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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS AUDITIONNE DES ONG AU SUJET DES PAYS À L'EXAMEN

29 Avril 2008

Comité des droits économiques, sociaux et culturels
28 avril 2008


Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé, cet après-midi, à l'audition d'organisations non gouvernementales, institutions nationales de droits de l'homme et autres institutions internationales concernant la situation des droits économiques, sociaux et culturels en France, en Inde et en Bolivie, pays dont les rapports seront examinés au cours de la présente session.

S'agissant de la France, les interventions ont notamment porté sur l'accès à l'éducation dans les langues régionales et minoritaires; sur la situation des femmes immigrées vivant dans les quartiers populaires; sur l'obligation des États de donner aux inventeurs les bénéfices moraux et matériels de leurs inventions; ou encore sur la pénalisation des mouvements sociaux.

En ce qui concerne l'Inde, les interventions ont porté sur l'importance d'assurer l'accès aux ressources telles que la terre et l'eau; sur l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture; ou encore sur le manque de sécurité sociale généralisée.

Pour ce qui est de la Bolivie, une intervention a évoqué les espoirs placés dans le processus référendaire devant aboutir cette année à l'approbation d'une nouvelle constitution qui favoriserait notamment la réalisation du droit à l'alimentation.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du troisième rapport périodique de la France (E/C.12/FRA/3).


Aperçu des déclarations

Déclarations de portée générale

Un représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a souligné que l'objectif d'éducation primaire universelle d'ici 2015 risque de pâtir d'un ralentissement de l'aide en faveur de l'éducation de la part des pays donateurs. Dans ce contexte, il faut donner un nouvel élan à la réalisation du droit à l'éducation pour tous. Le représentant de l'UNESCO a par ailleurs rendu compte de la septième réunion du Groupe conjoint d'experts UNESCO/Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui s'est tenue au siège de l'UNESCO le 7 décembre dernier.

Un représentant du Centre pour les droits économiques et sociaux a attiré l'attention sur la question de l'utilisation d'indicateurs quantitatifs permettant de suivre la situation des droits économiques et sociaux dans un pays donné. Exposant la démarche que son organisation applique à l'évaluation des obligations minimales d'un État, il a expliqué qu'afin de savoir, par exemple, si l'Inde utilise toutes les ressources nécessaires pour assurer la réalisation du droit à la santé, son organisation s'applique à comparer le taux de croissance et le taux de réduction de la mortalité infantile en Inde avec ceux des autres pays de la région.

Suite à cette dernière intervention, plusieurs membres du Comité ont rappelé que des travaux sont en cours sur d'éventuels indicateurs permettant d'évaluer la situation des droits économiques et sociaux et qu'il serait préférable que les divers acteurs utilisent des indicateurs communs. Un membre du Comité a ajouté qu'il fallait veiller à ce que la situation des droits économiques, sociaux et culturels soit examinée sous l'angle juridique plutôt qu'à travers des chiffres.

Une représentante du Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir (FIAN) a souhaité partager la satisfaction et les espoirs de la société civile au regard des progrès réalisés en ce qui concerne le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dont le texte vient d'être approuvé par le Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme qui était en charge de son élaboration. La représentante a par ailleurs attiré l'attention sur les avancées qui ont été accomplies ces dernières années dans le domaine de la surveillance du droit à une alimentation adéquate. Elle a en outre souligné que si la crise alimentaire qui fait actuellement l'objet de l'attention internationale n'est certes pas un phénomène nouveau, les problèmes structurels qui en sont à l'origine ont été dramatiquement exacerbés par l'impact de l'extension des biocarburants dans le monde. La représentante a invité le Comité à considérer tout particulièrement cette question lors de l'examen des rapports des États parties au Pacte.

France

Une représentante de Ni Putes Ni Soumises a attiré l'attention sur la situation des femmes immigrées ou d'origine immigrée habitant dans les quartiers populaires en France. Elle a fait observer que peu d'actes portés à l'attention de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) portent sur des discriminations de type sexiste. Elle a souligné que les femmes immigrées vivant dans les quartiers populaires sont victimes d'une triple discrimination liée à leur condition de femme, à leur nom et à leur adresse. Être femme et étrangère est aujourd'hui difficile en France, a fortiori lorsque l'on ne maîtrise pas la langue française pour se défendre, a-t-elle insisté. Elle a en outre dénoncé la loi sur les tests ADN, affirmant qu'elle ne fera que soumettre les femmes immigrées à une dépendance supplémentaire et qu'elle est contraire au droit de vivre en famille; aussi, a-t-elle demandé l'abrogation de cette loi. La représentante a par ailleurs rappelé que l'égalité salariale entre hommes et femmes n'est toujours pas une réalité en France. Elle a ajouté que mariages forcés et mutilations génitales sont encore une réalité en Europe.

Un représentant de l'Observatoire des droits linguistiques a fait part de sa déception face aux réponses apportées par la France aux demandes d'informations du Comité concernant les mesures prises par le pays pour assurer l'accès à l'éducation dans les langues régionales et minoritaires. Il a estimé que la France n'avait pas respecté les recommandations que lui avait adressées le Comité à cet égard. Le représentant a rappelé la position du Comité des droits de l'homme selon laquelle l'existence d'une minorité ne dépend pas d'une décision de l'État mais de critères objectifs. Il a en outre attiré l'attention sur la baisse constante du nombre de personnes parlant le basque en France.

Un représentant du Comité français du Bureau européen des langues moins répandues a rappelé que son organisation a été créée en 1984 suite à un vote du Parlement européen en faveur de la diversité linguistique de l'Europe. Évoquant les recommandations adressées à la France s'agissant de ces questions, notamment afin que le pays reconnaisse le droit des minorités à exister, il a affirmé qu'aucune n'a été suivie d'effet. Sur certains aspects, a-t-il concédé, il y a eu quelques avancées, notamment au niveau de l'éducation, où l'on a vu une croissance de l'éducation bilingue; mais cette croissance était surtout due aux efforts de la société civile, a-t-il souligné. Le rapport de la France est caricatural voire risible sous certains aspects, a déclaré le représentant. Il a par ailleurs dénoncé les obstacles auxquels se heurtent les enseignements bilingues.

Un représentant de Tamazgha a évoqué le cas de la langue minoritaire non territoriale berbère, expliquant que cette langue est qualifiée de non territoriale par opposition aux langues régionales qui, elles, sont territoriales. Il a rappelé que son organisation s'efforce de défendre les intérêts des Berbères à travers le monde. En France, où vivent aujourd'hui deux millions de Berbères, les berbérophones ne jouissent d'aucun droit linguistique et culturel. La seule langue proposée en France aux personnes originaires d'Afrique du Nord est l'arabe; ce faisant, la France participe à l'arabisation de ces personnes – et fait ainsi le jeu des États nord-africains à cet égard.

Un représentant de l'Association des Inventeurs de Paris, au nom de plusieurs autres organisations d'inventeurs, a constaté des malentendus, en France, sur l'application de l'article 15 1 c) du Pacte qui reconnaît pourtant l'obligation des États de donner aux inventeurs les bénéfices moraux et matériels de leurs inventions. Il n'y a pas de droits pour les inventeurs; ils subissent le joug des sociétés morales, a dénoncé le représentant.

Un représentant de Bretagne Réunie a dénoncé la non-reconnaissance par l'État français de l'existence de minorités sur son territoire. Il a rappelé que le territoire breton avait lui-même été divisé, la Loire-Atlantique ayant été séparée du reste de la Bretagne en 1941. Il a en outre rappelé qu'en 2002, ont été supprimées sur l'émetteur de télévision régionale FR3 Nantes les émissions en langue bretonne. En 2004, l'option breton au baccalauréat avait disparu, avant d'être, depuis, réintroduite. Les Bretons de Loire-Atlantique sont totalement coupés du reste de la Bretagne pour ce qui est, par exemple, de l'information concernant la Bretagne. Il serait souhaitable que le Comité reconnaisse qu'il y a ici une politique d'assimilation forcée menée par une région administrative contre la volonté des Bretons.

Un représentant de la Plate-forme française pour les droits économiques, sociaux et culturels a indiqué que son organisation a constaté que les pratiques discriminatoires font de plus en plus partie du champ social en France. Il a notamment fait savoir que les ONG et syndicats associés à sa Plate-forme souhaitent qu'il soit mis un terme à la discrimination en fonction du pays d'origine qui intervient en matière de délivrance des permis de travail. Ils souhaitent également que soit consolidé et élargi le socle des prestations sociales de base, en particulier les minima sociaux et le salaire minimum. En ce qui concerne le droit à la santé, les ONG et les syndicats préconisent la suspension des mesures qui remettent en cause la solidarité nationale et limitent l'accès aux soins. Le représentant a dénoncé le caractère de plus en plus répressif de la législation française, qui privilégie le contrôle social au détriment de la prévention. La pénalisation des mouvements sociaux est de plus en plus présente au regard des condamnations de plus en plus lourdes prononcées à l'égard de militants, a-t-il ajouté. Il a dénoncé les conditions de plus en plus restrictives du séjour des étrangers en France, déplorant que la gestion des flux migratoires ait pris le pas sur le devoir de protection.

Inde

Une représentante du Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir (FIAN) a attiré l'attention du Comité sur le rapport relatif au droit à l'alimentation en Inde préparé par son organisation. L'Inde compte 212 millions de personnes mal nourries, a-t-elle souligné. L'accès aux ressources telles que la terre et l'eau est une condition préalable à la survie d'une partie importante de la population indienne, a-t-elle rappelé. Or, cet accès aux ressources est de plus en plus difficile, notamment du fait du développement de zones économiques spéciales. À cet égard, la représentante a dénoncé l'extrême violence qui accompagne l'établissement de ce type de zones spéciales.

Une représentante de 3D -> Three a rappelé que l'objet de son organisation est d'étudier si les règles commerciales sont appliquées de manière conforme aux droits de l'homme. Aussi, a-t-elle attiré l'attention sur l'impact des règles de propriété intellectuelle sur la jouissance des droits de l'homme. À cet égard, elle s'est dite préoccupée par la manière dont les normes de propriété intellectuelle pourraient toucher le droit à l'alimentation. Ces dernières années, l'Inde a de ce point de vue connu des changements de son régime de propriété intellectuelle, s'agissant plus particulièrement des semences génétiquement modifiées, a-t-elle souligné. Elle a souligné qu'un projet de loi sur les semences se trouve actuellement devant le Parlement indien.

Une représentante de People's Collective for Economic, Social and Cultural Rights a rappelé que le chômage, le sous-emploi, la pauvreté et la faim prévalent en Inde. Elle a déploré l'état de la santé publique et de l'éducation en Inde ainsi que le manque de sécurité sociale dans ce pays. Les femmes, les dalits et les populations autochtones figurent parmi les plus pauvres, a-t-elle ajouté. Elle a notamment préconisé que le Gouvernement indien dote le pays d'une législation globale de sécurité sociale pour tous, y compris dans le secteur informel. Il faudrait également prendre des mesures pour réformer les dispositions discriminatoires des lois personnelles.

Un représentant de Naudanya a demandé l'aide du Comité pour protéger les vies et droits des agriculteurs indiens et des membres de leur famille. Il a affirmé que l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture a provoqué quelque 200 000 suicides parmi les agriculteurs indiens, acculés à s'endetter pour se fournir en semences génétiquement modifiées particulièrement chères. L'Inde est à cet égard l'un des pays les plus touchés puisqu'il s'agit du quatrième producteur mondial d'OGM, en particulier pour ce qui est du coton Bt, a souligné le représentant.

Bolivie

Une représentante du Réseau d'information et d'action pour le droit à se nourrir (FIAN) a rappelé que le 14 décembre 2007, l'Assemblée constituante de Bolivie a soumis au Parlement un projet de Constitution qui doit être soumis à référendum cette année. Elle a rappelé que l'une des raisons qui avait présidé aux mouvements sociaux qui soutiennent aujourd'hui l'adoption d'une nouvelle constitution avait été l'absence de politique de développement économique incluant les secteurs vulnérables du pays. Les indicateurs montrent que la malnutrition chronique des enfants de moins de deux ans a augmenté en Bolivie entre 2003 et 2007, a indiqué la représentante. Elle a reconnu la volonté du Gouvernement bolivien actuel de réaliser le droit à l'alimentation, mais a souligné l'accomplissement de cet objectif dépendra du succès du référendum sur la nouvelle constitution. Elle a en outre insisté sur la nécessité de protéger les Boliviens des effets pervers que les monocultures peuvent avoir sur leur vie.

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