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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBATSUR LA VIOLATION DES DROITS DE L'HOMME DANS TOUS LES PAYS

31 Juillet 2002



Sous-Commission de la promotion et
de la protection des droits de l'homme
54ème session
31 juillet 2002


Mme Erica-Irene Daes présente son document de travail sur la
question de la souveraineté permanente des peuples
autochtones sur les ressources naturelles

La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, son débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales en entendant les déclarations d'une dizaine d'intervenants dont une demi-douzaine d'experts. Au titre de la prévention de la discrimination, la Sous-Commission a par ailleurs entendu Mme Erica-Irene Daes, ancienne Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les populations autochtones, qui a présenté son document de travail concernant la souveraineté permanente des peuples autochtones sur les ressources naturelles.
Mme Daes a notamment rappelé que depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, le droit permanent sur les ressources naturelles est devenu un principe fondamental de la décolonisation et un aspect essentiel de l'autodétermination. Aussi, le moment est-il venu de faire en sorte que ce principe soit partout respecté au bénéfice des peuples autochtones, a-t-elle déclaré. Aujourd'hui, la quasi-totalité des États réclament pour eux-mêmes la souveraineté sur les ressources naturelles alors qu'ils refusent, partiellement ou totalement, d'accorder ce droit aux peuples autochtones. Il convient donc désormais d'examiner cet important problème, a déclaré Mme Daes. MM. Yozo Yokota, Asbjørn Eide, Vladimir Kartashkin et José Bengoa ont commenté ce document de travail. Certains ont souligné combien la souveraineté permanente des peuples autochtones sur les ressources naturelles est une question complexe et ont insisté sur la nécessité de promouvoir, pour l'étude de cette question, une démarche équilibrée entre droits souverains des États et droits souverains des populations autochtones. Les représentants du Mouvement Tupaj Amaru et de Indegenous World Association ont également fait des déclarations.
Au titre de la question de la violation des droits de l'homme dans le monde, plusieurs experts de la Sous-Commission ont fait des déclarations. Ainsi, M. David Weissbrodt a attiré l'attention sur le trafic des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle et commerciale, qui fait environ deux millions de victimes par an à travers le monde. M. Soli Jehangir Sorabjee a pour sa part souligné que l'Inde s'est dotée d'une loi sur la prévention du trafic illicite de femmes, mais que cette loi est très mal mise en oeuvre. C'est la pauvreté qui est fondamentalement à l'origine de la situation décrite par M. Weissbrodt, a estimé M. Sorabjee.
Un autre membre de la Sous-Commission, M. Abdel Sattar a dénoncé la propagande perverse qui consiste à utiliser le terme de terroriste pour qualifier des personnes qui luttent pour des causes légitimes. Certes, on ne peut en aucun cas accepter qu'une attaque suicide soit menée contre des populations civiles innocentes mais on ne saurait faire l'économie de l'examen des circonstances qui aboutissent à de telles attaques, a déclaré l'expert. Il a souligné que le terrorisme doit être condamné sous toutes ses formes, y compris le terrorisme d'État. En réponse à l'intervention de M. Sattar, M. Sorabjee a tenu à souligner que la fin ne saurait justifier les moyens.
M. Emmanuel Decaux a souligné que la coalition qui s'est constituée contre le terrorisme ne doit impliquer aucun manichéisme. Comment ne pas s'inquiéter en voyant un nouveau «maccarthysme» apparaître aux États-Unis, fondé sur une recherche des suspects selon des profils nationaux et ethniques discriminatoires et sur la négation des garanties judiciaires qui font la grandeur du droit américain, s'est interrogé M. Decaux? Comment ne pas s'inquiéter en voyant les États-Unis créer des zones de non-droit, hors de leur territoire, pour mieux tourner le dos aux principes élémentaires du droit international humanitaire, a-t-il poursuivi? En ce qui concerne la Cour pénale internationale, l'expert a dénoncé le «chantage» des États-Unis au Conseil de sécurité. Il a par ailleurs fait observer que les États-Unis se sont retrouvés en compagnie des États qu'ils dénoncent eux-mêmes comme «l'axe du mal» pour tenter de repousser l'adoption du protocole additionnel à la Convention contre la torture. L'expert a par ailleurs attiré l'attention sur la grève de la faim que suit depuis plus d'un mois l'avocate tunisienne Me Radhia Nasraoui et a estimé qu'un geste de clémence de la part du Gouvernent tunisien agrandirait son image aux yeux de tous les amis de la Tunisie.
M. Chen Shiqiu a rappelé que la résolution 2000/109 de la Commission exigeait de la Sous-Commission qu'elle cesse d'examiner ou d'adopter des résolutions concernant des situations par pays et qu'il s'agit incontestablement là d'une évolution positive. M. Chen a par ailleurs estimé qu'en tant que «réservoir d'idées» de la Commission, la Sous-Commission pourrait jouer un rôle plus actif dans la réalisation d'études pertinentes, l'élaboration d'instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme et la présentation d'avis et de conseils à la Commission.
M. El-Hadji Guissé a notamment attiré l'attention de la Sous-Commission sur les nombreux conflits qu'a connus et que continue de connaître l'Afrique et s'est dit choqué par les trafics d'armes qui s'opèrent entre les pays africains et les pays du Nord.
Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole: Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques; Médecins du monde - international; et Institut international de la paix. Ont particulièrement été évoquées les situations qui prévalent au Cachemire et en Tchétchénie.
La Sous-Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, son débat sur la question de la violation des droits de l'homme dans tous les pays et pourrait ensuite entamer sa discussion sur l'administration de la justice.
Suite du débat sur la question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales
M. U.S. SHARMA (Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques) a déclaré que son organisation suivait avec préoccupation la situation entre l'Inde et le Pakistan, qui comporte des risques terribles pour plus d'un milliard d'habitants. Dans le cadre du conflit au Jammu-et-Cachemire, quarante mille personnes ont déjà été tuées; l'infrastructure de la région est détruite; l'intolérance règne. Le Pakistan, qui affirme n'apporter qu'un soutien moral à la résistance, agit en fait dans le cadre d'un plan mûri de longue date par ses militaires - des documents le prouvent. Des milliers de Cachemiriens ont de fait reçu en Afghanistan une préparation à la lutte armée. Pendant des décennies, le Pakistan a tenté d'occulter ces activités. Aujourd'hui, la vérité éclate au grand jour: suite aux incidents du 11 septembre, aucun des groupes basés au Pakistan n'a été interdit par le Pakistan; la politique de militaires pakistanais au Cachemire reste inchangée et, malgré la pression internationale, les infiltrations se poursuivent à travers la frontière. La démocratie participative est le meilleur moyen de faire aboutir les droits de l'homme, a poursuivi M. Sharma. Or le Pakistan s'oppose à des élections au Cachemire; les groupuscules extrémistes basés au Pakistan tentent d'intimider la population pour la décourager de voter. Les principes civilisés d'une démocratie laïque constituent une menace pour les groupes religieux basés au Pakistan, de leur aveu même. Il est donc important que la communauté internationale mette tout en œuvre pour assurer le bon déroulement des prochaines élections au Cachemire , afin que la population puisse y participer sans crainte pour sa sécurité.
M. ALEXANDRE KAMAROTOS (Médecins du monde - international) a indiqué que selon un récent rapport de son organisation, la situation humanitaire, pas plus que la situation des droits de l'homme, ne s'est améliorée en Tchétchénie, où de graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international continuent d'être perpétrées. Sous prétexte de lutte contre le terrorisme, les opérations de nettoyage continuent d'être menées par les troupes russes en toute impunité. Les attaques aveugles prenant pour cibles les non-combattants, les arrestations massives, la torture et les mauvais traitements continuent d'être la règle à Grozny et dans le reste de la Tchétchénie. En raison de cette violence incessante, un grand nombre de civils ont traversé la frontière pour se rendre dans la république voisine d'Ingouchie où quelque 150 000 réfugiés tchétchènes vivent toujours dans des camps ou chez des familles d'accueil. Médecins du monde est particulièrement préoccupée par les récentes pressions exercées sur l'administration officielle tchétchène afin que les réfugiés reviennent en Tchétchénie. Des informations alarmantes recueillies sur le terrain semblent remettre en cause le caractère volontaire des retours. Aussi, Médecins du monde demande-t-il que cessent toutes les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire avant que ne soit envisagé le moindre retour de personnes déplacées.
M. DAVID WEISSBRODT, membre de la Sous-Commission, a attiré l'attention sur le trafic des femmes et des jeunes filles à des fins d'exploitation sexuelles, qui font deux millions de victimes chaque année. Cette pratique est trop souvent séparée de la question des droits de la femme. Le trafic international est contrôlé par des réseaux criminels très sophistiqués, qui savent appâter leurs victimes avec des promesses de places de travail. Certains parents se laissent tromper. La police elle-même est souvent impliquée dans ces trafics. On constate que des petites filles de sept ans sont victimes des réseaux de prostitution, et qu'elles sont souvent infectées par le VIH/sida. À l'image de la mondialisation actuelle, les réseaux de prostitution opèrent à l'échelle planétaire, véhiculant leurs victimes d'un continent à l'autre. Il faut donc une réponse coordonnée et globale à ces problèmes.
M. Weissbrodt a décrit les conditions effrayantes dans lesquelles se retrouvent chaque année entre 5000 et 10 000 jeunes filles népalaises vendues en Inde comme prostituées ou comme domestiques. Elles y sont régulièrement victimes de viols, de torture et de maladies. Les autorités semblent toutefois prendre conscience de la gravité de la situation. D'autres situations sont tout aussi préoccupantes, comme celle des jeunes nigérianes exploitées en Italie. Les autorités italiennes et nigérianes ont aussi pris des mesures de prévention. Le Nigéria, de son côté, pourrait exercer un contrôle policier plus important pour limiter ce trafic.
L'Europe n'est pas à l'abri des ces crimes. L'Europe de l'Est est une source majeure pour les réseaux de prostitution. À ce sujet, M. Weissbrodt a dénoncé les pratiques scandaleuses de prostitution organisée qui entourent la force de stabilisation des Nations Unies (SFOR) en Bosnie. L'expert a encore évoqué les mauvais traitements infligés aux petits garçons (certains âgés d'à peine quatre ans) exploités comme jockeys pour courses de chameaux en Arabie saoudite; les autorités ont promis d'agir, mais jusqu'à présent rien de significatif n'a été accompli.
M. Weissbrodt estime que malgré les initiatives louables des organes des Nations Unies pour combattre ces pratiques, il reste encore beaucoup à faire. Les droits de l'homme des victimes de ces trafics doivent être mis au centre des politiques de lutte. Trop souvent, les victimes ne disposent d'aucune voie de recours : elles doivent donc être matériellement soutenues par les autorités. À long terme, a conclu l'expert, le trafic est soumis aux règles de l'offre et de la demande. Il ne disparaîtra pas tant et aussi longtemps que nos sociétés ne changeront pas d'attitude vis-à-vis des femmes et des enfants. Elles doivent donc promouvoir le développement économique pour réduire la pauvreté et créer des conditions favorables à la dignité sociale pour tous.
M. ABDEL SATTAR, membre de la Sous-Commission, a déploré que l'on parle souvent de dégâts «collatéraux» pour écarter les préoccupations liées à la situation des populations civiles alors que ces dernières sont victimes de nombreuses exactions perpétrées par les forces militaires ou policières sur les territoires qu'elles contrôlent. L'expert a par ailleurs dénoncé la propagande perverse qui consiste à utiliser le terme de terroriste pour qualifier des personnes qui luttent pour des causes légitimes. Certes, on ne peut en aucun cas accepter qu'une attaque suicide soit menée contre des populations civiles innocentes mais on ne saurait faire l'économie de l'examen des circonstances qui aboutissent à de telles attaques. M. Attar a rappelé que «celui qui est un terroriste pour les uns est un combattant pour la liberté pour les autres». Le terrorisme doit être condamné sous toutes ses formes et manifestations, y compris le terrorisme d'État.
M. EMMANUEL DECAUX, membre de la Sous-Commission, a déploré que la Commission des droits de l'homme ait demandé à la Sous-Commission de ne pas se prononcer sur des situations particulières dont elle pourrait être saisie, ni même d'utiliser des exemples nationaux pour illustrer ses résolutions thématiques. Une telle pratique aurait pourtant été l'occasion d'un dialogue avec les pays mis en cause. Reste, selon M. Decaux, qu'il est toujours loisible à la Sous-Commission d'évoquer des situations critiques: on doit donc ici évoquer la grève de la faim que suit depuis plus d'un mois l'avocate tunisienne, Me Radhia Ramdaoui, et faire observer qu'un geste de clémence du Gouvernent tunisien agrandirait son image aux yeux de tous les amis de la Tunisie.
M. Decaux a souligné que la coalition qui s'est constituée contre le terrorisme ne doit impliquer aucun manichéisme. Comment ne pas s'inquiéter en voyant un nouveau «maccarthysme» apparaître aux États-Unis, fondé sur une recherche des suspects selon des profils nationaux et ethniques discriminatoires et sur la négation des garanties judiciaires qui font la grandeur du droit américain, s'est interrogé M. Decaux? Comment ne pas s'inquiéter en voyant les États-Unis créer des zones de non-droit, hors de leur territoire, pour mieux tourner le dos aux principes élémentaires du droit international humanitaire, a-t-il poursuivi? En ce qui concerne la Cour pénale internationale, l'expert a dénoncé le «chantage» des États-Unis devant le Conseil de sécurité. Il a par ailleurs fait observer que les États-Unis se sont retrouvés en compagnie des États qu'ils dénoncent eux-mêmes comme «l'axe du mal» pour tenter de repousser l'adoption du protocole additionnel à la Convention contre la torture.
L'expert a encore relevé que la lutte contre le terrorisme ne doit pas devenir une obsession sécuritaire qui engendrerait, en fin de compte, encore plus de déstabilisation. Il faut au contraire que les États se mobilisent pour tenter de résoudre les crises régionales, et notamment celle qui ravage le Proche-Orient. Enfin, un travail de fond attend encore chaque État : la lutte pour la démocratie, pour le développement, pour les droits de l'homme. La Sous-Commission doit ici appeler à la ratification par tous les pays des deux Pactes internationaux sur les droits de l'homme.
M. CHEN SHIQIU, membre de la Sous-Commission, a rappelé que depuis l'adoption de la résolution 2000/109 de la Commission sur la réforme de la Sous-Commission, cette dernière a cessé d'examiner ou d'adopter des résolutions concernant des situations par pays. Il s'agit là incontestablement d'une évolution positive, a estimé l'expert. Pour autant, la Sous-Commission continue encore de tenir des discussions sur des situations dans des pays particuliers et d'exprimer des points de vue sur les questions de droits de l'homme dans tel ou tel pays. M. Chen s'est dit d'avis que les experts de la Sous-Commission devraient débattre de ces questions et faire part de leurs points de vue en respectant les principes de justice et d'objectivité et en s'en tenant à la réalité, évitant toute subjectivité et tout préjudice.
M. Chen Shiqiu a par ailleurs estimé qu'en tant que «réservoir d'idées» de la Commission, la Sous-Commission pourrait jouer un rôle plus actif dans la réalisation d'études pertinentes, l'élaboration d'instruments internationaux de droits de l'homme et la présentation d'avis et de conseils à la Commission. Ces dernières années, a poursuivi l'expert, la Sous-Commission a effectué un important travail de recherche dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Il lui reste néanmoins encore beaucoup à faire dans ce domaine, a-t-il estimé.
M. EL HADJI GUISSÉ, membre de la Sous-Commission, a déploré les massacres, les viols et les privations qui, partout dans le monde, n'épargnent ni les enfants, ni les vieillards, ni les femmes. Il faut, dans l'intérêt de tous, faire baisser les tensions. En d'autres temps, des agissements semblables avaient précédé un conflit mondial. Les attentats du 11 septembre doivent être l'occasion pour chaque État de réfléchir à ses positions et de définir une ligne de conduite.
Le conflit entre le Congo et ses voisins a déjà fait plus de deux millions de morts, a poursuivi M. Guissé. Deux millions de morts aussi pendant la guerre au Soudan. Les antagonismes ethniques et religieux sont tout aussi menaçants et chaque pays africain contient les germes d'un conflit éventuel. Les Nations Unies avaient été investies d'un grand espoir pour la prévention de ces conflits. Cependant, la question du génocide au Rwanda et de l'attitude de retrait des Nations Unies à cette occasion nous rappelle la fragilité de la notion de paix. Les Nations Unies auraient-elles retiré leurs forces dans une situation où deux forces blanches auraient été sur le point de s'entretuer, a demandé l'expert? Au Rwanda, les Nations Unies auraient-elles agi dans un état esprit raciste?
M. Guissé a rappelé que les conflits sont menés grâce aux armes fournies par les pays du Nord. Les promoteurs de ces trafics (par exemple dans le cadre du conflit angolais) jouissent aujourd'hui de l'impunité dans les pays européens. La même protection (sinon les remerciements) semble bénéficier aux mercenaires qui sèment la terreur sur le continent africain. Cette attitude est dangereuse et totalement contraire aux principes démocratiques.
Concernant les revendications des peuples autochtones sur la maîtrise de leurs ressources, M. Guissé a cité le cas du peuple Ogoni du Nigeria, très violemment opprimé pour avoir simplement osé évoquer ses droits. Il faut, pour M. Guissé, établir une véritable charte de comportement à l'usage des sociétés transnationales.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, membre de la Sous-Commission, a répondu à l'intervention faite ce matin par M. David Weissbrodt en soulignant que l'Inde s'est dotée d'une loi sur la prévention du trafic illicite de femmes. Mais cette loi est très mal mise en oeuvre. C'est la pauvreté qui est fondamentalement à l'origine de la situation décrite par M. Weissbrodt, a estimé M. Sorabjee. Il n'en demeure pas moins qu'il devrait y avoir des sanctions très fermes à l'encontre de tous ceux qui se livrent à de tels trafics, a-t-il ajouté.
En réponse à l'intervention de M. Sattar au sujet du terrorisme, M. Sorabjee a tenu à souligner que la fin ne saurait justifier les moyens. Le terrorisme ne saurait en aucun cas être justifié et cela vaut bien entendu aussi pour les États, dans le cadre des mesures antiterroristes qu'ils peuvent être amenés à prendre, a déclaré l'expert. Il a par ailleurs affirmé que la Sous-Commission est avant tout un organe consultatif chargé de débattre des grandes questions de droits de l'homme sans émettre de jugement.
M. PANKAJ BHAN (Institut international de la paix) a dénoncé l'attitude des autorités militaires pakistanaises. Au plan interne, la société pakistanaise est en voie de «talibanisation» rapide, les autorités n'ayant jamais pris de mesure réelle pour endiguer des mouvements extrémistes qu'elles encouragent en sous-main. Au plan régional, les populations du Jammu-et-Cachemire font aussi les frais de cette attitude, aggravée par la violation des droits de l'homme par les autorités pakistanaises dans la région. Les groupuscules terroristes cachemiriens sont florissants, et sont à l'origine d'une véritable industrie destinée à financer leurs activités. Le danger n'existe pas uniquement pour les Pakistanais. Tout le système éducatif religieux, les «madrassas», est tourné vers l'exportation d'idées extrémistes dont on a constaté l'effet en Afghanistan et ailleurs. Seule une véritable démocratisation du Pakistan pourrait amener des changements significatifs. Le gouvernement militaire au pouvoir ne semble pas prêt à effectuer de tels changements, a déploré le représentant.
Présentation d'un rapport au titre de la prévention de la discrimination
Présentant son document de travail relatif à la souveraineté permanente des peuples autochtones sur les ressources naturelles (E/CN.4/Sub.2/2002/23, daté du 30 juillet 2002, à paraître en français), MME ERICA-IRENE DAES, ancienne Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur les populations autochtones, a rappelé que ce document de travail s'inscrit dans le cadre de son étude sur les peuples autochtones et leur rapport à la terre. Depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, le droit permanent sur les ressources naturelles est devenu un principe fondamental de la décolonisation et un aspect essentiel de l'autodétermination, a rappelé Mme Daes. Aussi, le moment est-il venu de faire en sorte que ce principe soit partout respecté au bénéfice des peuples autochtones, a-t-elle déclaré. Aujourd'hui, la quasi-totalité des États réclament pour eux-mêmes la souveraineté sur les ressources naturelles alors qu'ils refusent, partiellement ou totalement, d'accorder ce droit aux peuples autochtones. Il convient donc désormais d'examiner cet important problème, a déclaré Mme Daes.
Mme Daes a estimé que le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles s'applique aussi aux peuples autochtones pour un certain nombre de raisons, parmi lesquelles figurent le fait que les peuples autochtones sont des peuples colonisés; le fait qu'ils souffrent d'accords économiques injustes et inéquitables; le fait qu'ils doivent pouvoir jouir du droit au développement et que la souveraineté sur les ressources naturelles est un préalable essentiel à la réalisation de ce droit; le fait que les ressources naturelles appartenaient originellement aux peuples autochtones concernés. Il serait important de déterminer la nature et la portée précises du principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles et son application aux peuples autochtones, a déclaré Mme Daes.
M. YOZO YOKOTA, membre de la Sous-Commission, commentant le rapport de Mme Daes, a rappelé que de nombreux peuples autochtones vivent en pleine communion avec la nature: l'exploitation des ressources naturelles affecte donc de façon particulière leur mode de vie, leurs traditions et cultures, et le sens de «ressources naturelles» prend un relief singulier.
Deux problèmes méritent une mention spéciale dans ce contexte, a estimé l'expert. D'abord, en droit international, les États ne sont pas très satisfaits de voir la souveraineté leur échapper au profit de minorités. D'autre part, comment résoudre les questions économiques liées aux ressources des peuples autochtones? Voilà qui n'est pas aisé, d'autant plus que de nombreuses ressources autochtones ont fait l'objet de contrat avec des compagnies minières transnationales. Pour résoudre la première difficulté, M. Yokota a proposé que le terme «souveraineté» soit remplacé par «propriété et plein contrôle» des ressources naturelles; ces termes seraient peut-être plus acceptables pour les différentes parties concernées. En ce qui concerne les modalités du contrôle des ressources proprement dites, peut-être faut-il les replacer dans le cadre du droit au développement des peuples autochtones.
M. ASBJØRN EIDE, membre de la Sous-Commission, s'est dit impressionné par l'engagement constant de Mme Daes en faveur des peuples autochtones. Il a souligné la nécessité de rester prudent lorsque l'on compare les situations liées à la décolonisation et celles impliquant des populations autochtones. Il faut se prémunir de toute association ou assimilation hâtive des concepts dans les deux cas de figure. Ainsi, en ce qui concerne le cas de son propre pays, la Norvège, M. Eide a fait observer que les Saamis sont des nomades qui ont besoin d'utiliser des ressources en dehors de leur propre territoire. Dans l'étude sur ces questions, il faudra donc prendre en compte la nécessité de promouvoir l'esprit de compromis afin de concilier les différents intérêts en jeu s'agissant de ces questions.
M. VLADIMIR KARTASHKIN, membre de la Sous-Commission, a déploré que la Sous-Commission n'ait pas eu le temps d'étudier à fond le document soumis par Mme Daes. M. Kartashkin partage l'avis de M. Yokota quant à la façon de mettre en application les droits des populations autochtones sur leurs ressources naturelles. Il importe de trouver une solution qui tienne compte des droits souverains aussi bien des populations autochtones que des États où elles vivent. Quelles sont les différences entre ces deux catégories de droits? Il faut ici bien marquer la limite entre l'autodétermination interne et externe. Une source d'inspiration pourrait être la Convention de l'Organisation internationale du travail sur les populations autochtones. La pratique des États dans ce contexte doit aussi être examinée: pourquoi certains l'ont-ils ratifiée et d'autres non, notamment ceux où vivent des populations autochtones. Quelles difficultés se sont posées qui ont empêché la ratification? Les réponses à ces questions donneront des indications à Mme Daes pour la poursuite de ses travaux.
M. JOSÉ BENGOA, membre de la Sous-Commission, a déclaré que, pour l'Amérique latine comme pour d'autres parties du monde, l'étude de Mme Daes est fondamentale car elle concerne non pas un problème qui pourrait éventuellement se poser mais un problème qui se pose dès aujourd'hui. Actuellement, dans la mesure où il n'existe aucune réglementation, c'est à un pillage des ressources des peuples autochtones que l'on assiste. Les peuples autochtones subissent ce pillage, sans pouvoir en tirer le moindre bénéfice. Ainsi, pour ne parler que de l'Amérique latine – mais il est probable que la situation est la même ailleurs – les populations les plus pauvres du continent se trouvent dans les régions les plus riches, a fait observer M. Bengoa. Il est donc essentiel que cette question fasse l'objet d'une réflexion au sein de la Sous-Commission, a-t-il estimé. M. Bengoa a par ailleurs affirmé qu'il existe en fait deux processus de décolonisation bien distincts. L'un s'est produit à l'issue de la seconde Guerre mondiale et a donné naissance à un certain nombre d'États, alors que l'autre processus se déroule aujourd'hui et doit être mené de manière différente. Si on n'établit pas cette distinction, on risque de tomber dans un piège qui ne permettra pas d'aboutir à l'exercice, par les populations autochtones, de leur droit à la souveraineté sur les ressources naturelles, a estimé M. Bengoa.
Pour M. LAZARO PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru»), la question de la souveraineté sur les ressources se pose aujourd'hui de façon cruciale. De nombreux peuples autochtones se voient dépouillés de leurs ressources et de leurs terres, deux éléments indissociables des mode de vie des Indiens d'Amérique. Le Groupe de travail sur les populations autochtones devrait s'occuper de la question de la souveraineté permanente. Dans le contexte de la mondialisation, les ressources naturelles sont livrées aux sociétés transnationales, à travers une perversion du concept de la souveraineté nationale. Ainsi, le Gouvernement russe est en train de livrer ses ressources sibériennes, qui sont aussi celles des peuples de la Sibérie, aux sociétés occidentales.
M. RONALD BARNES (Indigenous World Association) a souhaité que soit examinée la question du rôle joué par les populations autochtones lors de l'élaboration des constitutions des États. Il a fait observer que selon la Constitution des États-Unis, l'annexion de territoires étrangers n'est pas autorisée lorsque l'on a admis qu'il s'agissait précisément de territoires étrangers. Il s'est demandé pourquoi l'Alaska devrait continuer à être dominée par les États-Unis alors que ces derniers pas plus que les Nations Unies n'ont respecté leurs propres règles et procédures. Le représentant a donc soulevé la question de savoir si l'Alaska est un territoire qui appartient réellement aux États-Unis.
MME DAES a regretté la publication tardive de son rapport, indépendante de sa volonté, et a répondu aux remarques des experts de la Sous-Commission en reconnaissant que la question de la souveraineté est en effet complexe, comme l'a rappelé M. Yokota. La Sous-Commission, réputée pour la qualité de ses études, est l'organe idoine pour l'examen de ces questions, a-t-elle estimé. L'aboutissement d'un tel travail pourrait être la prévention des conflits, voire la résolution de certains autres.
La relation entre le droit interne et le droit international a fait l'objet de réflexions qui se réfèrent à d'autres textes existants (près de 80 résolutions des Nations Unies, sans oublier la convention de l'OIT sur les populations autochtones). Le rapport présenté aujourd'hui n'a pas pu inclure tous ces éléments, qui seront cependant examinés en temps utile, a assuré Mme Daes.
S'agissant de la différence entre autodétermination interne et externe, Mme Daes a relevé que la majorité des populations concernées sont en général intéressées par l'autodétermination interne, et qu'il est rarement question de sécession proprement dite dans leurs revendications. Mme Daes a ajouté qu'elle ne souhaitait pas s'immiscer dans des considérations de politique interne des États, et qu'elle entendait fonder son travail uniquement sur des considérations juridiques et économiques générales.
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