakistan de mettre un terme à sa politique de répression, d'oppression et de persécution à l'encontre de la nation mohajir.

M. CHARLES L. GRAVES (Interfaith International) a demandé à la Sous-Commission de prendre en considération le fait que certains États ont procédé à une «sacralisation» de leur prérogatives comme s'ils étaient des entités «semi-sacrées». Un fait qui a existé tout au long de l'histoire et qui n'a pas disparu de nos jours, notamment en Asie du Sud où des États comme le Pakistan mais aussi l'Inde sont tentés par un tel chemin avec les effets que l'on sait au Jammu-et-Cachemire et dans d'autres régions. Le représentant a insisté sur l'importance qu'une telle attitude avait eue lors de la période coloniale et pendant l'esclavage. Il ne faut pas recommencer les erreurs du passé et la Sous-Commission doit avoir un rôle à jouer pour que cela n'arrive pas a conclu le représentant de l'organisation.

Présentation d'un rapport au titre des questions diverses

M. MANUEL RODRÍGUEZ-CUADROS, expert de la Sous-Commission, a présenté son document de travail sur la promotion et la consolidation de la démocratie (E/CN.4/Sub.2/2001/32, à paraître en français) en rappelant que la résolution 2000/47 de la Commission des droits de l'homme énonce une série de mesures visant à promouvoir et consolider la démocratie. M. Rodríguez-Cuadros a souligné que dans son rapport, il ne s'est pas attardé sur la définition de la démocratie ni sur l'évolution des idées démocratiques dans l'histoire. Il a privilégié une démarche qui permette de trouver dans les engagements concrets pris au niveau politique ou au niveau du droit positif les éléments venant soutenir la démocratie et les droits de l'homme. Aussi, ce document de travail ne contient-il que quelques éléments conceptuels.

M. Rodríguez-Cuadros a fait observer que la structure juridique de l'État comporte des facteurs dont certains encouragent et d'autres inhibent la réalisation de la démocratie et des droits de l'homme. La démocratie et l'État de droit doivent permettre de développer progressivement les droits économiques, sociaux et culturels des populations, a souligné l'expert.



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