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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SON DÉBAT SUR LA RÉALISATION DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

11 août 1999


APRÈS-MIDI

HR/SC/99/10
11 août 1999





Elle achève l'examen des questions relatives à l'élimination de la discrimination raciale



La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, son débat sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Elle a par ailleurs achevé l'examen des questions relatives à l'élimination de la discrimination raciale.

Dans le cadre du débat sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, M.Mustapha Mehedi, expert de la Sous-Commission a présenté son rapport sur «le contenu du droit à l'éducation», soulignant que l'éducation doit être orientée prioritairement sur des valeurs fondées sur la dignité humaine.

M.Joseph Oloka-Onyango et MmeDeepika Udagama ont présenté leur document de travail sur «les droits de l'homme, objectif premier de la politique et de la pratique internationales commerciales, financières et en matière d'investissement». Ils ont notamment déclaré que les politiques de libéralisation du commerce, des investissements et des finances à l'échelle internationale ont un impact négatif sur la jouissance de tous les droits de l'homme.

Rendant compte des travaux du Groupe de travail de session chargé d'examiner les méthodes de travail et activités des sociétés transnationales, M.El Hadji Guissé, Président-rapporteur, a notamment indiqué que la première session du Groupe de travail a adopté un ordre du jour prévoyant notamment l'examen d'un projet de code de conduite des transnationales.

M.Zhong Shukong, expert de la Sous-Commission, s'est également exprimé sur la question des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que les organisations non gouvernementales suivantes : Association américaine de juristes, Association internationale des juristes démocrates, Association of World Citizens et Mouvement international contre toutes les formes de discrimination.

Au cours de l'examen des questions relatives à l'élimination de la discrimination raciale, les experts de la Sous-Commission ont porté leur attention, en particulier, sur les droits des non-ressortissants et les mérites des politiques d'action positive. M.Louis Joinet a cependant fait valoir que de telles politiques requièrent l'établissement de quotas, ce qui revient à créer des distinctions entre les citoyens et va à l'encontre du principe d'égalité entre tous les citoyens. M.Fan Guoxiang a estimé que les termes de «traitement préférentiel» était plus approprié dans ce domaine.

Au sujet des droits des non-ressortissants, MmeHalima Warzazi a souligné que les droits que certains États refusent aux migrants ne sont pas de nouveaux droits mais des droits de l'homme dont doivent pouvoir jouir tous les êtres humains. M.David Weissbrodt, chargé de l'étude sur la question, a estimé que la distinction entre citoyens et non-citoyens n'est pas une discrimination en soi, ce qui n'empêche pas que les non-citoyens puissent encore être victimes de discriminations.

Les délégations des pays suivants ont également pris la parole sur les questions relatives à la discrimination raciale : ex-République yougoslave de Macédoine, Chine, Turquie, Mexique, Pakistan et Iran. L'Organisation internationale du travail (OIT) a également fait une déclaration.

La Sous-Commission poursuivra son débat sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels demain, à 10 heures.


Fin du débat sur l'examen global des faits précis relatifs à l'élimination de la discrimination raciale

MME GLORIA MORENO FONTER (Organisation internationale du travail, OIT) a fait part à la Sous-Commission du décès de M.Roger Zegers de Beijl qui représentait habituellement l'OIT durant les sessions de la Commission et de la Sous-Commission et qui était expert des questions relatives aux travailleurs migrants. Les activités de l'OIT liées aux migrations internationales pour l'emploi ont pour but d'apporter une aide aux pays d'origine et aux pays d'accueil des migrants. La Déclaration de l'OIT de 1998 sur les principes et droits fondamentaux au travail rappelle que les travailleurs migrants ont besoin d'une protection particulière. Étant donné que peu de pays ont ratifié les déclarations N97 et N°143 de l'OIT relatives aux travailleurs migrants, le Bureau international du travail avait demandé au Comité d'experts pour l'application des conventions et recommandations de mener à bien une étude portant sur le droit et la pratique des États membres en ce qui concerne les questions ayant trait aux travailleurs migrants. Un rapport a ainsi été présenté lors de la Conférence internationale du travail de juin dernier. Il a été admis que le Conseil d'administration du BIT devait mettre la question des travailleurs migrants à l'ordre du jour d'une prochaine session de la Conférence internationale du travail afin d'examiner l'opportunité de réviser les instruments pertinents de l'OIT. L'OIT est disposée à apporter son soutien au Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants.

MME ELENA ANDREEVSKA (ex-République yougoslave de Macédoine) a souligné que les pratiques discriminatoires se sont multipliées et diversifiées. Elle a souligné l'importance de la promotion de l'éducation dans le domaine des droits de l'homme. Elle a souligné que le Gouvernement macédonien reconnaît le lien fondamental qui existe entre la démocratie et le développement. Seul le système démocratique offre la possibilité, à long terme, de gérer les intérêts rivaux de différentes communautés ethniques, religieuses et culturelles, tout en atténuant les risques de conflit international.

M.QIAO ZONGHUAI (Chine) a rappelé que la Chine est une nation unifiée composée de nombreux groupes ethniques. La population totale des groupes minoritaires s'élève à 108 millions de personnes, soit près de 9% de la population. Le Gouvernement chinois a accordé une grande importance à la protection des droits légitimes des minorités ethniques. Le Tibet est une partie inaliénable de la Chine : après que le peuple tibétain se soit débarrassé de l'oppression de l'ancien gouvernement, il a quitté l'âge féodal pour devenir maître de sa société. Désormais, les Tibétains sont à part entière et en toute égalité des membres de la grande famille que constitue la nation chinoise. Ils jouissent de tous les droits reconnus par la Constitution ainsi que de droits résultant du système de l'autonomie ethnique. Récemment, quelques rares séparatistes, ignorant la réalité et les changements fondamentaux intervenus au Tibet, s'efforcent de séparer le Tibet de la Chine sous prétexte de protéger les droits de l'homme et de rechercher un haut degré d'autonomie. Le peuple chinois ainsi que le peuple tibétain s'opposent à cette tendance. Le Gouvernement chinois a fait de grands efforts pour promouvoir le développement économique et social de la région autonome du Tibet et protéger les droits de l'homme du peuple tibétain. La liberté religieuse du peuple tibétain est respectée et protégée. Le Gouvernement attache une grande importance à la protection de la riche culture traditionnelle du Tibet ainsi qu'à la liberté de développer la langue tibétaine. Grâce à l'appui vigoureux du Gouvernement central, le Tibet dispose aujourd'hui d'un ensemble industriel moderne, d'infrastructures de transports adéquates, d'un système d'éducation intégré ainsi que d'équipements médicaux relativement avancés.

M.BÜLENT MERIÇ (Turquie) a souligné l'importance que revêtira la tenue de la Conférence mondiale contre le racisme. Il a déclaré que le racisme est le produit d'une certaine éducation et, partant, n'existe pas partout. Aucune cause «réelle» ne peut être invoquée pour le racisme, bien que les problèmes économiques puissent contribuer à la résurgence du racisme dans des pays où il existait déjà. La discrimination raciale n'a pas le même statut selon qu'elle est commise par des individus, des groupes ou des États, a-t-il souligné. Les travailleurs migrants sont très exposés au racisme, a poursuivi M.Meriç, qui a demandé à la Sous-Commission de se pencher sur leur situation, notamment dans le cadre des préparatifs de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée.

M.ALEJANDRO NEGRIN (Mexique) a souligné que son pays est à la fois un pays d'accueil, de transit et d'origine de travailleurs migrants. Il a notamment rappelé que 22 000 réfugiés guatémaltèques ont décidé de rester au Mexique et d'y régulariser leur situation alors que quarante mille réfugiés ont choisi librement de rentrer dans leur pays. La Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, MmeSadako Ogata, a elle-même indiqué que le Mexique a ainsi envoyé au monde un message de tolérance. En décembre 1998, le Mexique a ratifié la Convention internationale de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles. Malheureusement, le rythme de ratification de cet instrument est lent et il faudra que neuf pays supplémentaires le ratifient pour qu'il entre en vigueur. Le Gouvernement mexicain exhorte les États qui ne l'ont pas encore fait à envisager de signer et de ratifier cette Convention. Pour protéger ses ressortissants qui se trouvent aux États-Unis, le Mexique dispose de programmes et de mécanismes de conseil, de dialogue et de coopération bilatérale qui sont constamment perfectionnés.

MME TEHMINA JANJUA (Pakistan) a regretté qu'en dépit de la disparition de l'apartheid, de nouvelles formes de discrimination surgissent, et particulièrement l'islamophobie. Elle a souligné que l'internet est un mode de diffusion particulièrement efficace des idées racistes et xénophobes. La représentante a souligné que les travaux de la Sous-Commission dans le domaine de la promotion des droits de l'homme doivent bénéficier à tous. Elle a encouragé la Sous-Commission à poursuivre ses études sur des sujets tels que les droits des non-ressortissants. Elle s'est interrogée sur la garantie de respect des droits des non-citoyens qu'offrent les instruments internationaux actuels et sur la façon de s'assurer que ces droits sont pleinement appliqués. La représentante a par ailleurs souligné que la mondialisation s'effectue au bénéfice d'une petite minorité seulement. La représentante a par ailleurs déclaré que certaines organisations non gouvernementales financées par le gouvernement indien, telles que l'Institut international de la paix, font des déclarations politiques visant à vanter les vertus de l'Inde et à nuire au Pakistan.

M.FARHAD MAMDOUHI (République islamique d'Iran) a rappelé que la haine qui était jusque là contenue grâce à la rivalité Est-Ouest s'est déchaînée à travers le monde depuis la fin de la guerre froide. Parmi d'autres minorités, les musulmans sont de plus en plus souvent victimes de la haine raciste et xénophobe, a-t-il observé. L'islamophobie devrait être examinée par les rapporteurs spéciaux sur le racisme et sur l'intolérance religieuse, a-t-il estimé. Il a déploré que l'internet soit utilisé pour diffuser des idées racistes et xénophobes offensantes. Le représentant iranien a insisté sur le rôle important des réunions préparatoires régionales pour assurer le succès de la Conférence mondiale sur le racisme qui doit se réunir en 2001, année qui, a-t-il rappelé, a été déclarée Année internationale pour le dialogue entre les civilisations.

M.FAN GUOXIANG, expert de la Sous-Commission, a déclaré que les mesures d'action positive existent en Chine, de façon naturelle. Les femmes, les vieillards et les handicapés ont besoin de l'État et de la société. Toutefois, le fait de leur accorder un traitement préférentiel risque de se faire au détriment d'autres groupes de la société, a-t-il reconnu. L'expert a cependant souligné qu'à sa connaissance, personne ne s'est plaint du traitement spécial accordé aux minorités ethniques en Chine. Il a déclaré que le terme de traitement préférentiel est plus approprié. Il s'est déclaré favorable à ce que certains pays donnent une base légale à la protection qu'ils accordent à certains groupes. En matière de discrimination raciale, l'expert a appelé à l'établissement d'un «état des lieux», notamment en vue de la Conférence mondiale contre le racisme. Il a déclaré que la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, phénomènes qui sont partout à l'oeuvre, a porté des fruits mais doit être poursuivie et renforcée. Il a souligné que certaines personnes peuvent utiliser la bannière de la lutte pour l'autodétermination et contre la discrimination raciale au service d'intentions politiques, notamment séparatistes.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a estimé que le document de travail sur les droits des non-ressortissants dont l'élaboration a été confiée à M.David Weissbrodt ne répond pas à la demande de la Sous-Commission qui avait souhaité que ce document se penche sur les moyens de surmonter les obstacles à la ratification de la Convention sur les travailleurs migrants. Elle a par ailleurs noté que le document de travail affirme que certains États ne souhaitent pas octroyer de nouveaux droits aux migrants, mais a souligné qu'il ne s'agit pas de nouveaux droits mais de droits de l'homme dont doivent pouvoir jouir tous les êtres humains.

Il n'était pas dans l'intention des promoteurs de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale d'encourager une quelconque discrimination à l'encontre des non-ressortissants. À cet égard, le paragraphe 2 de l'article premier de cet instrument semble obsolète en vertu de tous les progrès réalisés en matière de protection des individus, a déclaré MmeWarzazi. Au vu des changements d'attitude adoptés par certains pays occidentaux d'avant-garde, la communauté internationale devrait poursuivre sa politique de sensibilisation en ce qui concerne les questions relatives aux migrants. Il faudrait étendre à d'autres pays des mesures à même de mettre en échec les politiques de discrimination et l'opposition à la ratification de la Convention sur les travailleurs migrants, que certains justifient sur la base du paragraphe sus-mentionné.

Mme Warzazi a par ailleurs jugé regrettable que le Comité des droits de l'homme, dans son observation générale 15, ait adopté une attitude conservatrice plutôt que de laisser la porte ouverte en stipulant que les droits reconnus dans l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne sont «en principe» applicables qu'aux citoyens. La discrimination positive est indispensable pour rétablir un équilibre entre groupes favorisés et groupes défavorisés, en particulier les femmes et les personnes de couleur, a déclaré MmeWarzazi. L'objectif principal de l'étude sur l'action positive est de prouver que la discrimination positive est un moyen de promouvoir les droits de l'homme, a-t-elle ajouté. La contribution de la Sous-Commission à la future Conférence mondiale sur le racisme pourra être importante si les propositions faites oralement devant la Sous-Commission par M.Paolo Sérgio Pinheiro sont mises en oeuvre, a estimé MmeWarzazi.

M.LOUIS JOINET, expert de la Sous-Commission, a souligné l'importance d'étudier des solutions institutionnelles qui permettent de faire face aux problèmes découlant des rapports entre la mondialisation et l'augmentation de la xénophobie, qu'il a également décrit comme une «balkanisation» du monde. Dans la représentation de la démocratie, faut-il uniquement s'en tenir à l'opinion de la majorité ou les opinions des minorités doivent-elles également être représentées, s'est-il interrogé ?

M.Joinet a fait valoir que les politiques d'action positive doivent toujours passer par l'établissement de quotas, et donc de distinctions entre les citoyens, ce qui est susceptible de créer des inégalités. Le simple fait que le débat sur le thème de l'action positive aie lieu permet de faire avancer les choses sans passer par des voies juridiques, a-t-il observé.

M.DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, a rappelé qu'il a passé plusieurs mois à préparer son document de travail sur les droits des non-ressortissants. Il a indiqué avoir apprécié les suggestions très utiles qui lui ont été faites en ce qui concerne la manière dont doit être appréhendée l'exclusion des non-citoyens de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il a souligné qu'il a maintes fois été suggéré, au cours des débats sur ces questions, que la distinction entre citoyens et non-citoyens n'est pas une discrimination en soi, ce qui n'empêche pas que les non-citoyens puissent encore être victimes de discrimination.

Des commentaires apportés au sujet de son document de travail, M.Weissbrodt conclut que l'étude devra examiner plus profondément la jurisprudence de la Cour et de la Commission européennes ainsi que les décisions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, du Comité des droits de l'homme et d'autres organes. M.Weissbrodt reconnaît que le traitement des Roms mérite une attention particulière de la part de la Sous-Commission.


Présentation de rapports au titre de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels

M.MUSTAPHA MEHEDI, expert de la Sous-Commission, présentant son document de travail ayant pour objectif de cerner de manière plus précise le contenu du droit à l'éducation (E/CN.4/Sub.2/1999/10, à paraître), a souligné que ce droit est garanti par plusieurs instruments juridiques internationaux, qui dégagent les finalités principales et secondaires de l'éducation. Ces finalités sont notamment l'épanouissement de la personne humaine, le renforcement du respect des droits de l'homme et la capacité de chacun de devenir un membre utile de la société. Les instruments internationaux mentionnent d'autres finalités telles que la transmission de l'héritage culturel, le développement de la conscience nationale et le développement des responsabilités morales et sociales. Le législateur tranche en faveur du développement de toutes les potentialités de la personne humaine, mais l'éducation doit être orientée sur des valeurs fondant la dignité humaine comme la liberté et la responsabilité, a souligné l'expert. Il ne peut y avoir de véritable respect du droit à l'éducation sans respect des principes des droits de l'homme, a-t-il ajouté.

L'expert a également souligné que la responsabilité première en matière d'éducation revenant aux parents, les États ne doivent pas s'arroger de droits supérieurs sur l'éducation des enfants. L'expert a en outre déclaré que le droit à l'éducation doit garantir un libre accès au système d'éducation, sans aucune discrimination et en appliquant le principe de la liberté de choix. Une éducation minimale doit également être garantie et les différences interculturelles doivent être reconnues par cette éducation. L'expert a déclaré que le droit à l'éducation a un caractère fondamental et une dimension universelle. La portée de ce droit dépend de la personne humaine, de la communauté locale et de ses structures démocratiques, ainsi que de la communauté humaine tout entière.

M.JOSEPH OLOKA-ONYANGO et MME DEEPIKA UDGAMA, experts de la Sous-Commission, ont présenté conjointement leur document de travail sur «les droits de l'homme, objectif premier de la politique et de la pratique internationales commerciales, financières et en matière d'investissement» (E/CN.4/Sub.2/1999/11).

M.OLOKA-ONYANGO a souligné que le credo des «gourous» des institutions multilatérales et des «doyens» des sociétés transnationales consiste à laisser les marchés croître et à penser que la mise en place de contrôles sur le libre mouvement mondial des capitaux constitue une barrière dont le monde ferait mieux de se passer. De telles opinions, qui résument bien ce que l'on appelle aujourd'hui le «consensus de Washington», ignorent le fait que si le commerce peut certes créer des opportunités et améliorer les conditions de vie, il peut aussi les détériorer. Le prétendu marché mondial n'est pas nécessairement un lieu d'égalité, de non-discrimination et de développement humain illimité. Le cas des «tigres» asiatiques a démontré de façon dramatique qu'en laissant librement agir les forces du capital, sans aucun contrôle, les conséquences peuvent être dévastatrices du point de vue économique et social. Deux leçons essentielles peuvent être tirées du débat relatif à l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI). La première est que, dans la forme comme dans le fond, l'AMI représente la négation ultime de tous les principes fondamentaux des droits de l'homme. La seconde est que tout régime multilatéral devant être créé doit avant tout être réellement multilatéral.

MME UDGAMA a pour sa part déclaré que les politiques de libéralisation du commerce, des investissements et des finances à l'échelle internationale ont un impact incontestablement néfaste sur la jouissance de tous les droits de l'homme, qu'il s'agisse des droits économiques, sociaux et culturels ou des droits civils et politiques. La nouvelle idéologie qui sous-tend ces politiques se manifeste de façon particulièrement pernicieuse à travers des accords de commerce et d'investissement multilatéraux et bilatéraux exploitant de manière flagrante les pays en développement. Les gouvernements des pays en développement, désespérant d'attirer le commerce et les investissements, sont acculés à accepter les termes et les conditions de ces accords, qui leur sont si ouvertement hostiles. Bien que l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) proposé par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) ait été suspendu pour l'instant, essentiellement à cause de l'opposition des organisations non gouvernementales, il se pourrait bien que de nombreux autres «AMI» apparaissent sous les auspices d'autres institutions, en particulier de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il est donc clair que le plus grand défi auquel la communauté internationale soit confrontée consiste à élaborer un cadre normatif et régulatoire en matière des droits de l'homme auquel les acteurs multilatéraux devront se conformer lorsqu'ils formuleront et mettront en oeuvre leurs politiques. Actuellement, lorsque les acteurs multilatéraux tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale se réfèrent aux droits de l'homme, ils le font comme s'ils faisaient une concession en prenant en compte les droits de l'homme. Cela est absolument inadmissible.

Dans les conclusions et recommandations de leur document de travail les experts estiment qu'il est essentiel que les organes créés par voie de traité commencent à s'intéresser aux aspects de la question qui intéressent leurs mandats respectifs, c'est-à-dire l'impact des politiques multilatérales en matière de commerce, d'investissement et de finances sur les femmes, les enfants, les minorités, les populations autochtones et les communautés vulnérables de divers types. En bref, il serait souhaitable de créer des mécanismes permettant de réaliser des évaluations appropriées de l'impact sur les droits de l'homme de la mise en oeuvre des décisions de politique prises par les organisations multilatérales et intergouvernementales.

Les institutions multilatérales et les organismes intergouvernementaux, notamment l'OCDE, l'OMC, le FMI et la Banque mondiale, devraient aborder de manière plus critique la question du «droit de prendre part» à la formulation des politiques dans le domaine du commerce, des investissements et des finances au plan international. En fait, la proposition selon laquelle ces organisations devraient elles-mêmes être guidées par un code de conduite applicable à leurs opérations, devrait être sérieusement envisagée. Comme l'a signalé un théoricien, il est essentiel que les programmes de politique qui sont à la base des activités opérationnelles des organisations internationales soient «... légitimées par des procédures démocratiques de prise de décisions». Cela pose évidemment la question supplémentaire de savoir si un accord multilatéral sur l'investissement est nécessaire et quelle est l'instance appropriée dans laquelle les négociations à ce sujet devraient se dérouler.

La Sous-Commission doit rester saisie de la question et procéder à une étude plus approfondie qui dans un premier temps examine les aspects les plus spécifiques de la relation entre la politique et la pratique en matière de commerce, d'investissement et de finances et les droits de l'homme. La Sous-Commission devrait définir de manière plus détaillée les principes des droits de l'homme fondamentaux sur la base desquels un nouveau régime multilatéral régissant le commerce, l'investissement et les finances au plan international, devrait opérer. Des mesures doivent être prises pour favoriser l'amélioration et l'application des principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales ainsi que pour ranimer et examiner l'application du Code de conduite des sociétés transnationales de l'ONU. Ces mesures doivent garantir qu'il y ait un équilibre approprié entre deux objectifs : faciliter le développement de l'investissement et créer un cadre solide basé sur les droits de l'homme pour le fonctionnement des sociétés transnationales. Tous les organes créés par voie de traité ainsi que les autres institutions s'occupant des droits de l'homme doivent s'intéresser de plus près aux processus se déroulant dans les différentes institutions multilatérales et organisations intergouvernementales qui s'occupent de la question. Vu la portée vaste et complexe des questions soulevées, il serait souhaitable de soumettre un rapport préliminaire mais substantiel à la Sous-Commission à sa prochaine session, en l'an 2000.

M.EL-HADJI GUISSÉ, Président-rapporteur du Groupe de travail de session chargé d'examiner les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales, présentant le rapport de la première session de ce Groupe de travail (E/CN.4/Sub.2/1999/9, à paraître en français), a déclaré que l'ordre du jour qui a été adopté détaille différentes possibilités d'études portant notamment sur un projet de code de conduite des transnationales que M.Weissbrodt présentera lors de la prochaine session. Le Groupe de travail a abouti à des recommandations lançant un appel aux organisations affiliées des NationsUnies afin qu'elles participent aux travaux du Groupe de travail, a déclaré M.Guissé. Il a souligné que les travaux du Groupe de travail devront se faire de manière consensuelle et afin que les droits de chacun, individus, États, sociétés transnationales, soient respectés. M.Guissé a également suggéré que les États aient la responsabilité d'élaborer des normes régissant l'activité des transnationales qu'ils accueillent ou qui sont originaires de ces pays.

La Sous-Commission est par ailleurs saisie, dans le cadre de ce point, du rapport du Secrétaire général sur la promotion du droit au développement dans le cadre de la décennie des NationsUnies pour l'élimination de la pauvreté (1997-2006) (E/CN.4/Sub.2/1999/30), le Secrétaire général présente les efforts entrepris par l'Institut des NationsUnies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), le Centre du commerce international (CCI), l'Organisation maritime internationale (OMI), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) et le Centre des NationsUnies pour les établissements humains (Habitat).


Débat sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels

M.ZHONG SHUKONG, expert de la Sous-Commission, a souligné que la réalisation du droit au développement est la clef de l'exercice des droits universels. Il a rappelé les crimes de guerre et les violations massives des droits de l'homme perpétrées par les puissances coloniales au cours de l'histoire ainsi que ceux perpétrés durant la seconde guerre mondiale avant que ne soient successivement adoptées la Charte des NationsUnies et la Déclaration universelle des droits de l'homme. Tous les pays en développement partagent une histoire commune puisqu'ils ont tous été victimes de l'oppression coloniale, ce qui leur confère une identité et des aspirations communes en tant que pays en développement. Plus que l'adoption des nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, c'est leur mise en oeuvre effective qui est essentielle, a expliqué l'expert.

M.Zhong Shukong a fait observer que les efforts de développement déployés par les pays en développement ont été sapés par des facteurs internationaux défavorables liés à l'ordre international injuste qui prévaut à tous les niveaux. Il a dénoncé le monopole des brevets ainsi que le monopole du «calendrier de la mondialisation» par les pays développés. L'expert a souligné que les pays en développement ne représentent que 2% du PNB mondial alors que l'écart augmente entre le Nord et le Sud pour ce qui est du PNB par habitant. Aussi, l'universalité des droits de l'homme telle que prévue dans la Déclaration universelle des droits de l'homme est loin d'être réalisée. Cette universalité ne sera pas atteinte sans réalisation du droit au développement.

M.GASPAR GLAVICA (Association américaine de juristes) a déclaré que l'éducation doit permettre aux personnes de revendiquer leurs droits. Il a déclaré que des puissances néocolonialistes se disputent l'exploitation des ressources naturelles de l'Afrique, en allant jusqu'à favoriser l'émergence de conflits interethniques dans ce continent. Il a déclaré que les institutions financières internationales et leurs politiques d'ajustement dévastatrices participent également au déclin de l'Afrique. Il a également mis en cause le système monétaire international, qui permet aux États-Unis de vivre à crédit en imposant le dollar comme monnaie internationale. Il a condamné les politiques des sociétés transnationales dont l'un des objectifs principaux est de générer la plus grande quantité de profits possibles. Il a souligné que les citoyens doivent pouvoir participer à la prise de décision dans le domaine économique.


La représentante de l'Association internationale des juristes démocrates a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les violations des droits de l'homme perpétrées par le Gouvernement japonais contre les étudiants coréens qui étudient dans les écoles coréennes au Japon. Après la fin de la deuxième guerre mondiale, le Gouvernement japonais a maintenu sa politique discriminatoire envers les écoles coréennes au lieu d'en assurer la protection.

M.PIERRE PORRET (Association of World Citizens) a souligné qu'aujourd'hui, la pauvreté a augmenté dans des proportions catastrophiques alors que des richesses colossales s'accumulent entre les mains de quelques centaines d'individus. Les institutions de Bretton Woods, créées à l'issue de la seconde guerre mondiale pour aider à la reconstruction, ne jouent plus un rôle bénéfique mais contribuent à imposer un modèle de développement unique et autoritaire, ne consentant leurs prêts qu'à des conditions draconiennes à des États qui perdent leur liberté et sont obligés de s'aligner politiquement sur un seul modèle de développement. Ce modèle de développement confère d'énormes pouvoirs aux sociétés transnationales. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) est l'un des instruments de cette politique. M.Porret a par ailleurs souligné que les fusions d'entreprises, notamment dans le secteur bancaire, se sont faites jusqu'à présent dans le plus grand mépris du droit au travail.

MME ATSUKO TANAKA (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a déclaré que les participants à la conférence sur «l'éducation en matière de droits de l'homme dans la région Asie-Pacifique», qui s'est tenue à Osaka en novembre 1998, ont souligné que l'éducation dans le domaine des droits de l'homme doit être liée à la vie et la réalité des communautés et que les gouvernements devraient fournir une formation dans le domaine des droits de l'homme, notamment aux membre de l'armée, des forces de l'ordre, des autorités pénitentiaires et de l'immigration. Elle a regretté que la Décennie des NationsUnies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme ne reçoive pas suffisamment d'attention et que les activités qui se déroulent dans ce cadre pâtissent d'un manque de personnel et de crédits. Elle a en outre suggéré que des experts des NationsUnies élaborent un modèle de législation concernant l'éducation dans le domaine des droits de l'homme à partir des instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Elle a appelé la Haut-Commissaire aux droits de l'homme à rassembler des informations sur les mesures positives entreprises par les sociétés privées afin de favoriser l'éducation dans le domaine des droits de l'homme et de disséminer des informations dans ce domaine.

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