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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DÉBAT DE L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE, DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DU DROIT À LA SANTÉ

02 Juin 2009

Conseil des droits de l'homme
APRES-MIDI 2 juin 2009


Il entend le Ministre des droits de l'homme de Sri Lanka

Le Conseil des droits de l'homme s'est penché cet après-midi sur les rapports présentés par les Rapporteurs spéciaux chargés respectivement de l'indépendance de la justice, de la liberté d'expression et du droit à la santé avec lesquels il a eu un dialogue interactif. Il a en outre conclu ses débats sur trois rapports présentés ce matin concernant les mandats relatifs aux droits de l'homme et aux sociétés multinationales, au droit à l'éducation et aux droits de l'homme des migrants. En début de séance, le Ministre de la gestion des catastrophes et des droits de l'homme de Sri Lanka s'est adressé au Conseil pour décrire la situation dans le pays dans le contexte de la session extraordinaire que le Conseil y a consacré la semaine dernière.

Le Ministre sri-lankais a assuré le Conseil que son gouvernement avait fait tout son possible pour épargner les civils lors de la reconquête des enclaves tenues par la guérilla séparatiste tamoule, notamment en n'utilisant pas les armes lourdes. Il a exprimé la déception ressentie par son pays de voir le Conseil des droits de l'homme convoquer une session extraordinaire consacrée à la situation des droits de l'homme à Sri Lanka. Cette session était superflue, selon lui.

Le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Leandro Despouy, a expliqué qu'il observait, au terme de son mandat, que le problème de la sécurité des juges et avocats demeurait aussi grave qu'il y a quelques années. Il a rendu compte de missions effectuées au Guatemala, en Fédération de Russie. Concernant le Guatemala, il a rappelé que les grands problèmes de ce pays étaient l'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme et le manque de moyens à la disposition des autorités de justice. Il a observé, s'agissant de la Fédération de Russie que le système soviétique influençait toujours l'appareil judiciaire russe et estimé que l'indépendance des avocats russes est menacée par des ingérences politiques et la violence. M. Despouy a par ailleurs attiré l'attention de la communauté internationale sur la détérioration de l'état de droit aux Fidji. Il a aussi souligné la nécessité d'éclaircir les conditions de l'attentat contre les Nations Unies à Bagdad, en 2003, une commission d'enquête devant être établie à cet effet. Évoquant des dérives telles que le centre de détention de la base américaine de Guantánamo Bay, il a lancé: «Lorsqu'on lutte contre le diable avec les armes du démon, on finit tous en enfer».

Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, M. Frank La Rue Lewy, a pour sa part souligné le caractère fondateur de la Déclaration finale de la Conférence de suivi de Durban contre le racisme, n'hésitant pas à évoquer «l'aube d'une nouvelle ère» dans la lutte contre la discrimination raciale. Il a souligné à cet égard le rôle fondamental des journalistes pour éduquer le public et lutter contre tout ce qui pourrait constituer des appels à la haine raciale. Il a insisté par ailleurs sur la vacuité du concept de liberté d'expression pour les classes les plus pauvres de la société. La liberté, pour être substantielle, ne doit pas être seulement un droit mais aussi une capacité à s'exercer et à influencer la politique.

Le Rapporteur spécial sur le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, M. Anand Grover, a constaté que près de deux milliards de personnes n'avaient pas accès aux médicaments essentiels, essentiellement à cause de leur coût. Il est évident que les droits de propriété intellectuelle influent sur le droit à la santé, en raison de l'impact direct sur le coût des médicaments. Les brevets limitent la possibilité de fabriquer, vendre ou importer le produit breveté et aboutissent à des situations de monopoles de fait. Si les médicaments génériques permettent de contourner ce problème, le Rapporteur spécial s'est inquiété du fait que les principaux pays producteurs de ces médicaments - Brésil, Inde et Afrique du sud - aient maintenant adhéré aux droits de propriété intellectuelle.

Les États suivants ont participé au débat interactif avec les trois Rapporteurs spéciaux: Cuba, Égypte (au nom du Groupe africain), Pakistan (au nom de l'Organisation de la Conférence islamique), République tchèque (au nom de l'Union européenne). La Thaïlande a exercé le droit de réponse en fin de séance.

L'Indonésie, le Sénégal, l'Espagne, la France, le Ghana et la Palestine ont participé à la fin du débat entamé ce matin, ainsi que la Commission européenne, le Comité international de coordination des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme, la Commissions malaisienne et mexicaine des droits de l'homme et les représentants des organisations non gouvernementales suivantes: Amnesty International; Human Rights Watch; Commission arabe des droits de l'homme (au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP); Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH; Fédération générale des femmes iraquiennes; Centre Europe Tiers-Monde - CETIM (au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP; et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté); Human Rights Advocates; Nord-Sud XXI et la Commission internationale de juristes. Les trois titulaires de mandats concernés ont conclu le débat.


Demain, le Conseil des droits de l'homme, qui se réunira de manière continue de 9 heures à 18 heures, poursuivra l'examen des trois rapports présentés cet après-midi avant d'être saisi de rapports sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et sur la violence contre les femmes.


Déclaration du Ministre des droits de l'homme de Sri Lanka

M. MAHINDA SAMARASINGHE, Ministre de la gestion des catastrophes et des droits de l'homme de Sri Lanka, a déclaré que c'est pour lui un grand plaisir de prendre la parole devant le Conseil pour la deuxième fois en si peu de temps. Une lumière apparaît au bout d'un long tunnel; il y a deux semaines, Sri Lanka est enfin sorti de ce tunnel long de deux décennies, et peut se réjouir de la lumière éblouissante d'un avenir radieux. La lutte contre le terrorisme, la violence et les destructions s'est achevée pour le bien de l'ensemble des citoyens du pays. Le Gouvernement avait pris la décision de ne pas utiliser des armes lourdes afin d'épargner les vies civiles, bien que ce choix ait allongé les combats. Des civils ont toutefois subi la captivité et ont servi de boucliers humains, alors qu'ils essayaient de fuir les combats. Ils sont maintenant pris en charge et soignés, et le Gouvernement va s'atteler à leur permettre d'avoir la vie qu'ils méritent. Un avenir meilleur sera offert à nos enfants. Le déminage, la reconstruction des infrastructures, la restauration des institutions démocratiques constituent une lourde et longue tâche, sans compter la réintégration des enfants soldats et la prise en charge psychosociale.

Le séparatisme ne devra pas réémerger, a poursuivi le Ministre sri-lankais. Il a exprimé la déception ressentie par son pays de voir le Conseil des droits de l'homme convoquer une session extraordinaire consacrée à la situation des droits de l'homme à Sri Lanka. Cette session était superflue à la veille de la onzième session du Conseil, a estimé le Ministre. En dépit des intentions des 17 pays qui ont demandé la tenue de cette session, le Conseil a livré un message sans équivoque. Quant au peuple du Nord de Sri Lanka, il faut maintenant leur permettre de jouir de leurs droits fondamentaux et de leur liberté et leur apporter des solutions politiques. Mais le temps presse et l'on ne peut se permettre d'expérimenter des solutions importées. Il faut trouver une solution propre au pays, acceptable aux yeux de la population. Devant la communauté des nations, le Président Mahinda Rajapakse a exprimé toute sa confiance dans la capacité de son gouvernement à mettre en place une telle solution.

Ces efforts du Gouvernement doivent être complétés par les amis de Sri Lanka, dont les Nations Unies, a souligné M. Samarasinghe, qui a lancé un appel à tous les alliés et amis de Sri Lanka pour lui venir en aide. Sri Lanka a démontré sa volonté de travailler en collaboration étroite avec eux dans le cadre du programme «Printemps au Nord». Dès la fin des combats, le Gouvernement a pris des initiatives pour le développement. La réintégration des anciens combattants et leur démobilisation et la réintégration dans la vie active est prévue et a déjà fait l'objet d'un atelier. Cet atelier a permis de créer des groupes qui continuent de travailler sur ces questions. Cela est indispensable pour trouver une paix durable. Des mesures transitoires seront mises en place. L'Organisation internationale du travail contribuera à mettre en place le cadre adéquat. Le contenu de ce cadre découle des engagements pris devant le Conseil des droits de l'homme et de l'Examen périodique universel. Les recommandations faites ont été dûment enregistrées par Sri Lanka. Un plan d'action national sur la torture, sur les déplacés internes, sur les droits économiques, sociaux et culturels et les droits civils et politiques, le droits des femmes et des enfants ont été élaborés. Le Ministre a remercié chaleureusement les membres du Conseil pour l'intérêt qu'ils ont montré à l'égard de Sri Lanka. Il a aussi remercié le Président qui préside pour la dernière fois le Conseil des droits de l'homme de son soutien infaillible.


Fin du débat interactif sur les droits des migrants, le droit à l'éducation et les droits de l'homme et les sociétés multinationales

M. GUSTI AGUNG WESAKA PUJA (Indonésie) a remercié le Rapporteur spécial sur les droits des migrants pour son rapport concernant particulièrement la protection des enfants migrants. Il convient de lutter contre toute forme d'exploitation des enfants allant à l'encontre de leur bien-être et de leur développement. Il existe par ailleurs des normes pour la protection des droits de l'enfant, qui doivent être appliquées par les États. Le représentant indonésien a demandé au Rapporteur spécial comment renforcer les politiques de protection des enfants migrants. Le représentant a remercié également le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, un droit fondamental pour l'insertion sociale des jeunes. Cependant, certains États, déjà confrontés à de grandes difficultés en matière d'éducation de la population en général, auront des difficultés à mettre en œuvre les principes définis dans le rapport concernant les mineurs en détention. Une coopération internationale est nécessaire dans ce domaine.

MME JOELLE HIVONNET (Commission européenne) a félicité M. John Ruggie, Représentant spécial sur les droits de l'homme et les sociétés multinationales, pour son travail et souligné que la Commission étudiait les meilleurs moyens d'appliquer le cadre qu'il propose au niveau régional de l'Union européenne. Elle a attiré l'attention sur une nouvelle étude commandée par la commission sur le cadre légal pour les droits de l'homme et l'environnement applicable aux sociétés européennes à l'étranger; elle a aussi attiré l'attention sur une étude à venir touchant aux exemples concrets concernant les entreprises européennes. Elle a demandé au Représentant spécial quelles activités il entendait entreprendre au niveau régional dans le cadre de son mandat dans les mois à venir.

M. BABACAR CARLOS MBAYE (Sénégal) a déclaré que le contenu du rapport de M. Jorge Bustamante confirme l'importance du respect des droits de l'homme des migrants. Il a abordé la problématique des données portant sur la migration des enfants, soulignant que l'ampleur du phénomène était difficile à mesurer en raison d'absences de données fiables. Cette situation ne facilite pas l'élaboration d'une politique adaptée aux réalités du terrain. Toute forme d'assistance aux pays pour mettre en place un système de suivi des flux migratoires est la bienvenue. Le Sénégal appuie la recommandation relative à la prise en compte de l'intérêt supérieur des enfants et de leur bien-être et se demande si la problématique des enfants migrants est bien couverte au niveau international.

M. PABLO GÓMEZ DE OLEA BUSTINZA (Espagne) a déclaré que le rapport de M. Bustamante appelle quelques remarques sur la notion d'intérêt supérieur des mineurs et du concept de regroupement familial. À cet égard, le rapport insiste à juste titre sur la nécessité d'obtenir la collaboration des autorités du pays vers lequel un mineur sera dirigé au titre du regroupement familial.

MME MARIE-ANNA LEBOVITS (France) a fait part de l'appui de la France à M. Ruggie dans sa démarche visant à une meilleure prise en compte du devoir de protection des droits de l'homme dans les politiques économiques, afin notamment de mettre un frein aux abus de puissance commis par certaines entreprises dans la négociation de leurs accords d'investissement dans les pays pauvres. Elle a assuré M. Ruggie qu'il pouvait compter sur le soutien de la France dans «tous les travaux» qu'il conduit. Toutefois, un point inquiète le Gouvernement français, a-t-elle indiqué: en effet, la quasi-totalité des références incluses dans le rapport provient du monde anglo-saxon, a-t-elle relevé, regrettant ce «tropisme». «Ne pensez-vous pas que vos travaux à venir devraient chercher à puiser davantage dans les réflexions qui ont lieu, concernant la RSE (responsabilité sociale des entreprises), dans d'autres espaces culturels, latino-américain, asiatique et bien sûr francophone», a-t-elle demandé au Représentant spécial?

MME MERCY YVONNE AMOAH (Ghana) a exprimé son accord quant à l'importance que revêt le respect des droits de l'homme par les entreprises transnationales. Il s'agit d'une question fort importante pour les pays en voie de développement et c'est l'occasion pour nombre de pays de repenser leurs lois en la matière, a-t-il déclaré. Il a remercié le Représentant spécial en charge de cette question pour son approche juridique de celle-ci. Cette approche semble être la plus pertinente et la plus efficace, a-t-il précisé. Il a souhaité connaître la réaction de M. Ruggie à la proposition faite par le Groupe africain d'élaborer un instrument contraignant sur les responsabilités en matière de droits de l'homme des sociétés transnationales.

M. IMAD ZUHAIRI (Palestine) a félicité le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, qui attire à juste titre l'attention sur ce droit dans le contexte des personnes placées en détention. Il a toutefois regretté que le rapport de M. Vernor Muñoz Villalobos ne fasse pas mention de la situation des Palestiniens, qui sont pourtant soumis à des «mesures de sécurité» et à une occupation qui les prive de leurs droits, et en particulier de leur droit à l'éducation. Les Conventions de Genève obligent les puissances occupantes à faciliter le travail des institutions consacrées aux soins et à l'éducation des enfants, a-t-il rappelé. Or, les étudiants palestiniens sont empêchés de se rendre à l'université aux «points de contrôle» mis en place par la puissance occupante, sans parler de ceux qui sont victimes d'arrestations arbitraires. Des centaines d'écoles et de jardins d'enfants, ainsi que huit universités, ont été bombardés par les forces d'occupation israéliennes. L'orateur a demandé au Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation s'il estime que cette occupation mérite de sa part une attention particulière et, si oui, pourquoi alors son rapport ne la mentionne-t-il pas?

MME MYRIAM MONTRAT (Comité international de coordination des Institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme) a souligné que les activités des institutions nationales de promotion et de défense des droits de l'homme peuvent contribuer à aider les entreprises à mettre en place des environnements respectueux des droits de l'homme. Ces institutions peuvent aussi fournir des avis sur les législations nationales et leur conformité avec les normes internationales de droits de l'homme, a-t-elle ajouté. Elle a en outre indiqué que le Comité international de coordination qu'elle représente était disposé à aider les institutions nationales de promotion et de défense des droits de l'homme à élargir leur rôle et leurs capacités dans le domaine des droits de l'homme dans l'entreprise.

MME ABU SAMAH ASIAH (Commission malaisienne des droits de l'homme) a remercié le Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation pour son rapport et a fait part de sa satisfaction face aux efforts consentis par le Gouvernement malaisien en vue d'accroître le taux de scolarisation. L'accent doit dorénavant porter sur la qualité de l'enseignement au profit des populations autochtones, des enfants handicapés et des enfants migrants, a-t-elle ajouté. Depuis 2000, la Commission malaisienne des droits de l'homme a engagé plusieurs programmes d'enseignement des droits de l'homme auprès des enseignants et des élèves, a-t-elle précisé.

MME KATHARINA ROSE (Commission des droits de l'homme du Mexique) a déclaré que les actions visant à protéger les droits des migrants sont extrêmement importantes aux yeux de la Commission mexicaine des droits de l'homme. Les Mexicains souffrent d'innombrables abus en se rendant aux États-Unis, a-t-elle rappelé; d'autre part, a-t-elle ajouté, de nombreux migrants étrangers, qui ne font que traverser le pays, sont victimes de violations des droits de l'homme sur le sol mexicain. La Commission mexicaine des droits de l'homme demande donc à tous les États de signer et ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

MME PATRIZIA SCANELLA (Amnesty International) s'est félicitée que le Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants prenne en considération les droits des enfants et en particulier le droit à l'unité de la famille; en effet, il s'agit de droits qui ne doivent pas être oubliés lorsque l'on définit les lois en matière de migration. Constatant que les immigrants illégaux sont souvent victimes d'abus, elle a relevé que les personnes qui s'efforcent de les protéger et de les héberger sont elles aussi menacées. Or, les enquêtes sur les cas de menaces ou d'agressions à leur encontre ne donnent généralement rien. Aussi, l'oratrice a-t-elle demandé à M. Bustamante s'il prévoyait un suivi à ce sujet.

MME JULIE DE RIVERO (Human Rights Watch) s'est félicitée du rapport de M. Jorge Bustamante sur les droits de l'homme des migrants. Elle a fait observer qu'entre deux et quatre millions de travailleurs migrants illégaux vivent actuellement en Thaïlande. Il est rare que ces personnes aient accès aux indemnisations pour accident du travail, puisque l'organisme compétent refuse l'inscription de personnes sans papiers. Par conséquent, de nombreux handicapés du travail sans papiers se retrouvent privés de toute prestation sociale. La représentante a souhaité savoir si le Rapporteur spécial avait reçu des réponses du Gouvernement thaïlandais au sujet de ce problème.

M. ABDEL WAHAB HANI (Commission arabe des droits de l'homme, au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP) a attiré l'attention sur la situation préoccupante des migrants en situation illégale, qui se trouvent parqués dans des centres de rétention dans des conditions indignes. Cette nouvelle forme de violation des droits de l'homme ne va cesser de croître au fur et à mesure que la crise économique va s'aggraver. Le durcissement des lois relatives aux migrations et la sous-traitance des centres de rétention relèvent d'une évolution fort préoccupante, a poursuivi le représentant. Ceux qui fuient leur patrie à la recherche d'une vie meilleure ont droit à une protection, a-t-il rappelé. Le Rapporteur spécial en charge de cette question devrait donc davantage mettre l'accent sur la promotion d'une ratification universelle de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; il devrait en outre intégrer les mesures préconisées par l'UNESCO pour lutter contre la discrimination dans l'éducation.

MME RACHEL BRETT (Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers) s'est dite encouragée par le nombre de réponses obtenues au sujet du droit à l'éducation des détenus: 45 États ont répondu au questionnaire du Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, ce qui est exceptionnel. Néanmoins, le mouvement Quaker est préoccupé par un certain nombre de questions soulevées dans le rapport. En effet, le Rapporteur spécial évoque notamment aux paragraphes 35 et 36 de son rapport les difficultés d'apprentissage rencontrées par un certain nombre de détenus et plus particulièrement parmi ceux d'entre eux qui sont handicapés; comment M. Muñoz Villalobos explique-t-il cette situation en particulier? Doit-on en outre comprendre que ces personnes sont plus susceptibles de se retrouver en prison car la justice ne leur permettrait pas de se défendre de manière adéquate, a-t-elle demandé?

MME JULIE GROMELLON (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) s'est félicitée du rapport du Représentant spécial du Secrétaire général en charge de la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales. Elle a exprimé l'espoir que M. Ruggie serait en mesure de proposer des modifications devant être apportées aux contrats afin que les systèmes judiciaires nationaux ne permettent plus aux entreprises d'imposer des clauses controversées. La FIDH se félicite des efforts consentis pour clarifier les obligations des sociétés transnationales et se réjouit d'en apprendre davantage quant à la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits de l'homme dans des situations précises. Enfin, la FIDH se félicite de l'inclusion dans le rapport d'une annexe relative aux obligations des États en matière de mise à disposition de voies de recours contre les abus commis par des tiers.

MME ENTESAR ARIBI (Fédération générale des femmes iraquiennes) a demandé au Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation s'il connaît les conditions prévalant dans les prisons en Irak. Les prisonniers y ont été maltraités, à l'instar de ceux incarcérés à Abu Ghraïb; ils n'ont accès à aucune éducation et voient leur avenir compromis. Le système d'enseignement iraquien, jadis l'un des meilleurs du monde arabe, a d'une manière générale grandement souffert du conflit, a souligné la représentante.

M. MALIK ÖZDEN (Centre Europe Tiers-Monde - CETIM, au nom également du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples – MRAP; et la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) a estimé que le rapport présenté aujourd'hui par le Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales constituait une régression car M. Ruggie ne semble pas tirer les conclusions qui s'imposent quant à la nécessité d'établir un régime juridique contraignant, au niveau international, pour encadrer les activités des sociétés transnationales. Quant à la réponse apportée par le G20 au problème des paradis fiscaux, elle ne vise pas à contrôler les fraudes ou activités criminelles mais à protéger les intérêts de quelques États dominants, a poursuivi l'orateur. Il a estimé qu'il est plus urgent que jamais d'adopter des normes contraignantes à l'égard des sociétés transnationales, comme cela avait été suggéré il y a six ans par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme.

M. AMOL MEHRA (Human Rights Advocates) a jugé insuffisant sous certains aspects le rapport du Représentant spécial en charge des droits de l'homme et des sociétés transnationales. Les responsabilités qui y sont mentionnées se réfèrent en effet à des obligations morales plutôt que juridiques. Le rapport ne prévoit rien dans les cas où les États ne peuvent - ou ne veulent - mettre un terme aux agissements d'entreprises. Tout cela ne suffira pas à contrôler les agissements des sociétés opérant au niveau international. Il faudrait que le rapport envisage des prescriptions d'ordre juridique plus contraignantes à l'intention des États et des sociétés transnationales.

MME LILY AUROVILLIAN (Nord-Sud XXI) a relevé que malheureusement, le rapport de M. Ruggie sur les responsabilités des sociétés transnationales en matière de droits de l'homme, pour satisfaisant qu'il soit, n'envisage pas d'instrument juridiquement contraignant. Or, un tel instrument devrait être mis sur pied. Aussi, la représentante a-t-elle exhorté les États à poursuivre activement les entreprises qui se rendent coupables de violations des droits de l'homme.

M. LUKAS MACHON (Commission internationale de juristes) a attiré l'attention sur le fait qu'entre le 6 et le 10 mai dernier, les autorités italiennes ont intercepté un demi millier de migrants au large de leurs côtes qui ont été renvoyés aussitôt en Libye. L'orateur a souligné que les divers textes en vigueur interdisent un tel refoulement, particulièrement en direction d'un pays pratiquant la torture. L'Italie comptant poursuivre ce type de pratique, l'orateur a demandé à M. Bustamante son avis sur la nouvelle politique italienne de renvoi forcé de migrants et d'éventuels demandeurs d'asile depuis les eaux internationales.

Conclusions des titulaires de mandats sur les droits de l'homme et les transnationales, les droits des migrants et le droit à l'éducation

M. JOHN RUGGIE, Représentant spécial du Secrétaire général sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales, a confirmé que le cadre que son mandat s'efforce de définir comprend des mesures non judiciaires autonomes, de nature préventive, qui ne remplacent pas les mesures de nature judiciaire. En matière de contrats d'investissements, le Représentant spécial a observé que certains États se lient involontairement les mains en signant des contrats vagues et donnant lieu à interprétation. L'objectif est donc de définir des modalités contractuelles normalisées empêchant des clauses limitatives quant la capacité d'action des États, notamment pour ce qui concerne l'action en matière de respect des droits de l'homme. Le projet sur les domaines affectés par des conflits consiste en une réflexion libre entre pays concernés, l'objectif n'étant pas la recherche d'un consensus, mais la recherche de modalités en vue d'assurer un comportement respectueux des droits de l'homme par les entreprises transnationales. Concernant enfin la représentation régionale, il s'agit d'un aspect sur lequel le Représentant spécial a accordé une attention particulière tout au long de ses activités, par le biais notamment de consultations régionales et de participation à des forums internationaux.

M. JORGE BUSTAMANTE, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants, a déclaré que l'on fait face à un flux migratoire croissant et qui va dans tous les sens. C'est peut être le pire moment pour défendre les droits des migrants, ou, dit autrement, c'est le meilleur moment pour constater l'échec général de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles. La communauté internationale va devoir réinventer des instruments nouveaux, car le phénomène de la migration est loin de se terminer. Le Rapporteur spécial a estimé que le pire est à venir et que le monde devra y faire face.

M. VÍCTOR MUÑOZ VILLALOBOS, Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, a souligné qu'essayer de s'instruire en prison revenait bien souvent à vouloir apprendre à jouer au football dans une pièce de deux mètres carrés. Il a souligné la nécessité de promouvoir des politiques adaptées à l'éducation en prison. Un budget adapté est une première exigence pour une démarche dans le domaine de l'éducation dans les centres pénitentiaires. Il est d'autant plus possible de promouvoir une politique cohérente d'éducation en prison que les détenus réellement dangereux sont l'exception et non la règle, a-t-il ajouté. Par ailleurs, il convient de mettre en œuvre des programmes d'instruction dirigés spécifiquement en direction des femmes. Il est fondamental de mettre cette question à l'ordre du jour des organisations internationales traitant des questions d'éducation. Concernant la Cisjordanie et la Bande de Gaza, il a rappelé avoir abordé leur situation dans de précédents rapports, un autre spécifique aux territoires palestiniens devant être rendu public incessamment.


Examen de rapports sur l'indépendance de la justice, la liberté d'expression et le droit à la santé

Présentation des rapports

Les Rapporteurs spéciaux sur l'indépendance des juges et des avocats, la liberté d'opinion et d'expression et le droit de jouir du meilleur état de santé possible ont présenté leurs rapports au Conseil.

M. LEANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et avocats, a précisé que, sur la base de la longue expérience accumulée par le mandat depuis sa création en 1994, il avait décidé de consacrer son dernier rapport à une analyse concise des garanties de l'indépendance de la justice, et notamment de certains aspects formels susceptibles de renforcer ou au contraire de compromettre l'action des juges et avocats. Le Rapporteur spécial s'est ainsi dit inquiet de la tendance des États à recourir à des magistrats temporaires ou suppléants, une démarche qui met en péril l'indépendance de la justice: l'inamovibilité des magistrats est et doit rester un principe cardinal du bon fonctionnement de la justice.

Le Rapporteur spécial a évoqué sa visite en Fédération de Russie, observant que le système soviétique influence encore l'appareil judiciaire russe. Il a déploré le grave déséquilibre qui règne dans l'accès aux tribunaux. Durant la visite du Rapporteur spécial, il est apparu que l'indépendance des avocats est menacée par des ingérences politiques. La violence est un autre obstacle à l'action des agents de la justice, un célèbre avocat ayant par exemple été assassiné à Moscou durant la visite du Rapporteur spécial. Cependant, compte tenu de la coopération obtenue pendant la visite du Rapporteur spécial, ce dernier s'est dit convaincu que son successeur trouverait à l'avenir l'appui nécessaire à ses travaux.

Concernant sa visite effectuée au Guatemala, le Rapporteur spécial a rappelé que les grands problèmes de ce pays sont l'impunité des auteurs de violations des droits de l'homme et le manque de moyens à la disposition des autorités de justice. Sept magistrats ont été assassinés récemment, leur système de protection étant inefficace. Par ailleurs, le Rapporteur spécial a formulé des recommandations sur les méthodes de nomination des magistrats de rang supérieur. Le Rapporteur spécial entend assurer un suivi étroit du Guatemala.

M. Despouy a par ailleurs déploré que tous les tribunaux des Fidji aient été révoqués par simple décret exécutif. Le Rapporteur spécial souhaite attirer l'attention de la communauté internationale sur la détérioration de l'état de droit dans ce pays.

De manière générale, le Rapporteur spécial observe, au terme de son mandat, que le problème de la sécurité des magistrats et avocats demeure aussi grave qu'il y a quelques années. Il a néanmoins relevé les deux faits positifs que sont la place qu'a prise le pouvoir judiciaire dans la vie internationale et le rôle qu'il assume désormais dans la réflexion sur son propre fonctionnement. Une recommandation du rapport porte sur la nécessité extrême d'éclaircir les conditions de l'attentat contre les Nations Unies à Bagdad, en 2003, une commission d'enquête devant être établie à cet effet, a estimé M. Despouy. Ce dernier a rappelé qu'il a dû à plusieurs reprises, au cours de son mandat, et avec d'autres titulaires de mandats des Nations Unies, s'élever contre les conditions de détention et d'interrogation des personnes détenues à Guantánamo. Cela étant, il faut reconnaître le caractère encourageant des changements promis par le nouveau Président des États-Unis. L'expérience de Guantánamo doit servir de preuve aux yeux du monde entier que la détention au secret ne mène qu'aux pires excès, torture comprise. «Lorsque l'on lutte contre le diable avec les armes du démon, on finit en enfer», a conclu M. Despouy.

Le rapport sur l'indépendance des juges et avocats (A/HRC/11/41, à paraître en français), montre comment les procédures de sélection et de nomination des juges, ainsi que la durée et de la sécurité de leurs fonctions sont des facteurs clés pour assurer l'indépendance des juges. Parmi les facteurs mettant en danger l'indépendance de la magistrature, le Rapporteur spécial souligne avec une profonde préoccupation la tendance croissante de plusieurs États membres à ne pas se conformer à leur obligation de nommer un nombre suffisant de juges pour un fonctionnement efficace de l'administration de la justice, et à nommer des juges temporaires ou stagiaires. En outre, l'indépendance de la justice doit être garantie par la Constitution primordiale. En ce qui concerne la sélection, la nomination et la promotion des juges, le Rapporteur spécial recommande que les États membres envisagent d'établir un organe indépendant chargé de la sélection des juges, qui devrait avoir une composition équilibrée et diversifiée. Les procédures de sélection et de nomination doivent être transparentes et l'accès du public aux documents pertinents être assurée. Des procédures claires et des critères objectifs pour la promotion des juges doivent être établis par la loi. Les décisions finales sur les promotions doivent de préférence être prises par l'organisme indépendant chargé de la sélection des juges. Le Rapporteur spécial recommande également que les États membres envisagent l'introduction progressive de la nomination des juges à vie. La révision des mandats des magistrats par le pouvoir exécutif doit être abolie et des garanties spécifiques être adoptées pour s'assurer que les nominations des juges stagiaires ne compromettent pas l'indépendance du pouvoir judiciaire. En ce qui concerne le budget de la justice, M. Despouy recommande qu'un minimum fixé en pourcentage du produit intérieur brut soit alloué au système judiciaire par la Constitution ou par la loi. Afin de renforcer les structures et les procédures au sein de la magistrature, il recommande que les États membres créent un mécanisme d'attribution des affaires judiciaires de manière impartiale entre les tribunaux. Des structures adéquates doivent être adoptées, au sein de la magistrature et dans les tribunaux, pour prévenir les ingérences dans le pouvoir judiciaire. Enfin les allégations d'ingérence doivent faire l'objet d'enquêtes indépendantes et impartiales, approfondies et diligentes.

En ce qui concerne la mission en Fédération de Russie (A/HRC/11/41/add.2) qu'il a effectuée du 19 au 29 mai 2008, le Rapporteur spécial montre que d'importantes réformes ont été mises en œuvre ce pays qui ont notamment abouti à l'adoption d'une nouvelle législation régissant les procédures judiciaires et à des améliorations notables des conditions de travail des membres de l'appareil judiciaire. Le Rapporteur spécial montre aussi que l'application concrète du principe de l'égalité d'accès à la justice reste une préoccupation importante et qu'un grand nombre de décisions de justice ne sont pas appliquées. Il souligne également le manque de transparence dans le processus de sélection des juges et dans l'exécution des mesures disciplinaires. Des ingérences politiques, entre autres facteurs, ont malheureusement nui à l'image qu'a la population du système judiciaire. En outre, un des principaux résultats obtenus, à savoir la mise en place d'un barreau indépendant et autoréglementé, a été dernièrement compromis et le véritable rôle des avocats de la défense n'a pas encore été pleinement reconnu. Toutefois, la réforme récente visant à séparer les fonctions d'instruction et de poursuite pourrait renforcer le rôle des juges et permettre de mettre en place un système plus efficace et équilibré pour les parties aux procédures judiciaires. Le Rapporteur spécial souligne qu'il faudra plus qu'un solide arsenal juridique pour édifier, à terme, un système judiciaire doté de tribunaux indépendants et qui garantisse une procédure contradictoire. Il faudra aussi que les mentalités changent. De récentes initiatives, telles que la création d'un groupe de travail spécial chargé d'examiner les questions liées à la réforme judiciaire, sont des signes encourageants.

Le rapport du Rapporteur spécial sur sa mission au Guatemala (A/HRC/11/41/add.3) n'est paru qu'en espagnol. Un additif au rapport de M. Despouy contient un résumé des communications adressées aux États et des réponses reçues de ceux-ci (A/HRC/11/41/add.1).

M. FRANK LA RUE LEWY, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, a souligné que la Conférence d'examen de Durban a marqué l'aube d'une nouvelle ère dans la lutte contre la discrimination raciale, selon lui. M. La Rue Lewy s'est associé au document final de la Conférence appelant les pays qui ne l'ont pas encore fait à y adhérer. Il a mentionné en détail les paragraphes 58, 13 et 60, qui rappellent le droit à la liberté d'expression sans pour autant permettre l'incitation à la haine raciale ou religieuse. Il nous faut reconnaître clairement l'importance de l'accord conclu par la Déclaration finale de la Conférence d'examen, a-t-il renchéri. M. La Rue Lewy a rappelé la responsabilité des médias et des journalistes dans la lutte contre le racisme et la lutte contre la discrimination. Il a indiqué avoir lancé une réflexion pour établir un programme de formation sur Internet à destination des journalistes sur les questions de droits de l'homme, de diversité culturelle et de déontologie. Ce programme donnera lieu à une coopération avec les associations de journalistes, sur une base volontaire, afin de fournir aux professionnels des médias les outils nécessaires pour améliorer leur travail sur les questions sensibles sur le plan culturel.

M. La Rue Lewy a aussi souligné que son rapport était axé sur la difficile question de la mise en œuvre du droit à la liberté d'expression dans les situations de pauvreté extrême. Malheureusement, a-t-il rappelé, la pauvreté demeure un obstacle majeur empêchant que le principe de la liberté d'expression ne se traduise dans la réalité et que les personnes touchées par la pauvreté puissent accéder à une participation réelle dans la société. Alors que la mondialisation a décuplé les moyens de communication et le partage de l'information, ce privilège demeure celui d'une minorité privilégiée. Et il ne s'agit pas d'un problème limité au Sud: les groupes vulnérables vivant dans les pays développés – migrants, minorités, autochtones – figurent parmi les victimes de la fracture numérique, a-t-il souligné. La liberté, pour être substantielle, doit ne pas être seulement un droit mais elle doit aussi être une capacité à s'exercer et à influencer la politique, a ajouté le Rapporteur spécial. En conclusion, il a évoqué le déplacement de son prédécesseur au Honduras ainsi que le sien aux Maldives. Il a rappelé que le premier avait recommandé au Gouvernement hondurien de lutter contre l'impunité dans les affaires d'assassinat de journalistes. Aux Maldives, il a constaté les évolutions positives survenues depuis 2006.

Le rapport sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression (A/HRC/11/4, à paraître en français) rend compte des activités du Rapporteur spécial, ses priorités et méthodes de travail. Il donne un compte-rendu des limites à la liberté d'expression et d'opinion qu'il a pu constater. Il aborde la question de la sécurité et de la protection des journalistes dans les zones de conflit, avant d'aborder le problème de l'accès à l'information dans les situations de pauvreté extrême. Dans ses conclusions, il appelle les États à «déréguler» les systèmes d'information afin que celle-ci circule librement en direction de la société civile et de ses secteurs les plus en marge. Il appelle par ailleurs à la promotion d'une «culture de la sécurité» en faveur des professionnels de la presse. Par ailleurs, dans un document de 476 pages (A/HRC/11/4/Add.1), le Rapporteur spécial énumère les cas qu'il a transmis aux États avec les réponses reçues. M. La Rue Lewy rend compte enfin de ses missions au Honduras et aux Maldives (A/HRC/11/4/Add.2 et Add.3).

M. ANAND GROVER, Rapporteur spécial sur le droit qu'a chaque personne à jouir du meilleur état de santé physique et mental possible, a rappelé qu'il présente son premier rapport thématique, qui porte sur les conséquences de l'Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, en anglais TRIPS) et les accords de libre échange sur le droit à la santé et plus particulièrement à l'accès aux médicaments.

À l'issue de nombreux entretiens avec différents acteurs du domaine de la santé, le Rapporteur spécial entend se concentrer sur le suivi de la mise en œuvre des politiques de santé, sur le rôle des indicateurs de santé et sur la mortalité maternelle. Il entend mettre à profit les leçons apprises dans le domaine du VIH/sida au droit à la santé de manière générale. Cette expérience a montré l'importance de soutenir les organisations des catégories les plus vulnérables tels que les travailleurs du sexe et les toxicomanes. Les communautés offrent une approche novatrice de la santé et la contribution de chacun est indispensable si l'on veut espérer parvenir à l'état de santé le plus élevé possible.

Aujourd'hui, presque deux milliards de personnes n'ont pas accès aux médicaments essentiels, surtout à cause du coût, a poursuivi le Rapporteur spécial. Il est évident que les droits de propriété intellectuelle influent sur le droit à la santé, puisqu'il y a un impact direct sur le coût des médicaments. Les brevets limitent la possibilité de fabriquer, vendre ou importer le produit breveté. Les brevets créent des monopoles et permettent aux détenteurs de fixer des prix élevés. Un brevet sur le produit créé un monopole, tandis qu'un brevet qui porte sur la production créé un monopole relatif. La compétition entre produits génériques peut par contre mener à une baisse des prix et améliorer l'accès, ce qui est le cas des antirétroviraux utilisés dans le traitement du VIH/sida. Les médicaments fabriqués dans les pays en développement tels que le Brésil, l'Inde et l'Afrique du sud ont permis de réduire leur prix de 99%. Hélas, il s'avère que des pays producteurs de génériques ont maintenant adhéré aux droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et doivent respecter les brevets. Les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce sont mis en œuvre de manière de plus ou moins flexible selon le pays. Les firmes pharmaceutiques et les pays développées ont exercé un rôle proéminent dans les pays les moins avancés pour empêcher la mise en œuvre des flexibilités, parfois au moyen d'embargos. Certains pays ont ainsi accepté l'interprétation la plus contraignante. Les accords de libre échange, qui limitent souvent des clauses de flexibilité, et limitent l'utilisation de génériques, ont un effet défavorable sur les prix et créé des obstacles pour les producteurs de génériques. Par conséquent, l'utilisation des flexibilités est recommandée.

S'agissant du rapport du Rapporteur précédent, M. Paul Hunt, sur une visite de GlaxoSmithKline, une des plus grandes firmes pharmaceutiques du monde, M. Grover a relevé que cette entreprise est citée favorablement par exemple dans la fourniture de médicaments pour traiter les maladies orphelines, mais aussi défavorablement pour avoir assigné l'Afrique du Sud devant les tribunaux pour protéger ses intérêts dans la fabrication des antirétroviraux. M. Hunt avait relevé ce qui peut être fait pour améliorer l'accessibilité aux médicaments, notamment en baissant le prix sur certains produits vitaux, comme le vaccin contre le cancer du col de l'utérus Cervarix. Il a été demandé à la firme de respecter la décision des pays à utiliser les flexibilités ADPIC. Le Rapporteur a terminé en promettant un rapport sur la mission qu'il a récemment effectué en Pologne. Il a dès à présent remercié le pays de s'être montré transparent et ouvert à la discussion sur le sujet sensible que constitue la santé reproductive et sexuelle.

Le rapport sur le droit qu'a chaque personne à jouir du meilleur état de santé physique et mental possible (A/HRC/11/12 à paraître en français) explique la relation qui existe entre le droit à la santé et les droits de propriété intellectuelle. Le Rapporteur se penche sur les façons dont les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ont été mis en œuvre dans les pays les moins avancés. Il relève que les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et les accords de libre échange entravent l'accès aux médicaments. Les pays les moins avancés ont du mal à utiliser les flexibilités prévues dans les Accords sur la propriété intellectuelle pour promouvoir l'accès aux médicaments à cause manque de capacités, couplé aux pressions exercées par les pays développés. Les États doivent prendre des mesures pour y remédier, en amendant leurs politiques et leur législation afin que les populations de par le monde puissent accéder à des médicaments de bonne qualité. Le Rapporteur spécial recommande une suspension ou une révocation des droits sur les brevets pendant une phase transitoire. Pendant cette phase, les pays les moins avancés devront chercher une assistance pour renforcer leurs capacités techniques et à établir des productions locales. Les entreprises ont une fonction importante dans l'accès aux soins de santé et dans la santé publique de manière générale. Le monopole temporaire dont elle jouit temporairement sur un médicament lui permet de rémunérer ses investisseurs et de s'investir dans la recherche. En contrepartie, il a aussi la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour la production de médicaments vitaux. Le Rapporteur spécial rappelle que toute assistance technique et coopération entre les pays développés, pays les moins développés, Organisation mondiale de la santé et Organisation mondiale du commerce doit être fondée sur l'obligation de respecter, promouvoir et réaliser le droit à la santé.

S'agissant de la visite de M. Paul Hunt (le précédent titulaire) auprès de GlaxoSmithKline (A/HCR/11/12/Add.2), il est rappelé que si les entreprises détiennent pour une période limitée des brevets, ceux-ci doivent être mis à profit pour le bien de tous, dans la mesure du possible. L'image des entreprises gagnerait à ce qu'elles ne soient pas perçues comme cherchant à promouvoir leurs intérêts propres au détriment de ceux des patients. Elles doivent reconnaître la fonction sociale qu'elles jouent et assumer leurs responsabilités en matière de droit à la santé. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Pourtant, elles ont tout à gagner, car les États et les producteurs de médicaments génériques se montreraient plus disposés à concéder des arrangements, tels que les licences commerciales volontaires à des entreprises qui assument leurs responsabilités envers la société.

Le rapport est également complété par un résumé des communications adressées aux États par le Rapporteur spécial et les réponses reçues (A/HCR/11/12/Add.1 à paraître en français)

Déclarations de pays concernés par les rapports présentés

M. CARLOS RAMIRO MARTÍNEZ ALVARADO (Guatemala) a remercié le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et avocats des deux visites qu'il a effectuées dans son pays, et des recommandations importantes qu'il a formulées pour le renforcement de l'appareil judiciaire guatémaltèque. Le représentant a aussi précisé, à l'intention des membres du Conseil, que la procédure de nomination des magistrats de la Cour d'appel a été révisée par la loi dans le sens d'une meilleure transparence et impartialité. La même loi concerne aussi la désignation du procureur général. Cette loi est conforme à l'esprit des recommandations du Rapporteur spécial, a souligné le représentant. Il a aussi fait valoir qu'une feuille de route pour la lutte contre l'impunité sera bientôt ratifiée par les parties prenantes au niveau national. Un groupe d'enquête interministériel sera mis sur pied dans le même mouvement. D'autres lois visent une simplification du fonctionnement de la justice. Des mesures restent à prendre pour l'épuration et la professionnalisation des forces de police, a convenu le représentant, ajoutant toutefois que des formations continues aux droits de l'homme sont organisées à l'intention des membres des forces de l'ordre. Le Guatemala confirme sa volonté d'aller dans le sens d'une amélioration du fonctionnement de ses institutions, a indiqué son représentant.

M. DMITRY RUDKIN (Fédération de Russie) a souligné que la visite de M. Despouy était tombée à point nommé puisqu'elle coïncidait avec la mise en place de nouvelles normes dans l'administration de la justice. Cette stratégie de réforme judiciaire comprend la création d'une Cour pour les droits de l'homme, a-t-il précisé. L'orateur a aussi évoqué la «cour juvénile» pour le jugement d'affaires impliquant des mineurs, ainsi que le tribunal spécial chargé des cas de corruption. La Douma légifère actuellement contre la corruption, tandis que le chef de l'État a proposé un projet de texte visant particulièrement les cas susceptibles de toucher la fonction publique. Toutefois, la délégation russe, si elle n'est pas d'accord avec l'ensemble du rapport, assure que les réformes en cours dans la Fédération vont dans le sens du renforcement de l'État de droit. En conclusion, elle estime que la visite du Rapporteur spécial a été couronnée de succès, ses interlocuteurs sur place estimant dans leur ensemble en avoir tiré parti. La Fédération de Russie a répondu à toutes les questions écrites de M. Despouy, notamment au sujet des incidents survenus récemment, a-t-il indiqué. Le travail de M. Despouy est exemplaire sur la manière dont les Rapporteurs spéciaux doivent agir, a-t-il conclu.

M. J. DELMER URBIZO (Honduras) a félicité M. La Rue Lewy pour la présentation de son rapport qui porte notamment sur sa visite au Honduras en 2007. Le rapport fait état de points forts et de points faibles. Le représentant hondurien a souligné qu'aucune disposition juridique ne restreint aujourd'hui la liberté d'expression dans son pays. La Cour suprême a déclaré anticonstitutionnelles de telles dispositions. Des cas d'intimidation de journalistes se sont certes produits, mais personne n'a jamais été puni pour avoir exprimé ses opinions. En outre, les condamnations pour calomnie peuvent être renversés au civil. Les parties peuvent arriver à un accord grâce à l'action d'un conciliateur, selon une procédure spéciale. Le Honduras n'épargne aucun effort pour arriver à respecter toutes les recommandations émises par le Conseil des droits de l'homme, dont celles qui portent sur la liberté d'expression.

MME SHAZRA ABDUL SATTAR (Maldives) a remercié le Rapporteur spécial sur la liberté d'expression, dont le Gouvernement s'engage à respecter les recommandations. Les Maldives s'efforcent actuellement de renforcer leur cadre juridique. Elles accordent à chacun le droit d'exprimer ses opinions, notamment par le biais de la liberté de la presse et la liberté d'association. Le Gouvernement des Maldives informe le Conseil de son engagement à réviser ses lois sur les médias afin de la mettre en conformité avec les prescriptions du droit international, a conclu la représentante.

Débat interactif

M. JUAN ANTONIO FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba) a souligné que sa délégation aurait aimé que soient traitées dans le rapport sur la liberté d'expression des questions telles que les incitations à la haine par la presse. L'orateur a par ailleurs rappelé que la détention de cinq Cubains, «actuellement prisonniers politiques aux États-Unis», a été jugée «arbitraire» par le Groupe de travail sur la détention arbitraire; aussi, serait-il intéressant que le Rapporteur spécial s'exprime devant le Conseil à ce sujet. Tout en reconnaissant que le mandat de M. La Rue Lewy est complexe et n'a pas reçu un accueil unanime au sein du Conseil, Cuba aurait toutefois aimé que le Rapporteur spécial exécute son mandat de manière «plus holistique». La délégation cubaine regrette que le Rapporteur ait noué des contacts avec des organisations à la réputation douteuse et souhaiterait que dans ses prochains rapports, il aborde le rôle de la presse à travers les moyens technologiques actuels. Pour ce qui est du rapport sur le droit à la santé, la délégation cubaine se félicite de ses conclusions positives, notamment en faveur de la coopération internationale et des transferts de technologie, qu'il convient de privilégier étant donné que le libre commerce ne garantit pas le droit à la santé.

M. AMR ROSHDY HASSAN (Égypte au nom du Groupe africain) a fait part de la surprise du Groupe africain à la lecture du rapport de M. La Rue Lewy qui va au-delà du mandat qui lui a été confié. Le Rapporteur spécial y insinue que les abus à la liberté d'expression sont l'apanage des pays qui connaissant l'extrême pauvreté. Le Groupe africain rappelle le code de conduite auquel sont soumis les titulaires de mandat et se voit obligé d'exprimer son désaccord avec le travail effectué par ce Rapporteur tout en émettant l'espoir qu'à l'avenir, il respectera le cadre de son mandat. Le Groupe africain se félicite par ailleurs de l'analyse contenue dans le rapport de M. Grover quant aux effets de l'Accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, en anglais TRIPS) sur le droit à la santé et suivra avec attention les travaux futurs de ce mandat. De nombreux obstacles techniques et juridiques empêchent un véritable accès aux médicaments pour tous, a poursuivi le représentant égyptien. Il a rappelé que 58% des cas de paludisme ont lieu dans les 20 pays les plus pauvres de la planète.

M. ZAMIR AKRAM (Pakistan au nom de l'Organisation de la Conférence islamique) a déclaré que la liberté d'expression n'est pas une liberté absolue, mais que ses limites sont inscrites dans les dispositions du droit international. Le Conseil des droits de l'homme a, dans cette optique, révisé les termes du mandat du Rapporteur spécial sur la liberté d'expression, a-t-il ajouté. Il s'est félicité de l'explication donnée par ce dernier quant au fait que liberté d'expression est un facteur de la tolérance. La différence entre la liberté d'expression et la liberté d'insulter est d'autre part présente dans le rapport, s'est félicité le représentant, citant des exemples de protection juridique de groupes religieux. Le représentant a déploré que certains paragraphes du rapport ne soient pas assez explicites ou dépassent les termes du mandat du Rapporteur spécial. La diffamation religieuse est un défi du monde moderne et il faut la combattre pour éviter les chocs de civilisation, a-t-il ajouté.

MME VERONIKA STROMŠÍKOVÁ (République tchèque au nom de l'Union européenne) a demandé au Rapporteur spécial sur le droit à la santé des précisions au sujet de l'accès aux médicaments et des contrôles de qualité dans les pays en voie de développement. Elle a souhaité savoir comment favoriser l'approvisionnement de ces pays en médicaments génériques. L'Union européenne est par ailleurs préoccupée par la situation au Myanmar, notamment dans le contexte du procès de Mme San Suu Kyi; au Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Despouy, la représentante tchèque a donc demandé si l'indépendance des juges était garantie dans ce cas précis. L'Union européenne est également préoccupée par les allégations de persécutions à l'encontre d'avocats en République démocratique du Congo. Par ailleurs, a poursuivi la représentante tchèque, l'Union européenne partage le point de vue selon lequel tout acte de violence contre un journaliste doit faire l'objet d'une enquête. Enfin, l'Union européenne tient à réitérer son soutien aux activités des procédures spéciales et approuve la manière dont elles exercent leur mandat et organisent leur travail.


Droit de réponse

M. NETITHORN PRADITSARN (Thaïlande) a répondu aux remarques de l'organisation Human Rights Watch en demandant que les efforts faits par le pays pour améliorer le statut des migrants soient reconnus. Ces efforts portent notamment sur l'accès aux soins de santé de base et sur les possibilités de plaintes qui sont offertes aux victimes en cas d'abus par des employeurs. Le Gouvernement thaïlandais a la volonté de collaborer avec tous les acteurs concernés, y compris les organisations non gouvernementales et les mécanismes internationaux pertinents, afin d'améliorer la situation des migrants.

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