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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA LETTONIE

11 août 1999


APRÈS-MIDI


HR/CERD/99/47
11 août 1999




Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, cet après-midi, l'examen du rapport de la Lettonie sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M.Romans Baumanis, Représentant permanent de la Lettonie auprès des Nations Unies à Genève, a évoqué les événements survenus dans son pays depuis la rédaction du rapport, parmi lesquels les amendements à la Loi sur la citoyenneté, qui assouplissent la procédure de naturalisation. En outre, le Plan d'Action du nouveau gouvernement formé le 16 juillet 1999, comporte, entre autres, des mesures de sécurité sociale visant à l'élimination de la pauvreté, un programme d'éducation juridique à grande échelle, ainsi qu'un programme de développement de la coopération entre les institutions de l'État et les minorités nationales et religieuses. En outre, la mise en oeuvre d'un programme national pour l'intégration de la société vise à assurer la participation civile la plus large et l'organisation de débats à l'échelle nationale.

La délégation lettone est également composée de MmeEizenija Aldermane, chef du Bureau de naturalisation, ainsi que de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères et une représentante du Barreau.

L'expert chargé de l'examen du rapport de la Lettonie, M.Ion Diaconu, a estimé que le pays est engagé sur la bonne voie, mais qu'il reste beaucoup à faire. Il s'est notamment interrogé sur les effets de la loi sur la citoyenneté, qui débouche sur une situation discriminatoire. Il a demandé si la Lettonie reconnaît véritablement l'existence des minorités ethniques. Il a en outre observé l'existence de restrictions concernant l'accès des minorités à certaines professions, à la propriété, à la participation à la privatisation. L'expert a estimé qu'une déclaration de politique nationale concernant les minorités ethniques est nécessaire pour redonner confiance à toute personne sur son avenir dans le pays et la certitude qu'elle peut conserver son identité ethnique, linguistique et culturelle.

Les membres suivants du Comité sont également intervenus : M.Michael E.Sherifis, M.Ivan Garvalov, MmeSadiq Ali, MmeDeci Zou, M.Luis Valencia Rodríguez, M.Rüdiger Wolfrum, M.Régis de Gouttes, M.Theodoor Van Boven et M.Mario Jorge Yutzis.
(à suivre)

Le Comité achèvera l'examen du rapport de Lettonie demain matin, à partir de 10 heures.


Présentation du rapport de la Lettonie

Présentant le rapport de son pays, M.Romans Baumanis, Représentant permanent de la Lettonie auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que le retard dans la soumission du rapport est dû à la reconstruction complète du système juridique du pays, dans un contexte de profondes transformations sociales et économiques. En effet, la Lettonie hérite d'une société traumatisée par 50 ans de domination soviétique illégale. Un des principaux défis de la démocratie lettone consiste à rétablir une citoyenneté juste et équilibrée. Par ailleurs, l'intégration européenne globale a été fixée comme priorité en matière de développement économique et démocratique.

En ce qui concerne la protection des droits de l'homme en Lettonie, le représentant a fait observer que la Constitution comprend la protection à la fois normative et institutionnelle des droits de l'homme. Il a attiré l'attention du Comité sur le fait que les récents amendements ont complété la loi constitutionnelle. En l'absence d'une loi statutaire spéciale, la Convention s'applique directement. Un individu peut se plaindre de la violation de ses droits directement aux tribunaux et jouit de la protection offerte dans le cadre légal sans discrimination.

Le représentant a évoqué les événements récents survenus depuis la rédaction du rapport. Ainsi, des amendements à la Loi sur la citoyenneté permettent une amélioration de la procédure de naturalisation. En novembre 1998, une nouvelle loi sur l'accès à l'information est entrée en vigueur, prévoyant la mise à disposition du public des informations émanant des autorités administratives et municipales. Le 1er septembre 1998, une nouvelle loi stipule qu'une personne peut être indemnisée pour dommages encourus si elle a été condamnée de manière injuste. Un nouveau gouvernement a été formé le 16juillet 1999, qui comprend 13 membres du Cabinet et 2ministres sans portefeuille. Son plan d'action comporte, entre autres, la diminution du déficit fiscal et de l'inflation. Des mesures de sécurité sociale visant à l'élimination de la pauvreté sont également prévues. De même, un programme d'éducation juridique à grande échelle est en cours d'élaboration, ainsi qu'un programme de développement de la coopération entre les institutions de l'État et les minorités nationales et religieuses. En outre, la mise en oeuvre d'un programme national pour l'intégration de la société vise à assurer la participation civile la plus large et l'organisation de débats à l'échelle nationale.

Le représentant a évoqué les situations des deux groupes les plus vulnérables de la société lettone : les Roms et les Lives. Dans ce contexte, il a informé le Comité de la publication récente du premier dictionnaire bilingue letton/live. Des mesures de discrimination positive ont été prises en faveur des Roms, parmi lesquelles le financement par l'État d'une école rom. M.Baumanis a dans ce cadre évoqué les activités profitables des 4000organisations non gouvernementales travaillant sur le territoire de la Lettonie.

Le rapport de la Lettonie (CERD/C/309/Add.1) en date du 25 mars 1999, réunit le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques. Il rappelle que la Convention est entrée en vigueur pour la Lettonie le 14mai 1992. Il n'existe pas en Lettonie une loi spécifique interdisant la discrimination, mais la législation lettone comporte des normes sur l'interdiction de la discrimination telle qu'elle est définie dans la Convention. Le 19 mars 1991, peu après le rétablissement de l'indépendance de la Lettonie, le Conseil suprême de la République a adopté la loi sur le droit à l'autonomie culturelle des nationalités et groupes ethniques et au développement sans restriction de cette autonomie, qui garantit à tous les groupes ethniques du pays tous les droits fondamentaux prévus par le droit international. La Lettonie a en outre ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le 4juin1997. En décembre 1996, un Bureau national des droits de l'homme a été institué, qui a pour mandat de mieux faire connaître les droits de l'homme et de promouvoir leur respect; d'enquêter sur toutes allégations de violation des droits fondamentaux de l'individu dans les secteurs public et privé; de coordonner les programmes visant à promouvoir le respect de ces droits.

Le rapport indique qu'aux termes de l'article 69 du code pénal intitulé «Atteinte à l'égalité ethnique ou raciale», la responsabilité pénale est engagée en cas d'actes délibérés ayant pour but d'inciter à la haine ou à la discorde ethnique. Ces normes s'appliquent quelle que soit la forme d'expression de l'acte punissable : orale ou écrite, dans la presse ou ailleurs. Les peines prévues sont des peines de prison allant de six mois à dix ans, ou des amendes pouvant représenter jusqu'à 50 fois le salaire minimum. Ainsi, une procédure pénale a été ouverte en août 1995 contre «P.» pour avoir publié et distribué le livre d'Adolf Hitler, Mein Kampf. Concernant le rétablissement des droits des citoyens de la République de Lettonie, le rapport fournit la répartition des citoyens et non-citoyens, par groupes ethniques, à savoir : Lettons (57%) Russes (29,9%), Bélarussiens (3,18%), Ukrainiens (2,72%), Polonais (2,53%), Lituaniens (1,42%), Juifs (0,49%), Tziganes (0,33%), Allemands (0,14%), Estoniens (0,11%), Lives
(0,01%).

Examen du rapport de la Lettonie

L'expert chargé de l'examen du rapport de la Lettonie, M.Ion Diaconu, a noté que le rapport est très bien établi et répond aux directives du Comité. Il a estimé que le pays est engagé sur la bonne voie, mais qu'il reste beaucoup à faire, la mise en oeuvre de la Convention étant une tâche permanente. Des transformations sont en cours, aussi bien au point de vue économique que dans les domaines politique et législatif. À la suite de déplacements de populations, le statut des personnes qui résidaient en Lettonie avant 1940 et leurs descendants, reconnus de jure comme citoyens, soulève encore nombre de difficultés qui entravent l'application de la Convention.

L'expert s'est attardé sur le paragraphe 9 du rapport, où il est dit que le gouvernement est prêt à donner des informations sur la législation concernant la citoyenneté, bien qu'il n'y soit pas tenu par la Convention. Or, les personnes sans citoyenneté étant pour la plupart des membres des minorités, cette question concerne au contraire les dispositions de la Convention. De plus, les Arméniens, Azéris, Bulgares, Tatars, Ouzbeks et Yakoutes sont tous réunis de manière indifférenciée sous la rubrique «autres». Il faut donc se demander si la solution choisie n'a pas créé de fait une situation discriminatoire basée sur l'ethnie. L'expert a demandé si la Lettonie reconnaît véritablement l'existence des minorités ethniques. Il a en outre observé que, si la procédure de naturalisation s'est assouplie, les exigences concernant la langue restent exorbitantes. Ainsi, le Comité des droits de l'homme a estimé que la loi, dans sa forme actuelle, contient encore des critères d'exclusion. L'expert a donc demandé que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour régler au plus vite la question de l'acquisition de la citoyenneté par tous ceux qui le demandent.

M.Diaconu a observé que la liberté de déplacement est gravement entravée : un Letton quittant le pays perd son droit de résidence, même s'il est né en Lettonie et y a sa famille. De même le problème des passeports de l'ex-URSS créé des situations difficiles, leur validité ayant été annulée en 1998, sans qu'ils aient été remplacés immédiatement. De plus, la nécessité d'inscrire la nationalité ethnique dans le nouveau passeport semble déplacée. Il a été estimé que le Comité devrait recommander au Gouvernement de renoncer à cette pratique discriminatoire à l'occasion des renouvellements des passeports. Il existe en outre des restrictions concernant l'accès des minorités à certaines professions, à la propriété, à la participation à la privatisation. De plus, l'expert a noté que le Comité des droits de l'homme a exprimé une préoccupation concernant l'absence de mécanismes efficaces d'investigation des violations des droits de l'homme. Toutefois, la création d'un Bureau des droits de l'homme a été notée, mais des exemples seraient souhaitables pour illustrer ses activités.

Les experts se sont interrogés sur la persistance d'expressions d'intolérance inter-ethnique. Dans ce cadre, on a mentionné des exemples d'expressions de manifestations de racisme et d'antisémitisme par des organisations et des journaux, expressions qui ne sont pas condamnées. Il faut trouver un moyen d'éliminer ces manifestations de la vie sociale. Concernant le programme d'intégration lancé il y a quelques années en Lettonie, un expert a insisté sur le fait que le Comité s'est prononcé de manière répétée en faveur d'une intégration sociale qui ne soit pas une assimilation des groupes de cultures minoritaires. Dans ce cadre, une déclaration de politique nationale concernant les minorités ethniques est nécessaire pour redonner confiance à toute personne sur son avenir dans le pays et la certitude qu'ils peuvent conserver leur identité ethnique, culturelle et linguistique.

Les exigences relatives à la langue comportent également des éléments de discrimination. Ainsi, l'expert a indiqué qu'un certificat de connaissance de la langue lettone est par exemple exigé pour l'octroi du statut de chômeur. Le projet de nouvelle loi sur les langues prévoit en outre la transcription des noms de toute personne selon les exigences de la langue lettone. L'intervenant a estimé qu'il faudra s'assurer que cette exigence ne conduise pas à la modification des noms, donc ne porte pas atteinte au droit de chaque personne d'avoir son propre nom. Il faut également s'assurer que les autorités locales peuvent recevoir toute communication, orale ou écrite, dans les langues des minorités habitant la région concernée. De même, un intervenant a demandé quelles étaient les mesures prises pour que la Convention et les conclusions et recommandations du Comité soient accessibles dans toutes les langues minoritaires.

Dans le domaine de l'éducation, M.Diaconu a souligné que la nécessité d'assurer une cohérence linguistique du pays n'empêche pas de maintenir l'enseignement dans les langues des minorités. Dans ce cadre, il a été demandé s'il est possible d'étudier les langues minoritaires au niveau universitaire. De plus, des préoccupations ont été exprimées face à certaines déclarations officielles ou semi-officielles selon lesquelles, à partir des années 2004-2005, l'enseignement dans les langues minoritaires serait aboli, ou que l'État ne financerait plus les écoles des langues minoritaires. Il faut ici noter la différence entre les dispositions du projet de loi sur les langues, qui se réfère à l'éducation dans des langues qui sont qualifiées d'«étrangères» ce qui est en soi difficilement acceptable , et la loi sur l'éducation, qui prévoit l'existence de l'enseignement dans les langues minoritaires. Un expert a en outre demandé des explications sur le vote en 1998 par le Parlement letton d'une réduction de 25 à 30% des émissions diffusées en langues minoritaires.

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