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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

DÉBAT DE HAUT NIVEAU : LE FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION ET LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS

17 Mars 2004


17.03.2004

La Commission des droits de l'homme a entendu ce matin, dans le cadre de son débat de haut niveau, les Ministres des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, de Cuba, du Bangladesh et des Pays-Bas. La Ministre pour la promotion des droits de l'homme du Burkina-Faso, la Ministre d'État de la Jordanie, les Vice-Ministres des affaires étrangères d'Arabie saoudite et du Guatemala ainsi que la Secrétaire d'État aux affaires étrangères et à la coopération du Portugal se sont également exprimés.

Les orateurs ont unanimement condamné les attentats terroristes qui ont frappé l'Espagne la semaine dernière. Ils ont appelé à s'unir pour lutter contre ce phénomène et rendu un hommage appuyé au Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Sérgio Vieira de Mello, lui aussi victime du terrorisme. À cet égard, M. Bernard Bot, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a qualifié l'attentat commis à Madrid la semaine dernière de crime contre l'humanité. Le terrorisme, comme d'autres menaces, ignore les frontières, c'est pourquoi les Pays-Bas et ses partenaires de l'Union européenne croient en un multilatéralisme qui, pour être crédible, doit inclure un système efficace de protection des droits de l'homme. M. Torki Bin Mohammed Bin Saud Al-Kabeer, Vice-Ministre adjoint aux affaires politiques de l'Arabie saoudite, a pour sa part présenté les nombreuses mesures prises par le pays pour combattre le terrorisme. Il a également dénoncé ceux qui tentent de vaforiser un «choc des civilisations» et rappelé que l'islam était attaché à la préservation des droits de l'homme.

Par ailleurs, évoquant le rôle de la Commission, M. Yuri Fedotov, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a déclaré que le renforcement de l'efficacité de la Commission s'impose aujourd'hui comme une urgence. Il a regretté que les précédentes sessions aient été marquées par une atmosphère de confrontation et de politisation sans précédent et souhaité que la notion de «résolution par pays» ainsi que les procédures de nomination des rapporteurs spéciaux soient revues. M. Felipe Pérez Roque, Ministre des relations extérieures du Cuba, a condamné la résolution présentée chaque année contre son pays et déclaré que Cuba refuse de recevoir un représentant du Haut Commissaire au mandat illégitime et dont le rapport, partial et politisé, a été utilisé par le Gouvernement des États-Unis pour servir ses intérêts.

Le Ministre néerlandais des affaires étrangères a pour sa part déploré que la Commission préfère trop souvent les «motions de non-action» à une action résolue de protection des droits humains, la notion de «culture» étant parfois présentée comme justification de l'inaction. La Secrétaire d'État aux affaires étrangères du Portugal, Mme Manuela Franco, a pour sa part réaffirmé l'engagement ferme du Portugal en faveur des travaux de la Commission et annoncé que son pays était à l'origine de trois initiatives qu'elle espère voir adopter par consensus et portant respectivement sur les droits économiques, sociaux et culturels, le droit à l'éducation et la protection du personnel des Nations Unies. De son côté, le Ministre d'État aux affaires étrangères du Bangladesh, M. Reaz Rahman, a déploré l'importance disproportionnée accordée aux droits civils et politiques, soulignant la nécessité d'une approche plus équilibrée, qui mettrait l'accent sur les droits économiques et sociaux, et en particulier le droit au développement. À cet égard, le Bangladesh est en faveur d'une codification du droit au développement dans un instrument international ayant valeur d'obligation légale.

Plusieurs intervenants ont fait état des mesures prises pour renforcer les droits de l'homme dans leurs pays, notamment par la consolidation de l'État de droit. À cet égard, Mme Monique Ilboudo, Ministre de la promotion des droits de l'homme du Burkina Faso, a fait valoir les efforts de son pays pour ancrer la culture démocratique et l'état de droit. Elle s'est dite convaincue que les droits humains sont la finalité de tout développement humain et que le droit au développement doit être reconnu comme un droit humain fondamental. Mme Marta Altolaguirre, Vice-Ministre des relations extérieures du Guatemala, a pour sa part estimé que le premier pas vers le plein respect des droits de l'homme est le renforcement des institutions démocratiques de l'État. Elle a également mis l'accent sur les efforts déployés par son pays pour lutter contre l'impunité et pour la réhabilitation des victimes du conflit armé.

Le Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, M. Mladen Ivanic, a quant à lui annoncé la création d'une Chambre des crimes de guerre à la Cour de l'État qui permettra de juger les crimes de guerre au niveau de l'État de Bosnie-Herzégovine. Il a prié l'Europe et les autres pays d'assurer un financement suffisant des procès et des programmes spéciaux de réinstallation. Il a rappelé en outre que l'exercice du droit de retour des réfugiés et des personnes déplacées était également conditionné au soutien financier de la communauté internationale.

La situation instable qui prévaut au Moyen-Orient a également été au nombre des préoccupations de plusieurs intervenants. Pour Mme Asma Khader, Ministre d'État et porte-parole du Gouvernement de la Jordanie, la construction du «mur de séparation» ne fait que renforcer l'occupation israélienne et obérer l'établissement d'un État palestinien viable tel que prévu par la feuille de route. Mme Khader a demandé à Israël de cesser immédiatement la construction du mur et souligné la nécessité de respecter le statut de la ligne de partage de 1967. En ce qui concerne l'Iraq, la nécessité d'un rôle central des Nations Unies dans le processus politique a été soulignée.

Concernant la violence contre les femmes, certains progrès ont été salués, tel que l'introduction d'un nouveau code de la famille au Maroc. Pourtant, malgré cette évolution, la situation au niveau mondial reste préoccupante, compte tenu notamment des hauts niveaux de violence contre les femmes, a notamment alerté le Ministre néerlandais.

En fin de séance, le représentant de l'Inde a exercé le droit de réponse.

La Commission des droits de l'homme poursuivra son débat de haut niveau cet après-midi à 15 heures. Elle entendra notamment des ministres du Botswana, du Rwanda, de la République tchèque, de l'Argentine, de la Côte d'Ivoire, de la Finlande, du Timor-Leste ainsi que le Vice Ministre des affaires étrangères du Vietnam, le Sous-Secrétaire d'État de la Pologne, et le Président du Comité international de la Croix-Rouge.

Débat de haut niveau

M. TORKI BIN MOHAMMED BIN SAUD AL-KABEER, Vice-Ministre adjoint aux affaires politiques du Ministère des affaires étrangères de l'Arabie saoudite, a présenté les condoléances de son pays à l'Espagne pour les attentats dont elle a souffert le 11 mars dernier. Le Ministre a présenté au passage les nombreuses mesures prises par son pays pour combattre le terrorisme : contrôle de la récolte des fonds par les institutions charitables, coopération avec la communauté internationale et promulgation de lois antiterroristes. Après avoir dénoncé ceux qui diffusent de fausses informations sur les pays du Sud et tentent de précipiter un «choc des civilisations», le Ministre a rappelé que l'islam était à la pointe de la préservation des droits de l'homme. C'est pourquoi, a-t-il fait valoir, l'Arabie saoudite, tout en appliquant les préceptes de la charia islamique, s'est lancée dans une phase de réformes et de développement. Des lois ont été promulguées, des principes légaux mis au point et des institutions créées pour promouvoir les intérêts des citoyens saoudiens; le renforcement de la justice est également à l'ordre du jour, avec la promulgation des nouveaux codes de procédures pénale et civile, notamment. Un centre pour le dialogue national a été créé pour permettre aux citoyens de faire connaître leurs avis sur la vie du pays. Les réformes se concentrent sur le développement des ressources humaines, y compris les femmes. En effet, et malgré l'opposition des milieux traditionalistes, les femmes occupent maintenant une place importante, par exemple au sein du système éducatif, où elles comptent pour 49% des étudiants.

Cependant, les réformes ne peuvent avancer que dans un contexte de stabilité et de sécurité. Le Ministre a déploré que le Moyen-Orient ne jouisse pas encore de cette situation et connaisse l'occupation israélienne des territoires palestiniens et les violations des droits des Palestiniens, des Syriens du Golan et des prisonniers libanais en Israël - tous problèmes dont la Commission est d'ailleurs régulièrement saisie. Pour ce qui concerne les violations quotidiennes des droits des Palestiniens par une machine militaire implacable et démesurée, le Ministre a en particulier dénoncé la politique des «deux poids et deux mesures» qui anime ceux qui défendent Israël au détriment des droits du peuple palestinien. M. Al-Kabeer a également regretté la situation instable qui prévaut en Iraq. Le peuple de ce pays a un besoin urgent de la coopération internationale pour revenir à la stabilité et à la liberté, dans le cadre d'un système politique représentatif fondé sur l'unité nationale plutôt que sur la division raciale ou ethnique. La communauté internationale devrait coopérer dans ce sens sous les auspices des Nations Unies, garantes de la légitimité internationale.

M. MLADEN IVANIC, Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, a fait le point des efforts de son pays au cours de l'année passée dans la mise en application de l'Accord de paix de Dayton-Paris et pour se conformer aux normes internationales et européennes pour la promotion et la protection des droits de l'homme de ces citoyens. Suite à la soumission d'une étude de faisabilité et l'opinion positive de la Commission européenne en novembre dernier, la Bosnie-Herzégovine a accéléré le processus de réformes visant la réalisation des objectifs définis par la Commission. Le mandat de la Chambre des droits de l'homme et de l'Ombudsman pour les droits de l'homme ont été transférés aux institutions de la Bosnie-Herzégovine. Les efforts concertés du Bureau du Représentant spécial, du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, et des autorités de la Bosnie-Herzégovine ont abouti à la création d'une Chambre des crimes de guerre à la Cour de l'État. Les crimes de guerre seront donc jugés au niveau de l'État de Bosnie-Herzégovine. Si, au début, la Chambre mènera ses travaux avec une majorité de juges internationaux, ces derniers seront remplacés au fur et à mesure par des juges nationaux. Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine prie l'Europe et les autres pays d'assurer un financement suffisant des procès et des programmes spéciaux de réinstallation, une attention particulière devant être portée à la protection des témoins.

M. Ivanic a rappelé qu'il restait plus de 20 000 réfugiés et personnes déplacées. Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine prépare une nouvelle Loi nationale sur les personnes déplacées qui définira les obligations respectives des entités et de l'État et fournira une base légale pour l'établissement d'un institut pour les personnes déplacées. Exprimant la reconnaissance de son pays au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, aux autres organisations internationales et aux bailleurs de fonds pour leur assistance, le Ministre des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine a indiqué que l'exercice du droit de retour des réfugiés et des personnes déplacées était conditionné au soutien financier de la communauté internationale. S'agissant du trafic des êtres humains, M. Ivanic a attiré l'attention sur la nomination d'un coordinateur national contre le trafic des personnes, l'adoption d'un plan national d'action contre le trafic des personnes et l'établissement d'un bureau du procureur général comme mesures pouvant aider à lutter contre ce phénomène. Au sujet des droits de l'enfant, le Ministre a expliqué que la Bosnie-Herzégovine accueillera la seconde Conférence intergouvernementale d'Europe et d'Asie centrale pour une région accueillante pour les enfants à Sarajevo, du 15 au 17 mai, en coopération avec l'UNICEF et le Gouvernement allemand.

MME MARTA ALTOLAGUIRRE, Vice Ministre des relations extérieures du Guatemala, a estimé que le premier pas vers le plein respect des droits de l'homme est la manifestation de la volonté gouvernementale, la réforme et le renforcement des institutions démocratiques de l'État. Ce sont là les nouveaux défis que relève le nouveau Gouvernement du Guatemala et pour lequel il sollicite le soutien des Nations Unies et de la communauté internationale. Il s'est également donné pour tâche de parvenir à la réconciliation nationale, de relancer la dynamique de renforcement des institutions, de regagner la confiance citoyenne à travers des actions claires et efficaces de défense des droits de l'homme. Elle a en particulier mis l'accent sur la lutte engagée contre l'impunité et pour la réhabilitation des victimes du conflit armé. À cet égard, le Président de la République a donné son appui aux programmes d'exhumations de corps comme témoignage de son engagement pour le droit à la vérité.

Mme Altolaguirre a également indiqué que l'administration actuelle se concentre sur l'unité nationale et les valeurs de solidarité et d'inclusion, éléments nécessaires pour une démocratie effective qui a pour priorités la lutte contre la faim, la pauvreté extrême et la construction d'un État multiculturel. Dans cette optique, la poursuite du soutien des Nations Unies au renforcement institutionnel et aux programmes de consolidation de la paix sera d'un grand secours pour la poursuite des réformes de l'État, a-t-elle affirmé, considérant comme fondamental l'ouverture d'un Bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme dans son pays. Elle a également réitéré l'invitation ouverte de son pays aux rapporteurs spéciaux et autres mécanismes de la Commission. Elle s'est félicitée des déclarations faites dans le cadre du débat de haut niveau de la Commission concernant les violences contre les femmes, rappelant que l'augmentation de ces violences dans des pays tels que le Guatemala exige une action immédiate des autorités afin de punir ces crimes mais aussi de changer la culture patriarcale. Le Guatemala a pris note des recommandations de la Rapporteuse spéciale, Mme Yakin Ertürk, et a souligné que le Président du Guatemala de favoriser la participation des femmes aux activités économiques et d'éliminer la discrimination. En ce qui concerne les peuples autochtones, le Guatemala redouble d'efforts afin de combattre la discrimination et l'exclusion dont ils sont historiquement victimes, a par ailleurs indiqué Mme Altolaguirre. Elle a exprimé sa solidarité avec les peuples victimes du terrorisme et rendu un hommage particulier à la mémoire du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Sérgio Vieira de Mello.

MME MONIQUE ILBOUDO, Ministre de la promotion des droits de l'homme du Burkina Faso, a relevé que la session de la Commission se déroulait dans un contexte international peu reluisant : guerres et terrorisme latents, avec l'attentat de Madrid notamment; prévalence de la pauvreté et incapacité générale à garantir à chacun des conditions de vie qui préservent la dignité humaine; maladies telles que le VIH/sida ou le paludisme, qui déciment les forces vives des nations, annihilant les efforts de développement; multiples discriminations et violences enfin à l'encontre des femmes. Le Burkina Faso quant à lui poursuit inlassablement ses efforts pour un ancrage de la culture démocratique et de l'état de droit, convaincu que les droits humains sont la finalité de tout développement humain et que le droit au développement doit être reconnu comme un droit humain fondamental. À ce titre, le processus politique enclenché au Burkina Faso en 1991 avec l'adoption d'une Constitution républicaine traduit, dans les faits, un vaste programme de renforcement de la société civile, d'indépendance de la justice, de liberté de la presse, de protection des enfants et de respect des droits des femmes et des minorités. Au plan international, le Burkina Faso s'est résolument engagé à faire des droits humains une partie intégrante de ses politiques gouvernementales, et le pays est maintenant partie à touts les principaux instruments relatifs à la protection des droits humains.

Le Burkina Faso se déclare par ailleurs préoccupé par la question de la paix et de la sécurité dans la sous-région ouest-africaine, particulièrement s'agissant des violations des libertés et droits fondamentaux lors des conflits. La situation en Côte-d'Ivoire demeure une préoccupation en raison du nombre important de ressortissants du Burkina Faso qui y habitent et dont la sécurité et les droits les plus élémentaires ne sont pas toujours assurés. Mme Ilboudo a fait savoir que son gouvernement attendait que les victimes de ces violations trouvent réparation, en vertu des règles élémentaires de justice internationale. Dans ce contexte, le Burkina Faso se déclare réconforté par les engagements pris par la Côte d'Ivoire, notamment les perspectives au niveau de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

MME MANUELA FRANCO, Secrétaire d'État aux affaires étrangères du Portugal, a fait valoir qu'au cœur du concept de souveraineté, se trouvait la notion d'autonomie, ce qui signifie en termes politiques la capacité de se défendre, d'établir le respect de soi et d'exiger le respect des autres. Elle a réaffirmé l'engagement ferme du Portugal en faveur des travaux de la Commission et a annoncé que son pays était à l'origine de trois initiatives qu'elle espère voir adopter par consensus: une résolution globale sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, une résolution sur le droit à l'éducation et une résolution sur la protection du personnel des Nations Unies. Soulignant que la plupart des conflits ont leur origine dans la désagrégation des États nations sous ses multiples aspects, elle a rappelé que le Premier Ministre du Portugal avait au cours de la dernière Assemblée générale proposé la création d'une commission sur la paix et le développement, dans l'objectif de traiter l'ensemble des causes de prolifération des conflits. En proposant cette résolution, la Portugal reconnaît que les conflits qui continuent de se répéter dans le monde résultent souvent d'un désengagement prématuré de la communauté internationale, a expliqué Mme Franco. Comme le montre le cas d'Haïti, une approche globale s'avère nécessaire si nous voulons être en mesure de répondre non seulement aux menaces sur la sécurité, mais aussi d'agir face aux insuffisances économiques et sociales et pour le respect total des droits de l'homme et du droit humanitaire. La Commission sur la paix et le développement que le Premier Ministre portugais a proposé de mettre en place lors de la dernière session de l'Assemblée Générale, sous mandat du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social (ECOSOC) et travaillant en parallèle avec eux, devrait être étroitement liée aux institutions de Bretton Woods et aux institutions des Nations Unies.

La Secrétaire d'État aux affaires étrangères du Portugal a par ailleurs fait valoir que la communauté internationale doit poursuivre son soutien au renforcement des institutions nationales, du cadre législatif et des infrastructures au Timor-Leste. Elle a souligné le rôle décisif que les programmes de conseil et d'assistance technique du Bureau du Haut Commissariat au Timor-Leste ont joué pour aider ce pays à remplir ses obligations au titre des instruments principaux des droits de l'homme. Elle a indiqué que les autorités du Timor-Leste avaient clairement fait valoir leur préférence pour un renouvellement de la présence des Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix en vue d'assurer à la fois la prévention et la stabilité; les Nations Unies semblaient prêtes à répondre à ces préoccupations. Plus généralement, Mme Franco a rappelé que le Portugal était engagé dans l'Initiative du «Groupe pour la convocation de la communauté des démocraties», un réseau liant des pays du Nord et du Sud dans le but commun de promouvoir les valeurs de l'état de droit, des droits de l'homme, de la démocratie et de la bonne gouvernance comme instruments fondamentaux pour le bien-être des individus et la sécurité internationale.

M. FELIPE PÉREZ ROQUE, Ministre des relations extérieures de Cuba, a présenté les condoléances de son pays à la population madrilène pour l'attentat du 11 mars dernier. Il a ensuite rappelé que ce n'est qu'en 1990, en pleine débâcle du camp socialiste, que le Gouvernement des États-Unis a pu, secondé par de nouveaux gouvernements qui s'étaient soumis à lui, imposer pour la première fois à la Commission une résolution condamnant Cuba. Depuis, cette résolution est présentée régulièrement - et infructueusement - par différents intermédiaires: République tchèque, Uruguay, Pérou. Pour M. Roque, rien n'a changé cette année: en effet, le Gouvernement des États-Unis a besoin, pour justifier son blocus criminel et ses plans d'agression militaire, de fabriquer de toutes pièces sa condamnation de Cuba. Quant à l'Union européenne, par hypocrisie et appliquant une morale à double vitesse, elle ne s'opposera pas cette année à la tentative des États-Unis. Il n'est même pas certain, a encore déploré M. Roque, qu'elle présente une résolution condamnant la violation des droits de l'homme infligée aux prisonniers, certains européens, que les États-Unis maintiennent à Guantanamo. Si le Costa Rica, a encore dit M. Roque, sert cette année de pion au service du maître impérial, ce ne sera pas par attachement à la cause des droits de l'homme, car dans ce cas il condamnerait la peine de mort infligée à des mineurs, à des femmes et à des malades mentaux aux États-Unis.

Pour le Ministre cubain des relations extérieures, il est d'autre part faux de dire que Cuba n'a pas collaboré avec la Commission. En 1988, la pays a accueilli une délégation de cet organe; en 1994, le Haut Commissaire aux droits de l'homme; en 1999, deux rapporteurs de la Commission, entre autres. Pourquoi faut-il demander par résolution que Cuba accepte de recevoir un Représentant personnel du Haut Commissaire, alors que personne n'est nommé pour enquêter sur les crimes des troupes des États-Unis qui ont envahi l'Iraq? Cuba refuse donc de recevoir un représentant du Haut Commissaire au mandat illégitime et dont le rapport, partial et politisé, a fini par servir d'instrument de l'administration nord-américaine. Cuba revendique par contre le droit de juger les mercenaires qui collaborent avec le blocus et avec la politique agressive de la superpuissance qui veut reconquérir le pays.

M. YURI FEDOTOV, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, a déclaré que le renforcement de l'efficacité de la Commission des droits de l'homme s'impose aujourd'hui comme une urgence. Les précédentes sessions de la Commission ont été marquées par une atmosphère de confrontation et de politisation sans précédent, a-t-il regretté. Il en est résulté de graves répercussions sur l'autorité de cet organe dont la raison d'être n'est autre que la promotion d'un dialogue constructif fondé sur le respect mutuel et la volonté des États de résoudre les problèmes relatifs aux droits de l'homme. Pour la Fédération de Russie, il importe de revoir la notion de «résolution par pays» qui aboutit à la création de groupes d'États «contrevenants», sujets à différentes sortes de pénalités. Une telle approche ne permet en aucun cas d'asseoir l'autorité de la Commission. Seule la création d'un climat de confiance peut permettre d'atteindre cet objectif. M. Fedotov a par ailleurs suggéré de revoir les procédures de nomination des rapporteurs spéciaux de la Commisison des droits de l'homme, estimant que les règles appliquées actuellement ne permettent pas de garantir toute la transparence nécessaire.

Le Vice-Ministre russe a ensuite insisté sur le caractère, désormais évident, des liens entre terrorisme et protection des droits de l'homme. À cet égard, il a souligné la volonté de son pays de développer et de renforcer la coopération entre États dans la lutte contre le terrorisme, volonté illustrée par l'initiative de son pays lors de la précédente Assemblée générale des Nations Unies visant à définir un code de protection des droits de l'homme contre le terrorisme. Il a pu constater, à sa grande satisfaction, que tous les éléments du code ont été repris dans la résolution de l'Assemblée générale intitulée «Droits de l'homme et terrorisme». La Fédération de Russie est favorable à un combat inflexible contre le terrorisme, quels que soient les buts ou les idéaux mis en avant par les auteurs de tels actes. Enfin, M. Fedotov a attiré l'attention de la Commission sur la situation d'apatridie de 480 000 personnes de langue russe en Estonie et de 160 000 en Lettonie. Seul un dialogue constructif entre les autorités respectives de ces deux pays du cœur de l'Europe et la communauté de langue russe permettra de mettre un terme à ces atteintes graves aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales de ces personnes.

M. REAZ RAHMAN, Ministre d'État aux affaires étrangères du Bangladesh, a rendu compte des efforts déployés par son pays pour mettre sur pied des mécanismes et institutions nationales en vue d'établir un État de droit, la justice et les droits de l'homme pour tous les citoyens, en portant une attention particulière aux femmes, aux enfants et aux minorités. Le Bangladesh est partie à presque tous les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme et a accueilli trois Rapporteurs spéciaux au cours des trois dernières années, a t-il précisé. Le renforcement des capacités et le développement des institutions ont occupé une place centrale dans les efforts du Gouvernement du Bangladesh. La création d'une Commission nationale sur les droits de l'homme, d'un Bureau d'Ombudsman, d'une Commission indépendante anti-corruption, ainsi que la séparation du juridique et de l'exécutif et le renforcement général de l'État de droit figurent parmi les priorités de mon gouvernement, a expliqué M. Rahman. Le ministre a souligné que le Bangladesh cherchait à travers de tels efforts à établir un processus de responsabilisation au moyen duquel une presse et une opposition libres de s'exprimer et une société civile active pourraient évaluer constamment le gouvernement. Le Gouvernement du Bangladesh est conscient qu'il reste encore beaucoup à faire mais l'essentiel réside dans l'engagement à redresser les imperfections et à établir ce qui est juste.

Le Bangladesh cherche à concilier ses efforts dans le sens d'une bonne gouvernance participative avec des politiques économiques durables. Notre expérience a montré que l'autonomisation des êtres humains représente l'approche la plus efficace pour l'allégement de la pauvreté, comme l'atteste le succès de nos programmes de micro-crédit, a indiqué M. Rahman. S'agissant de l'autonomisation des femmes, le Ministre d'État du Bangladesh a expliqué que quarante-cinq des sièges de son assemblée nationale devraient être réservés aux femmes. Il a par ailleurs rappelé que son pays, bien que principalement musulman, avait une tradition de coexistence pacifique entre tous les groupes religieux. S'agissant de la Commission des droits de l'homme, il a noté l'existence d'une tendance à attacher une importance disproportionnée aux droits civils et politiques. Nous avons constamment souligné la nécessité d'une approche plus équilibrée, qui mettrait l'accent sur les droits économiques et sociaux, et en particulier le droit au développement, a fait valoir le Ministre. Á cet égard, la délégation du Bangladesh est encouragée par l'esprit de consensus évident lors de la dernière session du Groupe de travail sur le droit au développement et souhaite que des progrès plus tangibles soient réalisés dans le groupe afin d'obtenir un consensus pour mettre en œuvre le droit au développement. M. Rahman a réaffirmé la proposition du Bangladesh en faveur d'une codification du droit au développement dans un instrument international à valeur d'obligation légale. Il a espéré que la Sous-Commission considérera cette proposition dans le document de travail que la Commission lui a demandé de préparer. Le Ministre des affaires étrangères du Bangladesh a exprimé les préoccupations de son gouvernement face à la dénégation continue des droits du peuple palestinien, encore aggravée par la construction d'un mur dans les territoires occupés. Il a demandé à la Commission de faire des efforts plus sérieux et sincères pour répondre à ces violations.

MME ASMA KHADER, Ministre d'État et porte-parole du Gouvernement de la Jordanie, a réitéré l'engagement indéfectible de son pays en faveur de la protection et de la promotion des droits de l'homme. Elle a particulièrement mis l'accent sur les réformes politiques et économiques visant à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement et à faire avancer le processus démocratique. À cet égard, elle a cité notamment la mise en place d'un Haut Conseil pour les médias, la création d'un Ministère pour le développement politique et l'inclusion des principes des droits de l'homme dans les programmes scolaires. Des stratégies pour permettre aux femmes de jouer un rôle clé à tous les niveaux ont été adoptées afin de combler le fossé entre les sexes, a-t-elle également indiqué, précisant que ces efforts ont fait de la Jordanie le pays arabe ayant le plus fort pourcentage de femmes au sein de l'exécutif, du corps législatif et du judiciaire. Une campagne médiatique régionale a en outre été lancée afin de changer les perceptions et les stéréotypes qui empêchent les femmes de devenir des partenaires à part entière du développement de la société. Mme Khader s'est particulièrement félicitée de l'attribution en 2003 du Prix des Nations Unies pour les droits de l'homme à l'équipe en charge du projet pour la protection de la famille. Cette initiative qui vise à combattre la violence domestique a ainsi été récompensée pour avoir contribué à lever les tabous sur ce sujet et à permettre un débat ouvert sur les questions de droits de l'homme et d'égalité des sexes, a estimé Mme Khader.

En ce qui concerne les réformes attendues au Moyen Orient, Mme Khader a souligné que celles-ci doivent répondre aux aspirations et à la volonté des peuples de la région et, en particulier passer par une solution au conflit israélo-palestinien et la mise en œuvre de la feuille de route. À cet égard, elle a estimé que la construction du « Mur de séparation » ne fait que renforcer l'occupation israélienne et obérer l'établissement d'un État palestinien viable tel que prévu par la feuille de route. À l'heure où l'on condamne les attentats suicides contre des civils, Mme Khader a demandé à Israël de cesser immédiatement la construction du mur et souligné la nécessité de respecter le statut de la ligne de partage de 1967. Alors que l'Iraq aborde une nouvelle phase, la nécessité d'un rôle central des Nations Unies dans le processus politique est évidente. L'adoption de la loi fondamentale est un pas en avant vers la tenue d'élections qui permettront au peuple iraquien de choisir son avenir tout en préservant l'unité, l'intégrité territoriale et la souveraineté de leur pays.

M. BERNARD BOT, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a condamné l'attentat commis à Madrid la semaine dernière, qui est un crime contre l'humanité. Le terrorisme, comme d'autres menaces, ignore les frontières, c'est pourquoi les Pays-Bas et ses partenaires de l'Union européenne croient en un multilatéralisme qui, pour être crédible, doit inclure un système efficace de protection des droits de l'homme. La Cour pénale internationale est un bon outil à cet égard, tout comme la Commission, qui sert de plate-forme internationale pour la défense de ces droits. Cela rend d'autant plus regrettable, pour M. Bot, que sa réputation ne soit pas aussi bonne qu'elle devrait l'être. Trop souvent, en effet, la Commission préfère les «motions de non-action» à une action résolue de protection des droits humains, la notion de «culture» étant parfois présentée comme justification de l'inaction.

Concernant la violence contre les femmes, M. Bot s'est félicité des progrès concrets enregistrés dans certains pays, comme au Maroc où l'introduction d'un nouveau code de la famille améliore globalement la situation des femmes marocaines. Pourtant, malgré ces développements, la situation au niveau mondial reste préoccupante, compte tenu notamment des hauts niveaux de violence contre les femmes. La violence domestique et les atteintes à l'intégrité physique des femmes sont donc au cœur des préoccupations du Gouvernement des Pays-Bas, qui entend à cet égard en soutenir les victimes. M. Bot a relevé ici la nécessité pour les États de retranscrire dans leurs lois les obligations qu'ils ont contractées au niveau international. Sur un autre plan, il a également appelé la Commission à soutenir la résolution de cette année sur la tolérance religieuse, principe essentiel des droits de l'homme que les Nations Unies se doivent de promouvoir. M. Bot a enfin attiré l'attention de la Commission sur le sort de M. Arjan Erkel, travailleur humanitaire néerlandais kidnappé au Daghestan (Fédération de Russie), en 2002. M. Bot a demandé aux autorités russes de tout faire pour obtenir la libération rapide de M. Erkel.

Exercice du droit de réponse

Le représentant de l'Inde a dénoncé la description de «la situation au Cachemire» telle que présentée par le Secrétaire général de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), dans une intervention hier. Il a rappelé que le Pakistan et l'Inde ont amorcé un processus de dialogue qui devrait mener à un règlement pacifique de la situation entre les deux États. Pour le représentant indien, l'OCI, plutôt que de prononcer des déclarations sur la situation au Cachemire qui sont contre-productives et qui risquent de mettre en péril les progrès réalisés par deux États, devrait se lancer dans un sérieux processus d'introspection.

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