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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME ENTAME L'EXAMEN DU DEUXIÈME RAPPORT PÉRIODIQUE DE LA SUISSE

19 Octobre 2001



Comité des droits de l'homme
73ème session
19 octobre 2001
Matin





Le Comité des droits de l'homme a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport périodique de la Suisse sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Mettant à jour les informations figurant dans le rapport et répondant aux préoccupations exprimées par les membres du Comité, M. Heinrich Koller, Directeur de l'Office fédéral de la justice, a souligné que depuis la présentation en 1998 du deuxième rapport périodique, sont entrées en vigueur en Suisse la nouvelle Constitution fédérale, la réforme de la justice, la révision du Code civil et la loi fédérale sur l'asile.

Les incidents à motivation raciale ne sont pas très fréquents en Suisse, a déclaré M. Koller, qui a néanmoins reconnu que leur nombre s'est accru ces dernières années, amenant le Gouvernement suisse à prendre des mesures pour y faire face et éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Sont actuellement à l'examen la pénalisation du port d'emblèmes racistes, l'incrimination de propos racistes tenus dans des cercles privés ou encore l'interdiction des partis politiques manifestement racistes, a précisé M. Koller.

Le Directeur de l'Office fédéral de la justice a souligné que la politique suisse de recrutement des étrangers se fonde désormais sur un système d'admission binaire en vertu duquel est étendue à l'ensemble des ressortissants des États n'appartenant pas à l'Union européenne et à l'AELE l'application de critères d'admission auparavant réservés aux ressortissants des pays non-traditionnels de recrutement (ce que l'on appelait auparavant le troisième cercle). Le Gouvernement suisse considère que le système binaire sur lequel se fonde désormais sa politique migratoire est compatible avec l'article 2 du Pacte, relatif au principe de non-discrimination.

M. Koller a également fourni des compléments d'information s'agissant, entre autres, de la violence contre les femmes et des abus imputables aux forces de police. À cet égard, il a affirmé que la protection du citoyen contre l'abus du pouvoir policier s'est très nettement améliorée dans tous les cantons.


La délégation suisse est également composée de représentants de l'Office fédéral de la justice, du Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, du Département des affaires étrangères, de l'Office fédéral des réfugiés, de l'Office fédéral des étrangers, de la police judiciaire genevoise et de la Commission fédérale contre le racisme.

Le Comité doit achever cet après-midi, à partir de 15 heures, l'examen du rapport de la Suisse.



Le deuxième rapport périodique de la Suisse (CCPR/C/CH/98/2) indique que l'on recensait en Suisse 24 000 demandes d'asile en 1997. Entre janvier et avril 1998, 10 005 personnes avaient demandé asile en Suisse, ce qui représentait une augmentation de 50,5% par rapport à l'année précédente étant donné que l'Office fédéral des réfugiés s'attendait à ce que 32 000 nouvelles requêtes soient déposées en 1998. Pour que la Suisse puisse maintenir la politique humanitaire qu'elle pratique à l'égard des personnes effectivement victimes de persécutions, le Parlement a estimé que des mesures urgentes de lutte contre les abus détectés dans le secteur de l'asile devaient être prises. Ces mesures urgentes sont entrées en vigueur le 1er juillet 1998. Parmi ces mesures, est prévue la non-entrée en matière sur une demande d'asile lorsque l'intéressé ne remet pas de documents pour prouver son identité ou qu'il a trompé les autorités sur son identité. Les requérants disposent d'un délai de 48 heures après le dépôt de leur demande d'asile pour présenter leurs documents de voyage ou d'autres papiers permettant de les identifier. Dans le cas où il existe des indices de persécution qui ne s'avèrent pas d'emblée manifestement infondés, le requérant d'asile peut obtenir une décision sur le fond et l'exécution immédiate du renvoi ne sera pas ordonnée. Un autre cas de non-entrée en matière est celui dans lequel la demande d'asile est déposée dans l'intention manifeste de se soustraire à l'exécution imminente d'une expulsion ou d'un renvoi par un requérant séjournant illégalement en Suisse.

En ce qui concerne la violence contre les femmes, le rapport reconnaît que ce phénomène existe malheureusement en Suisse. Une première étude représentative a été effectuée sur ce sujet qui révèle qu'un cinquième des femmes dans le pays ont été victimes pendant leur vie de violence physique ou sexuelle de la part de leur partenaire. Le problème de la traite des femmes à des fins de prostitution inquiète les autorités suisses, poursuit le rapport. Depuis la présentation du rapport initial, les autorités fédérales ont édicté de nouvelles directives pour limiter l'immigration de danseuses de cabaret et améliorer leur protection. Concernant les discriminations à l'égard des femmes, il sied de relever que la plupart des réglementations qui prévoyaient une différence de traitement entre hommes et femmes ont été supprimées ou sont en cours de révision, poursuit le rapport. Selon le rapport de juin 1995 de la Commission fédérale pour les questions féminines, les femmes suisses restent sous-représentées dans la catégorie des personnes au bénéfice d'une formation universitaire, même si, globalement, elles ont rattrapé en grande partie leur retard au cours des vingt dernières années.

S'agissant des allégations de mauvais traitements lors d'arrestations et de gardes à vue, en particulier à l'égard des ressortissants étrangers, le rapport souligne que les cantons qui sont généralement mis en cause sont ceux de Genève, du Tessin - c'est-à-dire des cantons frontaliers - et de Zurich. La population genevoise, par exemple, est constituée de plus de 39% d'étrangers; 60% des personnes arrêtées sont des étrangers, dont un grand nombre de personnes de passage. Statistiquement, il est donc compréhensible que de nombreuses plaintes proviennent d'étrangers, estime le rapport. Dans ce contexte, il convient en outre de signaler que d'après les statistiques de la police, la proportion d'étrangers parmi les délinquants a atteint 51,5% en 1997. Cela dit, l'usage de la force dans le cadre d'une arrestation doit être limité à ce qui est strictement nécessaire et, dès l'instant où une personne est maîtrisée, rien ne saurait justifier que les forces de l'ordre la brutalisent.


Présentation du rapport de la Suisse

Présentant le rapport de son pays, M. HEINRICH KOLLER, Directeur de l'Office fédéral de la justice, a fait valoir que le Gouvernement suisse a remis ce deuxième rapport périodique en septembre 1998, respectant ainsi le délai qui lui avait été imparti. Plus de trois ans s'étant écoulés depuis, le gouvernement a jugé indispensable de faire une mise à jour de ce rapport, laquelle a été remise au Secrétariat au début de cette semaine et présente les faits marquants, notamment les modifications législatives, intervenues depuis 1998.

M. Koller a souligné que depuis septembre 1998 (date de présentation du deuxième rapport périodique), sont entrées en vigueur en Suisse la nouvelle Constitution fédérale, la réforme de la justice, la révision du Code civil et la loi fédérale sur l'asile. La nouvelle Constitution fédérale - acceptée par votation en avril 1999 - est entrée en vigueur le 1er janvier 2000. Le nouvel article 8 de la Constitution demandant au législateur d'adopter les mesures nécessaires en vue d'éliminer les inégalités qui frappent les personnes handicapées, un projet de loi sur la question est actuellement discuté par le Parlement, a indiqué la délégation. S'agissant de l'égalité entre hommes et femmes, prévu dans ce même article de la Constitution, la délégation a fait observer que la réforme actuelle de l'armée permettra un accès égal des hommes et des femmes à toutes les catégories de personnel ainsi qu'à toutes les fonctions de l'armée. La délégation a par ailleurs souligné que le nouvel article 8 de la Constitution dispose que tous les êtres humains sont égaux devant la loi. Cette nouvelle disposition explicite ainsi la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle l'égalité de traitement est applicable non seulement aux citoyens suisses mais aussi à toute personne, quelle que soit sa nationalité.

La délégation a également fait valoir que la révision du Code civil suisse entrée en vigueur le 1er janvier 2000 a notamment pour effet d'améliorer considérablement la position économique de la femme divorcée (grâce à la possibilité de permettre aux parents divorcés d'exercer conjointement l'autorité parentale) ou encore par la suppression de toutes les inégalités de traitement entre hommes et femmes. La seule discrimination formelle qui subsiste encore dans le Code civil est celle qui a trait au nom de famille et aux droits de cité communal et cantonal, a affirmé la délégation.


Examen du rapport de la Suisse

Interrogée sur les mesures prises par la Suisse pour faire en sorte que les incidents de violence raciale constatés dans le pays ne se reproduisent pas, la délégation a affirmé que les incidents à motivation raciale ne sont pas très fréquents en Suisse. Toujours est-il que leur nombre s'est accru ces dernières années, a reconnu la délégation. Le Gouvernement suisse a donc pris plusieurs mesures pour faire face à ces incidents et pour éviter, dans toute la mesure du possible, que ceux-ci ne se reproduisent. En particulier, le Conseil fédéral a débattu le 23 août 2000 de la situation en matière d'extrémisme de droite. En septembre de la même année, la Police fédérale a publié un rapport sur les skinheads. Un groupe de travail «Extrémisme de droite» a élaboré des recommandations quant aux mesures à prendre. Sur la base de ces travaux, le Département fédéral de justice et police a été chargé de poursuivre la mise en œuvre de mesures policières préventives. Il a également été chargé de réexaminer la législation en vigueur et de présenter des propositions de mesures concrètes. Sont notamment à l'examen la pénalisation du port d'emblèmes racistes, l'incrimination de propos racistes tenus dans des cercles privés ou encore l'interdiction des partis politiques manifestement racistes, a précisé la délégation.

Le Conseil fédéral a par ailleurs arrêté en juin dernier une ordonnance sur l'aide aux projets de sensibilisation et de prévention en faveur des droits de l'homme et de la lutte contre l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie. Pour la période 2001-2005, le Parlement fédéral a fixé un crédit-cadre de 15 millions de francs pour la réalisation de ce projet, a indiqué la délégation. La Suisse a également mis en place à l'intention des policiers et des gardiens d'établissements pénitentiaires des programmes de formation visant à réduire les cas de brutalités policières dont pourraient être victimes des personnes d'origine étrangère.

En outre, le Conseil fédéral a reconnu, le 29 août dernier, la compétence du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale pour recevoir et examiner des communications en vertu de l'article 14 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L'ouverture, sur le plan international, d'une nouvelle voie de droit individuel pour les victimes de discrimination et d'intolérance raciales ou xénophobes sera naturellement de nature à renforcer la prévention des comportements racistes ou xénophobes en Suisse, a déclaré la délégation.

S'agissant de l'application de l'article 261bis du Code pénal sur la discrimination raciale - article qui constitue un instrument essentiel dans le cadre de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et l'extrémisme de droite - la délégation a relevé l'augmentation, ces dernières années, du nombre de cas d'application de cette disposition. En effet, alors qu'une vingtaine de condamnations fondées sur cet article du Code pénal avait été recensée pour la période allant de 1995 à 1998, le Gouvernement fédéral a eu connaissance, tant en 1999 qu'en 2000, de près de cinquante condamnations pénales pour discrimination raciale. «Ces chiffres sont inquiétants en ce qu'ils révèlent probablement une augmentation des actes racistes», a estimé la délégation avant d'ajouter qu'«ils sont rassurants, d'un autre côté, en ce qu'ils indiquent que l'article 261bis du Code civil est connu des personnes résidant en Suisse et appliqué par la justice».

La Constitution fédérale prévoit que les membres de l'Assemblée fédérale et ceux du Conseil fédéral de même que le Chancelier de la Confédération n'encourent aucune responsabilité juridique pour les propos qu'ils tiennent au sein du Parlement fédéral ou de ses commissions, a par ailleurs souligné la délégation. Il s'agit dans ce cas d'une immunité absolue qui ne peut être levée, conformément à la Constitution, a insisté la délégation.

En ce qui concerne le recrutement des travailleurs étrangers, la délégation a souligné que la politique suisse de recrutement se fonde désormais sur un système d'admission binaire. D'une part, si le personnel adéquat fait défaut sur le marché du travail suisse, les milieux économiques ont la possibilité de recruter en priorité des travailleurs des pays de l'Union européenne et de l'AELE. Cette option préférentielle est naturellement la conséquence des relations commerciales étroites existant entre la Suisse et ces pays. D'autre part, cette politique de recrutement permet toujours l'admission exceptionnelle d'autres ressortissants étrangers dans la mesure où il s'agit de travailleurs spécialement qualifiés. L'innovation consiste sur ce point à étendre à l'ensemble des ressortissants des États n'appartenant pas à l'Union européenne et à l'AELE l'application de critères d'admission auparavant réservés aux ressortissants des pays non-traditionnels de recrutement (ce que l'on appelait auparavant le troisième cercle). Le Gouvernement suisse considère que le système binaire sur lequel se fonde désormais sa politique migratoire est parfaitement compatible avec l'article 2 du Pacte qui dispose que les États parties s'engagent à respecter et à garantir sans distinction aucune à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte. Cette disposition limite cependant l'applicabilité du principe de l'égalité devant la loi et l'interdiction du principe de discrimination aux seuls droits contenus dans le Pacte et aux seuls individus se trouvant déjà sur le territoire de l'État partie. Or, aucune disposition du Pacte ne garantit le droit à un ressortissant étranger d'être admis sur le territoire d'un État partie, a fait observer la délégation.

La délégation a d'autre part souligné que la différence principale entre le modèle dit des «trois cercles» et le nouveau système binaire de recrutement réside dans le fait que le système actuel fait totalement abstraction du principal critère d'admission appliqué auparavant, à savoir la capacité d'intégration présumée de l'étranger en raison de son origine nationale.

Interrogée sur les mesures prises par le pays pour faire face à la violence à l'égard des femmes et à la prostitution forcée, la délégation a reconnu que le phénomène de la violence domestique a longtemps été considéré comme un tabou. Différentes initiatives parlementaires ont été récemment adoptées au niveau fédéral, a poursuivi la délégation. Plusieurs cantons ont par ailleurs lancé différents projets pilotes afin de réduire la violence domestique. Le Gouvernement suisse ne dispose malheureusement à l'heure actuelle que d'éléments approximatifs quant à l'efficacité de ces nombreuses mesures cantonales dont l'objectif principal est de lever le tabou entourant le phénomène de la violence domestique. Néanmoins, il apparaît que cette violence domestique est progressivement appréhendée comme une forme de violence à part entière et qu'on n'oppose plus la protection de la sphère privée pour s'opposer aux interventions de l'État pour mettre fin à cette violence. Pour ce qui est de la traie des femmes, la délégation a relevé qu'une intervention parlementaire de mars 2000 demande au Conseil fédéral de mettre en place un programme de protection pour les victimes de la traite des femmes. Souhaitant soumettre l'ensemble de la question à un examen complet, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police de mettre sur pied un groupe de travail interdépartemental. Ce groupe de travail rendra son rapport au cours de l'automne 2001, a précisé la délégation. Dans ce contexte, et tenant compte des implications internationales de la traite des êtres humains, le Conseil fédéral examinera l'opportunité de la ratification du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

Il va sans dire que la traite des êtres humains et la violence domestique ont non seulement un caractère illégal mais surtout constituent des phénomènes qui restent en grande partie cachés, a affirmé la délégation. Néanmoins, environ 30 dénonciations sont recensées chaque année en Suisse.

Interrogée sur la procédure d'instruction des plaintes faisant état de harcèlements et d'autres abus de la part de la police, la délégation a souligné que ces questions relèvent pour l'essentiel de la compétence des cantons. Parmi les nombreuses activités de la police, a poursuivi la délégation, le canton d'Argovie a mentionné le chiffre impressionnant de 1,5 million de contacts entre la police et la population chaque année. Or il est incontestable que l'usage de la contrainte constitue l'exception puisque sur ces 1,5 million de contacts, seuls 50 donnent lieu à une plainte (et encore ces plaintes ne portent-elles pas toujours l'usage de la contrainte). Le canton de Genève indique 715 cas d'interventions avec usage de la force par la police pour l'année 1999 et 736 pour l'année 2000. À Genève, 33 des 715 cas d'usage de la force ont été suivis d'une plainte pénale en 1999. En 2000, sur les 736 cas d'usage de la force, seuls 24 ont été suivis d'une plainte pénale. La situation dans d'autres cantons semble comparable, a affirmé la délégation avant d'ajouter que la protection du citoyen contre l'abus du pouvoir policier s'est très nettement améliorée dans tous les cantons.

Un membre du Comité a souhaité obtenir de la délégation des explications s'agissant des raisons du maintien par la Suisse des réserves qu'elle a émises aux articles 14 et 26 du Pacte qui concernent respectivement la garantie du droit à un procès équitable et le principe général de non-discrimination. Il s'est en outre inquiété des conditions dans lesquelles des étrangers sont expulsés par la force et, dans ce contexte, a souhaité obtenir des informations complémentaires sur les affaires concernant les décès de Khaled Abouza Rifa et de Sanson Chukwy.

Plusieurs membres du Comité ont demandé des compléments d'informations s'agissant de la situation des étrangers en Suisse.

Un membre du Comité s'est inquiété qu'en juin 2001, la conférence des chefs de police cantonale ait fait une recommandation aux autorités cantonales visant à ce que la police soit autorisée à utiliser des munitions de type dum-dum.




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