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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME POURSUIT SON DÉBAT SUR LES DROITS ÉCONOMIQUES SOCIAUX ET CULTURELS

03 Avril 2001



Commission des droits de l'homme
57ème session
3 avril 2001
Soir




Plusieurs organisations non gouvernementales appellent à la
possibilité de plaintes individuelles
pour violation de droits économiques, sociaux ou culturels




La Commission des droits de l'homme a poursuivi ce soir son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels en entendant une trentaine d'organisations non gouvernementales.

De nombreux intervenants ont plaidé pour l'adoption d'un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et demandé que soit étudiée la possibilité de mettre en place un instrument international permettant aux individus et aux groupes de déposer des plaintes auprès du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour violation de l'un ou de plusieurs de ces droits. Certains ont demandé la création d'un groupe de travail qui serait chargé de rédiger ce texte.

Les organisations non gouvernementales ont souligné l'importance d'assurer en particulier la réalisation des droits à la santé, à l'éducation, à l'alimentation et au logement. Dans cette optique, elles ont insisté sur la nécessité de lutter contre la pauvreté, en particulier par l'allégement de la dette extérieure, afin de garantir ces droits.

La situation des droits économiques, sociaux et culturels dans diverses régions du monde a été évoquée par plusieurs organisations non gouvernementales qui ont exprimé leur vive préoccupation. L'impact de questions telles que l'occupation étrangère, le terrorisme, l'utilisation d'armes à l'uranium appauvri ou la culture des organismes génétiquement modifiés sur la réalisations des droits économiques, sociaux et culturels a également été abordée.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole: Association américaine de juristes, Earthjustice Legal Defense Fund, Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques, Organisation mondiale contre la torture, Pax Christi international, Fédération internationale Terres des hommes, Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies, Alliance internationale d'aide à l'enfance, Organisation du baccalauréat international, Mouvement international ATD quart-monde, Asian Legal Resource Centre, Alliance internationale des femmes - droits égaux, responsabilités égales, Center for Economic and Social Rights, Fédération internationale des ligues des droits de l'nomme, International Educational Developement, Fédération des femmes cubaines, Rural Reconstruction Nepal, International Human Rgihts Association of American Minorities, Union internationale de la jeunesse socialiste, Parti radical transnational, Fédération démocratique internationale des femmes, Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes, Commission internationale de juristes, Indian Council of Education, Institut international de la paix, Commission andine de juristes, European Union of Public Relations, International Institute for non-aligned Studies, Organization for defending victims of violence.

La commission devrait achever son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels demain, à partir de 10 heures. Elle devrait également entendre dans le cadre de l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques, la présentation du rapport de M. Nigel Rodley, Rapporteur spécial sur la torture, concernant sa mission au Brésil.

Suite du débat sur les droits économiques, sociaux et culturels

M. JAIRO SÁNCHEZ (Association américaine de juristes) a déclaré que les politiques néolibérales et les structures antidémocratiques du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale du commerce, ainsi que la position dominante qu'occupent les grandes sociétés transnationales constituent les principaux obstacles à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il y a quelques semaines, a-t-il rappelé, les États-Unis ont déposé devant l'OMC une plainte contre le Brésil parce que ce pays fabriquait des médicaments génériques contre le sida sans autorisation des monopoles transnationaux. L'éventualité de voir le Brésil obtenir une décision favorable de l'OMC est très mince si l'on en juge par une décision antérieure de l'Organe d'appel de l'OMC qui s'est en effet déjà prononcé contre l'Inde dans le cadre d'une plainte similaire déposée par les États-Unis et appuyée par l'Union européenne. Pour l'OMC, il ne fait aucun doute que la préservation des bénéfices exorbitants des entreprises transnationales pharmaceutiques passe avant le droit à la santé et à la vie des citoyens ordinaires. C'est la même philosophie qui a amené 39 sociétés transnationales pharmaceutiques à engager des poursuites contre l'Afrique du Sud devant les tribunaux de Prétoria en raison de la loi sud-africaine qui autorise la fabrication de médicaments génériques, notamment contre le sida.

M. FRANCISCO DE PAULA OLIVA ALONSO (Earthjustice Legal Defense Fund, au nom également d'une autre ONG) a témoigné au nom des victimes de la communauté Rincón-I, au Paraguay, qui a été victime de déchets toxiques déposés dans leur voisinage par l'entreprise Delta and Pine Inc., des États-Unis. Ces produits étaient dans des sacs sur lesquels il y avait écrit en anglais qu'il ne fallait pas les ouvrir car le produit pouvait être cancérigène. Il a fallu retirer les semences contaminées, dépolluer la région, fournir un traitement médical à ceux qui avaient été touchés, et indemniser comme il convient les victimes. Les droits fondamentaux de la communauté de Rincón-I ont été violés en toute impunité. Il y a encore des stigmates de cette contamination dans la région. La population n'a jamais été aidée par le gouvernement. Pour ce qui est de la destruction de la nature et des violations des droits des habitants de Rincón-I, la compagnie Delta Pine Inc. est responsable. Ce cas illustre de façon dramatique la façon dont sont foulés au pied les droits fondamentaux des populations des pays en développement lorsque les déchets toxiques sont stockés sans contrôle. Cela peut provoquer de véritables désastres. Il ne faut pas que les pays en développement deviennent les poubelles du monde développé.

M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques) a remis en cause la nécessité des organismes génétiquement modifiés (OGM) et souligné les risques qui leur sont attachés. À cet égard, il a pressé les États d'agir pour que le protocole de biosécurité soit rapidement signé par tous les États; qu'un moratoire du commerce international OGM soit institué; que soit définie la responsabilité des producteurs et des exportateurs d'OGM; qu'un étiquetage complet et informatif soit obligatoire afin de signaler les produits contenant des OGM; que la souveraineté alimentaire soit reconnue comme un véritable droit et garantisse le libre choix des pays à produire, consommer, à refuser les importations d'OGM et à assurer leur sécurité alimentaire; enfin, que les règles définies par le protocole pour le commerce international des OGM prévalent sur les règles de l'OMC.

MME NATHALIE MIVELAZ (Organisation mondiale contre la torture, OMCT) a attiré l'attention de la Commission sur le niveau de violence que subissent au Brésil les paysans sans terre, dont certains se sont regroupés au sein du Mouvement Sans Terre. Le conflit rural opposant les paysans sans terre à l'État brésilien et aux grands propriétaires terriens témoigne d'une situation où la pauvreté rurale, le sous-développement et la forte concentration des terres s'accompagnent de violations graves et répétées des droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que des droits civils et politiques. L'OMCT est en outre très préoccupée par la situation des populations tribales en Inde, s'agissant plus particulièrement de la réponse violente que le Gouvernement indien apporte aux demandes agraires de ces populations qui revendiquent leurs droits économiques, sociaux et culturels. À cet égard, l'OMCT est gravement préoccupée par la mise en oeuvre, dans le district de Ranchi (État du Jharkhand), du projet hydroélectrique Koel-Karo. L'OMCT reste en outre très préoccupée par les conséquences néfastes de la libéralisation, de la privatisation et de la déréglementation sur les conditions de travail aux Philippines où, à titre d'exemple, les travailleurs d'une société japonaise - la Yokohama Tires Phils - opérant dans la zone économique spéciale de Clark, sont confrontés à des violations régulières de leurs droits du travail et de leurs droits de l'homme. Il est impératif que la Commission insiste sur l'impérieuse nécessité d'adopter un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.


MME JULIA STUCKEY (Pax Christi international) a déclaré que son organisation a oeuvré depuis plus de 50 ans pour la paix et la justice sociale. Elle a regretté de devoir constater qu'il y a un recul concernant la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels dans le monde. Elle s'est félicitée de la rédaction d'un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elle a toutefois estimé que des recherches doivent encore être menées pour déterminer, notamment, les situations spécifiques de violation de ces droits qui devront être prises en compte par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. La représentante s'est par ailleurs félicitée du travail effectué par les rapporteurs spéciaux chargés des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels. Mme Stuckey a notamment estimé que l'accès à un travail décent doit être une priorité. Les conditions de travail restent précaires pour des millions de personnes. La représentant a souligné que les conséquences négatives de la dette extérieure ont été largement dénoncées et qu'il est besoin d'annuler sans plus attendre la dette des pays très fortement endettés. La privatisation des services sociaux de base, qui se fait au nom de critères d'efficacité, doit être condamnée. Les citoyens ne doivent pas être considérés comme des clients dont les droits dépendent de leur pouvoir d'achat. Le représentant a souhaité qu'il y ait une plus grande mobilisation des ressources et de l'aide publique au développement. Il est nécessaire de prendre les mesures permettant de créer des sociétés réellement démocratiques qui permettront de garantir la paix et la stabilité dans le monde.

MME MARIBEL WOLF (Fédération internationale Terre des Hommes) a attiré l'attention de la Commission sur la situation des droits économiques, sociaux et culturels au Brésil, citant un rapport établi par près de 2000 organisations réparties à travers le pays. Elle a souligné en particulier le fait que les 20% les plus riches contrôlent 64% des richesses nationales, tandis que 20% survivent avec seulement 2,2%; que 7% des enfants brésiliens souffrent de malnutrition; que le budget de l'État pour l'éducation diminue, que la population afro-brésilienne est la plus pauvre du pays. Ce rapport montre que les choix politiques des responsables du gouvernement que ce soit au niveau fédéral ou à celui des États, se font en faveur de restrictions des budgets sociaux, de la politique de privatisation, du renforcement des marchés au détriment de l'économie locale. Trop souvent ces choix ne respectent pas les législations internes des pays qui bien qu'insuffisantes ne sont même pas appliquées. La Fédération internationale Terre des Hommes, recommande à la Commission de rappeler aux États qu'il devraient communiquer au Haut-Commissariat leurs observations sur le projet de protocole et sollicite la création d'un groupe de travail pour examiner la possibilité de la mise en place d'instruments internationaux de recours en vue de faire avancer la situation des droits économiques, sociaux et culturels.

M. L.H. HORACE-PERERA (Fédération mondiale des associations pour les Nations Unies) a insisté sur la nécessité pour la communauté internationale de s'impliquer davantage dans la coopération avec les dirigeants des pays d'Afrique sub-saharienne afin de faire en sorte que les 600 millions d'habitants de cette région - dont 50% vivent avec 65 cents par jour - jouissent pleinement de leurs droits. Il a également plaidé en faveur d'une accélération de l'application des mesures visant à lever les barrières commerciales décidées par l'Union européenne, en particulier pour ce qui est des produits textiles et agricoles. En effet, le libre accès de ces produits aux marchés occidentaux entraînerait pour l'Afrique une croissance qui lui rapporterait des milliards de dollars chaque année. Il conviendrait en outre d'accroître le montant de l'aide publique au développement en faveur de ces pays et de les aider à éradiquer des épidémies ou pandémies telles que celles de la malaria, de la tuberculose et du sida. De leur côté, les dirigeants et les peuples africains se doivent de restaurer et de maintenir la stabilité chez eux; d'y assurer la primauté du droit et d'utiliser les recettes de l'allégement de la dette à la réduction de la pauvreté et à l'amélioration des infrastructures, tout en éliminant la corruption.

M. KENNETH MELIN (Alliance internationale d'aide à l'enfance) a insisté sur l'impact des politiques budgétaires gouvernementales sur les enfants. Les États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels devraient indiquer clairement lorsqu'elles adoptent leur budget national et local quelles sont leurs priorités. Il est nécessaire d'avoir un processus budgétaire transparent. Il faut une réelle coopération entre ceux qui s'occupent des enfants et ceux qui prennent des décisions budgétaires. L' Alliance internationale d'aide à l'enfance a participé à des analyses devant être utilisées lors de l'élaboration de budgets de plusieurs États. Elle a ainsi participé à des analyses sur El Salvador, l'Éthiopie, la Palestine, le Pérou, l'Afrique du Sud, et le Viet Nam. L'étude établie par l'Alliance internationale d'aide à l'enfance sur le Pérou porte son attention sur les groupes marginalisés. Le représentant a précisé que l'on a manqué d'informations sur le budget alloué aux enfants. Il a évoqué les effets négatifs sur les enfants des réductions budgétaires tant au niveau national que local. On est loin de connaître une situation idéale. Les budgets devraient être transparents et accessibles à l'opinion et à ceux qui sont responsables des enfants. Des analyses doivent expliquer comment les budgets se traduisent pour ce qui est des programmes destinés aux enfants. Il faut faire en sorte que les enfants marginalisés bénéficient vraiment des ressources dont ils ont besoin.

MME RUTH BONNER (Organisation du baccalauréat international) a estimé que dans le monde actuel, qui compte tant de réfugiés, d'enfants de migrants et surtout des millions d'orphelins dans le monde en développement, la méthode d'éducation pluriculturelle, plurilinguistique et ouverte aux valeurs humanistes et sur le monde en général peut être bénéfique. Elle a souhaité que dans la perspective du plan de l'UNESCO pour un éducation primaire gratuite et obligatoire pour tous, la philosophie du programme de Baccalauréat international sera introduit dans un plus grand nombre d'écoles publiques dans le monde. Elle a donné deux exemples de bonnes pratiques des écoles du BI qui ont aidé la population locale à améliorer leurs conditions de vie: en Inde et dans l'État de Géorgie aux États-Unis. Elle a demandé aux États membres d'aider à diffuser cette éducation de compréhension mutuelle et de respect dans plus de pays pour que les générations futures connaissent la paix et la sécurité.

M. A. REDEGELT (Mouvement international ATD quart-monde) a estimé qu'une déclaration sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté serait un outil important entre les mains des plus pauvres et de ceux qui les soutiennent pour se libérer de la misère et exercer leurs droits fondamentaux. Il a également estimé que la communauté internationale devrait déclarer sans ambiguïté que les conditions de grande pauvreté constituent une violation de l'ensemble des droits de l'homme. Les textes existants ne font pas référence directement à la grande pauvreté, a-t-il déploré. Ils sont trop généraux et ne font pas ressortir les situations les plus critiques. En ce qui concerne la question de la définition de la grande pauvreté, il a déclaré qu'elle représente un cumul persistant de précarités dans différents domaines qui s'enchaînent et se renforcent mutuellement. Ce processus conduit à un état où l'ensemble des droits de l'homme est nié et la dignité humaine profondément bafouée.

M. SANJEEWA LIYANAGE (Asian Legal Resource Centre) a dénoncé le Gouvernement du Myanmar qui continue à dénier le droit à l'alimentation de sa population civile. Le représentant s'est félicité du rapport établi par le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation. Le Gouvernement du Myanmar ne s'inquiète pas de ses obligations en matière de droit à l'alimentation et de droit au travail. Il viole constamment les droits internationaux fondamentaux. Les forces armées du Myanmar détruisent les stocks alimentaires et les récoltes et sont responsables des déplacements de la population civile. Le droit à l'alimentation est universel et fondamental. La situation en ce qui concerne la sécurité alimentaire au Myanmar est inquiétante. L'ALRC demande qu'une Commission internationale soit crée pour examiner la crise alimentaire au Myanmar. Le représentant a évoqué la situation alarmante des enfants au Cambodge. Le système médical est corrompu et le public ne fait confiance ni aux médecins ni aux hôpitaux. Le Gouvernement cambodgien ne prend pas les mesures administratives et judiciaires nécessaires pour changer la situation. La communauté internationale doit s'assurer que la population cambodgienne bénéficie du droit à la santé. Le représentant a évoqué les problèmes des habitants de Sri Lanka s'agissant de l'accès à l'eau. L'eau est disponible pour les grandes compagnies et les hôtels mais les citoyens et les pauvres n'y ont pas toujours accès. Il faut absolument qu'il y ait une distribution équitable de l'eau.

MME JESSIKA KEHL-LAUFF (Alliance internationale des femmes - droits égaux, responsabilités égales) s'est associée au Rapporteur spécial sur le droit au logement s'agissant de la nécessité de mettre l'accent sur la discrimination dont sont victimes les femmes dans le domaine du logement et du droit à la terre. En effet, l'absence de droit à la terre ou à la propriété est avec les problèmes de violence, la première cause de la féminisation de la pauvreté et, en particulier dans les zones rurales, un des risques les exposant à l'extrême pauvreté. En conséquence, elle a encouragé l'établissement d'un contact étroit entre le Rapporteur spécial sur le droit au logement et l'Experte indépendante sur l'extrême pauvreté afin qu'ils donnent un conseil technique, non seulement aux gouvernements, mais aussi aux organisations internationales et nationales qui oeuvrent pour le développement social et économique. Elle a également exprimé son ferme soutien à la résolution qui sera proposée par le Mexique dans le cadre du point 18 sur le droit des femmes de posséder, accéder et contrôler la terre et le droit égal à la propriété et à un logement adéquat.

MME JUANA KWEITEL (Center for Economic and Social Rights) a exhorté la Commission à recommander la création d'un groupe de travail à composition non limitée qui serait chargé de rédiger un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, prévoyant la soumission de plaintes pour violation de ces droits. Elle a également demandé à la Commission d'apporter son appui aux résolutions qui seront présentées par le Mexique, s'agissant du droit des femmes à la propriété et au logement; par l'Allemagne, s'agissant du droit à un logement convenable; par Cuba, s'agissant du droit à l'alimentation; et par la France, s'agissant de l'extrême pauvreté et les droits de l'homme.

M. BÉATRICE LAROCHE (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a évoqué la prochaine Conférence ministérielle de l'OMC qui va se dérouler en novembre 2001 à Doha (Qatar). La FIDH rappelle que la quasi-totalité des États qui seront présents à Doha ont ratifié les traités internationaux en matière de droits de l'homme. Au sein de l'OMC, les droits de l'homme sont toujours perçus comme autant d'entraves à la libéralisation des échanges ou de protectionnisme déguisé. Ces droits ne sont appréhendés qu'au travers du prisme de la facilitation ou au contraire du blocage de la libéralisation des échanges. Jusqu'à présent, ce n'est pas le commerce qui a dû s'adapter aux droits fondamentaux de la personne, mais l'inverse. La FIDH dénonce la schizophrénie des États qui, d'un côté, ratifient les traités internationaux en matière de droits de l'homme et de l'autre, au sein d'enceintes de négociation commerciale comme l'OMC par exemple, prennent des engagements qui mettent en péril la jouissance de droits fondamentaux qu'ils ont pourtant l'obligation de protéger et de mettre en oeuvre, comme le droit à l'éducation, le droit à la santé ou encore le droit de bénéficier des progrès scientifiques. Les négociations qui se dérouleront à Doha constituent une occasion importante pour les États d'être cohérents dans leurs engagements internationaux en respectant le principe de primauté du droit international des droits de l'homme sur tout autre traité, notamment commercial. La FIDH demande à la Commission d'envoyer un message clair à l'OMC et à ses États membres afin que ces négociations ne consacrent pas la primauté de la *loi du marché+ au détriment des valeurs communes de l'humanité, et notamment du respect des droits humains pour tous.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a condamné la destruction par les Taliban, en Afghanistan, de statues qui faisaient partie de l'héritage culturel mondial. Dans le même temps, elle a exhorté la communauté internationale à répondre aux violations des droits économiques, sociaux et culturels du peuple afghan. Elle a en outre exprimé son soutien à l'initiative en faveur de l'environnement et des droits de l'homme et demandé le renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale sur les déchets toxiques. La représentante a en outre évoqué le régime de sanctions contre l'Iraq et la catastrophe sanitaire provoquée par l'utilisation d'uranium appauvri en Iraq, estimant que c'était là un crime international. Elle a rendu hommage aux cadres des Nations Unies qui ont démissionné en protestation et aux pays qui commencent à élever la voix, elle a condamné ceux qui se taisent. Elle a également demandé que les Rapporteurs spéciaux sur le droit à l'alimentation et sur les déchets toxiques examinent la situation. Elle a imploré la communauté internationale, au nom de l'humanité, d'appeler à une levée immédiate des sanctions contre l'Iraq.

MME M.A.S. CALDERÍN (Fédération des femmes cubaines) a rappelé que selon l'Organisation mondiale de la santé, 500 000 femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse. Or, en dépit du blocus économique et des manoeuvres politiques, diplomatiques, subversives et terroristes qui lui sont imposés par les États-Unis, Cuba peut se prévaloir d'indices de santé qui n'ont rien à envier à ceux des pays développés. En 2000, 99,9% des naissances à Cuba sont intervenues dans des institutions de santé, a-t-elle fait valoir. Peu de pays auraient pu, comme Cuba, résister à des conditions aussi difficiles que celles que lui imposait l'embargo unilatéralement décrété par les États-Unis. Mais à Cuba, le peuple est resté confiant car c'est lui le premier destinataire et bénéficiaire du programme social du pays.

M. S.K. PRADHAN (Rural Reconstruction Nepal) a fait part de son inquiétude au sujet de la situation des droits économiques, sociaux et culturels au Bhoutan, notamment au Bhoutan du Sud. Le Bhoutan est une société multi-ethnique, multi-raciale, multi-culturelle et multi-linguistique. Après 1988, les politiques libérales ont changé. Le Gouvernement royal a pris des mesures pour obliger les non-bouddhistes à adopter un code culturel bouddhiste. L'ordre royal a demandé que les citoyens aient une seule langue et une seule culture, quelle que soit leur diversité ethnique et leur origine culturelle. La langue et la culture des habitants du Bhoutan du Sud ont été bannis. M. Pradhan s'est déclaré inquiet au sujet des réfugiés bhoutanais. La communauté internationale devrait prendre des mesures pour protéger les droits des bhoutanais du Sud ainsi que les droits des réfugiés bhoutanais.

M. MUHAMMAD SHOAIB (International Human Rights Association of American Minorities) a indiqué que depuis la signature de l'accord de paix au Guatemala, il y a eu peu voire pas d'amélioration des conditions de vie de la population dont les droits économiques et sociaux continuent d'être ignorés alors que la grande majorité des fonds en provenance de la communauté européenne et d'autres au titre de l'aide n'atteint pas ceux qui y ont droit. La promotion et la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels ne peut se faire sans répondre à ces violations. Toutefois, a indiqué le représentant, la Commission doit répondre en priorité à la forme de violation la plus grave, celle qui résulte de l'occupation étrangère. À cet égard, il a évoqué la politique du Gouvernement indien à l'encontre du peuple Cachemirien. La Commission doit se prononcer sur ces questions et l'interdépendance des droits de l'homme doit devenir la pierre angulaire des efforts visant à promouvoir et protéger les droits de l'homme.

MME TSERING JAMPA (Union internationale de la jeunesse socialiste) a déclaré qu'en dépit des prétentions de la Chine qui affirme qu'elle est parvenue à réduire la pauvreté et la faim dans le pays, de nombreuses indications laissent penser qu'au Tibet, les questions de pauvreté et de subsistance dominent le quotidien de la population. Le Tibet reste l'une des régions les plus pauvres de la planète en dépit des millions de yuan que la Chine a déversés sur ce territoire ces cinquante dernières années. Si l'on observe bien, on peut discerner la véritable stratégie de développement de la Chine qui consiste en fait à injecter au Tibet des subsides de l'État pour se prévaloir de succès dans le développement économiques de la région.

M. WEI JINGSHENG (Parti radical transnational) a déclaré que l'importance des droits économiques, sociaux et culturels est souvent soulignée dans les régimes totalitaires afin de masquer le fait que les droits de l'homme ne sont pas respectés. Ainsi le Gouvernement chinois évoque le droit au développement afin de l'utiliser comme une excuse pour limiter la possibilité pour la population chinoise de critiquer les restrictions de leurs droits fondamentaux. En Chine, on a vu quelles sont les raisons de la croissance économique. Il y a 20 ans, le programme de réforme qui a été mis en place a échoué, a souligné M. Wei. Une très petite minorité de chinois a profité de cette réforme. Plus de 400 millions de chinois peuvent être considérés comme extrêmement pauvres. Le régime communiste ne respecte pas les droits des agriculteurs. Les agriculteurs ont des revenus faibles. Des impôts exorbitants sont prélevés auprès des communautés rurales. M. Wei a dénoncé ceux qui s'approprient les ressources pour rester au pouvoir. Il y a des milliers de chinois qui sont emprisonnés. Le Gouvernement chinois continue d'adopter des politiques qui entravent non seulement les droits politiques et civils de la population mais également leurs droits économiques, sociaux et culturels.

MME DORA CARCANO (Fédération démocratique internationale des femmes) a estimé que la crise économique actuelle, les programmes d'ajustements structurels, la mondialisation néo-libérale et les conditions imposées par le FMI ont une répercussion sur les services sociaux tels que la santé et l'éducation que les gouvernements sont sensés assurer. Elle a indiqué que, dans son pays, les droits sociaux et culturels sont garantis à tous sans distinction de race, de sexe ou de préférence idéologique, religieuse ou sexuelle. Si l'on tient compte du fait que ce pays est depuis plus de 40 ans victime d'un blocus de la part de la plus grande puissance du monde, cela est un effort doublement méritoire. Comment Cuba, qui a été un exemple d'engagement politique en faveur de la santé, de l'éducation et de l'équité peut-il être condamné pour violations des droits de l'homme, a-t-elle demandé. Mme Carcano a d'autre part déploré l'accès insuffisant, dans le monde, à l'éducation et à la santé, en particulier pour les femmes.

M. RIYAZ PUJABI (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a estimé que le principal défi lancé à la réalisation des droits sociaux et culturels réside dans les tentatives d'homogénéiser les sociétés sur la base de la religion. Étant donné l'interdépendance et l'indivisibilité des droits de l'homme, la mise en place d'une procédure de plainte pour violation des droits économiques, sociaux et culturels, de nature non contraignante, serait grandement nécessaire. Relevant que les droits culturels ont été relégués au dernier rang des préoccupations liées au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le représentant a estimé qu'il serait bon que la Commission se penche sur cet aspect des choses.

MME NATHALIE PROUVEZ (Commission internationale de juristes) a estimé qu'il est prioritaire de chercher à renforcer les droits économiques, sociaux et culturels qui font partie intégrante des droits de l'homme. La représentante a évoqué l'atelier sur les droits économiques, sociaux et culturels qui s'est tenu à Genève du 5 au 6 février 2001. Les experts ont pu examiner le projet de protocole facultatif au Pacte des droits économiques, sociaux et culturels. Il a été possible de déterminer clairement les conséquences normatives et les besoins opérationnels du protocole. Les experts n'ont pu trouver aucune justification de bloquer l'adoption du protocole qui, par définition, est facultatif. Mme Prouvez s'est félicitée du niveau élevé de participation à l'atelier et a déclaré que c'est maintenant à la Commission de décider quelle serait la prochaine étape.

M. ASHOK BHAN (Indian Council of Education) a exprimé sa vive inquiétude face à l'émergence de groupes fondamentalistes religieux puritains qui imposent leurs normes sociales contre la volonté collective de la société dans son ensemble. Il a en particulier évoqué la situation au Jammu-et-Cachemire où les droits économiques, sociaux et culturels ont été systématiquement violés par les groupes fondamentalistes et terroristes pakistanais. Il a attiré l'attention sur le recrutement dans les écoles publiques du Pakistan de jeunes garçons par ces groupes terroristes sans que le gouvernement s'en émeuve, signe de son soutien tacite au terrorisme. M. Bhan a en particulier souligné les violences contre les femmes et les filles qui ne veulent pas porter le voile, les conséquences négatives sur le tourisme et l'artisanat qui étaient les principales ressources du Jammu-et-Cachemire et qui ont provoqué paupérisation et exode des populations. L'origine du problème réside dans la culture des madrasas du Pakistan et de l'Afghanistan qui a généré les Taliban et se propage à présent non seulement au Jammu-et-Cachemire, mais aussi en Tchétchénie, dans la province chinoise du Xinjiang ou aux Philippines. M. Bhan a demandé à la Commission d'établir un groupe de travail séparé pour étudier le fonctionnement de ces madrasas et faire pression sur le Gouvernement pakistanais pour qu'il ferme celles qui enseignent la terreur et la haine contre les autres sociétés.

M. MOHAMMAD MUMTAZ KHAN (Institut international de la paix) a souhaité que s'engage une profonde réflexion sur les raisons pour lesquelles le message de l'Islam a été déformé à tel point qu'il puisse être utilisé comme prétexte pour dénier à des populations entières les droits les plus fondamentaux. Il a pour sa part estimé que cela est dû au fait que l'on recherche parfois à défendre à tout prix une série d'actions sociales, économiques et politiques perçues - à tort ou à raison - comme islamiques. *Défendre l'indéfendable mène souvent à une cruelle perte de crédibilité+, a déclaré le représentant. Il faut laisser l'Islam être source d'inspiration pour l'avenir en puisant dans son passé glorieux mais ne le laissons pas répliquer les conditions de vie du passé alors que le monde a progressé, a-t-il insisté. Il a dénoncé la manière dont la société pakistanaise a été transformée en affirmant que les pères fondateurs du pays s'en retourneraient dans leur tombe s'ils voyaient les mesures qui ont été prises dans le pays, notamment en ce qui concerne les Ahmediyas, qui ont été déclarés non musulmans et privés de leur droit de professer leur foi en public; la promulgation des lois sur le blasphème; la mise en place de tribunaux de la chari'a ayant pouvoir de revenir sur tout droit politique, économique, social ou culturel déjà accordé à la société pakistanaise. En outre, a poursuivi le représentant, les Cachemiriens au Pakistan sont ceux qui subissent le sort le plus atroce puisqu'ils se voient priver de tout droit de se développer.

M. RENZO CHIRI MÁRQUEZ (Commission andine de juristes) a évoqué le Plan adopté par la Colombie et ses répercussions sur le peuple colombien. La Colombie connaît une crise importante. La violence en Colombie est ancienne mais elle est également amplifiée année après année. Il est encourageant de voir que le gouvernement et la guérilla ont souhaité un accord de paix. Cependant, la situation des droits de l'homme en Colombie reste inquiétante. Il faut que des mesures soient prises afin de protéger les droits des populations autochtones et indigènes. Le représentant a évoqué les problèmes du déplacement des personnes à l'intérieur de la Colombie qui sont imputables aux conflits armés. Il est préoccupant de voir que la politique du gouvernement ne garantit pas les droits économiques, sociaux et culturels de l'ensemble de la population. L'État est incapable de donner des services de base à la population déplacée, dont une partie se réfugie dans d'autres pays. Le problème des personnes déplacées devient alors un problème régional. La Colombie doit honorer pleinement ses obligations internationales en matière de droits de l'homme.

MME JUANITA OLIVER (European Union of Public Relations) a estimé que chaque coup de feu tiré sur les statues des Bouddhas d'Afghanistan était une balle contre le droit d'un peuple à son héritage culturel. Ces destructions sont une manifestation de plus de l'idéologie des Taliban, nourris au Pakistan et soutenus par les éléments les plus obscurantistes pakistanais. Des pratiques moyenâgeuses fondées sur des visions déformées de la religion ou des idées de supériorité raciale créent un environnement où la discrimination et les violations des droits économiques, sociaux et culturels qui en découlent sont omniprésents. La négation du droit à la pratique religieuse d'un individu ou d'un groupe crée une mentalité de ghetto, l'imposition d'une idéologie étrangère représente une menace pour les droits économiques, sociaux et culturels de ce groupe, a souligné la représentante. Le terrorisme, fondé sur des croyances obscures et fondamentalistes, représente un nouvelle menace et il faut un effort mondial concerté pour répondre de façon efficace aux déprédations des groupes terroristes, a estimé Mme Oliver.

M. HARISH GUPTA (International Institute for Non Aligned Studies) a jugé regrettable et préjudiciable la fracture qui persiste entre l'importance accordée aux droits économiques, sociaux et culturels, d'une part, et celle accordée aux droits civils et politiques, de l'autre. Il ne fait aucun doute que la crise que connaissent les pays asiatiques n'a pas été abordée comme il fallait, notamment en ce qui concerne les aspects de cette crise qui sont liés à la dette. Il va sans dire que cette observation vaut pour l'Afrique. La Commission devrait en outre demander l'interdiction immédiate de toute assistance militaire aux gouvernements non démocratiques. Les projets d'investissement tels que l'exploitation des mines, notamment, menés dans nombre de pays en développement ont eu de fâcheuses conséquences sur l'environnement et les droits de l'homme des populations locales directement concernées, a rappelé le représentant. La Commission devrait exhorter les pays qui ne l'ont pas encore fait à ratifier le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à incorporer les dispositions de cet instrument dans leur droit interne. Chaque pays du monde devrait en outre s'efforcer de garantir à ses citoyens les droits fondamentaux à l'alimentation, à l'éducation et à la santé.

M. YADOLLAH MOHAMMADI TEHRANI (Organization for defending victims of violence) a estimé que la mondialisation contribue à agrandir le fossé entre le Nord et le Sud. Les pays en développement continuent de perdre dans le processus de la mondialisation. Le représentant a évoqué certains aspects négatifs et violents de la mondialisation comme le trafic des femmes, le trafic de drogues et le terrorisme international. Le représentant a demandé à la Commission de désigner un Rapporteur spécial sur la mondialisation et sur la pleine jouissance de tous les droits de l'homme. La mondialisation a des effets néfastes sur l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels. Les frontières économiques doivent disparaître et le capital doit pouvoir se déplacer plus librement dans le monde. M. Mohammadi a déclaré qu'il fallait éviter que le monde devienne instable en empêchant les pays pauvres de développer leur économie et garantir les droits économiques, sociaux et culturels de leur population. Le représentant a évoqué le rôle central de l'éducation. Les pays en développement doivent pouvoir jouir d'une main d'oeuvre qualifiée formée qui leur permettra de se développer, a par ailleurs souligné M. Mohammadi.




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