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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA RESPONSABILITÉ DES SOCIÉTÉS TRANSNATIONALES EN MATIÈRE DE DROITS DE L'HOMME AU CŒUR DES INTERVENTIONS DES ONG

08 août 2003



Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme
55ème session
8 août 2003
Après-midi




Vingt-sept organisations non gouvernementales
s'adressent à la Sous-Commission




La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a entendu les déclarations de vingt-sept organisations non gouvernementales dans le cadre du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels. La plupart des intervenants se sont félicités du projet de normes à l'intention des sociétés transnationales préparé par le Groupe de travail de la Sous-Commission sur la question.
Ainsi, Amnesty International a souligné l'importance de ce projet qui, au-delà des questions traditionnelles relatives aux droits de l'homme, aborde également le droit du travail, la dégradation de l'environnement, l'impact de la corruption et les droits des consommateurs. En outre, ce projet de normes pourra également être utile aux sociétés nationales, et il a l'avantage d'être accompagné de commentaires très utiles pour la sensibilisation des gouvernements, des entreprises et des organisations non gouvernementales. Cela étant, l'Association américaine de juristes a regretté qu'ait été ignorée la proposition visant à introduire la responsabilité solidaire de ces sociétés avec leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants à l'égard des droits de l'homme, ce qui laisse ouverte une brèche énorme pour l'impunité des sociétés transnationales. L'Association américaine de juristes a également regretté que ce projet omette aussi de faire référence à la responsabilité civile et pénale des dirigeants à l'origine des décisions ayant conduit à des violations de droits de l'homme imputables à l'entreprise en tant que personne juridique.
Plusieurs organisations se sont par ailleurs félicitées que la Sous-Commission ait été invitée à collaborer avec l'Expert indépendant de la Commission des droits de l'homme chargé d'élaborer un cadre conceptuel pour le droit au développement. Dans ce contexte, une organisation non gouvernementale a invité la Sous-Commission à examiner l'impact des droits de propriété intellectuelle sur le développement agricole du fait notamment de l'introduction d'une technologie visant à empêcher la germination des graines d'organismes génétiquement modifiés.
Les organisations non gouvernementales suivantes ont fait des déclarations : Fraternité Notre Dame; Amnesty International; Christian Aid; Parti radical transnational; Voluntary Action Network India; Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants; Centre Europe Tiers-monde (CETIM); Mouvement indien «Tupaj Amaru»; Association internationale des juristes démocrates; Franciscain international; Association américaine de juristes; Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP); Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques; International Educational Development, Inc.; All for Reparations and Emancipation; Centre de recherche en droit international de l'environnement; Oxfam GB; European Union of Public Relations; Confédération internationale des syndicats libres; Défense des enfants - international; Asian Women's Human Rights Council; Women's Sports Foundation; Institut international de la paix; International Institute for Non-Aligned Studies; Mouvement International ATD Quart Monde; Indian Council of Education; et L'Association tunisienne pour l'auto-développement et la solidarité (ATLAS).
La Sous-Commission poursuivra l'examen des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels, lundi 11 août 2003, à partir de 10 heures.

Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels
MME MARIA SABINE LEGRAND (Fraternité Notre Dame) a indiqué que le fondateur de sa communauté religieuse et humanitaire, Monseigneur Jean-Marie Roger Kozik, préoccupé de l'amélioration de l'habitat, s'est attaqué à un fléau en Mongolie, celui des populations qui, pour échapper aux températures de -35° la moitié de l'année, descendent dans les égouts de la capitale à la recherche d'un peu de chaleur et sont gravement brûlés par les canalisations des égouts. Monseigneur Kozik reloge les familles progressivement dans des yourtes pour leur redonner un mode de vie plus décent, a-t-elle précisé. Depuis 1999, la Fraternité Notre-Dame a ouvert un hôpital gratuit de 62 lits pour les plus démunis de la capitale, a-t-elle également indiqué. Elle a par ailleurs indiqué que depuis 7 ans, Monseigneur Kozik a ouvert une mission au Niger où, comme aux XVIIIe et XIXe siècles, la lèpre poursuit ses ravages. D'autre part, en Haïti, un orphelinat accueille désormais des enfants abandonnés, après des efforts persévérants qui ont porté leurs fruits.
MME MELINDA CHING (Amnesty International) s'est félicitée du projet de normes à l'intention des sociétés transnationales qu'elle a jugé complet et utile. Elle a précisé qu'Amnesty l'avait affiché sur son site internet et appuyait ces normes qui réaffirment les obligations des entreprises privées en matière de droits de l'homme, ce qui est un outil efficace de promotion des droits de l'homme dont on peut espérer des résultats positifs. Elle a aussi estimé que le projet de normes contribuera à l'élaboration du droit international, notamment en ce qui concerne sa portée s'agissant des acteurs non étatiques. Ce projet de normes, a-t-elle poursuivi, a l'avantage de présenter de manière claire les obligations des entreprises et devrait recueillir un large soutien de la communauté des organisations non gouvernementales. Ce projet a également le mérite de préciser les droits des consommateurs, a-t-elle précisé, estimant que ces normes pourraient également s'appliquer aux sociétés nationales. Elle a encouragé la Sous-Commission d'adopter le projet de normes et son commentaire, de le recommander pour adoption à la Commission des droits de l'homme, et d'envisager l'élaboration des mécanismes d'application de ces normes.
MME ISABELLA D. BUNN (Christian Aid) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur le fait que certaines pratiques d'entreprises peuvent porter préjudice à l'environnement. Les intérêts des pauvres seront davantage pris en considération si est mis en place un cadre réglementaire surveillé par un organe international capable d'assurer l'application de normes minimales s'agissant de la conduite des entreprises, a-t-elle affirmé. Aussi, son organisation apprécie-t-elle grandement les efforts substantiels déployés par le Groupe de travail chargés d'élaborer ces normes.
M. ENVER CAN (Parti radical transnational) a appelé l'attention sur la situation des Ouïgours dont les droits économiques, sociaux et culturels sont bafoués alors que la Chine a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a demandé à ce que les Ouïgours puissent exercer les mêmes droits que le reste de la population chinoise. Il a expliqué que la question du respect des droits économiques et sociaux des Ouïgours date de la création de la région autonome du Xinjiang. Il a expliqué que les Ouïgours ne jouissent aujourd'hui d'aucune liberté de religion et que les enterrements, la construction de mosquées et l'observance du ramadan sont sévèrement contrôlés par les autorités de l'État. Il a également fait part des atteintes portées au droit des Ouïgours de parler leur langue, qui n'est plus considérée comme la langue officielle de la région autonome. En outre, a-t-il précisé, tous les manuels scolaires de la région du Turkestan oriental sont en chinois, sans traduction. Par ailleurs, il a dénoncé l'intention des autorités chinoises de détruire tous les monuments historiques des Ouïgours. Au vu de ces exactions, il a appelé la Sous-Commission à joindre sa voix à celle de l'Unesco pour faire pression sur les autorités chinoises afin de mettre fin immédiatement à la destruction des monuments historiques ouïgours de la ville de Kashgar. Il a demandé l'envoi d'une délégation dans cette ville avant la destruction complète des vestiges de l'ancienne culture de la route de la soie. En outre, il a demandé à la Sous-Commission d'examiner les programmes scolaires en vigueur dans la région en vue d'appeler les autorités chinoises à renoncer à leur décision d'abolir l'enseignement du ouïgour au niveau universitaire. En dernier lieu, il a demandé la nomination d'un rapporteur spécial chargé d'examiner la situation au Turkestan oriental en vue de rendre compte des violations des droits économiques, sociaux et culturels des Ouïgours.
M. PRAHBU NARAYAN MISHRA (Voluntary Action Network India) a déclaré que depuis son indépendance, l'Inde a déployé de nombreux efforts aux fins d'assurer son développement économique et industriel. Il est vrai que les disparités régionales, de ce point de vue, sont encore importantes dans ce pays. La responsabilité en incombe certes à des problèmes tels que la disponibilité de main-d'œuvre qualifiée et de ressources physiques, mais il existe d'autres facteurs expliquant ces disparités. Au Jammu-et-Cachemire, par exemple, le gouvernement n'a pas été en mesure d'opérer des progrès rapides en dépit d'excellentes ressources, tant physiques qu'humaines. L'une des raisons principales de ce faible niveau de développement au Jammu-et-Cachemire est le terrorisme, qui plonge ses racines et trouve son soutien en dehors des frontières de l'Inde, a déclaré le représentant.
MME YASMIN SADDIQ (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants)a estimé qu'une approche inclusive de la mise en œuvre des droits de l'homme suppose que la promotion des droits économiques, sociaux et culturels soit associée à la promotion des droits civils et politiques. Elle a rappelé les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui traitent des droits économiques, sociaux et culturels et prévoient le droit au travail, le droit à un niveau de vie décent et le droit à l'éducation. L'importance du droit à l'éducation est réaffirmée dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a-t-elle précisé. Appelant ensuite l'attention sur la situation au Jammu-et-Cachemire, elle a déclaré que les écoles du Cachemire s'étaient transformées en camps de l'armée d'occupation et que le droit des enfants cachemiriens à l'éducation n'était plus qu'une cause perdue.
M. MALIK ÖZDEN (Centre Europe-Tiers Monde - CETIM) a affirmé que la mondialisation n'est pas un événement naturel ou un processus irrémédiable et irréversible. Elle est en effet le fruit de certaines idéologies, de certains intérêts et de certaines institutions et son existence dépend bel et bien des structures mises en place par la communauté internationale. En réalité, le néolibéralisme repose en particulier sur un mensonge, ou une fausse évidence, qui à force d'être quotidiennement asséné par les élites économiques et dans les médias, paraît indiscutable et consiste à déclarer: «la démocratie et le marché vont de pair et se renforcent mutuellement». Rien n'est pourtant plus faux et plus trompeur, a souligné le représentant du CETIM. L'imposition unilatérale des règles du marché aux individus et aux peuples est au contraire antinomique avec une démocratie réelle et partagée. En réalité, le marché ne fonctionne justement que parce qu'il est régulé suivant des rapports de force et de pouvoir où le plus fort gagne. Quant aux méthodes de travail et aux activités des sociétés transnationales, elles sont déterminées par un objectif fondamental: l'obtention d'un profit maximum en un minimum de temps. Cet objectif fondamental n'admet aucun obstacle et, pour l'atteindre, les sociétés transnationales, surtout les plus grandes, n'excluent aucun moyen. Il faut absolument que soit réaffirmée la primauté des droits de l'homme sur tout accord commercial international, a notamment souligné le représentant.
M. LAZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a souligné l'importance de réglementer au niveau international les activités des sociétés transnationales qui échappent à la juridiction et aux contrôle des pays dans lesquels elles opèrent. Il a rappelé qu'il n'existait pas de définition des sociétés transnationales qui, juridiquement, n'existent pas. Il a estimé qu'un code de conduite était indispensable dans la mesure où il n'existe aucune juridiction pénale internationale pour connaître des activités illicites des sociétés transnationales et les en tenir responsables. Il a expliqué que, selon le rapport de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) sur les investissements, l'expansion mondiale des courants d'investissements viennent des opérations de quelque 65 000 sociétés transnationales qui comptent plus de 850 000 filiales dans les pays en développement. Il a cité l'exemple de Nestlé qui est omniprésent en Colombie, en Chine et au Viet Nam, où cette société exploite une main d'œuvre bon marché. Il a précisé que ces sociétés ont leur siège dans l'Union européenne, aux États-Unis et au Japon. Dans ces conditions, il a jugé particulièrement indispensable que des normes soient adoptées pour réguler les activités de ses sociétés, car les pays qui les accueillent n'ont aucun pouvoir de négociation avec ces compagnies.
M. OSAMU NIKURA (Association internationale des juristes démocrates) a fait remarquer que si le Japon est un pays où ne se produisent pas de violations graves des droits de l'homme, l'un des problèmes les plus importants auquel ce pays est confronté reste celui des délais de traitement des affaires de droits de l'homme, certains individus attendant parfois jusqu'à 16 ans pour avoir gain de cause. Le représentant a rappelé que les victimes de violations des droits de l'homme souffrent doublement si elles se voient dénier le droit à un recours judiciaire dans des délais raisonnables. Aussi, a-t-il souligné que son organisation est résolue à contribuer à la recherche d'un moyen permettant de mettre à la portée de ceux qui souffrent le plus des moyens de recours plus efficaces.
M. YVES SOUDAN (Franciscain international) s'est félicité de l'approche fondée sur l'indivisibilité des droits de l'homme adoptée par la Sous-Commission sur la question de l'extrême pauvreté. Il a estimé qu'il importait à cet égard de réaffirmer la dignité humaine et le droit de chacun à exercer ses droits économiques, sociaux et culturels. Dans la mesure où l'extrême pauvreté ne se limite pas aux pays pauvres, il a insisté sur le fait que la lutte contre l'extrême pauvreté concerne autant les pays développés que les pays en développement. Il a encouragé une approche opérationnelle qui définirait des objectifs précis pour les États et a recommandé l'établissement d'une série d'indicateurs afin de révéler la réalité cachée de la pauvreté extrême. Il a notamment recommandé à la Sous-Commission de réaffirmer la dignité humaine des personnes et de leurs communautés ainsi que leur droit à jouir de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques sur la base du principe de l'universalité et de l'indivisibilité de tous les droits de l'homme. Il a également encouragé l'élaboration d'indicateurs, avec la participation des populations concernées, afin de cerner la réalité de la pauvreté extrême. Enfin, il a demandé à la Sous-Commission d'adopter une approche opérationnelle, qui réaffirme la responsabilité des États à respecter, protéger et promouvoir les droits fondamentaux, particulièrement ceux des personnes vivant dans l'extrême pauvreté.
M. HERNAN MOTTA MOTTA (Association américaine de juristes) a déploré que le Groupe de travail chargé d'élaborer des normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales n'ait pas pris en compte la proposition visant à introduire dans le projet de normes la responsabilité solidaire de ces sociétés avec leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants s'agissant des violations de droits de l'homme que ces derniers pourraient commettre dans le cadre de leur relation contractuelle avec elles. Une telle omission laisse ouverte une brèche énorme pour l'impunité des sociétés transnationales, a estimé le représentant. Il a également déploré que ce projet ne mentionne pas non plus la responsabilité civile et pénale des dirigeants qui ont pris les décisions concernant les activités à l'origine des violations de droits de l'homme imputables à l'entreprise en tant que personne juridique. En outre, le projet de normes autorise la sous-traitance privée du travail carcéral, s'inspirant du texte de la Constitution des États-Unis. Selon le Département de la justice des États-Unis, 30 États de ce pays ont légalisé depuis 1990 la sous-traitance extérieure du travail carcéral. De grandes sociétés transnationales comme Microsoft ou Boeing profitent de ce travail mal payé équivalant à un semi-esclavage. Un document des Nations Unies ne devrait pas suivre ce modèle, a estimé le représentant. Enfin, a-t-il relevé, le projet de normes consacre l'ingérence des sociétés transnationales dans l'organisation syndicale de l'entreprise afin de faire obstruction aux activités des commissions internes autonomes des syndicats concernés; il s'agit là d'une violation claire de la convention n°87 de l'OIT sur la liberté syndicale.
MME ROLANDE BORRELLY (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) s'est félicitée de la demande faite à la Sous-Commission de collaborer à l'élaboration d'un cadre conceptuel avec l'Expert indépendant sur le droit au développement. Elle a estimé que, pour définir les principes applicables à un partenariat pour le développement, la Sous-Commission devra commencer par discuter de la définition la plus pertinente du droit au développement. À cet égard, le MRAP souhaite que la Sous-Commission ne s'en tienne pas à la vision individualiste du droit au développement, qui n'est ni réaliste ni opérationnelle. Elle a expliqué que, malgré des décennies de libéralisme ou plutôt à cause d'elles, nombre d'économistes et de politologues insistent aujourd'hui sur le rôle décisif de l'État dans la mobilisation des ressources et des énergies nécessaires pour lancer le développement. Elle a jugé cette réhabilitation de l'État indispensable à la reconnaissance effective d'un droit au développement qui ne soit pas simplement un droit de l'homme comme les autres mais plutôt la matrice de tous les autres. Cette réhabilitation de l'État, a-t-elle poursuivi, pose le caractère imprescriptible de la distinction entre le public et le privé non seulement dans la propriété mais aussi dans les fonctions.
MME HAMSA ABDEL-HAMID GENIDY (Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques) a averti que l'explosion des technologies de l'information et de la communication (TIC) risque de marginaliser encore davantage les pays du tiers-monde. Elle a en outre souligné que les sociétés transnationales, au lieu d'encourager le respect des droits de l'homme, ont recours à une main-d'œuvre très bon marché. En Afrique, par exemple, l'industrie internationale est l'une des causes du trafic d'êtres humains. Ainsi, a indiqué la représentante, on estime qu'un grand nombre d'enfants travaillent dans un état de quasi-servitude en Côte d'Ivoire, produisant le cacao qui répond à plus de la moitié de la demande mondiale de chocolat. La représentante a par ailleurs rappelé que depuis le déclenchement de l'intifada palestinienne, les civils sont soumis aux tirs des forces israéliennes, lesquelles continuent de détruire les maisons et l'agriculture palestiniennes.
MME KAREN PARKER (International Educational Development, Inc.) a estimé que l'on assistait à une sévère crise de la démocratie aux États-Unis où les autorités se servent des institutions de l'État pour maintenir leur avantage politique sur leurs adversaires. À cet égard, elle a encouragé Mme Mbonu, dans son travail sur la corruption, à se pencher plus avant sur la question du détournement des institutions de l'État. La représentante a ensuite appelé l'attention sur la situation des Kurdes de Turquie dont les droits économiques, sociaux et culturels sont bafoués par le Gouvernement de la Turquie qui s'est efforcé d'éliminer l'identité linguistique et culturelle des Kurdes. Elle a estimé qu'il importe de veiller à ce que l'utilisation de la langue kurde dans l'éducation, les médias et les partis politiques reste possible. Elle a estimé que la situation des Kurdes illustrait bien la manière dont les gouvernements hostiles à une minorité s'appliquent à «pénaliser» sa culture en emprisonnant ceux qui militent pour l'exercice de leurs droits culturels. En prévision de la prochaine discussion du Forum social sur la pauvreté dans les zones rurales, elle a espéré que le Forum social examinerait la domination politique et économique imposée par certains États et qui porte atteinte au droit à l'autodétermination en matière de droits économiques, sociaux et culturels. Par exemple, des colons appartenant à un groupe dominant peuvent en venir à dominer l'économie locale comme c'est le cas pour les chrétiens des Moluques.
M. ARIF AAJAKIA (All for Reparations and Emancipation) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la situation qui prévaut dans la province pakistanaise du Sindh dont les ressources sont exploitées sans vergogne et qui fournit en fait à l'heure actuelle l'image d'une province occupée administrée par l'oligarchie au pouvoir - des seigneurs féodaux - afin de protéger à n'importe quel prix les intérêts de la province du Pendjab. La population du Sindh continue d'être victime de discriminations, notamment en matière d'éducation, de santé, d'opportunités d'emploi, de justice et de liberté d'expression, a insisté le représentant. Il a plaidé en faveur d'une redistribution des fonds publics par le pouvoir fédéral qui se fonderait essentiellement non pas sur le critère du poids démographique de chaque province, comme c'est le cas actuellement, mais du critère de contribution de chaque province à la richesse nationale.
M. ALEXANDRE DUFRESNE (Centre de recherche en droit international de l'environnement) a expliqué que, dans l'agriculture, le développement d'organismes génétiquement modifiés était le résultat des incitations provenant des droits de propriété intellectuelle. Il a précisé que si les droits de propriété intellectuelle avaient incité les entreprises à se lancer dans l'agrobiotechnologie, ils avaient également porter atteinte aux droits des agriculteurs de conserver des semences, de les échanger et de les semer à nouveau. Dans la mesure où l'économie des pays en développement repose souvent sur l'agriculture, la gestion équitable de l'agriculture est un élément fondamental de la réalisation du droit de tous à l'alimentation. Il a appelé l'attention de la Sous-Commission sur les problèmes que pose l'introduction dans l'agriculure de «gurts» (genetic use restriction technologies) ou de «V-gurts» connus également sous le nom de «technologie terminator», qui empêche la germination des graines et restreint ainsi l'accès aux espèces améliorées. Il a précisé que cette technologie avait été complètement interdite par l'Inde et a signalé à l'attention de la Sous-Commission les travaux de l'International Union for the Protection of New Varieties of Plants, qui a rédigé une vive déclaration contre les V-gurts cette année. Favorable à l'interdiction complète de cette technologie, le représentant a recommandé à la Sous-Commission d'entreprendre une étude sur l'impact des droits de propriété intellectuelle dans le domaine agricole pour les pays en développement. Il a recommandé qu'une plus grande attention soit portée à la question des V-gurts, car loin de contribuer à la réalisation du droit à l'alimentation, ils ont plutôt pour effet de le restreindre.
M. HYDER KHAN (Oxfam GB) a souligné que le respect des droits de l'homme est essentiel pour l'éradication de la pauvreté et des souffrances de par le monde. Il ne fait aucun doute que le projet de normes sur la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales constitue à cet égard une contribution grandement utile en ce sens que ce projet reconnaît le rôle crucial que peuvent et doivent jouer ces sociétés pour relever ce défi. Oxfam est en effet d'avis que les sociétés transnationales devraient mener leurs activités de manière non pas à entraver mais à promouvoir le développement humain, ce qui implique qu'elles acceptent d'assumer la responsabilité pour les activités qu'elles mènent.
M. FIRDOUS SYED (European Union of Public Relations) a appelé l'attention sur la situation au Jammu-et-Cachemire en proie à la violence depuis 15 ans et dont l'économie est détruite. À cet égard, il a espéré qu'un dialogue pourrait maintenant s'instaurer au plus haut niveau dans le cadre du processus de paix qui s'amorce entre l'Inde et le Pakistan. Il a estimé que le succès de ce processus de paix bénéficiera à toute l'Asie du Sud et à l'ensemble de la communauté internationale, et a espéré que le Pakistan fera preuve de coopération en éliminant les centres terroristes tenus par les groupes de la djihad. Seule la paix permettra la réalisation du droit au développement des Cachemiriens, a-t-il conlu.
MME ANNA BIONDI BIRD (Confédération internationale des syndicats libres - CISL) a rappelé que son organisation demande la réglementation internationale des affaires internationales depuis les années 1970. Commentant le projet de normes dont est saisie la Sous-Commission s'agissant de la responsabilité en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales, elle s'est inquiétée de la similitude de terminologie employée dans ce projet pour traiter du rôle des entreprises et de celui des gouvernements, alors qu'il existe incontestablement des différences qualitatives entre les responsabilités des entreprises privées et celles des États. La représentante de la CISL a par ailleurs regretté que le projet de normes reprenne largement le concept de responsabilité sociale de l'entreprise alors qu'il s'agit d'une forme populaire de déontologie de l'entreprise qui met l'accent sur le caractère volontaire de la responsabilité de l'entreprise. Il n'est pas approprié que ce type d'instrument international entérine des concepts fades et des pratiques controversées dont un grand nombre n'ont pas prouvé leur utilité, a estimé la représentante.
MME DORA GIUSTI (Défense des enfants - international) a rappelé les termes de la résolution adoptée par la Commission des droits de l'homme sur les droits de l'enfant et qui recommande aux organes du système de l'ONU d'intégrer les droits de l'enfant dans toutes leurs actions. Elle a ensuite appelé l'attention sur l'observation du Comité des droits de l'enfant sur le secteur privé en tant que prestataire de services et son rôle dans la réalisation des droits de l'enfant. À cet égard, elle a encouragé la Sous-Commission à envisager les moyens d'assurer que la nutrition et les services de santé destinés aux enfants soient contrôlés et fonctionnent suivant des normes de qualité. Elle a également invité les membres du groupe de travail sur les populations autochtones à participer à la Journée de discussion générale sur les droits des enfants autochtones qui sera organisée le 19 septembre 2003 par le Comité des droits de l'enfant.
M. AKIRA MAEDA (Asian Women's Human Rights Council) a souligné que cela fait six ans que son organisation plaide en faveur de l'équité en matière d'accès à l'éducation au Japon. Il a dénoncé l'inégalité de l'accès aux institutions d'enseignement supérieur dont souffrent les enfants coréens au Japon. Il a demandé à la Sous-Commission d'exhorter le Gouvernement japonais à garantir l'égalité d'accès aux universités pour les élèves des écoles des minorités au Japon.
MME WILDA SPILDING (Women's Sports Foundation) a souligné l'importance de la discipline intérieure de l'athlétisme pour former des personnes saines et responsables et des sociétés éprises de paix. Elle a ajouté que les jeux d'équipe respectueux des règles sont un outil non seulement pour la promotion et la protection de droits de l'homme, mais pour le développement d'individus et de sociétés sains à même de favoriser la paix.
MME TATIANA SHAUMIAN (Institut international de la paix) a souligné que les découvertes scientifiques et les inventions se multiplient dans le monde et que, dans un tel contexte, parler d'échec de l'éducation semble exagéré. Elle a fait valoir l'augmentation des taux de scolarisation dans le monde ces dernières années. Elle a toutefois souligné que 175 millions des 680 millions d'enfants en âge d'être scolarisés ne vont pas à l'école dans les pays en développement, près de la moitié des enfants scolarisés n'achevant pas le cycle du primaire. Dans ces circonstances, un grand nombre d'enfants sont exposés aux fléaux de la violence, du travail des enfants ou du recrutement d'enfants dans les conflits armés, par exemple. La représentante a par ailleurs attiré l'attention sur les forts taux d'analphabétisme qui sévissent dans de nombreux pays du monde, en particulier dans le monde en développement, où un quart des adultes ne sait ni lire ni écrire.
MME PRAMILA SRIVASTAVA (International Institute for Non-Aligned Studies) a dénoncé les violations des droits de l'homme dont se rendent responsables les sociétés transnationales, notamment dans leur politique de l'emploi, leur rapport avec l'environnement, leur appui à des régimes corrompus et l'utilisation de leur pouvoir économique pour faire pression sur les États. Elle a observé que seules quelques transnationales ont adopté des codes de conduite et des politiques de responsabilité sociale. La plupart de ces sociétés ont en revanche des conséquences négatives sur la cohésion sociale, sur la pollution, sur la corruption. Elle a estimé que les codes de conduite actuels ont le défaut de ne pas s'appuyer sur le cadre juridique international constitué, notamment, par les Conventions de l'Organisation internationale du travail. Dans ce contexte, elle a appuyé les efforts de la Sous-Commission en vue de faire des recommandations visant à réguler les activités des sociétés transnationales. Elle a espéré que le Groupe de travail de la Sous-Commission sur la question prendrait en considération les inégalités croissantes entre les États et que les normes qu'il propose pourront rapidement entrer en vigueur.
M. THIERRY VIARD (Mouvement International ATD Quart Monde) a appelé chacun à se demander si la communauté internationale ne devrait pas accorder autant d'importance à la lutte contre la misère qu'à la lutte contre le terrorisme. Pour éliminer la pauvreté et l'exclusion sociale, il est essentiel de se concentrer sur les plus vulnérables, d'avoir conscience que des droits minima ne suffisent pas pour mener une existence digne et de penser les instruments juridiques avec les plus pauvres eux-mêmes et les organisations qui les représentent. S'agissant de ce dernier point, il a cité l'exemple du Canada et plus particulièrement de la province de Québec qui a adopté le 13 décembre dernier la loi 112 instituant une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Cette loi affirme que «les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale sont les premières à agir pour transformer leur situation et celle des leurs» et prévoir d'associer ces personnes au suivi, à l'évaluation et à l'amélioration de ce processus. Cette loi est le fruit d'une mobilisation sans précédent de la société québécoise, sur l'initiative de groupes populaires, de syndicats et d'associations, dans le cadre de laquelle des milliers de citoyens, y compris certains parmi les plus pauvres, ont pu contribuer par leur expérience et leurs idées à la formulation d'un premier projet dont la loi finalement adoptée s'est fortement inspirée.
M. RAJA GOPALAN ARAVINDAN (Indian Council of Education) a estimé qu'il y avait peu de preuves que la mondialisation des flux financiers et des capitaux (autres que l'investissement étranger direct) ait eu un effet sensible sur la croissance et a fortiori sur la réduction de la pauvreté. Au contraire, tout ce que l'on peut affirmer c'est que si la libéralisation financière ne s'effectue pas de manière contrôlée et opportune, elle peut même entraîner des périodes de grave instabilité financière. Il a estimé que, pour que la mondialisation contribue à la réduction de la pauvreté, il importe d'accorder une plus grande mobilité des personnes sans qualification à travers les frontières alors qu'à l'inverse on observe que le marché de la main d'œuvre non qualifiée reste fragmenté. Ainsi, on remarque que les pays développés ferment leurs frontières aux travailleurs en provenance des pays en développement, les sociétés transnationales de ces mêmes pays développés utilisent cette main d'œuvre bon marché pour réduire leurs coûts de production et accroître leurs bénéfices. Au fond, ce sont les élites qui en bénéficient, a-t-il regretté. Il a également appelé l'attention sur les nouvelles formes de pauvreté qui en découlent. Au contraire, la mondialisation devrait permettre l'élaboration de programmes spécifiques pour répondre aux besoins des pays. Dans ce contexte, il s'est félicité des travaux de la Sous-Commission sur ce thème.
M. MONCEF BALTI (Association tunisienne pour l'auto-développement et la solidarité -ATLAS) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la problématique du monde rural et du secteur agricole dans les pays du Sud dont le revenu d'une large majorité des populations dépend. Si en Tunisie, on a beaucoup investi en vue de l'amélioration des conditions de vie, dans certaines régions du monde, les ruraux sont livrés à eux-mêmes. Les prix des entrants importés des pays riches ne cessent d'augmenter alors que les aléas climatiques dans les pays du Sud ainsi que l'endettement des producteurs et la faible maîtrise des techniques limitent les capacités de production et accroissent les coûts, a expliqué le représentant. Il est temps que les bonnes volontés se penchent sur le dossier agricole et l'impact de son évolution sur la promotion et la protection des droits de l'homme.



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