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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'IRAQ

09 août 1999

APRÈS-MIDI


HR/CERD/99/43
9 août 1999



Il examine la situation en République centrafricaine en l'absence de rapport



Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a entamé, ce matin, l'examen du rapport de l'Iraq sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport de son pays, M.Bassil Youssif, avocat, membre de la Commission consultative des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères, a rappelé que l'Iraq d'aujourd'hui souffre de la plus grave violation de sa souveraineté, suite à la mise en place et au maintien de l'embargo aérien par les États-Unis et le Royaume-Uni. Il a cependant assuré le Comité de la volonté de son gouvernement à mettre en oeuvre pleinement les dispositions de la Convention, malgré les difficultés liées à cette situation. Il a estimé que le Comité doit assumer ses responsabilités en s'adressant aux pays qui violent les termes de la Convention.

La délégation iraquienne est également composée de M.Ryad Al-Dabbag, de la Commission consultative des droits de l'homme, et d'autres représentants du Ministère iraquien des affaires étrangères.

L'expert chargé de l'examen du rapport, M.Ion Diaconu, a rappelé que, quelles que soient les difficultés de la situation de l'Iraq, l'État partie reste responsable du respect de ses obligations en vertu de la Convention. L'expert a demandé des données d'ordre économique et social sur la jouissance par les différents groupes de la population iraquienne des droits qui y sont énoncés. Concernant les Kurdes, il a été noté que le pays a adopté la politique et la législation appropriées, reconnaissant leurs droits ethniques et culturels, et accordant l'autonomie à la région qu'ils habitent en majorité. Cependant, suite à la situation qui prévaut dans la zone du Kurdistan iraquien, les dispositions de la Convention et des lois votées par le gouvernement iraquien sont loin d'y être appliquées.

L'expert chargé de l'examen de la situation en République centrafricaine, M.Yuri A. Rechetov, a rappelé que l'examen du dernier rapport présenté par ce pays date de 1986. Il a indiqué qu'il semble qu'après la longue période de pouvoir exercé par Bokassa, des changements considérables soient en train de se produire, auxquels le Comité devrait consacrer l'attention qu'ils méritent. L'expert a souhaité que la République centrafricaine fasse rapidement parvenir un rapport que le Comité pourra examiner en présence d'une délégation du pays.

Sont également intervenus les membres suivants du Comité : M.Luis Valencia Rodríguez, MmeGay McDougall, M.Régis de Gouttes, M.Rüdiger Wolfrum, M.Mahmoud Aboul-Nasr, M.Theodoor Van Boven, M.Mario Jorge Yutzis et M.Agha Shahi.

Le Comité achèvera l'examen du rapport de l'Iraq demain matin, à partir de 10 heures.


Présentation du rapport de l'Iraq

Présentant le rapport de son pays, M.Bassil Youssif, avocat, membre de la Commission consultative des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères de l'Iraq, a précisé que le rapport contient trois annexes. Il s'agit d'un résumé des structures politiques et géographiques iraquiennes, d'une évaluation de l'impact de l'embargo économique sur les populations et d'une description des principaux projets de développement que le Gouvernement iraquien a mis en oeuvre depuis 1970 dans la région autonome.

M.Youssif a rappelé les Conventions ratifiées par l'Iraq, notamment la Convention internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, et les mesures prises par le Gouvernement pour les mettre en oeuvre. Mais l'Iraq d'aujourd'hui souffre de la plus grave violation de sa souveraineté, suite à la mise en place de l'embargo aérien par les États-Unis et le Royaume-Uni. Les raids quotidiens ne cessent de faire des victimes et de détruire des installations militaires en Iraq. Ces actes d'agression doivent être considérés comme tels. De plus, le représentant a indiqué que les agressions dans le Nord du pays, qui utilisent des milices, violent les principes fondamentaux de la non-dicrimination raciale. Il a ajouté que le peuple d'Iraq souffre du maintien de l'embargo, qui entraîne une situation sanitaire catastrophique et une altération du tissu social de l'Iraq. Le représentant a estimé qu'il s'agit d'un acte de génocide perpétré au nom des Nations Unies. Il a souligné qu'il ne s'agit pas pour l'Iraq d'éluder ses responsabilités, mais de dénoncer la situation inacceptable dans laquelle se trouve placé le peuple iraquien.

M.Youssif a assuré le Comité de la volonté de son gouvernement d’appliquer pleinement les dispositions de la Convention. Il a rappelé la recommandation XXI du Comité qui affirmait le principe de la souveraineté d'un pays sur son territoire. Il a estimé que le Comité doit assumer ses responsabilité et doit en conséquence s'adresser aux pays qui violent ou poussent à violer les termes de la Convention.

Dans le quatorzième rapport périodique de l'Iraq (CERD/C/320/Add.3) en date du 11 février 1999, le Gouvernement iraquien réfute catégoriquement l'allégation selon laquelle il a réduit à l'exclusion les groupes ethniques non arabes. Il rappelle au Comité que depuis les événements de mars 1991, la région septentrionale a échappé au contrôle de l'administration centrale et que la responsabilité de tout déplacement de familles kurdes, et de l'anarchie généralisée régnant dans cette région, doit être assumée par les factions kurdes belligérantes et à ceux qui les soutiennent. Il affirme que la mise en oeuvre de la loi d'autonomie en Iraq constitue un succès national pour les Kurdes iraquiens, mais la mise à profit de ce succès est sérieusement compromise par l'intervention militaire étrangère et le contrôle que les factions kurdes armées exercent sur la région du Kurdistan iraquien. Le rapport ajoute qu'il n'existe aucune disposition légale en vertu de laquelle les services de la transcription immobilière imposeraient des restrictions sur l'acquisition ou la vente de biens immobiliers par les Kurdes, les Turkmènes, les Assyriens ou toute autre minorité en Iraq.

Le rapport indique que la question des «détenus» koweïtiens n'a aucun rapport avec les activités et le mandat du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Il est estimé que des États occidentaux et autres, qui sont hostiles à l'Iraq, exploitent la question des droits des minorités et des droits de l'homme pour atteindre des objectifs politiques, en s'ingérant de manière inadmissible dans les affaires intérieures de l'Iraq. Or, la législation iraquienne en vigueur, ainsi que les pratiques courantes dans le pays, indiquent clairement que l'Iraq est attaché aux droits énoncés dans les instruments internationaux qui visent à préserver le droit des minorités, notamment en éliminant la discrimination fondée sur la race ou l'ethnie.


Examen du rapport de l'Iraq

L'expert chargé de l'examen du rapport de l'Iraq, M.Ion Diaconu, a noté que le rapport apporte des éléments de réponse utiles à la réflexion du Comité. Il a souligné la régularité du dialogue avec ce pays, le dernier rapport datant de 1997. Il a cependant indiqué que le texte étudié ne constitue qu'une mise à jour de celui de 1997. M.Diaconu a en outre insisté sur le fait que le Comité ne s'inscrit dans aucune campagne politique contre un État particulier et ne sert d'autre intérêt que la mise en oeuvre de la Convention.

M.Diaconu a reconnu que la situation difficile dans laquelle se trouve le pays est un obstacle majeur pour l'application des engagements assumés au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Cependant, les rapports des Nations Unies montrent qu'il semble y avoir une certaine amélioration dans l'approvisionnement de la population en denrées alimentaires, à la suite de l'accord «Pétrole contre nourriture» de 1997. Il a également souligné les difficultés survenues dans le Nord du pays, dans les trois gouvernats habités principalement par les minorités- les Kurdes, les Turkmènes et les Assyriens. L'expert a toutefois rappelé que, quelles que soient les difficultés, l'État partie reste responsable du respect de ses obligations en vertu de la Convention.

Un expert a rapproché le présent texte de l'Iraq du rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé de la situation des droits de l'homme en Iraq, qui fait état d'une situation alarmante au regard de la lutte contre la discrimination raciale. Ces deux rapports font des bilans quasiment contradictoires de la même situation. Dans ce contexte, un expert a rappelé la recommandation formulée par le Rapporteur spécial proposant l'acceptation par le Gouvernement iraquien d'un mécanisme de surveillance de la situation des droits de l'homme installé sur le territoire iraquien, sous l'égide des Nations Unies, afin d'éliminer tout doute quant à cette situation. Un expert a par ailleurs demandé des informations sur les mesures prises par le Gouvernement pour assurer la diffusion de la Convention et des conclusions du Comité sur le rapport iraquien.

Concernant la question des prisonniers koweïtiens et autres étrangers, M.Diaconu a souligné qu'une commission gouvernementale a été mise en place pour rassembler des informations et éclaircir la situation des disparus. Les résultats de l'activité de cette commission ont été demandés. De même, des informations ont été demandées sur le régime des nombreux réfugiés étrangers en Iraq. Un expert a demandé des renseignements sur les conditions de vie des étrangers, et s'est interrogé sur l'application des lois aux Iraquiens et aux étrangers, sur un pied d'égalité.

Au titre de l'article 4 de la Convention, relatif à l'interdiction de la propagande raciste, M.Diaconu a noté qu'il ne semble pas que les actes de violence dirigés contre un groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine ethnique soient expressément interdits par la législation iraquienne. Dans ce cadre, des informations seraient utiles, afin de savoir si les auteurs de tels actes ont été poursuivis devant la justice du pays. L'expert a estimé que certains des actes qui ont lieu actuellement au Kurdistan iraquien pourraient tomber sous le coup du texte de cet article. Des experts ont estimé que la Constitution iraquienne ne répond pas encore aux dispositions de cet article et ont exprimé leurs attentes à ce sujet pour le prochain rapport de l'Iraq.

Pour pouvoir évaluer la mise en oeuvre des dispositions de l'article 5, sur l'égalité devant la loi sans discrimination aucune, les experts ont demandé des données d'ordre économique et social sur la jouissance par les différents groupes de la population iraquienne des droits qui y sont énoncés. On a regretté qu'il ne soit pas donné de chiffres sur la répartition des minorités ethniques, par exemple.

Concernant les Kurdes, il a été noté que le pays a adopté la politique et la législation appropriées, reconnaissant leurs droits ethniques et culturels, et accordant l'autonomie à la région qu'ils habitent en majorité. Cependant, suite à la situation qui prévaut dans la zone du Kurdistan iraquien, les dispositions de la Convention et des lois votées par le gouvernement iraquien sont loin d'y être appliquées. Ainsi, les actions militaires causent de nombreuses victimes et des déplacements massifs de population. Les membres de la petite minorité turkmène seraient victimes de violences. De plus, les conséquences de l'embargo pèsent plus lourdement sur les minorités ethniques. Le cas des veuves de Kurdes disparus au cours des affrontements a été soulevé, les experts souhaitant connaître les dispositions prises pour leur soutien, en compensation du manque à gagner lié à la disparition de leurs conjoints.

En outre, M.Diaconu a cité plusieurs sources, parmi lesquelles Human Rights Watch World report de 1998, qui font état de mesures de déplacement forcé de minorités ethniques prises par les autorités iraquiennes dans les zones de Kirkouk et de Khanaquin. Les mêmes sources rapportent des expropriations sans compensation adéquate et des difficultés en ce qui concerne l'accès au marché du travail, et en particulier à la fonction publique, pour certaines minorités de la zone. L'expert a donc estimé particulièrement important d'informer le Comité sur la liberté de déplacement et d'établissement pour tous, en particulier dans les zones habitées par les minorités. Par ailleurs, beaucoup de sources font référence à la situation des peuples des marais du Sud de l'Iraq, qui auraient été déplacés vers d'autres régions. Des experts ont demandé des informations complètes sur le sujet : les familles ont-elles été indemnisées, ont-elles un recours devant la justice ?

Concernant les droits culturels et linguistiques des personnes appartenant à des minorités, M.Diaconu s'est interrogé sur la possibilité pour les Turkmènes et les Assyriens de bénéficier des dispositions favorables au maintien de leur culture dans les gouvernats du Nord et dans les autres régions du pays.

Examen de la situation en République centrafricaine

L'expert chargé de l'examen de la situation en République centrafricaine en l'absence de rapport, M.Yuri A. Rechetov, a rappelé que l'examen du dernier rapport date de 1986. Depuis, des changements politiques radicaux ont modifié la situation des droits de l'homme dans le pays. Le dernier rapport, assez bref, affirmait l'absence de manifestations notoires de discrimination raciale. Le Comité militaire de redressement national était déclaré inoffensif pour la promotion des droits de l'homme. Les conditions de vie des pygmées étaient évoquées, et il était affirmé que cette minorité n'était intéressée ni par la civilisation, ni par les aides gouvernementales. L'expert a indiqué que d'autres sources font au contraire état de l'exploitation, en particulier commerciale, de cette minorité. Le dernier rapport manquait de données démographiques précises et de renseignements sur la participation à la vie politique de tous les éléments de la population. Il indiquait que le dernier recensement ne s'était fait que sur une base géographique, et non une base ethnique, ce qui expliquait l'absence de données concernant la ventilation de la population par groupe ethnique.

L'expert s'est appuyé sur le document de base publié le 19 mars de cette année (HRI/CORE/1/Add.100) pour évaluer la situation actuelle en République centrafricaine. Il a ainsi indiqué qu'il existe depuis 1991 une Commission nationale de protection des droits de l'homme. Mais la question de la diffusion des instruments ratifiés par la République centrafricaine pose problème. En même temps, la discussion se poursuit pour savoir ce que la Commission doit faire pour répondre aux plaintes déposées. Il semble donc qu'après la longue période de pouvoir exercé par Bokassa, des changements considérables sont en train de se produire, auxquels le Comité devrait consacrer l'attention qu'ils méritent. L'expert a souhaité que la République centrafricaine fasse rapidement parvenir un rapport que le Comité pourra examiner en présence d'une délégation du pays.

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