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Communiqués de presse Procédures spéciales

LA COMMISSION EXAMINE LES RAPPORTS SUR LE DROIT AU MEILLEUR ÉTAT DE SANTÉ POSSIBLE ET LE DROIT À L'ÉDUCATION

30 Mars 2004

Commission des droits de l'homme
APRES-MIDI

30 mars 2004


Certaines délégations adressent des critiques aux auteurs de ces deux rapports


La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, l'examen des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels en entendant notamment la présentation des rapports sur le droit au meilleur état de santé possible et sur le droit à l'éducation, dont les auteurs ont fait l'objet de critiques de la part de certaines délégations.

Ainsi, le Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, M. Paul Hunt, a notamment été critiqué pour ses positions face aux questions de l'avortement et de la santé génésique en général et pour sa défense du principe de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle appliqué au droit à la santé. La Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, Mme Katarina Tomaševski, a pour sa part été critiquée pour le manque de rigueur que certaines délégations ont affirmé déceler dans son rapport.

M. Hunt a fait observer que si de nombreux pays mettent en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté, seules un petit nombre d'entre elles contiennent des dispositions spécifiques concernant le droit à la santé. Les droits dans le domaine de la santé génésique ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre la pauvreté, a-t-il affirmé. Le rapport de M. Hunt rend compte, dans deux additifs, des missions effectuées par le Rapporteur spécial à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et au Mozambique. La délégation mozambicaine a fait une déclaration en tant que pays concerné, suivie de représentants qui ont participé à un dialogue interactif.

Mme Tomaševski a pour sa part présenté son rapport sur le droit à l'éducation en demandant à la Commission de ne pas renouveler son mandat et en lui recommandant de créer un mandat davantage centré sur les droits de l'homme plutôt que sur l'éducation. Elle a estimé que des mandats sous-financés et ambigus ne servent qu'à donner bonne conscience aux États membres qui peuvent se croiser les bras en attendant de voir les rapporteurs spéciaux échouer. Elle a par ailleurs préconisé de revenir sur des concepts erronés hérités de la guerre froide et qui voulaient que l'éducation soit le monopole de l'État. Elle a affirmé que si l'éducation n'est pas gratuite pour tous, c'est qu'on donne la priorité aux dépenses militaires ainsi qu'elle a pu s'en rendre compte notamment en Chine et en Colombie où elle a effectué des missions. Suite à la présentation de ce rapport, les délégations de la Chine et de la Colombie sont intervenues en tant que pays concernés. Un dialogue interactif a suivi.

Dans le cadre du débat général sur les droits économiques, sociaux et culturels, de nombreuses délégations ont mis l'accent sur le caractère indivisible et interdépendant de tous les droits de l'homme. Le caractère progressif de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels a également été maintes fois évoqué. Certains ont rappelé la nécessité de créer un environnement international favorable pour que tous les pays puissent tirer pleinement parti des bienfaits de la mondialisation.

Les représentants des pays suivants ont fait des déclarations: Iran, Angola, Suisse, Madagascar, Sénégal, Pologne, Vietnam et Colombie. Sont également intervenus les représentants du Programme des Nations Unies sur les établissements humains (ONU-HABITAT), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de la Banque mondiale et du Bureau international du travail (BIT).

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont ensuite pris la parole : Union nationale des juristes de Cuba (au nom également de Centro de Estudios Europeos; Movimiento Cubano por la Paz y la Soberanía de los Pueblos); Dominicains pour justice et paix (au nom également de Pax Christi International; Dominican Leadership Conference); Human Rights Advocates (au nom également de Earthjustice; International Educational Development); Union des jurists arabes (au nom également de la Fédération générale des femmes arabes); Organisation mondiale contre la torture; Franciscain international; Commission internationale de juristes; Fédération internationale des ligues des droits de l’homme; Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques; Centre Europe tiers-monde; Parti radical transnational; Association américaine de juristes; et la Fédération internationale des femmes diplomées des universités (au nom également de plusieurs ONG1 ).


La Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels.


Présentation du rapport sur le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint

M. Paul Hunt, Rapporteur spécial sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d'être atteint, a souligné que si de nombreux pays mettent en œuvre des stratégies de réduction de la pauvreté, seules un petit nombre d'entre elles contiennent des dispositions spécifiques concernant le droit à la santé. Cela amène à se demander dans quelle mesure la prise en compte du droit à la santé pourrait renforcer l'efficacité d'une stratégie de lutte contre la pauvreté. Pour tenter de répondre à une telle question, le Rapporteur spécial a indiqué s'être penché sur le cas du Niger. Ainsi, s'aperçoit-on que la prise en considération du droit à la santé renforce les mesures anti-discrimination en matière de lutte contre la pauvreté et renforce les mécanismes de contrôle de la mise en œuvre des stratégies. M. Hunt a souligné que les droits dans le domaine de la santé génésique ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre la pauvreté. Il a relevé que ces questions sont sensibles et controversées. Le Rapporteur spécial a ensuite indiqué qu'il avait pu établir un dialogue constructif avec les autorités du Mozambique. Il a également fait état de sa mission auprès de l'Organisation mondiale du commerce, soulignant l'impact du commerce mondial sur la jouissance du droit à la santé. À cet égard, M. Hunt a insisté sur la nécessité d'établir un meilleur dialogue entre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et institutions relatives aux droits de l'homme. Il a expliqué que la prise en compte du droit à la santé peut permettre de définir des règles internationales commerciales plus justes pour tous.

Dans son rapport sur le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint (E/CN.4/2004/49 et Add.1 et 2), le Rapporteur spécial examine la santé en matière de sexualité et de procréation sous l'angle du droit à la santé. Il étudie également la relation qui existe entre le droit à la santé et la réduction de la pauvreté. Il aborde également le thème des maladies négligées. M. Hunt souligne l’importance qu’il y a à adopter une «stratégie» du droit à la santé qui ait une influence sur les processus locaux, nationaux et internationaux d’élaboration des politiques. Le Rapporteur spécial précise qu'il a commencé à étudier ce que signifie une telle stratégie, s’agissant notamment de la santé en matière de sexualité et de procréation et de la réduction de la pauvreté. Il souligne par ailleurs que le droit à la santé, comme tous les droits de l’homme, implique un ensemble de normes mondialement acceptées, qui entraînent des obligations pour les gouvernements, lesquelles obligations imposent à leur tour l’instauration de mécanismes efficaces et transparents de contrôle et de responsabilisation. Cette combinaison de normes, obligations, contrôles et responsabilités juridiquement acceptés à l’échelon mondial donne aux personnes désavantagées et marginalisées ainsi qu’aux collectivités une capacité d’intervention. Le Rapporteur spécial insiste sur le fait que les politiques fondées sur les droits de l’homme, y compris sur le droit à la santé, ont plus de chances d’être efficaces, solides, durables, complètes, équitables et positives pour tous les membres de la société. Il encourage tous les gouvernements à intégrer le droit à la santé dans toutes leurs activités, de manière formelle et systématique, de façon à renforcer leurs politiques, stratégies et programmes en cours.
Dans l'additif 1 au rapport, qui rend compte de sa mission à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Rapporteur spécial souligne notamment la nécessité de promouvoir une législation en matière de propriété intellectuelle qui soit plus respectueuse des droits de l'homme. Il recommande par ailleurs la définition de mesures effectives pour traiter des questions relatives aux droits de l'homme en matière de maladies négligées. Il recommande par ailleurs aux Etats de mieux évaluer l'impact de la libéralisation du commerce sur la jouissance du droit à la santé.

L'additif 2 au rapport indique que M. Hunt a effectué une mission au Mozambique du 15 au 19 décembre 2003 mais n'a pas été possible d'établir le rapport et de le transmettre au Gouvernement mozambicain avant la date limite fixée pour la présentation des rapports à la Commission à sa soixantième session. Un rapport écrit sera donc présenté à la Commission à sa soixante et unième session.


Déclarations sur le rapport relatif au droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint

Réagissant, en tant que pays concerné, à la présentation du rapport de M. Hunt, M. ALEXANDRE DA CONCEIÇÃO ZANDAMELA (Mozambique) a indiqué que le droit à la santé est pour son pays un des aspects fondamentaux des droits de l'homme. Le Gouvernement du Mozambique a mis au premier rang de ses priorités la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a-t-il précisé. Il s'est félicité de la visite du Rapporteur spécial dans son pays et l'a remercié pour ses recommandations.

Au cours du dialogue interactif qui a suivi la présentation du rapport de M. Hunt, M. RICHARD S. WILLIAMSON (États-Unis) a rappelé que son pays n'avait pas été en faveur de la nomination du Rapporteur spécial, pour la raison notamment que son mandat était peu clair et trop vaste. Le représentant des États-Unis a demandé à M.Hunt quelles étaient selon lui les questions sanitaires prioritaires et lesquelles étaient le plus susceptibles d'atteindre un grand nombre de personnes. Le représentant des États-Unis a par ailleurs vivement déploré que le rapport de M. Hunt soutienne l'avortement, ce que ne peuvent admettre les États-Unis. Le recours à l'avortement comme méthode de planification familiale est tout à fait condamnable, a insisté le représentant. Il a également déploré que le Rapporteur spécial semble ignorer les responsabilités des parents en matière de sauvegarde des droits des enfants. Enfin, le représentant a mis en doute la pertinence du raisonnement selon lequel des principes directeurs fixés par des organes internationaux constituent des droits opposables au plan international. Le droit à la santé est devenu une véritable notion fourre-tout, a déploré le représentant.

M. SHAUKAT UMER (Pakistan) a déclaré que s'il avait initialement appuyé la nomination du Rapporteur spécial, son pays est néanmoins très déçu par le rapport qui est aujourd'hui soumis à la Commission. Ce rapport contient en effet des éléments injustifiables, a affirmé le représentant pakistanais. En effet, le Rapporteur spécial y affirme notamment que la discrimination pour des raisons d'orientation sexuelle n'est pas autorisée au regard du droit international. Or, a fait valoir le représentant, aucun texte ne mentionne une telle prescription. L'attirance pour le même sexe est un problème médical et les personnes qui éprouvent de telles attirances doivent tout simplement cesser ces pratiques, ce qui résoudra le problème, a estimé le représentant pakistanais.

MME MARY WHELAN (Irelande, au nom également de l’union européenne) a demandé au Rapporteur spécial quelles difficultés existent en matière d'acceptabilité des services pour les minorités et les peuples autochtones et quelles étaient les mesures qu'il avait pu prendre à ce sujet. Elle a par ailleurs demandé au Rapporteur spécial quels étaient au juste les déterminants de la santé qu'il a mentionnés.

M. HENRI-PAUL NORMANDIN (Canada) a dit apprécier le lien que le Rapporteur spécial établit entre le droit à la santé et la santé sexuelle et génésique. Il s'est enquis de la manière dont le Rapporteur spécial entend faire avancer cette question à l'avenir. Il a également exprimé son profond désaccord avec le délégué du Pakistan s'agissant de la question de l'orientation sexuelle. Dans le cadre des discussions en vue de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, s'est posée la question de la justiciabilité, a-t-il rappelé; il s'est alors interrogé sur la façon dont on pourrait mesurer les violations du droit à la santé.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a souhaité savoir quel pourrait être l'impact de l'élaboration d'un protocole additionnel au Pacte sur le droit à la santé. Il a également demandé au Rapporteur spécial de préciser les modalités et les critères du dialogue qu'il préconise entre la communauté du commerce et la communauté des droits de l'homme. Il a par ailleurs apporté son soutien à la position du Rapporteur spécial concernant l'application au droit à la santé du principe de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

M. OMAR SHALABY (Égypte) a appuyé la déclaration du Pakistan et a estimé que les résultats de la Conférence du Caire sur la population et le développement ne contiennent aucun élément permettant d'arriver aux conclusions tirées par le Rapporteur spécial. Le représentant ègyptien s'est demandé s'il relevait du mandat du Rapporteur spécial d'interpréter les textes internationaux en vigueur. Il a exprimé son total désaccord avec le Rapporteur spécial et l'a prié de s'en tenir à son mandat.

M. TURKI AL MADI (Arabie Saoudite) a exprimé sa surprise quant au contenu du rapport de M. Hunt, estimant qu'il était allé au-delà du mandat qui lui avait été confié. Le Rapporteur spécial a utilisé une terminologie sur laquelle il n'existe pas de consensus, a déclaré le représentant saoudien.

M. JUAN ANTONIO FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba) a relevé un certain déséquilibre dans le rapport de M. Hunt et s'est demandé s'il n'aurait pas été préférable de se concentrer sur des problèmes de santé qui se posent avec le plus d'urgence.

MME LI XIAOMEI (Chine) s'est félicitée du lien établi par le Rapporteur spécial entre la jouissance du droit à la santé et la lutte contre la pauvreté. Elle a exprimé l'espoir que les travaux futurs du Rapporteur spécial porteront sur les effets néfastes de la mondialisation sur le droit à la santé.

En réponse à ces interventions, M. PAUL HUNT, a notamment indiqué qu'il était prêt à engager des discussions bilatérales avec ses différents interlocuteurs. Il a déclaré que l'une des justifications des initiatives qu'il a prises procède du fait que les Objectifs du millénaire pour le développement qui sont liés à la santé entretiennent un rapport très étroit avec la santé reproductive. Il est donc tout à fait approprié, selon M. Hunt, de consacrer un chapitre du rapport à ce domaine de la santé. Ce souci est d'ailleurs celui de la Commission, qui a elle aussi recommandé que la lumière soit faite sur la place de la santé génésique dans le cadre du droit à la santé, a rappelé le Rapporteur spécial.

M. Hunt a admis que certaines questions restent controversées, comme l'atteste notamment l'intervention du représentant des États-Unis. Le Rapporteur spécial a indiqué que, dans le cadre de ses travaux, il avait consulté toutes les sources du droit international ainsi que les interprétations juridiques des traités effectuées par des experts indépendants. Ces avis ne sont certes pas contraignants mais font néanmoins autorité, a fait valoir le Rapporteur spécial.

S'agissant de la manière dont pourrait être renforcé le dialogue entre le monde des affaires et celui de la santé, M. Hunt a notamment préconisé de reprendre les conclusions d'un séminaire de l'Organisation mondiale du commerce de l'an dernier, qui recommandait d'encourager les ministères de la santé à discuter avec leurs homologues du commerce pour éviter de se retrouver dans des situations où «la main gauche ignore ce que fait la main droite». M. Hunt a enfin indiqué que pour l'année à venir, il se penchera plus précisément sur la place de la santé dans les Objectifs du millénaire pour le développement.


Présentation du rapport sur le droit à l'éducation

MME KATARINA TOMAŠEVSKI, Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation, présentant son rapport, a rappelé que le point clé de son mandat était d'examiner les obstacles à la réalisation du droit à l'éducation. Elle a souligné qu'au cours des cinq années de son mandat, elle a pu identifier bon nombre d'obstacles et de difficultés qui n'ont toutefois pas disparu mais au contraire se sont amplifiés au cours des années. Néanmoins, elle a recommandé de ne pas renouveler son mandat mais plutôt de créer un mandat davantage centré sur les droits de l'homme plutôt que sur l'éducation. Elle a rappelé que des préoccupations semblables avaient déjà été formulées par l'ensemble des rapporteurs spéciaux et a estimé que des mandats sous financés et ambigus ne servent qu'à donner bonne conscience aux États membres qui peuvent se croiser les bras en attendant de voir les rapporteurs spéciaux échouer. Au sujet des difficultés qu'elle a rencontrées dans l'exécution de son mandat, elle a notamment évoqué les difficultés qui l'ont opposée au Haut Commissariat aux droits de l’homme et qui l'ont amenée à déposer une plainte.

Pour ce qui est de la réalisation du droit à l'éducation, elle a préconisé de revenir sur des concepts erronés hérités de la guerre froide et qui voulaient que l'éducation soit le monopole de l'État. En effet, le droit à l'éducation exige des garanties que les gouvernements n'imposent pas un seul type d'éducation à tous, a-t-elle affirmé. Elle a par ailleurs recommandé de revenir à ce que le Secrétaire général avait défini comme le véritable but de la Commission des droits de l'homme, à savoir la protection des droits de l'homme. À cet égard, elle a rappelé la prédiction de M. Bacre Ndiaye, ancien Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires, qui avait prédit le génocide rwandais. En effet, a-t-elle déclaré, le génocide rwandais aurait pu être évité si la Commission des droits de l'homme écoutait ses rapporteurs spéciaux. Elle a mis l'accent sur la nécessité de rétablir les priorités. Rappelant que l'éducation est un service qui se vend dans 45 pays au moins, elle a estimé qu'il faut donc réfléchir à la portée de l'éducation. Si l'éducation n'est pas gratuite pour tous, c'est qu'on donne la priorité aux dépenses militaires ainsi qu'elle a pu s'en rendre compte notamment en Chine et en Colombie. En outre, elle a attiré l'attention sur les personnes «cachées» telles que les migrants ou les personnes déplacées qui échappent aux statistiques. Elle a en outre insisté sur la nécessité de reconnaître et de protéger les droits des enseignants. À cet égard, elle s'est étonnée que les libertés syndicales des enseignants ne soient respectées ni en Chine, ni en Colombie. Elle a par ailleurs souligné que le plus grand obstacle à l'éducation des filles, c'est le mariage et la grossesse; elle a insisté sur la nécessité d'aborder cette problématique sans se voiler la face.

Le rapport sur le droit à l'éducation (E/CN.4/2004/45) rappelle qu'il faut, de toute urgence, que les acteurs des Nations Unies qui ont pour mission de faire respecter les droits de l'homme contribuent activement à la réalisation de ces droits. Malheureusement, les statistiques relatives à l'éducation sont trop souvent citées sans qu'on les assortisse d'une démarche analytique fondée sur une connaissance poussée des droits de l'homme et nécessaire pour l'intégration des droits de l'homme dans les stratégies d'éducation. L'intégration des droits de l'homme vient utilement compléter l'accent généralement mis sur les moyens alloués à l'éducation (enfants commençant et terminant le cycle primaire).
Le rapport examine trois questions de fond: les obstacles financiers à la réalisation du droit à l'éducation, l'élimination de la discrimination fondée sur le sexe à la fois dans et à travers l'éducation, et le contenu de l'éducation. Concernant les problèmes de genre, en particulier, le rapport souligne la nécessité d'adopter des stratégies intersectorielles pour l'éducation des filles car de nombreux obstacles vont au-delà du secteur de l'éducation. Les plus répandus - le mariage et la grossesse - recensÚs dans les rapports que les gouvernements prÚsentent en vertu des instruments relatifs aux droits de l'homme, sont prÚsentÚs sous forme de tableaux. Ils mettent en Úvidence un autre ÚlÚment crucial pour l'Úlimination de la discrimination fondÚe sur le sexe, Ó savoir l'accÞs Ó l'Úducation sexuelle. Enfin, la Rapporteuse spÚciale recommande Ó la Commission de ne pas renouveler un mandat dont l'exÚcution s'est rÚvÚlÚe impossible au vu des obstacles et des difficultÚs qu'elle a rencontrÚs.
S'agissant de sa mission en Chine (additif 1, disponible en anglais et en chinois seulement) la Rapporteuse spéciale affirme que la législation chinoise n'est pas encore conforme aux normes juridiques internationales relatives au droit à l'éducation. La Constitution chinoise définit l'éducation comme un devoir individuel auquel s'ajoute un «droit à l'instruction». Ni la liberté d'enseignement ni la liberté d'association pour les enseignants ne sont reconnues, et l'enseignement religieux est toujours interdit. Aussi, la Rapporteuse spéciale recommande-t-elle à la Chine de modifier sa législation compte tenu des obligations internationales dont elle doit s'acquitter en matière de droits de l'homme, afin que les droits de l'homme et les droits des minorités soient inscrits dans la politique de l'enseignement, la législation et la pratique. Les normes internationales imposent notamment à la Chine d'assurer l'enseignement gratuit pour tous les enfants en âge d'être scolarisés en supprimant tous les obstacles financiers. Or, les coûts privés de l'enseignement public empêchent les enfants d'accéder à l'école et c'est la cause principale de la non-fréquentation de l'école et des abandons scolaires. En outre, les écoliers effectuent du travail manuel à l'école et la Rapporteuse spéciale recommande que cette pratique soit interdite et supprimée sans délai. La Rapporteuse spéciale recommande d'examiner la place importante qu'occupe l'idéologie dans l'enseignement et d'adopter une stratégie interinstitutions fondée sur l'indissociabilité des droits de l'homme, en vue d'adapter l'enseignement aux changements actuels, engendrés par le passage à l'économie de marché.
Dans l'additif 2 à son rapport, consacré à sa mission en Colombie, la Rapporteuse spéciale recommande aux autorités de colombiennes de réaffirmer sans ambiguïté ses obligations internationales relatives à la gratuité de l'éducation de tous les enfants en âge de fréquenter l'école obligatoire. La Rapporteuse spéciale recommande également que le budget consacré à l'éducation soit augmenté de 30%, et atteigne ainsi 6% du PNB. D'autre part, Mme Tomaševski recommande que le Gouvernement prenne toutes les mesures pour faire élucider les circonstances des meurtres d'enseignants qui se sont produits en Colombie; elle recommande également que les écoles soient identifiées comme telles et désignées zones franches hors de la portée des combattants, ceci afin de permettre que les enfants aient une chance de reconstruire leur vie marquée par la violence.

Déclarations concernant le rapport sur le droit à l'éducation

MME LIU ZHONGXIN (Chine), intervenant titre de pays concerné, a déclaré que son pays a fait de son mieux pour répondre positivement aux demandes de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation. Hélas, la Rapporteuse n'a pas rapporté de manière objective ce qu'elle a pu voir. On pourrait penser qu'elle a fait son rapport avant même que d'avoir mis les pieds sur notre territoire, a insisté la représentante chinoise. La Rapporteuse a utilisé des documents sans fondement pour établir son rapport, a-t-elle ajouté. La représentante s'est étonnée de la comparaison faire par la Rapporteuse spéciale entre l'Ouganda et la Chine. Le taux de scolarisation en Chine est tout à fait remarquable, a rappelé la représentante. En 2005, le taux d'alphabétisation sera proche de 100% pour les femmes. Certes, la Chine a encore des progrès à faire et elle souhaite assurer les mécanismes spéciaux des droits de l'homme de sa volonté de coopération. La représentante a par ailleurs estimé que l'évaluation de la situation au Tibet présentée par la Rapporteuse spéciale était irresponsable.

MME CLEMENCIA FORERO UCROS (Colombie) a pour sa part déploré que le rapport de Mme Tomaševski fasse preuve d'une perception partiale et déséquilibrée des programmes du Gouvernement de la Colombie en matière d'éducation. La Rapporteuse spéciale affirme ainsi que la Colombie est le seul État qui ne garantisse pas la gratuité de l'école primaire, citant une étude la Banque mondiale. Consultée par le Gouvernement colombien, la Banque mondiale a au contraire affirmé que la Colombie n'était pas le seul pays de la région où l'on doive régler des frais de scolarité. Comme c'est le cas dans bien d'autres pays, la Colombie a adopté un système solidaire de partage des coûts de scolarité. La Banque mondiale signale d'ailleurs qu'une étude est en préparation qui montre déjà que la Colombie est, en réalité, le seul État qui ait fourni des informations à ce sujet. Le rapport de Mme Tomaševski aurait dû rendre mieux compte des conditions propres à la réalité colombienne, marquée notamment par des violences du fait de la rébellion armée - ce qui n'a pas empêché le Gouvernement de prendre des mesures de protection en faveur des enseignants. La violence qui affecte les enseignants a diminué de 48%, a aussi fait valoir la représentante de la Colombie, qui déplore aussi la stigmatisation de l'école privée par la Rapporteuse spéciale.

Dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi, M. SHAUKAT UMER (Pakistan) a demandé à la Rapporteuse spéciale de donner des informations sur la plainte qu'elle a déposée auprès du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et sur la suite donnée. Cela donne à penser que les droits économiques sociaux et culturels ne sont pas respectés dans cette organisation. Le représentant s'est dit étonné par le contenu du rapport s'agissant de la Chine. La Rapporteuse spéciale n'a-t-elle vraiment rien vu de positif en Chine? Cela paraît très surprenant.

MME JULIE ANDERSON (Irelande, au nom également de l’Union Européenne) s'est dite intéressée par l'idée d'organiser un dialogue entre les économistes et les personnes travaillant dans le domaine des droits de l'homme. Comment par ailleurs évaluer le travail des éducateurs ?

MME CLAUDIA PÉREZ ALVAREZ (Cuba) a demandé à la Rapporteuse spéciale de donner des informations sur la mise en œuvre des campagnes d'alphabétisation par le biais des moyens de communication de masse. Par ailleurs, la représentante s'est demandée comment promouvoir de façon effective le droit à l'éducation des mères précoces.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a souhaité davantage d'informations sur la surprenante recommandation de Mme Tomaševski de ne pas proroger son mandat. La Suisse est pour sa part favorable à une prorogation, précisément parce que le rapport a bien montré que la scolarité primaire n'est pas gratuite dans un grand nombre de pays, problème dont la Commission doit pleinement se saisir.

M. TÜRKEKUL KURTTEKIN (Turquie) a affirmé que l'éducation primaire est gratuite dans son pays, sauf dans les écoles privées, bien entendu. Sur quelles bases Mme Tomaševski affirme-t-elle le contraire?

M. MOHAMED YAHYA OULD SIDI HAIBA (Mauritanie) a souligné qu'aucun frais de scolarité n'est imposé dans l'enseignement public de son pays.

Dans ses réponses, Mme TOMAŠEVSKI a rejeté l'assertion de la Chine selon laquelle son évaluation de la situation au Tibet était irresponsable. Elle a rappelé que le taux d'analphabétisme au Tibet est le plus fort de la Chine et qu'elle tient ces chiffres du Ministère chinois de l'éducation. Elle a par ailleurs réitéré que la décision de l'Ouganda d'instituer l'éducation gratuite pour tous est et demeure un exemple à suivre. Lorsqu'il s'agit d'évaluer si l'éducation est gratuite, elle a précisé qu'elle se fonde sur des années de recherches sur des sources qui proviennent le plus souvent des gouvernements ou des organisations internationales et qui montrent que la situation est souvent moins bonne que les déclarations ne le laissent penser. En réponse à la question de savoir si les économistes et les experts en droits de l'homme peuvent dialoguer, elle a répondu par l'affirmative et cité en exemple ses discussions avec la Banque mondiale, à la suite desquelles la Banque a changé radicalement d'opinion au sujet de l'éducation gratuite.


Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels

M. SEYED MOHSEN EMADI (Iran) a souligné que si la mondialisation peut certes comporter des aspects positifs, elle peut aussi aggraver les disparités économiques et le racisme, entre autres. Ses effets doivent donc être canalisés pour que la famille humaine puisse jouir de tous ses bienfaits. Son impact sur des problèmes critiques tels que le commerce, les investissements, la technologie, la fracture numérique, les droits de l'homme ou le droit international devrait être évalué par la Commission, a poursuivi le représentant iranien. D'autre part, il est indéniable que le secteur privé joue un rôle dans la promotion du développement durable. Cependant, le secteur privé devrait assumer une plus grande responsabilité en matière de lutte contre la pauvreté, de plein emploi et d'intégration sociale. Le programme associé au Pacte mondial des Nations Unies peut fournir le cadre d'une telle entreprise, a affirmé le représentant iranien.

M. SELMAN ERGUDEN (Programme des Nations Unies pour les établissements humains - HABITAT) a indiqué que selon les critères établis par HABITAT, un milliard de personnes habitent des bidonvilles. Ce chiffre est en croissance, particulièrement dans les zones urbaines des pays en développement, a-t-il précisé. Dans ce contexte, il est particulièrement vital que les efforts en faveur de l'habitat et du logement s'accompagnent de stratégies de diminution de la pauvreté et suivent une approche basée sur les droits de l'homme. Le Programme HABITAT oriente ses activités et politiques dans cette direction, en particulier pour améliorer l'insertion dans les villes ainsi que la réalisation du droit à un logement adéquat. Le Programme pour le droit au logement, lancé en avril 2002, est la contribution la plus significative de HABITAT à la réalisation du droit au logement, en partenariat avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme. Deux ans après avoir été lancé, ce Programme a créé un site web d'information sur le droit au logement qui permettra de développer des directives pour les réformes législatives nécessaires à la mise en œuvre du droit au logement au niveau national. Des indicateurs ont en outre été développés pour évaluer les progrès dans la réalisation du droit au logement. Une autre contribution significative du Programme est l'initiative de recherche globale sur les peuples autochtones et le droit à un logement convenable, a indiqué le représentant d'HABITAT.

MME SARAH GALBRAITH (Organisation mondiale de la santé - OMS) a indiqué que la contribution des droits de l'homme à la santé publique et à l'obtention de résultats plus équitables dans le domaine de la santé est de mieux en mieux comprise et reconnue par les politiciens et les praticiens. C'est pourquoi l'OMS développe une stratégie de la santé et des droits de l'homme qui servira de plateforme politique et garantira une meilleure institutionnalisation des droits de l'homme dans les travaux quotidiens de l'Organisation. L'OMS œuvre également avec les gouvernements afin qu'ils intègrent une approche fondée sur les droits de l'homme pour le développement de la santé. L'objectif reste l'accès universel à la santé mais les nations font face à des difficultés et des contraintes le plus souvent liées aux ressources limitées dont elles disposent, a poursuivi la représentante de l'OMS. Le droit à la santé implique l'obligation pour les États de prendre des mesures concrètes et immédiates pour sa realization, et notamment pour combattre la discrimination dans ce domaine, a-t-elle ajouté. Elle a attiré l'attention sur l'épidémie de VIH/sida, qui constitue la plus grande menace à la sécurité humaine. C'est pourquoi l'OMS s'est fixée l'objectif d'offrir un accès aux médicaments antirétroviraux à 3 millions de personnes d'ici 2005, car le manque d'accès à un traitement antirétroviral fait de cette question une urgence mondiale.

M. JOSEPH K. INGRAM (Banque mondiale) a souligné que les rapports présentés devant la Commission sont en général équilibrés et conformes aux prises de position de la Banque elle-même, notamment en ce qui concerne la prise en considération des questions relatives aux droits de l'homme lors de l'élaboration des budgets. De même, la Banque reconnaît que les pays en développement doivent bénéficier d'un accès facilité aux marchés. Il serait toutefois bon que davantage d'attention soit accordée aux barrières commerciales qui s'élèvent entre pays du Sud. Quoi qu'il en soit, un processus d'application des principes de droits de l'homme a été engagé par la Banque, qui reconnaît à ce titre le concept de «réalisation progressive» des droits économiques, sociaux et culturels. Les stratégies de réduction de la pauvreté constituent un sous-ensemble du système de valeurs des droits de l'homme, a poursuivi le représentant de la Banque mondiale.

M. JOAQUIM BELO MANGUEIRA (Angola) a réaffirmé l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits de l'homme. Il a estimé que le mandat du Groupe de travail chargé de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels devrait être plus précisément défini. Il a insisté sur le fait que l'appréciation de la mise en œuvre des dispositions du Pacte devait se faire en tenant compte du principe de progressivité associé à la réalisation des droits concernés. Il est en outre nécessaire de tenir compte de la situation économique de chaque pays pour apprécier la mise en oeuvre du Pacte, a insisté le représentant angolais. Il a rappelé que le Pacte contient des dispositions qui insistent sur la question de l'aide de la communauté internationale. À cet égard, il a appelé de ses vœux une meilleure coordination de l'aide.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a souligné l'utilité des travaux menés par le Groupe de travail chargé d'examiner les options possibles en ce qui concerne l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a mis l'accent sur la nécessité de poursuivre ces travaux dans un esprit constructif. Il a par ailleurs souligné que la Suisse participe activement à la négociation de lignes directrices non contraignantes en faveur de la réalisation progressive du droit à une alimentation adéquate. Le représentant suisse a estimé que ces lignes directrices, volontaires et non contraignantes, tiennent compte de l'impact croissant d'un nombre important d'acteurs non étatiques sur la situation des droits de l'homme. Il s'est donc prononcé en faveur d'une approche inclusive dans laquelle les lignes directrices s'adresseraient non seulement aux États mais également aux autres parties prenantes, en respectant leurs qualités et spécificités propres.

MME CLARAH ANDRIANJAKA (Madagascar) a déploré l'iniquité qui a caractérisé le traitement des droits économiques, sociaux et culturels par rapport au traitement réservé aux droits civils et politiques. L'extrême pauvreté, qui constitue une grave violation des droits de l'homme, a fait et continue de faire de nombreuses victimes dans le monde, particulièrement en Afrique subsaharienne, a-t-elle rappelé. Le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur le développement humain constate qu'un milliard et demi d'êtres humains vivent dans le dénuement complet et que le nombre d'analphabètes dépasse les deux milliards. Malgré les engagements pris antérieurement, lors de sommets consacrés au développement, l'évaluation des progrès réellement accomplis est décevante, a poursuivi la représentante malgache. Reconnaissant que la responsabilité première d'éliminer la pauvreté incombe aux chefs d'États, elle a jugé encourageant de constater que, malgré les graves problèmes socio-économiques auxquels ils sont confrontés, des pays pauvres ont placé la lutte contre la pauvreté au premier rang de leurs priorités nationales et ont entrepris des réformes économiques respectueuses des droits de l'homme, de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il reste à prendre des mesures urgentes, au niveau international notamment. Le cadre normatif existe et il faut désormais se mobiliser pour concrétiser les engagements pris lors des différents sommets afin de permettre aux pauvres de reconquérir leurs droits, a déclaré la représentante.

M. PAPA DIOP (Sénégal) a souligné que son pays s'efforce, dans son action quotidienne, de donner un contenu concret au droit à la santé. Aussi, le secteur de la santé occupe-t-il une place de choix dans le document stratégique de réduction de la pauvreté du Sénégal. Toutefois, le représentant sénégalais a affirmé que comme la plupart des pays en développement, le Sénégal ne saurait parvenir à lui seul à une réalisation complète du droit à la santé. Les efforts nationaux doivent être appuyés et soutenus par la communauté internationale, a-t-il rappelé. Compte tenu de la mobilité des personnes dans le monde actuel, la mise en œuvre du droit à la santé au niveau international sert l'intérêt des peuples du monde entier, a-t-il souligné.

M. MARTIN OELZ (Bureau international du travail - BIT) a indiqué que l'BIT reconnaît le rôle important des juges dans la promotion et la protection des droits économiques, sociaux et culturels au niveau national. C'est pourquoi l'BIT organise des cours de formation à destination des juges et l'expérience a montré que ces séminaires sont utiles tant pour les juges des pays en développement que pour ceux des pays développés. Ce type de formation doit se poursuivre de manière aussi poussée que possible, a insisté le représentant du BIT. Il a mis l'accent sur la nécessité de redoubler d'efforts pour assurer une participation égale des femmes juges et juristes dans ces activités.

MME JOANNA MACIEJEWSKA (Pologne) a fait valoir que le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels a acquis une place privilégiée dans la réalisation de ces droits, lesquels n'ont pas moins d'importance que les droits civils et politiques. Le Pacte détient une place privilégiée parmi les conventions internationales relatives aux droits de l'homme, a-t-elle insisté. Le rôle potentiel de son mécanisme de suivi pourrait gagner encore en efficacité, a-t-elle néanmoins ajouté.

M. PHAM TRUNG CHINH (Viet Nam) a souligné que les pays en développement continuent de rester en marge des bénéfices liés à la mondialisation de l'économie. Aussi, est-il très important de créer un environnement favorable pour que tous les pays puissent tirer parti de la mondialisation. Le représentant vietnamien a souligné que son pays a réalisé des progrès considérables dans la promotion des droits économiques, sociaux et culturels de sa population. Le taux de croissance économique du pays se situe autour de 7%, a-t-il fait remarquer. Mais le Viet Nam connaît encore beaucoup de difficultés en raison des crises économiques régionales et mondiales. Si les États sont responsables au premier chef de la promotion des droits économiques et sociaux, il importe également qu'existe une coopération internationale renforcée.

MME CLEMENCIA FORERO UCROS (Colombie) a indiqué que son gouvernement œuvre pour la rénovation sociale par le biais d'une politique orientée vers une plus grande équité. Dans le secteur de l'éducation, 600 000 nouvelles places ont été créées pour les écoliers et cinq millions d'enfants bénéficient des programmes de nutrition. Sept cent treize mille familles colombiennes ont eu accès au micro-crédit et plus d'1,2 million d'emplois ont été créés en 2003, a fait valoir la représentante qui a reconnu néanmoins l'ampleur des problèmes qui subsistent. Si les solutions demeurent lointaines, elle a insisté sur la volonté qui anime les institutions, les citoyens et le Gouvernement de continuer à faire des progrès soutenus.

MME IVONNA PÉREZ GUTIERREZ (Union nationale des juristes de Cuba, au nom également de Centro de Estudios Europeos; Movimiento Cubano por la Paz y la Soberanía de los Pueblos) a relevé que de nombreux experts se référaient à des normes juridiques qu'il faudrait que les États veillent à appliquer dans les faits. Les droits de l'homme de deuxième génération doivent pouvoir être appliqués par les États. Mais cela suppose que les États conservent leur pleine souveraineté. Or, les actes de guerre économique des États-Unis contre Cuba, notamment, visent justement à mettre l'économie cubaine à genoux. L'embargo honteux que les États-Unis imposent à Cuba constitue un crime de génocide contre le peuple cubain et est une menace pour la sécurité régionale, a déclaré la représentante.

M. PHILIPPE LEBLANC (Dominicains pour justice et paix, au nom également de Pax Christi International; Dominican Leadership Conference) a dénoncé les activités militaires qui ont empoisonné et détruit les économies de populations entières dans l'île de Vieques, à Porto Rico. La population de Vieques vit encore près de terrains où l'armée des États-Unis a testé ses armes conventionnelles et non conventionnelles. Quand les États-Unis vont-ils apporter un juste dédommagement à cette population, qui souffre d'un un taux de chômage de 50% et dont le taux de cancer est le plus élevé de Porto Rico, s'est demandé le représentant ? Il a lancé un appel à la Commission pour qu'elle inscrive à son ordre du jour la question de l'héritage toxique laissé par l'armée des États-Unis à Vieques.

MME JENNIFER NAEGELE (Human Rights Advocates, au nom également de Earthjustice; International Educational Development) a mis l'accent sur les problèmes croissants liés à la contamination de communautés pauvres par des déchets toxiques exportés en grande quantité par des sociétés transnationales et les pays industrialisés. Elle a salué les travaux de la Rapporteuse spéciale sur les effets nocifs des mouvements illicites de déchets toxiques et a demandé le renouvellement de son mandat. Les polluants toxiques ont des conséquences sur plusieurs droits de l'homme, a souligné la représentante, citant notamment les droits au logement, à l'alimentation, à l'eau et à la santé de plusieurs communautés. Elle a particulièrement mis l'accent sur le problème posé par la vente, par les compagnies transnationales, de produits toxiques dans des pays en développement alors même qu'ils sont interdits dans les pays d'origine. Elle a également souligné la nécessité de garder la trace des mouvements et des lieux où les déchets sont déversés. Elle a demandé que la Commission exhorte les États à ratifier les accords internationaux réglementant les produits toxiques.

M. ELIAS KHOURI (Union des jurists arabes, au nom également de la Fédération générale des femmes arabes) a déclaré que jouir des droits économiques, sociaux et culturels est impossible en temps de guerre et de conflits. La mise en œuvre des principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme est essentielle dans ce contexte. La coopération internationale doit être privilégiée dans la résolution des conflits, a ajouté le représentant. Or, on constate que les forces israéliennes et américaines se comportent respectivement en Palestine et en Iraq, avec une violence injustifiée dans les deux cas, violence qui engendre à son tour encore plus de violence. Les droits à la vie, au travail, à la sécurité sont bafoués quotidiennement en Iraq. En Palestine, il faut condamner les assassinats de dirigeants et les violations incessantes du droit à la vie.

MME MEGHNA ABRAHAM (Organisation mondiale contre la torture) s'est réjouie de l'adoption par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme de normes relatives aux droits de l'homme en matière de commerce. Elle a exhorté la Commission des droits de l'homme à diffuser de telles règles afin qu'elles soient étudiées et commentées et a invité la Commission à promouvoir ces normes relatives aux droits de l'homme en matière commerciale dans toutes ses décisions et délibérations.

M. EMILIO GAVARRETE (Franciscain international) a mis en exergue l'extrême pauvreté dans laquelle vivent certaines personnes et communautés au Honduras. Il a évoqué les différents projets visant à combattre l'extrême pauvreté et à faire prendre conscience que les autochtones sont des êtres humains qui ont des droits. Malgré l'inscription du principe de la gratuité de l'éducation, envoyer ses enfants à l'école entraîne des coûts et ces communautés n'en ont pas les moyens. Elles se trouvent en fin de compte exclues de l'éducation. Il a recommandé le renouvellement du mandat de l'Experte indépendante sur l'extrême pauvreté pour qu'elle propose des mesures concrètes pour la réalisation de tous les droits de l'homme dans le contexte de l'extrême pauvreté en tenant compte de leur justiciabilité. À cet égard, le représentant a appelé la Commission à poursuivre ses travaux en vue de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

M. EDWIN BERRY (Commission internationale de juristes) a estimé, avec de nombreuses autres organisations non gouvernementales, que l'adoption d'un protocole facultatif au Pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels sera une évolution bénéfique, en particulier parce qu'elle donnera aux citoyens les moyens d'agir en cas de violation des dispositions du Pacte. Le représentant a notamment recommandé que la Commission adopte une approche déterminée et réaliste en ce qui concerne le mandat du Groupe de travail chargé d’élaborer le protocole, et notamment que le Groupe s'efforce de terminer ses travaux dans un délai de cinq ans au maximum.

M. MICHAEL ELLMAN (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) a souligné la nécessité d'adopter de nouveaux instruments afin de mettre fin à l'impunité dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Tous les acteurs, qu'ils soient étatiques ou des entités de la société civile, doivent pouvoir être tenus pour responsables. Aussi, la FIDH appuie fermement l'idée visant à définir un mécanisme de plainte individuelle devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, le représentant a appelé de ses vœux le renouvellement du mandat du Groupe de travail créé à cet effet.

M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques) a estimé urgent et nécessaire de mettre en œuvre des politiques agricoles et commerciales solidaires et de défendre le principe de la souveraineté alimentaire comme moyen d'assurer la réalisation du droit à l'alimentation. Ces exigences de solidarité font apparaître la nécessité d'un commerce réglementé par le droit et contrôlé politiquement par les pouvoirs publics. Les droits fondamentaux doivent avoir la primauté sur les impératifs économiques et commerciaux et les attentes légitimes des populations telles que le refus des organismes génétiquement modifiés (OGM). Ils doivent être prioritaires face aux intérêts des firmes commerciales, les droits de l'homme et le principe de la souveraineté alimentaire doivent primer sur l'idéologie du libre-échange et les organisations telles que la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) doivent retrouver leur autorité face aux prétentions de l'Organisation mondiale du commerce (OMC,) afin que le commerce redevienne facteur de solidarité et de développement universel.

M. MALIK OZDEN (Centre Europe tiers-monde) a notamment déclaré qu'il était temps de mettre fin aux incohérences du droit international et que l'on ne pouvait lutter contre la faim et la pauvreté dans les institutions des Nations Unies tout en soumettant les droits humains aux impératifs des institutions commerciales et financières internationales qui aggravent la famine et la pauvreté. Il faut promouvoir le principe de souveraineté alimentaire, qui seul permet d'engager une politique cohérente tenant compte de tous les paramètres sociaux et écologiques d'un pays. Le représentant a donc exhorté la Commission des droits de l'homme à intervenir auprès du Groupe de travail intergouvernemental de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et auprès des États afin de rappeler le caractère obligatoire du droit à l'alimentation.

M. KOK KSOR (Parti radical transnational) a attiré l'attention de la Commission des droits de l'homme sur la répression dont est victime le peuple degar (montagnard) des hauts plateaux centraux du Viet Nam. Le représentant a exhorté les Nations Unies à adopter dans les plus brefs délais des mesures d'urgence pour faire cesser cette répression. Il a invité la Commission a demander au Viet Nam d'ouvrir cette région aux observateurs afin qu'ils puissent évaluer l'étendue des atteintes à la culture et à la vie sociale des Degar. Le peuple ne peut pas attendre plus longtemps, a conclu le représentant.

M. JOSÉ GUILLERMO PÉREZ BERRIO (Association américaine de juristes) s'est félicité de ce que le projet présenté à la Commission concernant les normes pour les sociétés transnationales soit radicalement différent de celui adopté par le Groupe de travail de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme il y a quatre ans et qui était inacceptable. Il a toutefois regretté que ce projet ne reconnaisse pas le principe de responsabilité solidaire des sociétés transnationales pour les violations des droits de l'homme perpétrées par leurs filiales ou sous-traitants. Cette lacune laisse ouverte une énorme brèche qui permet aux sociétés transnationales de continuer à bénéficier d'une large impunité. Il a préconisé de mettre en place un groupe de travail à composition non limitée afin d'améliorer le projet, remédier à ses lacunes et envisager des mesures de suivi.

MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplomées des universités, au nom également de plusieurs ONG1) s'est notamment déclarée très satisfaite de ce que l'Experte indépendante sur l'extrême pauvreté, au cours de sa mission au Yémen, ait, d'une part, mis l'accent sur l'illettrisme des femmes comme principal facteur de pauvreté et, d'autre part, montré que des mesures préventives de la part des gouvernements pouvaient faire avancer la cause des femmes. La représentante a également relevé avec satisfaction que le rapport sur la situation alimentaire au Bangladesh a bien mis en évidence ce que la volonté du Gouvernement et l'aide financière de la Banque mondiale avaient permis de réaliser au bénéfice des femmes et du pays tout entier. La représentante a toutefois déploré que, d'une manière générale, de fortes inégalités subsistent contre les femmes, à cause notamment de la discrimination indirecte sur le marché du travail et dans l'application des mesures macroéconomiques, ainsi que de la division inégalitaire et persistante des tâches domestiques.



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1 Déclaration conjointe : Fédération internationale des femmes diplomées des universités; Association internationale de gérontologie; Union mondiale des organisations féminines catholiques; Mouvement international pour l'union fraternelle entre les races et les peuples; et le Comité Inter-africain sur les pratiques traditionnelles ayant effet sur la santé des femmes et des enfants en Afrique.

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