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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ACHEVE SON DEBAT SUR LE RACISME ET LA DISCRIMINATION RACIALE

22 Mars 2002



Commission des droits de l'homme
58ème session
22 mars 2002
Après-midi



Elle entend une déclaration du
Ministre des affaires étrangères de l'Arménie



La Commission des droits de l'homme a achevé, cet après-midi, son débat sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes de discrimination en entendant, notamment, les déclarations de près d'une trentaine d'organisations non gouvernementales. Elle a également entendu une déclaration du Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, M. Vartan Oskanyan, qui a notamment souligné que l'Arménie est en train d'œuvrer à l'abolition de la peine de mort, qui n'a en fait jamais été invoqué depuis l'indépendance.
Après avoir rappelé que son pays n'a pas de relations avec la Turquie, M. Oskanyan a affirmé que si le crime de génocide était une tragédie nationale au siècle dernier, persister à nier le génocide dans ce siècle constitue une menace pour la paix et la coopération internationale. Il a par ailleurs demandé à l'Azerbaïdjan de reconnaître que les Arméniens du Nagorno-Karabagh ne vont pas devenir Azerbaïdjanais contre leur volonté.
Cet après-midi, nombre d'intervenants ont salué les résultats obtenus à la Conférence mondiale contre le racisme qui s'est tenue à Durban (Afrique du Sud) l'an dernier et ont plaidé en faveur d'une mise en œuvre des mesures préconisées dans la Déclaration et le Programme d'action adoptés à l'issue de cette Conférence. L'attention a maintes fois été attirée sur les discriminations dont sont victimes des groupes particulièrement vulnérables tels que les populations autochtones, les minorités et les réfugiés.
Certains ont attiré l'attention de la Commission sur des questions qui n'ont pas été résolues par la Conférence de Durban et sur lesquelles les gouvernements devraient, selon eux, se pencher de toute urgence, notamment la discrimination fondée sur l'appartenance à une caste et l'incidence du racisme sur l'imposition de la peine de mort.
Plusieurs orateurs ont assimilé l'occupation israélienne des territoires palestiniens au colonialisme voire à l'apartheid, un intervenant préconisant à cet égard l'adoption de mesures similaires à celles qui furent prises à l'encontre de l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid.
Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont fait des déclarations: Organisation arabe des droits de l'homme, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, Asian Cultural Forum on Development, Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, Amnesty International, Centre Simon Wiesenthal , South Asia Human Rights Documentation Centre, Centre Palestinien pour les droits de l'homme, Cairo Institute for Human Rights Studies, Conseil international des femmes juives, International Human Rights Law Group, Secrétariat international du Mouvement 12 décembre, Physicians for Human Rights, Fédération luthérienne mondiale, Mouvement international contre toutes les formes de discrimination, Penal Reform International, Commission andine de juristes, Mouvement indien «Tupaj Amaru», Agir ensemble pour les droits de l'homme, Institut international de la paix, Fédération syndicale mondiale, Indigenous World Association, Pax Romana, Association pour l'éducation d'un point de vue mondial, Fédération mondiale de la jeunesse démocratique et Société africaine de droit international et comparé.
Le représentant de la Ligue des États arabes est également intervenu.
La Turquie, l'Azerbaïdjan, la Malaisie et de l'Arménie ont exercé leur droit de réponse.
La Commission entame dans la soirée son débat sur le droit au développement.

Déclaration du Ministre des affaires étrangères de l'Arménie
M. VARTAN OSKANYAN, Ministre des affaires étrangères de l'Arménie, a indiqué que son pays est encouragé par la confiance que la communauté des Nations Unies lui a témoignée en l'élisant membre de cette Commission. Il a souligné que l'Arménie est en train de modifier ses lois sur les médias, sur les partis politiques et sur les organisations non gouvernementales et œuvre à l'abolition de la peine de mort, qui n'a en fait jamais été invoquée depuis l'indépendance. Le pays est en outre sur le point de créer une institution de médiateur. En dépit des ressources financières limitées dont elle dispose, l'Arménie alloue des fonds aux réfugiés en Arménie et leur fournit abris et emplois. Il n'en demeure pas moins que la population a besoin de recevoir davantage d'aide, tant de la part du Gouvernement que de la part des organisations internationales qui s'occupent des réfugiés.
Relevant que l'Arménie n'a pas de relations avec son «voisin de l'Ouest», le Ministre a indiqué que son pays restait confiant de voir la Turquie mettre de côté les conditions préalables, dans l'intérêt de la paix régionale et mondiale. Mais si le crime de génocide était une tragédie nationale au siècle dernier, persister à nier le génocide dans ce siècle constitue une menace pour la paix et la coopération internationale, a déclaré M. Oskanyan. Aussi, nous adressons-nous à la Turquie afin qu'elle nous rejoigne en transcendant notre passé de manière à permettre à notre région de redevenir ce qu'elle fut pendant des siècles: un carrefour, une porte, un jardin d'Eden.
Relevant par ailleurs que l'avenir de son pays est lié à celui de l'Azerbaïdjan, le Ministre des affaires étrangères arménien a demandé à ce pays de reconnaître que les Arméniens du Nagorno-Karabagh ne vont pas devenir Azerbaïdjanais contre leur volonté. Historiquement, l'existence même de la population arménienne du Nagorno-Karabagh était menacée par le Gouvernement azerbaïdjanais qui ne souhaitait pas assurer à cette population son droit au développement ni la moindre stabilité. Lorsque les Arméniens exigèrent ce droit, ils subirent, en guise de réponse, massacre et déportation. En 1920, la Société des Nations refusa de reconnaître la demande de contrôle de l'Azerbaïdjan indépendant sur un territoire incluant le Nagorno-Karabagh et, sur cette base, rejeta la demande d'adhésion de l'Azerbaïdjan à la SDN. Aujourd'hui, nous demandons une fois de plus ce que nous n'avons cessé de demander depuis une décennie: qu'avec l'aide de la communauté internationale, soit recherchée pour notre région une paix juste et durable qui prenne en compte les réalités sur le terrain et le contexte historique qui nous a menés là.
M. SAAD ALFARARGI (Ligue des États arabes) a exprimé l'attachement de la Ligue arabe à la lutte contre le racisme; il a aussi relevé que racisme et colonialisme, signes d'un passé odieux qui resurgit sans cesse, sont étroitement liés. À cet égard la situation du peuple palestinien ressortit donc pleinement de l'ordre du jour actuellement examiné par la Commission. La communauté internationale doit en tout état de cause protéger le peuple palestinien de la puissance occupante israélienne, a estimé le délégué, puissance dont le peuple palestinien subit depuis maintenant cinquante ans les actes de terrorisme. La résistance légitime du peuple palestinien ne doit donc en aucune façon être assimilée au terrorisme. La nation arabe a condamné avec vigueur les attentats du 11 septembre; de la même façon, a ajouté le délégué, la Ligue arabe condamne les actes racistes dont sont victimes les musulmans vivant dans les pays occidentaux, qui sont mis en demeure de répondre de façon appropriée à cette situation.
M. GEORGES JABBOUR (Organisation arabe des droits de l'homme) a retracé l'histoire de la Rhodésie devenue Zimbabwe et établi un parallèle avec la situation au Moyen-Orient. Il a regretté que la résolution du Conseil de sécurité de mars 2002 référant à la création d'un État palestinien ne prévoie pas que cet État soit créé sur la totalité des territoires palestiniens occupés par Israël. Rappelant qu'Israël avait été créé par une résolution des Nations Unies, il a estimé que cet État plus que tout autre devrait se sentir liée par les résolutions de l'Organisation. En dernier lieu il a réitéré la requête formulée par le Forum des ONG à Durban en vue de l'abrogation de toutes les dispositions discriminatoires de la législation israélienne.
M. J. J. KIRKYACHARIAN (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP) a souligné que malgré tous les aspects décevants, voire inacceptables des deux moments de Durban (le Forum et la Conférence), et malgré toutes les difficultés qui se sont accumulées jusqu'à ces derniers jours, «il faut considérer l'événement Durban comme un événement positif». Il est en effet bon que tant de gens, venant de tant de pays, aient exprimé avec force leur rejet du racisme et des discriminations, a-t-il précisé. L'une des difficultés essentielles à laquelle se heurte l'antiracisme consiste à formuler une analyse globale qui ne tombe pas dans l'abstraction, a-t-il par ailleurs relevé. La solution n'est pas donnée d'avance, bien qu'on puisse voir qu'elle se situe du côté de l'égalité, a-t-il fait observer. Il a affirmé que les mesures pratiques contre les discriminations ne pourront à elles seules venir à bout de tous les racismes qui menacent nos sociétés démocratiques. Ces menaces sont réelles: les partis politiques d'extrême droite ne renoncent pas à la stratégie d'alliance avec des partis plus présentables, au prix d'un ajustement des formules, a-t-il souligné.
M. JERALD JOSEPH (Asian Cultural Forum on Development) a déclaré que le Gouvernement malaisien, depuis 45 ans, a choisi de perpétuer le principe de division de la société en ethnies, malgré des mesures de discrimination positive (affirmative action) qui ont été prises après les violentes émeutes de 1969. Le représentant a dénoncé la polarisation ethnique de la vie politique et le système éducatif ségrégationniste en Malaisie. Il a déclaré qu'il fallait malheureusement constater un échec du gouvernement à agir efficacement pour éradiquer la discrimination raciale dans la société malaisienne, quoi qu'il puisse prétendre par ailleurs.
MME H. SHARFELDDIN (Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale) s'est indignée des pratiques visant à lancer des milliers de bombes sur des populations innocentes et les a assimilées à du terrorisme d'État. Elle s'est déclarée horrifiée d'entendre le Président Bush parler «d'axe du mal» et a mis en garde ceux qui sèment la violence car ils récolteront la violence. Elle a estimé que cette politique était génératrice de désespoir et un affront qui ne sera pas oublié par les générations futures. Il importe que les Nations Unies entendent les voix de ceux qui souffrent, s'est-elle exclamée en s'inquiétant des conséquences de tout discrédit jeté sur l'ONU.
MME A. SISIC (Amnesty International) a attiré l'attention de la Commission sur trois questions qui n'ont pas été résolues par la Conférence mondiale contre le racisme et sur lesquelles les gouvernements devraient se pencher de toute urgence: l'incidence du racisme sur l'imposition de la peine de mort, le sort des Dalits et le lien entre racisme et orientation sexuelle. S'agissant de la peine de mort, Amnesty International demande aux gouvernements d'examiner tout impact disproportionné de cette peine sur des groupes raciaux, ethniques ou nationaux et leur demande également de déclarer un moratoire sur les exécutions capitales en attendant les résultats d'un tel examen. Des États-Unis à l'Arabie saoudite en passant par la Chine, des centaines de personnes risquent l'application de la peine de mort à l'issue de procédures empreintes de discrimination. Amnesty International demande en outre aux gouvernements de reconnaître la situation des Dalits en tant que victimes de la discrimination fondée sur l'emploi et l'ascendance. La discrimination à leur encontre, en particulier dans le sud asiatique, se manifeste souvent par une extrême pauvreté et par la marginalisation. Amnesty International demande en outre aux gouvernements de reconnaître les multiples formes de discrimination qui frappent en particulier les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transsexuels.
M. SHIMON SAMUELS (Centre Simon Wiesenthal ) a déclaré que son organisation avait été exclue de la participation à la Conférence de Durban pour des raisons fondée sur le racisme. Il a dénoncé, outre les actes antisémites inqualifiables qui s'y sont déroulés, certaines dispositions de la Déclaration de Durban qui reviendraient, de fait, à la mise en œuvre d'un véritable plan d'éradication de l'État juif. La Déclaration et le Plan d'action adoptés à Durban comprennent un plan en huit points inspirée par un antisémitisme génocidaire. Simon Wiesenthal avait dit dans les années 1920 que ce n'était pas tant le nombre de nazis qui était préoccupant que l'absence de voix antinazies.
MME ANDREA COOMBER (South Asia Human Rights Documentation Centre) a regretté que la Conférence mondiale contre le racisme ait été gênée par un ordre du jour mal adapté et un sentiment général d'acrimonie. Elle s'est inquiétée des déclarations de haine qui ont été prononcées et a déploré que le texte du Document final reste abstrait. En outre, elle a souligné l'absence de prise en compte des positions de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de la jurisprudence du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et des recommandations de l'Organisation internationale du travail (OIT). Elle a estimé que le texte comprenait des éléments qui limitent les obligations internationales et laissait beaucoup de latitude aux gouvernements. Parmi les questions négligées, elle a relevé que le texte ne mentionnait pas la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou sur les castes. La représentante a aussi regretté que le Document final de la Conférence se contente de faire de vagues suggestions aux multinationales sans tenir compte des recommandations du Bureau international du travail (BIT).
MME VICTORIA METCALFE (Centre Palestinien pour les droits de l'homme) a déclaré que, contrairement à ce que le représentant d'Israël a déclaré cette semaine devant la Commission, le processus de Durban a cherché à rendre les États responsables de leurs actes de racisme et de discrimination raciale. Rendre Israël responsable de ces actes ne saurait être considéré comme une attitude antisémite, a-t-elle souligné. Elle a affirmé que le Forum des organisations non gouvernementales à Durban constituait la voix de la société civile internationale et que ceux qui dénoncent ce document cherchent à faire taire la voix des victimes du racisme et de la discrimination raciale dans le monde. Le document issu de ce Forum mentionnait les pratiques racistes de l'État d'Israël contre les Palestiniens vivant en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Elle a demandé à la Commission de réaffirmer l'illégalité de l'occupation israélienne de ces territoires; de reconnaître que cette occupation israélienne relève du colonialisme; et de demander aux États de prendre à l'encontre d'Israël des mesures similaires à celles imposées à l'Afrique du Sud du temps de l'apartheid afin qu'il soit mis un terme aux pratiques racistes infligées aux Palestiniens.
MME DIANNE LUPING (Cairo Institute for Human Rights Studies, au nom de plusieurs ONG) a opéré une distinction claire entre le régime israélien, auteur d'exactions contre le peuple palestinien, et le peuple israélien lui-même, qu'il ne faut pas accabler. La déléguée a stigmatisé les pratiques d'apartheid du Gouvernement israélien, comparables à celles employées par l'Afrique du Sud en son temps, et qui avaient trait aux domaines juridique, foncier, sécuritaire et racial, sans oublier des actes purement et simplement criminels.
MME LEILA SEIGEL (Conseil international des femmes juives) a déploré les occasions ratées de Durban alors que la Conférence était détournée de son objectif par la défense d'intérêts à court terme. Reconnaissant l'importance des problèmes qui affectent le Moyen-Orient, elle a souligné que la Conférence n'avait pas mandat pour les régler. Ainsi, parmi les oubliés de Durban, elle a cité les bouddhistes au Tibet, les Tutsis au Rwanda, les femmes en Afghanistan, les chrétiens au Soudan, les musulmans de Srebrenica et les homosexuels du monde entier. Par ailleurs, elle a posé la question de savoir pourquoi la question israélo-palestinienne était examinée sous un point différent de l'ordre du jour lors des travaux de la Commission. En dernier lieu, elle a fait savoir que son organisation appuyait néanmoins la Déclaration de Durban, particulièrement ses dispositions concernant l'éducation. Elle a émis l'espoir que cette session de la Commission des droits de l'homme permettra d'élaborer des stratégies en vue d'éradiquer le racisme sous toutes ses formes contemporaines.
MME MARIA CRUZ (International Human Rights Law Group) a fait observer que le racisme et la discrimination raciale ont imposé aux Afro-latinos et aux populations autochtones d'Amérique latine un accès inéquitable aux systèmes sociaux, économiques et politiques qui ne manque pas d'avoir des répercussions sur la situation de pauvreté dans laquelle vivent ces populations. La Commission devrait demander aux gouvernements de mettre en œuvre le Plan d'action approuvé à Durban; recommander aux États d'Amérique latine de mettre pleinement en œuvre les dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de faire la déclaration prévue au titre de l'article 14 de cet instrument (relatif aux plaintes individuelles); et recommander aux États de soutenir l'Unité anti-discrimination et de procéder au plus vite à la sélection des cinq experts issus de chaque région, afin d'assurer le suivi du Plan d'action.
M. RAHSAAN WAREHAM (Secrétariat international du Mouvement 12 décembre) s'est félicité que le sommet de Durban ait qualifié de crime contre l'humanité l'esclavage dont ont été victimes en leur temps des millions d'Africains. Il a néanmoins déploré que leurs descendants souffrent encore de nos jours de discrimination et que leur sort soit globalement beaucoup moins favorable que celui de la population des pays occidentaux où ils résident, malgré tous les plans prétendument mis en place à leur intention. Le délégué a d'autre part critiqué l'attitude des pays occidentaux, qui se sont initialement opposés à la mention du racisme blanc dans l'agenda de la conférence de Durban, et qui ont ensuite tout fait pour minimiser leurs responsabilités historiques. Le délégué a conclu en demandant que des réparations soient accordées aux descendants des victimes de l'esclavage.
MME M. PARSONS (Physicians for Human Rights) a reconnu que la Conférence mondiale contre le racisme avait tenté d'instaurer une vision globale du racisme et a enjoint les gouvernements à faire diligence pour mettre en œuvre ses recommandations. Elle s'est félicitée du fait que la Conférence ait reconnu le lien entre le racisme et la pauvreté. Elle a condamné toutes les politiques discriminatoires dans l'accès aux soins de santé et s'est félicitée de la reconnaissance de l'incidence du racisme sur la santé. Elle a demandé à la Commission d'adopter des résolutions afin qu'un groupe d'expert de l'ONU puisse enquêter sur les discriminations dans l'accès aux soins de santé, aux services sociaux, à l'emploi et au logement. Elle a recommandé que l'on enquête sur l'incidence du racisme sur la santé et qu'une assistance soit apportée aux gouvernements afin qu'ils puissent collecter des données ventilées par sexe. Elle a demandé que les gouvernements élaborent des politiques encourageant l'intégration ethnique et assurent l'égalité des chances au moyen de la discrimination positive. En dernier lieu, elle a demandé à l'Assemblée générale de convoquer une conférence de suivi de la Conférence de Durban et a insisté sur le fait que la non-discrimination dans l'accès à la justice et aux soins de santé sont à la base de tous les droits de l'homme.
M. PETER PROVE (Fédération luthérienne mondiale) a regretté que la conférence de Durban ait négligé dans ses conclusions la discrimination fondée sur l'appartenance à une caste. Il a souligné qu'une personne appartenant à une caste inférieure est qualifiée d'«impure», est reléguée aux tâches les plus dégradantes et contrainte à l'endogamie. Les progrès de la démocratie n'ont pas éradiqué ce phénomène, a déploré le représentant, qui a plaidé pour son examen minutieux par l'Unité antidiscrimination du Haut-Commissariat.
MME ATSUKO TANAKA (Mouvement international contre toutes les formes de discrimination) a attiré l'attention de la Commission sur la discrimination fondée sur la descendance. Elle a illustré son propos par l'exemple de la discrimination touchant les communautés buraku au Japon et a estimé que les réponses fournies par le Gouvernement japonais au Rapporteur spécial n'étaient pas satisfaisantes et ne reflétaient pas la réalité. Elle a rappelé que le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a recommandé au gouvernement de protéger les droits de toutes les communautés, y compris les Buraku. Il importe que le Gouvernement japonais accepte que la discrimination fondée sur la caste, comme dans le cas des Buraku, fait partie du mandat du Rapporteur spécial. Elle s'est inquiétée du fait que le Gouvernement du Japon n'ait pas adopté de politique claire à cet égard et l'a exhorté à mener une enquête nationale sur cette question en vue de clarifier sa politique et de venir à bout de cette discrimination ancienne et profondément enracinée, notamment dans les domaines de l'emploi, du mariage, de l'éducation. Elle a demandé au Rapporteur spécial d'examiner de manière plus approfondie la discrimination fondée sur la caste.
MME ABIGAIL HANSEN (Penal Reform International) a approuvé la création de l'Unité antidiscrimination au sein du Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Elle n'en a pas moins regretté que la Conférence de Durban n'ait pas traité de nombreux problèmes subsistant dans les législations pénales actuelles, tels que la peine de mort, l'absence de garanties contre les arrestations arbitraires, les problèmes d'accès à une défense juridique pendant les procédures pénales. La déléguée a également regretté les violations des droits de la défense enregistrées dans les pays occidentaux dans leur lutte contre le terrorisme. Elle a dénoncé la situation des prisonniers de Guantanamo, qui ne bénéficient pas d'un statut juridique défini, mais aussi les dérogations dangereuses à l'ordre juridique civil, tant au Royaume-Uni qu'aux États-Unis. Mme Hansen a encore précisé que son association a alerté les États sur ces risques, et qu'elle leur a rappelé que leurs obligations internationales exigent de leur part des actions plus vigoureuses pour l'application des traités.
M. SERGIO POLIFRONI (Commission andine de juristes) a souligné que la société avait une vision stéréotypée qui conduisait à la dévalorisation fondée sur des questions de races ou de pigmentation. Il a appelé à l'application stricte des recommandations de Durban, notamment en ce qui concerne les populations autochtones qui représentent des pourcentages importants de la population totale des pays andins. De même, dans le conflit armé qui affecte la Colombie, le représentant a estimé qu'il fallait prendre la mesure de la dimension ethnique puisque les groupes armés s'approprient des terres qui avaient été allouées aux populations de descendance africaine. Pour lutter contre ce type de discrimination, le représentant a recommandé de renforcer les stratégies de lutte contre la pauvreté. M. Polifroni a par ailleurs exhorté la communauté internationale à adopter des politiques visant à éliminer toutes les formes de discrimination frappant les migrants en provenance des pays en développement et d'éliminer le statut de «citoyen de deuxième classe» dans lequel on les maintient. Il a insisté sur la nécessité d'assurer l'exercice de leurs droits fondamentaux, le regroupement familial et la reconnaissance de leurs compétences professionnelles ou éducatives. Il importe également de veiller au respect du principe d'une rémunération juste. En dernier lieu, il a attiré l'attention de la Commission sur la situation des réfugiés du Venezuela et d'Équateur, qui pourrait provoquer une crise humanitaire dans la région.
M. L. PARY (Mouvement indien «Tupaj Amaru») a affirmé que le document final de la Conférence mondiale contre le racisme qui s'est tenue à Durban est pauvre du point de vue de son contenu politique et insuffisant pour combattre efficacement le fléau universel du racisme. Il a dénoncé les arrestations sélectives, empreintes de discrimination raciale, opérées dans le monde entier dans le cadre de la croisade antiterroriste menée suite aux attentats du 11 septembre 2001. Le colonialisme européen, qui a mis en place la traite des esclaves, continue d'être la cause et la source principale du racisme et des pratiques contemporaines de discrimination raciale, y compris la violence et le terrorisme. Comment peut-on interpréter le fait que les pays occidentaux, instigateurs de l'holocauste nazi et promoteurs de la guerre d'agression contre l'Iraq et l'Afghanistan, aient décidé aussi facilement d'indemniser le peuple juif et refusent d'en faire autant en faveur des victimes de l'holocauste colonial en Amérique et en Afrique.
MME M. CROZET (Agir ensemble pour les droits de l'homme) a mis l'accent sur le problème posé par la double peine en France qui recouvre deux types d'éloignement: l'interdiction du territoire, décision judiciaire, et l'arrêté d'expulsion, mesure de police administrative. Elle a expliqué que contrairement à ce qui est affirmé dans ce cas, il ne s'agit pas de l'expulsion d'étrangers mais de Français. Il s'agit parfois de personnes nées en France, souvent de personnes arrivées en France dans leur petite enfance, d'époux ou d'épouses de citoyens français. Elle a posé la question de savoir comment les autorités françaises peuvent prétendre lutter contre toutes les formes de discrimination alors que la loi elle-même est vecteur de discrimination. Elle a regretté que seul l'aspect sécuritaire de l'ordre public soit ainsi privilégié puisqu'on expulse au nom de l'ordre public. Elle a fait valoir l'horrible sentiment d'injustice dont souffrent les personnes frappées par la double peine et leur famille et a dénoncé l'amalgame entre délinquance et immigration. Cette dramatisation d'une criminalité des populations issues des migrations post-coloniales, érigée en problème politique pose question, a-t-elle déclaré avant de demander la suspension de toutes les mesures d'éloignement prises à l'encontre des catégories protégées.
MME TATIANA SHAUMIAN (Institut international de la paix) a dénoncé les politiques d'immigration restrictives - et intéressées - pratiquées par les pays riches, politiques clairement xénophobes. La tentative de jeter ainsi la suspicion sur certains groupes humains en fonction de leur race, de leur foi ou de leur couleur est inadmissible. La déléguée a relevé que la crise actuelle liée au terrorisme ne doit pas être le prétexte pour institutionnaliser cette discrimination. Il faut donc, selon la déléguée, examiner les structures juridiques des États pour qu'elles n'incluent pas de mesures vexatoires, comme c'est actuellement le cas au Pakistan en ce qui concerne les Ahmediyas, auxquels est refusé le droit de libre exercice de leur religion. Son nouveau statut d'allié de la lutte antiterroriste ne dispense pas le Pakistan de devoir respecter les principes d'égalité entre les citoyens.
MME KAREN TALBOT (Fédération syndicale mondiale) a déclaré que la xénophobie est l'une des causes fondamentales de l'oppression, qu'elle prenne la forme de l'intolérance religieuse ou de la discrimination raciale et ethnique. Rappelant qu'en janvier 2002, un journaliste intrépide, M. Daniel Pearl, avait été kidnappé au Pakistan puis décapité, elle a affirmé que ceux qui l'avaient kidnappé puis tué s'étaient concentrés sur ses origines juives. Que ce soit l'apartheid en Afrique du Sud, les idées de supériorité raciale d'Hitler, les appels à la guerre sainte (djihad) contre les Juifs et les hindous lancés au Pakistan par le Lashkar e Taiba Amir, la violence entre Hutus et Tutsis, le refus d'accorder leur liberté aux Ahmediyas au Pakistan, ou les lois réduisant les femmes au statut de simple cheptel, ces exemples sont autant de manifestations de la force destructrice des esprits xénophobes qui se refusent à accepter l'égalité de tous les êtres humains.
M. RONALD BARNES (Indigenous World Association) a fait valoir qu'en vertu de principes racistes, les États-Unis sont en train de procéder à la spoliation de l'Alaska . Il a condamné le pillage des ressources de l'Alaska et la quasi extinction de sa population. Il a dénoncé plusieurs arrêts rendus par les tribunaux des États-Unis, qu'il a qualifiés de racistes, bafouant les droits des peuples autochtones de l'Alaska qui auraient dû exercer leur droit à l'autodétermination par la puissance administrante. Au lieu de cela, a-t-il poursuivi, les États-Unis ont procédé à des transferts de population, en donnant le droit de vote à ces nouveaux arrivants alors que les autochtones en étaient privés. Il a appelé la Commission à examiner cette situation de discrimination coloniale.
M. AROCKIAM JOHN VINCENT (Pax Romana) a dénoncé la discrimination économique, sociale et culturelle qui frappe de très nombreux individus en raison de leur appartenance à une caste, notamment dans nombre de pays du sud de l'Asie et d'Afrique. En Inde, les membres de la caste des Dalits, les «intouchables», sont ainsi obligés de se livrer aux tâches les plus ingrates, et sont souvent victimes de l'esclavage économique. Les dispositions constitutionnelles indiennes en faveur des intouchables (parmi 250 millions de victimes du système des castes) restent quasiment lettre morte, a encore déploré le délégué, et ce malgré la détermination du gouvernement. Le délégué de Pax Romana en a donc appelé à une réaction de la communauté internationale, et a espéré que l'Unité antidiscrimination sera saisie de ce dossier afin de trouver des solutions.
M. DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a attiré l'attention de la Commission sur la situation au Soudan. Il a rappelé que lorsque l'ancien Rapporteur spécial, M. Gáspár Bíró, avait demandé au gouvernement de mettre sa législation en conformité avec les instruments internationaux et qu'il a été accusé d'attaquer l'islam et menacé. M. Littman a ensuite souligné que la défense des droits de l'homme doit inclure la lutte contre la peine de mort sur la base non de principes philosophiques mais de considérations pratiques, en reconnaissant que la peine capitale n'est pas un moyen dissuasif efficace.
M. C. ABDELBAGUI (Fédération mondiale de la jeunesse démocratique) a rappelé que quelques jours avant la tenue de la Conférence de Durban, durant les deux premières semaines du mois d'août 2001, son organisation avait organisé, avec succès, le XVème Festival mondial de la jeunesse à Alger. La Conférence mondiale fut un thème central de ce Festival durant lequel plus de huit mille jeunes exprimèrent leur soutien à cette Conférence. En tant que forces motrices de notre monde, les jeunes sont particulièrement concernés par la recrudescence du racisme, de la discrimination raciale et de l'intolérance qui frappent actuellement de nombreuses régions du monde. Nous sommes extrêmement déçus de constater que les membres de la communauté internationale ne sont pas tous actifs dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.
MME M. PARSONS (Société africaine de droit international et comparé) s'est félicitée que la Conférence de Durban ait reconnu les souffrances subies par les peuples africains du fait de l'esclavage. Son organisation approuve également la proposition de mise en place d'un groupe de travail sur les peuples d'origine africaine de la diaspora. La Conférence marque le commencement d'un grand effort prometteur, même s'il paraît décevant dans ses étapes initiales. À cet égard, les tentatives des pays occidentaux pour saper les travaux de la Conférence et pour minimiser la portée de ses conclusions pourraient bien se retourner contre eux, a conclu la déléguée.

Exercice du droit de réponse
Le représentant de la Turquie, faisant référence à la déclaration du ministre arménien, s'est indigné de la référence au «prétendu génocide» et a posé la question de savoir pourquoi les Arméniens menaient cette campagne de désinformation sur la Turquie en persistant à qualifier de génocide un simple conflit interne.
Le représentant de l'Azerbaïdjan a estimé que le Ministre arménien transformait la Commission des droits de l'homme en une tribune pour faire entendre ses propres revendications. Il a jugé la déclaration du ministre scandaleuse et a demandé un règlement international du conflit. Il a accusé le ministre arménien d'avoir des visées expansionnistes qui ne respectent pas l'intégrité des frontières de l'Azerbaïdjan. Il a estimé que «le génocide arménien n'est qu'un phénomène abstrait qui cherche à masquer les propres crimes des Arméniens».
La représentant de la Malaisie a expliqué que son pays était multiethnique et que ses institutions respectaient les droits de l'homme. Il a souligné l'importante contribution de la Malaisie dans le domaine de l'éducation dans le domaine des droits de l'homme. Il a fait savoir que son pays avait mis sur pied des écoles permettant aux divers groupes ethniques d'avoir le choix de l'éducation de leurs enfants.
Le représentant de l'Arménie a répondu au représentant de l'Azerbaïdjan que sa déclaration n'était que de la propagande sans rapport avec la réalité puisqu'il renverse les rôles quant aux initiateurs de la violence. Il a rappelé que les actes brutaux commis à l'encontre de la population arménienne n'avaient jamais été jugés, mais que leurs auteurs sont au contraire qualifiés de héros. Il s'est étonné de cette réécriture de l'histoire et a rappelé que le génocide arménien avait coûté trop de vies pour être nié de la sorte. Il a estimé que la reconnaissance des atrocités commises est indispensable dans un monde moderne, et pour dépasser le passé.
Le représentant de la Turquie a regretté que les gouvernements arméniens successifs continuent de falsifier les faits en ce qui concerne le «prétendu génocide arménien».
Le représentant de l'Azerbaïdjan a affirmé que le Ministre arménien des affaires étrangères s'est permis de dire des choses intolérables dans cette salle, montrant bien qui est l'agresseur. L'un des pires crimes commis par les Arméniens a été l'attaque lancée du 25 au 26 février 1992 contre 613 villageois pacifiques qui ont été abattus et parmi lesquels on comptait de nombreux enfants.
Le représentant de l'Arménie a regretté que le premier commentaire de sa délégation n'ait pas suffi à faire comprendre aux délégations de la Turquie et de l'Azerbaïdjan que la Commission n'est pas une enceinte où on peut se permettre de proférer de telles absurdités et de se livrer à un tel effort de désinformation qui va à l'encontre de toutes les normes de comportement et d'éthique diplomatiques.


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