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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU ROYAUME-UNI

17 Octobre 2001



Comité des droits de l'homme
73ème session
17 octobre 2001
Matin





Le pays a entrepris de réexaminer la question de
son accession au Protocole facultatif
au Pacte concernant les communications



Le Comité des droits de l'homme a entamé, ce matin, l'examen du cinquième rapport périodique du Royaume-Uni sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant ce rapport, Mme Joan McNaughton, Directrice générale, Policy, Lord Chancellor's Departement, a rappelé que le gouvernement entré en fonction au Royaume-Uni en 1997 a engagé un certain nombre de réformes intéressant directement le Pacte, parmi lesquelles figurent notamment la dévolution significative de pouvoirs politiques à l'Irlande du Nord, à l'Ecosse et au pays de Galles; l'incorporation de la Convention européenne des droits de l'homme dans le droit interne du Royaume-Uni; ainsi que le processus de paix en cours en Irlande du Nord.

Mme McNaughton a par ailleurs rappelé qu'à l'instar de tous les «États civilisés», le Royaume-Uni est en train d'examiner comment il pourrait au mieux répondre à la décision prise à l'unanimité par le Conseil de sécurité (résolution 1373) concernant les mesures et stratégies globales visant à combattre le terrorisme international à la lumière des attentats terroristes du 11 septembre.

La délégation du Royaume-Uni est également composée de représentants du Lord Chancellor's Departement, du Ministère de l'intérieur (Home Office), du Service pénitentiaire de l'Angleterre et du pays de Galles, du Service pénitentiaire de l'Ecosse, du Bureau pour l'Irlande du Nord ainsi que du Bureau pour les affaires étrangères et le Commonwealth.

La délégation a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant notamment du cadre législatif global de mise en œuvre du Pacte; des questions relatives aux prisons et centres de détention; des mécanismes de supervision des incidents impliquant des policiers et des militaires; des allégations de collusion des forces de sécurité avec des meurtres perpétrés par des paramilitaires; des châtiments corporels à l'école; de la violence contre les femmes.

La délégation a notamment indiqué que le Royaume-Uni a entrepris de réexaminer la question de l'accession du pays au Protocole facultatif au Pacte (concernant les communications) mais qu'il n'envisage pas actuellement de lever les réserves qu'il a prononcées à l'égard du Pacte. La délégation a par ailleurs affirmé que la dérogation à certains droits énoncés dans le Pacte que le pays avait établie en mai 1976 conformément à l'article 4 du Pacte (relatif à l'état d'urgence) devrait maintenant être levée. S'agissant des pouvoirs d'urgence spéciaux pour l'Irlande du Nord, la délégation a expliqué que leur maintien s'impose eu égard à la persistance d'une menace terroriste grave en Irlande du Nord.

La délégation a rappelé que le Gouvernement britannique a annoncé qu'il désignerait, en coopération avec le Gouvernement irlandais, un juge international chargé d'enquêter sur les allégations de collusion des forces de sécurité des deux pays avec un certain nombre de meurtres perpétrés par des paramilitaires républicains et loyalistes.

Le Comité poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport du Royaume-Uni.



Présentation du rapport du Royaume-Uni

Présentant le rapport de son pays, MME JOAN McNAUGHTON, Directrice générale, Policy, Lord Chancellor's Departement, a indiqué que le gouvernement, qui est arrivé au pouvoir en 1997 a engagé un certain nombre de réformes intéressant directement le Pacte. Parmi elles, figurent notamment la dévolution significative de pouvoirs politiques à l'Irlande du Nord, à l'Ecosse et au pays de Galles; l'incorporation de la Convention européenne des droits de l'homme dans le droit interne du Royaume-Uni; la réforme de la chambre haute (House of Lords) et du gouvernement local; l'adoption d'une série de mesures législatives et autres d'importance majeure destinées à promouvoir l'équité et l'égalité à tous les niveaux (harmonisation de l'âge du consentement sexuel, loi (amendée) sur les relations entre les races...); ainsi que le processus de paix en cours en Irlande du Nord, qui a permis au gouvernement d'adoucir certaines mesures qu'exigeait jusqu'ici l'urgence de la situation. L'ensemble de ce processus est le fruit de l'ordre du jour gouvernemental axé sur l'équité, la justice et l'égalité.

Mme McNaughton a par ailleurs rappelé qu'à l'instar de tous les «États civilisés», le Royaume-Uni est en train d'examiner comment il pourrait au mieux répondre à la décision prise à l'unanimité par le Conseil de sécurité (résolution 1373) concernant les mesures et stratégies globales visant à combattre le terrorisme international à la lumière des attentats terroristes du 11 septembre. Lundi dernier, le Ministre de l'intérieur britannique a présenté devant le Parlement une série de propositions concernant les mesures législatives que le gouvernement entend promouvoir à l'avenir, a rappelé Mme McNaughton avant de souligner qu'elle n'est pas en mesure aujourd'hui de dire exactement quelles pourraient être les conséquences de ces mesures sur les obligations que le pays a contractées en vertu du Pacte.

Le cinquième rapport périodique du Royaume-Uni (CCPR/C/UK/99/5) souligne que l'un des premiers actes du gouvernement actuel, a consisté à présenter de nouveaux textes législatifs importants concernant les droits de l'homme. La loi de 1998 sur les droits de l'homme intègre au droit du Royaume-Uni les droits et libertés concrets inscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme. Bon nombre de ces droits sont déjà protégés par des textes et par la common law mais, pour la première fois, les citoyens britanniques pourront obtenir des tribunaux de leur pays qu'ils interprètent et fassent appliquer tous les droits inscrits dans la Convention. En juillet 1997, le gouvernement a annoncé qu'il allait revoir dans le détail sa politique à l'égard de divers instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, en citant plus particulièrement ceux qu'il n'avait pas encore ratifiés, pour lesquels il avait émis des réserves ou auxquels il avait décidé de déroger. La réforme législative qui en a résulté a permis au Royaume-Uni d'adhérer à certains de ces instruments, notamment le Protocle nE6 à la Convention européenne des droits de l'homme et le Deuxième Protocole au Pacte, tous deux interdisant la peine de mort.

À compter de mai 1997, poursuit le rapport, le gouvernement a procédé à d'importantes délégations de pouvoirs en faveur de l'Ecosse et du pays de Galles, dans le cadre d'un programme plus vaste de réforme constitutionnelle. Ce processus de dévolution rendra les centres de décision plus proches de la population. En Irlande du Nord, le processus de dévolution ne peut être dissocié du processus de pourparlers entre les parties concernant l'avenir de la province. Ces pourparlers se sont achevés en avril 1998 avec l'Accord de Belfast (dit «accord du vendredi saint») aux termes duquel les gouvernements britanniques et irlandais reconnaissent à la population d'Irlande du Nord le droit légitime de décider librement de son statut futur, que ce soit le maintien de l'union avec la Grande-Bretagne ou une Irlande unie souveraine.

En 1998, précise en outre le rapport, la Commission pour l'égalité raciale a reçu 1 657 demandes d'assistance dont 1 098 avaient trait à l'emploi. La loi de 1998 sur les infractions pénales et les atteintes à l'ordre public a défini de nouvelles infractions portant sur la violence, le harcèlement et le vandalisme à motivation raciste. Le nombre d'incidents racistes enregistrés par les services de police est passé de 5 044 en 1989 à 13 878 en 1997-1998, indique en outre le rapport. En 1997-98, poursuit le document, 69 personnes étaient décédées en garde à vue dont 61 Blancs, 3 Noirs, 4 Asiatiques contre 57 décès en 1996-97.

Le rapport précise par ailleurs que la dérogation du Royaume-Uni aux dispositions du paragraphe 3 de l'article 9 du Pacte en ce qui concerne le terrorisme irlandais est nécessaire parce que, selon les arrangements actuels, c'est le Secrétaire d'État à l'Irlande du Nord et non une autorité judiciaire qui est chargé d'examiner, et le cas échéant, d'approuver les demandes de prorogation de la détention de personnes suspectées de terrorisme dans les locaux de la police au-delà du délai de 48 heures (jusqu'à sept jours au total). La loi de 1996 sur les pouvoirs supplémentaires renforce les pouvoirs de la police dans la lutte contre le terrorisme. L'article 13B permet à un policier d'interpeler et de fouiller un piéton pour rechercher des articles qui pourraient être utilisés à des fins terroristes, même s'il n'a aucune raison de le suspecter d'avoir de tels articles en sa possession. En 1997-98, 1 591 fouilles ont ainsi été effectuées en vertu de l'article 13B.

Dans un additif consacré aux territoires d'outre-mer du Royaume-Uni (CCPR/C/UKOT/99/5), il est souligné que peu de temps après sa prise de fonction en 1997, le gouvernement actuel a procédé à un réexamen complet des relations existant entre le Royaume-Uni et ses territoires d'outre-mer. À la suite de cet examen, un Livre blanc a été présenté au Parlement britannique en mars 1999 par le Secrétaire d'État aux affaires étrangères et au Commonwealth, document qui définit la politique générale que le gouvernement du Royaume-Uni entend suivre désormais dans ses territoires d'outre-mer et qui décrit en détail les politiques et mesures particulières que le gouvernement a adoptées ou a l'intention d'adopter conformément à cette ligne générale. À la base de cette évolution, figure la reconnaissance et le respect, par le Gouvernement britannique et en ce qui concerne chacun de ces territoires, du droit d'autodétermination énoncé à l'article premier du Pacte. Le Livre blanc a annoncé l'intention du Gouvernement britannique de proposer, dès que le calendrier parlementaire le permettrait, une législation visant à accorder l'entière citoyenneté britannique à tous les citoyens des territoires britanniques dépendants. La nationalité britannique comportera le droit de résider au Royaume-Uni et le droit à la liberté de mouvement et d'installation ailleurs dans l'Union européenne et dans l'Espace économique européen. Toutefois, les personnes qui préfèreraient conserver leur statut de citoyen des territoires britanniques dépendants y seront autorisés. En outre, le Gouvernement britannique n'insistera pas sur la question de la réciprocité du droit de résidence: autrement dit, tout territoire d'outre-mer qui souhaite continuer d'imposer des restrictions en matière d'immigration et de résidence aux persones qui «n'appartiennent pas» à ce territoire sera libre d'agir ainsi.


Examen du rapport du Royaume-Uni

S'agissant du cadre constitutionnel et législatif global de mise en œuvre du Pacte, la délégation a notamment indiqué que le Royaume-Uni a entrepris de réexaminer la question de l'accession du pays au Protocole facultatif se rapportant à cet instrument (qui concerne les communications). La délégation a précisé que le Royaume-Uni n'envisage pas actuellement de lever les réserves qu'il a prononcées à l'égard du Pacte. Aucune décision n'a non plus été prise d'incorporer le Pacte dans la législation interne, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a affirmé que la dérogation à certains droits énoncés dans le Pacte que le pays avait établie en mai 1976 conformément à l'article 4 du Pacte (relatif à l'état d'urgence) devrait maintenant être levée.

S'agissant des pouvoirs d'urgence spéciaux pour l'Irlande du Nord, la délégation a expliqué que leur maintien s'impose eu égard à la persistance d'une menace terroriste grave en Irlande du Nord. Un certain nombre d'organisations terroristes dissidentes s'opposent en effet au processus de paix et recourent à la violence terroriste, en particulier depuis l'accord dit du vendredi saint, a fait valoir la délégation. Depuis l'accord du vendredi saint, 76 assassinats ont été attribués à des associations terroristes. Le gouvernement a donc l'intention de continuer à examiner la question des pouvoirs spéciaux en gardant à l'esprit l'objectif de la normalisation dès que la situation le permettra. Pour l'heure, la situation en Irlande du Nord justifie encore les dispositions distinctes en vigueur en Irlande du Nord. Ces dispositions sont limitées et temporaires, a souligné la délégation. Elles doivent être révisées par le Parlement chaque année.

S'agissant des questions relatives aux prisons et centres de détention, la délégation a répondu aux préoccupations exprimées par les experts quant aux conditions de détention dans le centre de détention de Castlereagh (Irlande du Nord) en indiquant que ce centre a été fermé en décembre 1999. Le Centre de Strand Road a également été fermé depuis et le dernier centre de détention se service (Gough Barracks) devrait également être fermé d'ici peu, a précisé la délégation.

La délégation a indiqué que le service des prisons a décidé d'examiner s'il ne serait pas possible de modifier les méthodes de fouille personnelle intégrale. Selon le service des prisons, a néanmoins fait valoir la délégation, ces fouilles peuvent certes être embarassantes mais ne sont pas dégradantes. Il convient de souligner qu'abandonner purement et simplement les fouilles sans autre alternative remettrait en cause la capacité des services pénitentiaires d'assurer le sécurité du personnel et des prisonniers.

La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités ont mis en place une stratégie sur trois ans visant à réduire les suicides et les auto-mutilations en milieu carcéral.

Des préoccupations ayant été exprimées en ce qui concerne la pratique consistant à sous-traiter au secteur privé des activités fondamentales de l'État impliquant l'utilisation de la force et la détention de personnes, la délégation a fait valoir que la loi de 1998 sur les droits de l'homme oblige les autorités publiques à agir de manière compatible avec le Pacte à moins qu'une loi du Parlement ne rende cela impossible. Or la notion d'autorités publiques est définie de manière suffisamment large pour assurer que les devoirs qui leurs échoient s'imposent aussi aux organes du secteur privé qui assument des fonctions publiques de ce genre.

Interrogée sur les mécanismes de supervision mis en place par le Royaume-Uni pour traiter des incidents dans lesquels sont impliqués des policiers ou des militaires, la délégation a notamment rappelé que le gouvernement a créé en novembre 2000 le bureau indépendant de l'ombudsman de la police, premier organe d'Europe occidentale à offrir un mécanisme d'enquête totalement indépendante concernant les plaintes contre la police.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Gouvernement britannique a annoncé qu'il désignerait, en coopération avec le Gouvernement irlandais, un juge international chargé d'enquêter sur les allégations de collusion des forces de sécurité des deux pays avec un certain nombre de meurtres perpétrés par des paramilitaires républicains et loyalistes. L'enquête sur chacun des cas concernés commencera dès le mois d'avril 2002, à moins que cela ne porte clairement préjudice à de futures poursuites qui pourraient être engagées d'ici là.

S'agissant du meurtre de Patrick Finucane, la délégation a indiqué que la dernière enquête en date menée par Sir John Stevens, l'actuel Commissaire de la police métropolitaine, a abouti à l'inculpation de William Stobie, accusé d'avoir participé et incité au meurtre. Il est prévu que le procès commence le 4 novembre 2001. Si M. Stobie est jugé coupable des faits qui lui sont reprochés il pourrait être condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité.

La délégation a par ailleurs rappelé que si la Cour européenne des droits de l'homme a effectivement estimé que le Royaume-Uni avait enfreint l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme dans l'affaire Shanagan et dans d'autres affaires en raison des déficiences du système d'enquête sur les décès intervenus lors d'incidents terroristes, la Cour n'a cependant pas affirmé que l'une quelconque des victimes aurait été illégalement tuée.

S'agissant des châtiments corporels à l'école, la délégation a indiqué qu'ils sont interdits en Angleterre et au pays de Galles depuis septembre 1999. Pour ce qui est de l'Ecosse, la délégation a précisé que les châtiments corporels y sont devenus illégaux pour tous les enfants de tous les types d'établissements scolaires le 13 octobre 2000. En Irlande du Nord, les châtiments corporels dans les écoles recevant une aide publique sont illégaux depuis 1987, a poursuivi la délégation avant d'ajouter qu'il est prévu de présenter devant l'Assemblée d'Irlande du Nord un projet de loi visant à interdire aussi les châtiments corporels dans les établissements privés indépendants.


En ce qui concerne la violence contre les femmes, la délégation a indiqué que les dernières statistiques sur la criminalité attestent d'une hausse de 4% des crimes violents enregistrés en Angleterre et au pays de Galles. Bien que ces statistiques ne permettent pas de connaître la relation entre l'agresseur et la victime, on estime que la violence domestique représente le quart de tous les crimes violents enregistrés.

Un membre du Comité s'est dit impressionné par les progrès réalisés par le Royaume-Uni dans le domaine des droits de l'homme depuis la présentation du précédent rapport de ce pays. Cet expert s'est cependant inquiété de la persistance de différences entre les normes applicables en Irlande du Nord et celles applicables dans le reste du Royaume-Uni.

Un autre expert s'est demandé si le gouvernement britannique serait disposé à accéder à la requête de la Commission des droits de l'homme d'Irlande du Nord qui souhaite voir ses pouvoirs élargis afin, notamment, de pouvoir convoquer des témoins et effectuer des perquisitions.

Un membre du Comité a regretté que la chef de délégation du Royaume-Uni ait recouru dans sa déclaration de présentation du rapport britannique à l'expression «États civilisés» dans le contexte de la crise internationale actuelle, cette terminologie ayant fortement tendance à propager des stéréotypes qui n'ont pas leur place en cette Année internationale de dialogue entre les civilisations. Le Royaume-Uni envisage-t-il de prendre des mesures pour lutter contre l'islamophobie, s'est par ailleurs enquis cet expert? Tout en rendant hommage à tout ce que le Royaume-Uni fait pour garantir la non-discrimination dans le pays, ce même expert a estimé que des problèmes persistent incontestablement dans ce domaine.




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