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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU YÉMEN

17 Juillet 2002



Comité des droits de l'homme
75ème session
17 juillet 2002
Après-midi




Le dialogue avec la délégation se porte notamment sur
la situation de la femme, les dispositions relatives à l'état d'urgence,
l'application de la peine de mort et les amputations


Le Comité des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen du troisième rapport périodique de la République du Yémen sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les questions du Comité ont notamment porté sur la situation de la femme, les dispositions relatives à l'état d'urgence, l'application de la peine de mort et les amputations.
Présentant le rapport de son pays, le chef de la délégation yéménite, M. Abdulkader Quahtan, Membre du Sous-Comité du Comité suprême des droits de l'homme, a rappelé que des changements profonds ont eu lieu au Yémen depuis sa réunification le 22 mai 1990. Les progrès vers la démocratie se sont poursuivis et le Yémen a tenu deux séries d'élections parlementaires en 1993 et 1997, ainsi que des élections présidentielles en 1999.
En ce qui concerne les mesures adoptées au Yémen pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes, la délégation a déclaré que la législation prévoit le consentement de la femme au mariage : l'article 10 de la Constitution stipule qu'aucun contrat de mariage ne peut être fondé sur la contrainte. L'article 15 stipule en outre que «Nul ne peut contracter mariage avec une personne de l'un ou l'autre sexe âgée de moins de 15 ans». Les droits et les obligations réciproques des conjoints dans le mariage sont énoncées aux articles 40 et 41 qui prévoient entre autre que le mari a l'obligation d'assurer un logement décent à son épouse.
La délégation yéménite est également composée de M. Ali Naser Mahdi, M. Jamil Almuaasab et M. Suleiman Tabrizi, membres du Sous-Comité du Comité suprême des droits de l'homme, et de M. Zaid Mohamed Hajar, chargé des questions relatives aux droits de l'homme à la Mission permanente du Yémen auprès des Nations Unies.
Le Comité poursuivra demain matin, à 10 heures, son dialogue avec la délégation du Yémen.

Présentation du rapport du Yémen
Le troisième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/YEM/2001/3) souligne que le Yémen, à l'instar de nombreux autres pays du monde, ne peut espérer garantir la pleine jouissance des droits de l'homme sans rencontrer quelques problèmes - du moins à l'heure actuelle - dès lors que le processus de mise en œuvre des lois et autres textes législatifs visant à garantir les droits fondamentaux de l'homme n'est pas encore achevé. Malgré l'existence d'une volonté politique pour promouvoir l'exercice des droits de l'homme, le Yémen s'est heurté à divers problèmes, notamment l'agitation politique qui a suivi l'unification du pays et qui a débouché sur le conflit armé déclenché par un groupe qui voulait ramener le pays à l'époque où il était encore divisé en deux parties afin de restaurer l'ancien système totalitaire. En dépit des difficultés qu'à vécues le Yémen durant l'été 1994 du fait de la guerre de sécession, le gouvernement central a été en mesure de préserver les droits de l'homme. Et dès la fin de la guerre, les progrès vers la démocratie se sont poursuivis et des élections législatives ont eu lieu dans les délais le 27 avril 1997.
En ce qui concerne les dispositions du Pacte, le rapport indique que la République du Yémen n'interprète aucune des dispositions du Pacte comme impliquant un quelconque droit de violer les droits qui sont reconnus ou à des limitations plus amples que celles prévues dans le Pacte et qu'elle ne cherche pas à appliquer le Pacte de manière plus restrictive. Au contraire, étant un état musulman, qui traite les être humains conformément aux préceptes de la charia islamique, elle confère aux personnes des droits plus larges que ceux qui sont reconnus dans le Pacte. La Constitution et les autres textes législatifs accordent eux aussi des droits étendus aux citoyens. Le Yémen considère les droits reconnus dans le Pacte comme un complément à ceux qui sont énoncés dans la législation nationale.
Le rapport souligne que l'esclavage n'est plus de mise dans la société yéménite, et que le travail forcé ou obligatoire est interdit par la loi. L'article 29 de la Constitution stipule que «le travail est un droit, un honneur et une nécessité pour le progrès de la société. Tout citoyen a le droit d'exercer le travail qu'il choisit, dans les limites de la loi. Il est interdit d'imposer aux citoyens un travail obligatoire, si ce n'est en vertu d'une loi ou pour l'accomplissement de service d'intérêt général et moyennant une juste rémunération».
Présentant le rapport de son pays, M. ABDULKADER QUAHTAN, chef de la délégation du Yémen et membre du Sous-Comité du Comité suprême des droits de l'homme, a rappelé que des changements profonds ont eu lieu au Yémen depuis sa réunification le 22 mai 1990. Les progrès vers la démocratie se sont poursuivis et le Yémen a tenu deux séries d'élections parlementaires en 1993 et 1997, ainsi que des élections présidentielles en 1999. Les élections municipales qui se sont tenues en 2001 ont, pour leur part, permis la participation d'un certain nombre de partis politiques et de candidats indépendants. Ces élections ont été supervisées par des observateurs nationaux et internationaux qui ont témoigné du bon déroulement des élections.
M. Quahtan a également indiqué que des progrès très importants en matière de droits de l'homme ont été enregistrés dans le pays avec la création de nouvelles organisations non gouvernementales qui sont aujourd'hui au nombre de 2800 dans tous les districts de la République. Les autorités coopèrent par ailleurs de manière active avec la communauté internationale pour la promotion des droits de l'homme. Le Yémen a ratifié un grand nombre d'instruments internationaux et est considéré à cet égard comme un État pionnier dans la région. Des mesures législatives ont été prises pour s'assurer que ces traités deviennent partie intégrante du droit yéménite. M. Quahtan a toutefois précisé que le Yémen se heurtait à un grand nombre de difficultés et d'obstacles d'ordre économique, social et culturel qui peuvent entraver les politiques de promotion des droits de l'homme menés par les autorités yéménites. Le Yémen fait partie des pays les moins avancés en raison des faibles ressources naturelles dont il dispose ainsi que du lourd
héritage légué par le régime totalitaire qui était en place avant l'unification. Le pays espère néanmoins surmonter ces obstacles et espère compter sur la coopération et la tolérance du Comité pour mener à bien ses objectifs dans le domaine des droits de l'homme.
Concernant la situation de la femme, M. Quahtan a indiqué que la participation de la femme à la vie politique va de pair avec sa participation à la vie économique, sociale et culturelle. Dans les postes qu'elle occupe, la femme a un rôle égal à celui de l'homme. La participation politique des femmes est mise en évidence par le rôle qu'elles jouent dans les élections. Les femmes participent également à la vie économique et sociale sur un pied d'égalité avec les hommes; c'est le cas en particulier dans la fonction publique et les professions libérales.

Examen du rapport du Yémen
La délégation a répondu aux questions écrites préparées par le Comité et qui portent, notamment, sur le cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte, l'égalité des sexes, l'état d'urgence, le droit à la vie et la protection contre la torture et les traitements dégradants.
La délégation a notamment indiqué que la Constitution yéménite prévoit que le Pacte, ainsi que tous les autres instruments internationaux ratifiés par le Yémen, font partie intégrante de la législation nationale. La délégation a précisé que le Comité supérieur des droits de l'homme est un organe gouvernemental présidé par le Premier ministre et composé d'un certain nombre de ministres travaillant dans des domaines concernés par les droits de l'homme tels que le Ministre de la justice ou le Ministre des affaires sociales. Le Comité examine et traite toutes les plaintes déposées et portées à son attention. Une commission consultative composée de militants des droits de l'homme tels que les syndicats, des membres ou présidents d'organisations non gouvernementales, ainsi qu'un certain nombre d'autres instances sont également actives dans le domaine des droits de l'homme.
En ce qui concerne les mesures mises en place au Yémen pour assurer l'égalité entre les hommes et les femmes, la délégation a déclaré que la législation prévoit le consentement de la femme au mariage. L'article 10 de la Constitution stipule qu'aucun contrat de mariage ne peut être fondé sur la contrainte. L'article 15 stipule en outre que «Nul ne peut contracter mariage avec une personne de l'un ou l'autre sexe âgée de moins de 15 ans». Les droits et les obligations réciproques des conjoints au sein du mariage sont énoncées aux articles 40 et 41 qui prévoient entre autre que le mari a l'obligation d'assurer un logement décent à son épouse. La délégation a précisé qu'il n'est pas envisagé de supprimer la disposition selon laquelle la femme ne peut sortir du domicile qu'avec l'autorisation de son mari car cette disposition n'est pas appliquée.
Concernant la violence domestique contre la femme, la délégation a précisé que ce type de comportement n'existe pratiquement pas au Yémen en raison du système général des valeurs de la société yéménite. La femme a néanmoins la possibilité de porter plainte auprès d'un tribunal si elle est victime de violence familiale.
En cas de dissolution du mariage, la loi yéménite favorise dans une certaine mesure la femme pour de nombreuses raisons sociales et morales. Ainsi, la femme a le droit à réparation matérielle si le juge estime qu'un homme a répudié sa femme arbitrairement et sans motif raisonnable. Le Coran prévoit l'égalité des hommes et des femmes et la charia prévoit un droit précis garantissant à la femme le droit à l'héritage. En cas de plainte, les tribunaux veillent à protéger les femmes de tout abus. L'article 141 de la loi sur le statut personnel stipule qu'en cas de dissolution du mariage, c'est à la mère que revient naturellement la garde de l'enfant à condition qu'elle soit capable d'assumer cette responsabilité.
S'agissant du mariage précoce, qui n'est pas compatible avec la scolarité obligatoire, la délégation a précisé que l'État pousse les filles et les enfants en général à suivre une scolarité. Le nombre de filles inscrites à l'école n'a cessé de croître ces dernières années. À titre d'exemple, en 1994-95, 31% des filles en âge de fréquenter l'école primaire étaient scolarisées; elles étaient 44% en 1998-99.
Concernant la proclamation de l'état d'urgence en 1994 et ses conséquences sur la jouissance des droits de l'homme, la délégation a précisé que tout état d'urgence est proclamé par décret républicain. La situation exceptionnelle créée par l'état d'urgence ne s'est pas traduite par des violations des libertés et des droits fondamentaux des citoyens, a assuré la délégation. Bien plus, une amnistie générale a été proclamée en faveur de tous ceux qui avaient participé aux troubles.
Concernant la peine de mort, la délégation a indiqué qu'elle n'est appliquée que d'une façon très limitée et conformément aux dispositions de la charia islamique. Le Yémen n'a pas signé le Protocole facultatif se rapportant au Pacte concernant la suppression de la peine de mort. Le Code de procédure pénale garantit divers droits aux personnes condamnées à mort, y compris le droit de demander grâce. Avant d'être exécutée, la sentence doit être portée à la connaissance du chef de l'État qui peut user de ses bons offices auprès de l'instance chargée des poursuites pour faire commuer la peine. La peine capitale est appliquée en cas de meurtre avec préméditation, de brigandage (meurtre commis par un voleur de grands chemins) et d'enlèvement avec intention de tuer. L'exécution de la peine capitale a lieu le plus souvent en présence d'un public restreint composé du juge, de magistrat, de la famille du condamné et de la famille de la victime. Néanmoins, certaines exécutions de meurtriers peuvent se tenir sur la place publique afin de sensibiliser la population.
Interrogée sur les amputations, la délégation a précisé que cette peine est prévue par la charia et ne saurait faire l'objet de discussion. Très peu de sentences de condamnation à l'amputation sont appliquées et cette peine n'a pas été appliquée depuis un certain temps.
La délégation a souligné que le pays a passé un accord avec le Groupe de travail des Nations Unies chargé des disparitions forcées qui s'est rendu au Yémen en 1998. Les autorités ont invité, par le biais des journaux, les familles de personnes disparues à se présenter auprès des autorités. Elles ont reçu une aide financière de l'État qui a qualifié les disparus de martyrs. Depuis cette période, il n'y a plus eu de disparitions, a assuré la délégation.
Concernant la torture, la délégation a souligné que le Code de procédure pénale stipule que la torture, les traitements inhumains ou les préjudices physiques ou psychologiques infligés à un accusé en vue d'obtenir des aveux sont interdits.

Questions complémentaires des membres du Comité
Un expert a félicité le Gouvernement yéménite pour les efforts qu'il mène en vue de la mise en œuvre des dispositions du Pacte. Le fait que le pays ait ratifié sans réserve le Pacte international relatif aux droits civils et politiques montre son engagement à s'acquitter de ses obligations internationales. L'expert a toutefois demandé à la délégation de fournir des informations complémentaires sur le statut du Pacte dans la législation interne. Les tribunaux yéménites appliquent-t-ils les dispositions des traités internationaux ? L'expert a noté que la Constitution yéménite considère la charia comme source de loi, mais a fait remarquer que l'interprétation de la charia varie en fonction des différentes écoles de pensée.
Un autre expert a estimé qu'il n'existait pas d'égalité de facto entre les hommes et les femmes au Yémen. Le nombre de femmes illettrées est plus important que celui des hommes, le pourcentage de filles scolarisées est très inférieur à celui des garçons. Certains experts considèrent par ailleurs que la pratique de la polygamie va à l'encontre des dispositions du Pacte.
Notant que la délégation a indiqué que les amputations n'avaient plus lieu aujourd'hui, un expert a fait observer que des rapports d'organisations non gouvernementales font état de cinq cas connus d'amputations depuis 1990. Il a demandé à quel moment a eu lieu l'application de cette peine pour la dernière fois.
Un expert a souhaité obtenir des informations supplémentaires sur l'application de l'état d'urgence dans le pays depuis les attentats du 11 septembre.




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