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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU PORTUGAL

04 Mars 1999

APRÈS-MIDI
HR/CERD/99/9
4 mars 1999


Des membres du Comité s'inquiètent des sentiments
de la majorité de la population à l'égard des Gitans



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport du Portugal sur les mesures mises en oeuvre par ce pays pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, le Haut Commissaire pour l'immigration et les minorités ethniques du Portugal, M.José Leitão, a déclaré que la Constitution portugaise prévoit désormais expressément l'interdiction des organisations racistes. Il a annoncé la création récente du Conseil consultatif pour les questions d'immigration, qui entrera en fonction ce mois-ci. Selon un sondage réalisé en 1997 sur le racisme et la xénophobie en Europe, les Portugais sont le peuple de l'Union européenne qui se considère comme le moins raciste, a souligné M.Leitão.

La délégation portugaise est également composée de représentants du Ministère de la justice, du Service des étrangers et des frontières et du Secrétariat de la coordination des programmes d'éducation multiculturelle.

L'expert du Comité chargé de l'examen du rapport du Portugal, M.Ivan Garvalov, a estimé qu'en dépit des modifications récentes apportées à la Constitution portugaise, les normes constitutionnelles ayant trait à la discrimination restent trop générales. D'autres experts sont également intervenus : M.Luis Valencia Rodríguez, M.Ion Diaconu, M.Régis de Gouttes, M.Carlos Lechuga Hevia, M.Mario Jorge Yutzis, M.Theodoor van Boven, M.Michael E.Sherifis. Ils se sont notamment inquiétés des sentiments que semble entretenir à l'encontre des Gitans la majorité de la population portugaise.

Demain matin, à 10 heures, le Comité achèvera l'examen du rapport du Portugal. Dans le cadre des procédures d'action urgente, il examinera également la situation en République démocratique du Congo.

Présentation du rapport du Portugal

Présentant le rapport de son pays, M.José Leitão, Haut Commissaire pour l'immigration et les minorités ethniques du Portugal, a souligné que la dernière révision constitutionnelle, entreprise en 1997, a apporté des améliorations à la formulation des dispositifs constitutionnels avec lesquels le Portugal entend lutter contre la discrimination raciale. Ainsi, la Constitution, qui interdisait déjà les organisations fascistes, prévoit désormais expressément, dans son article 46, la prohibition des organisations racistes. La Constitution prévoit également expressément que le fait d'appartenir à une organisation raciste entraîne la perte du mandat de député. En outre, le droit à la protection légale contre toute forme de discrimination couvre désormais la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique, a indiqué M.Leitão. La sanction pénale de la discrimination raciale a été renforcée pour inclure, outre la discrimination fondée sur la race, la couleur ou l'origine ethnique, celle basée sur l'origine nationale ou religieuse ainsi que la négation de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité avec intention d'inciter à la discrimination raciale ou religieuse ou de l'encourager.

M.Leitão a expliqué que la coordination entre le Haut Commissariat pour l'immigration et les minorités ethniques et l'Inspection générale de l'administration intérieure, chargée de contrôler l'action des forces de sécurité et les droits et libertés fondamentaux des citoyens, assure de nouvelles formes de défense des droits des immigrants et des minorités ethniques. L'Inspection générale a ainsi examiné toutes les plaintes qui lui ont été transmises par le Haut Commissaire et a procédé aux investigations qu'elle jugeait nécessaires. Le Haut Commissaire a pour sa part porté à la connaissance du Procureur général de la République tous les cas qu'il estimait devant faire l'objet d'investigations criminelles.

Le Haut Commissaire pour l'immigration et les minorités ethniques a rappelé que le Portugal a adopté de nouvelles lois sur le droit d'asile, l'entrée, le séjour et le départ des étrangers ainsi que le travail des étrangers. Récemment, a été créé le Conseil consultatif pour les questions d'immigration, qui entrera en fonction ce mois-ci et auxquels participeront des associations d'immigrants. M.Leitão a rappelé que la Commission européenne a publié, fin 1997, un sondage sur le racisme et la xénophobie en Europe dont les résultats montrent que les Portugais sont le peuple de l'Union européenne qui se considère comme le moins raciste. Ainsi, 58% des Portugais se sont déclarés non racistes tandis que pour l'ensemble de l'Union européenne, 33% des citoyens se déclaraient ouvertement racistes et xénophobes.

Les cinquième, sixième, septième et huitième rapports périodiques du Portugal, réunis en un seul document (CERD/C/314/Add.1), couvrent la période de 1991 à 1998. Il indique que le nombre total d'étrangers résidant au Portugal au 31 décembre 1996 était de 172912, ce qui correspond à une croissance de 2,7% par rapport à 1995. Plus de la moitié des étrangers résident dans le district de Lisbonne (55,1%), suivi des districts de Faro (12,5%), de Setúbal (9,2%) et de Porto (6,1%). Les communautés africaines représentent environ 47% du total des résidents étrangers alors que 25,3% proviennent des autres pays de l'Union européenne. Des nationalités représentées, celle du Cap-Vert est la première avec un total de 39546 personnes dont 60,5% sont des hommes. La communauté brésilienne vient en seconde position avec 20082 résidents. Parmi les résidents étrangers, 46,5% sont non actifs.

En 1996, 7767 résidents étrangers sont entrés au Portugal, dont 34,1% en provenance d'Afrique. Environ 40000 citoyens portugais peuvent être considérés Gitans. En 1996, le Gouvernement avait créé un groupe de travail pour l'égalité et l'insertion des Tsiganes. Il a été remplacé en 1997 par un groupe chargé du suivi des mesures proposées. Le rapport précise que la Commission interministérielle pour l'accueil de la communauté timoraise, créée en 1995 a pour mandat la coordination et l'appréciation des propositions visant au développement de politiques intégrées qui favorisent l'accueil et l'insertion de la communauté de Timor au Portugal. «Dans la perspective plus globale de promouvoir l'autodétermination du Timor oriental, le Portugal prête son appui aux Timorais qui cherchent refuge au Portugal». Suite à la dernière campagne de régularisation des immigrants clandestins qui s'est déroulée en 1996, un total de 35082 personnes ont été légalisées dont 9255 de l'Angola, 2330 du Brésil, 6872 du Cap-Vert, 5308 de la Guinée-Bissau, 416 du Mozambique et 1549 de Sao Tomé-et-Principe. Il y avait aussi 1754 Pakistanais et 1608 Chinois.

Actuellement, c'est le Haut-Commissaire pour l'immigration et les minorités ethniques, dépendant de la Présidence du Conseil des Ministres, qui est chargé des questions associées aux problèmes de la discrimination, du racisme et de la xénophobie. Depuis 1985, quelques actions violentes de nature raciste ont été observées, poursuit le rapport. Elles sont essentiellement le fait de skinheads inspirés par une idéologie néo-nazie.

Dans ses conclusions, le rapport souligne que parmi les groupes qui semblent faire l'objet de discrimination raciale, il y a les groupes ethniques traditionnels comme les Tsiganes et les étrangers provenant de pays lusophones, mais aussi de nouveaux groupes, tels les requérants d'asile, qui ne sont pas nombreux. Conscient que les difficultés sur le plan économique touchent surtout les minorités ethniques et les étrangers, le Portugal s'efforce activement de promouvoir l'amélioration des conditions de vie des populations qui sont marginalisées par leur situation ethnique, en vue de faire valoir la solidarité sociale qui est la base de toute société humaine démocratique.


Examen du rapport du Portugal

Le rapporteur pour le rapport du Portugal, M.Ivan Garvalov, a estimé qu'en dépit des modifications apportées à la Constitution portugaise, les normes constitutionnelles ayant trait à la discrimination sont encore trop générales. De plus, certaines dispositions constitutionnelles ne traitent de la discrimination que dans le contexte de l'idéologie fasciste, a regretté M.Garvalov. Le fascisme en lui-même n'est qu'une manifestation du racisme, qui est un phénomène beaucoup plus large, a-t-il souligné. Un doute subsiste quant à l'applicabilité directe de la Convention dans le droit interne portugais, a par ailleurs noté M.Garvalov.

Le rapporteur s'est interrogé sur la distinction qui est faite dans le rapport entre l'insertion des Tsiganes (Gitans) et l'intégration des immigrants. Il a par ailleurs exprimé le malaise que lui inspire la distinction à laquelle le Portugal procède entre étrangers européens citoyens d'un pays membre de l'Union européenne et les autres. Il s'est également demandé pourquoi il ne serait pas possible, sous prétexte qu'elle a cessé d'exister, de déclarer que l'organisation MAN (Mouvement d'action nationale) était une organisation fasciste.


À Macao, la majorité de la population est de langue chinoise: pourtant, les autorités portugaises continuent de ne publier qu'en langue portugaise toute la documentation officielle, a regretté M.Garvalov. Il s'est demandé si la population de Macao avait connaissance de l'existence et des dispositions de la Convention sur toutes les formes de discrimination raciale. M.Garvalov a également fait part d'observations émanant de Minority Rights Group International selon lesquelles les habitants des îles de Madère et des Açores continuent de revendiquer une plus grande autonomie et de critiquer le Gouvernement de Lisbonne. M.Garvalov a souhaité connaître le point de vue du Portugal sur cette question.

Plusieurs membres du Comité se sont réjouis des mesures de régularisation massive d'étrangers prises par le Portugal, notamment en 1996. L'intégration des immigrants régularisés a-t-elle été réussie et une nouvelle campagne de régularisation est-elle envisagée, étant donné que l'on peut supposer que de nouvelles entrées irrégulières se sont produites dans le pays, s'est demandé un membre du Comité?

Il semble que l'État portugais soit fermement décidé à lutter contre la discrimination raciale, a par ailleurs souligné un expert, qui a toutefois jugé inquiétant qu'un tribunal ait aggravé la peine prononcée à l'encontre d'une femme gitane sur la seule base de son appartenance ethnique en arguant que l'ethnie gitane a «une tendance naturelle au trafic de drogue». Certes, la Cour suprême a annulé cette décision mais cela reste inquiétant, ont souligné plusieurs experts, l'un d'entre eux soulignant que cette affaire est révélatrice des stéréotypes qui subsistent encore chez certains juges.

Un membre du Comité a souhaité obtenir davantage de renseignements en ce qui concerne la situation des Tsiganes du point de vue de leur niveau culturel, de leur santé et de leur espérance de vie. Un autre expert s'est inquiété des résultats d'une enquête réalisée auprès de la population estudiantine portugaise et publiée en avril 1996, montrerait que 32% des personnes interrogées expulserait en premier lieu la communauté gitane s'il dépendait d'elles d'expulser quelqu'un du pays. En outre, un sondage réalisé auprès de jeunes âgées de 13 à 18 ans, publié en février 1998, révélerait que 27% des personnes interrogées se sentiraient «mal» si leur voisin était gitan.

Le Portugal envisage-t-il de faire la déclaration au titre de l'article 14 de la Convention, relatif aux communications, a demandé un expert en soulignant que sur les 27 États parties à la Convention qui ont fait cette déclaration, seize sont européens?


La délégation portugaise a indiqué que la Convention internationale sur toutes les formes de discrimination raciale est directement applicable au Portugal. Les traités internationaux ont primauté sur tout autre texte législatif interne, a par ailleurs assuré la délégation.

Répondant à une question de M. Garvalov sur la différence entre insertion des Tsiganes et intégration des immigrés, la délégation a expliqué que l'insertion implique le respect les caractéristiques culturelles de la communauté concernée. Elle a ajouté qu'une exposition itinérante a été organisée avec l'appui du Ministère de la culture pour souligner et valoriser l'apport de la communauté gitane dans tous les aspects de la vie de la société portugaise.

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