Skip to main content

Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE L'ÉGYPTE

18 Octobre 2002



Comité des droits de l'homme
76ème session
18 octobre 2002



Le Comité des droits de l'homme a examiné durant trois séances publiques, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport périodique de l'Égypte sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À l'issue de cet examen, le Président du Comité, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, a présenté des observations préliminaires dans lesquelles il s'est notamment félicité de la reprise du dialogue entre l'Égypte et le Comité huit ans après le dernier examen en date d'un rapport de ce pays. Ces huit dernières années, a-t-il affirmé, l'Égypte a réalisé d'importants progrès en matière de mise en œuvre des droits de l'homme. Mais plusieurs sujets de préoccupation ont été soulevés par les membres du Comité, a-t-il noté.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport égyptien, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 1er novembre 2002.
Présentant le rapport de son pays, Mme Naela Gabr, Représentante permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève, a notamment souligné que les principes relatifs aux droits de l'homme sont protégés par la Constitution, ce qui constitue incontestablement une source de stabilité. Elle a rappelé que la société égyptienne est caractérisée par un tissu social cohérent et homogène qui procure une grande force au pays. Le pays s'est efforcé de promouvoir les droits de la femme, qui a beaucoup obtenu du point de vue social, économique et culturel.
La délégation égyptienne est également composée du Vice-Ministre de la justice, M. Sana Khalil, ainsi que de représentants du Ministère de l'intérieur, du bureau du Procureur général et de la Mission permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève. Elle s'est attachée à fournir aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, du cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte; de l'état d'urgence; des droits de la femme; des questions de nationalité; des cas de deux requérants d'asile égyptiens extradés l'an dernier de la Suède vers l'Égypte et des garanties entourant leur sort; de la compatibilité des mesures prises par le pays dans le cadre de la lutte contre le terrorisme avec les dispositions du Pacte; des tribunaux militaires; des mesures de prévention de la torture; des questions relatives à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle; de la liberté de conscience et de religion.
Le Comité tiendra lundi 21 octobre, à 10 heures, une réunion de préparation de la deuxième Réunion des États parties au Pacte qui doit se tenir durant la matinée du jeudi 24 octobre.

Présentation du rapport de l'Égypte
Présentant le rapport de son pays, MME NAELA GABR, Représentante permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré qu'elle savait l'importance du travail réalisé par le Comité en faveur de la protection des droits de l'homme et que l'Égypte est soucieuse de la protection de tous les droits de l'homme, notamment les droits civils et politiques. C'est pourquoi le pays a adhéré à tous les principaux instruments dans le domaine des droits de l'homme, aux niveaux régional et international, et est résolument engagé à assurer leur pleine et entière mise en œuvre.
L'Égypte a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1981 et l'a intégré au droit national l'année suivante, a rappelé Mme Gabr. La promotion des droits de l'homme fait partie intégrale du processus de développement socioéconomique et culturel du pays, a assuré la Représentante permanente. Elle a ajouté que l'Égypte reconnaît les insuffisances qui peuvent subsister en matière de promotion des droits de l'homme et s'efforce d'y remédier.
Mme Gabr a souligné que les principes des droits de l'homme sont protégés par la Constitution, assurant ainsi leur stabilité. La Représentante permanente a rappelé que la société égyptienne est caractérisée par un tissu social cohérent et homogène qui procure une grande force au pays. La nation égyptienne s'est efforcée de promouvoir les droits des femmes. La femme égyptienne a beaucoup obtenu du point de vue social, économique et culturel, a déclaré Mme Gabr. La loi prévoit que les femmes peuvent désormais demander le divorce si leur mari les soumet à des mauvais traitements, a par ailleurs souligné l'ambassadrice. Aujourd'hui, des femmes occupent les postes de ministre des affaires étrangères et de ministre des affaires sociales, et l'Égypte compte une quinzaine de femmes ambassadeurs représentant le pays à l'étranger.
La Représentante permanente de l'Égypte a d'autre part indiqué que depuis l'an dernier, des mesures ont été prises afin d'associer davantage les organisations non gouvernementales à la préparation des rapports que le pays doit présenter devant des organes créés en vertu de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme.
Le rapport de l'Égypte (CCPR/C/EGY/2001/3), qui regroupe les troisième et quatrième rapports périodiques, rappelle que le pays a formulé à l'égard du Pacte une réserve générale visant à indiquer qu'elle doit s'assurer que cet instrument n'est pas incompatible avec les dispositions de la charia islamique. Dans l'ordre juridique égyptien, poursuit le document, les principes relatifs aux droits de l'homme ont en général rang de règle constitutionnelle. Cela présente les avantages importants suivants : ces principes sont immuables, stables et inviolables. Une fois ratifiés et publiés, tous les instruments internationaux relatifs aux libertés et aux droits de l'homme, y compris le Pacte, sont considérés comme équivalant à des lois promulguées par l'autorité législative. Leurs dispositions sont assimilées à celles des textes législatifs égyptiens applicables et peuvent être invoquées devant toutes les autorités législatives, exécutives et judiciaires de l'État.
En Égypte, le mariage est un contrat consensuel qui requiert le consentement plein et explicite de la femme, assure par ailleurs le rapport. L'âge minimum du mariage est de 18 ans pour les hommes et de 16 ans pour les femmes, précise-t-il. Comme il s'agit d'une question touchant le statut personnel, le mariage est également soumis aux dispositions du droit de la religion de chacune des parties en ce qui concerne sa validité et sa dissolution. Le rapport reconnaît que l'on observe des taux d'analphabétisme plus importants chez les femmes que chez les hommes dans le groupe d'âge le plus élevé, pour un certain nombre de raisons historiques au nombre desquelles figurent notamment le fait que les grandes distances à parcourir pour fréquenter l'école constituaient l'un des principaux obstacles à l'éducation des femmes dans les régions rurales; le fait que les familles n'avaient pas les moyens nécessaires pour financer l'éducation; et le fait que les mariages étaient contractés à un stade précoce. La proportion des femmes occupant des postes de haut niveau dans l'administration est passée de 11,8% en 1992 à 15% en 1996 et à 16,7% en 1998, indique ensuite le rapport. En outre, 437 femmes siègent au sein des conseils locaux et, depuis 1998, il y a eu 15 femmes députées au sein de l'Assemblée consultative et 11 au sein de l'Assemblée du peuple.
L'article 148 de la Constitution dispose que le Président de la République peut proclamer l'état d'urgence sous réserve de soumettre sa décision à l'Assemblée du peuple pour ratification dans les 15 jours suivant la date de la proclamation. La durée de l'état d'urgence doit être spécifiée et ne peut être prorogée sans l'accord de l'Assemblée. D'autres dispositions législatives concernant l'état d'urgence énoncent les dispositions et les règles à appliquer lorsque l'état d'urgence a été proclamé en vue de prévenir les dangers menaçant le pays et à assurer le maintien de la sécurité et de l'ordre. Le Président peut limiter la liberté de réunion, de mouvement et de résidence et ordonner l'arrestation et la fouille de personnes suspectes qui font peser une menace sur la sécurité, censurer le courrier et la presse, fixer l'horaire des établissements publics, assigner des tâches à sa discrétion, saisir des biens mobiliers ou immobiliers, retirer les licences de port d'arme et de détention d'explosifs et ordonner l'évacuation ou l'isolement de toute zone du territoire. En outre, la loi sur l'état d'urgence prévoit la création de cours de sûreté de l'État qui sont compétentes pour connaître des infractions aux dispositions des décrets promulgués dans le cadre d'un état d'urgence ainsi que des infractions à la législation ordinaire dont le Président décide de les saisir.
Le rapport rappelle que l'état d'urgence a été proclamé en Égypte le 6 octobre 1981 à la suite de l'assassinat du Président Mohammed Anwar al-Sadat. Il a été prorogé avec l'approbation du pouvoir législatif égyptien, et le dernier décret prévoit la prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 31 mai 2003. La proclamation de l'état d'urgence ne suspend pas les droits de la défense et ne fait pas obstacle aux principes constitutionnels et aux règles de droit qui n'entrent pas dans le champ d'application des mesures prises en vertu de ladite proclamation, assure le rapport.
Le rapport indique par ailleurs que 30 condamnations à mort définitives ont été prononcées en 2000 dans le pays contre 25 en 1999. Daté de novembre 2001, il précise en outre qu'un projet de loi visant à abolir la peine du fouet, qui était utilisée comme mesure disciplinaire à l'encontre des détenus, est en cours d'examen par les autorités judiciaires compétentes. Selon la loi de 1996 sur l'enfance, aucun enfant de moins de 7 ans ne sera tenu pour pénalement responsable. En vertu de cette même loi, les enfants de plus de sept ans mais de moins de 15 ans peuvent faire l'objet de mesures de redressement éducatif et de prévention mais non de sanctions ni de détention préventive. Les enfants de plus de 15 ans sont pénalement responsables de leurs actes, mais, tant qu'ils font partie du groupe d'âges des 15 à 18 ans, ils ne sont pas passibles de certaines peines telles que la peine de mort et les travaux forcés. Le rapport souligne que 14 nouvelles prisons ont été construites dans les divers gouvernorats au cours de la période 1995-2000 et qu'au cours des cinq dernières années, toutes les prisons ont été rénovées.

Examen du rapport de l'Égypte
Interrogée sur le cadre constitutionnel et juridique dans lequel le Pacte est appliqué en Égypte, la délégation égyptienne a assuré que le Pacte peut être invoqué devant les instances judiciaires, cet instrument international faisant partie de la législation nationale, ce qu'atteste notamment un jugement rendu par la Cour suprême.
Interrogée sur les raisons pour lesquelles les auteurs d'exécutions extrajudiciaires, d'actes de torture ou de mesures de détention arbitraire restent en général impunis - surtout dans les cas où les personnes responsables dépendent des services de sécurité -, la délégation a assuré que de tels actes sont passibles de sanctions en vertu de la loi. Les coupables doivent donc être traduits en justice, a insisté la délégation, et il n'y a pas d'impunité pour de tels actes. Elle a rappelé que des peines très lourdes prononcées contre des membres de forces de sécurité, comme il est mentionné dans le rapport. La torture est un crime imprescriptible en Égypte, a par ailleurs souligné la délégation.
Les membres du Comité ayant souhaité savoir comment l'Égypte justifie l'affirmation que les circonstances qui avaient dicté la proclamation de l'état d'urgence en octobre 1981 continuent à exister aujourd'hui, la délégation a tenu à préciser que l'état d'urgence ne suspend pas l'application du Code pénal ni de la Constitution. L'état d'urgence a été proclamé en Égypte après l'assassinat du Président Sadate et le pays a par la suite été victime d'attentats terroristes très nombreux visant de hautes personnalités de l'État mais aussi des touristes, a rappelé la délégation. L'Égypte n'a de cesse de déployer des efforts afin de mettre un terme à de tels actes terroristes, a-t-elle souligné. La délégation a assuré que l'état d'urgence n'est appliqué que de façon extrêmement limitée en Égypte, uniquement afin de lutter contre le terrorisme, et ne touche aucun autre aspect de la vie publique. L'Égypte approuve l'idée de l'élaboration d'une convention sur la lutte contre le terrorisme, a ajouté la délégation.
La délégation a indiqué que des amendements ont été apportés à la législation afin de confirmer et de reconnaître les droits des femmes. Cette année, une loi a été adoptée portant modification des modalités d'accès aux chambres du Parlement. La délégation a par ailleurs indiqué que la loi n°1 promulguée en 2000 prévoit le droit de la femme au divorce, que ce soit ou non par consentement mutuel. La loi stipule que pour éviter tout conflit dans le mariage et afin de permettre une certaine stabilité des familles, des raisons doivent être données qui justifient le divorce. La femme doit rendre sa dot au mari et une décision est prise qui n'autorise aucun recours. La délégation a par ailleurs indiqué qu'un arrêt de la Cour constitutionnelle a levé la restriction de la liberté de circulation qui était imposée aux femmes en soumettant leurs déplacements à l'approbation du mari.
En ce qui concerne les questions de nationalité, la délégation a expliqué qu'en vertu de la législation égyptienne, c'est le père qui transmet la nationalité aux enfants. À l'origine, la loi avait pour objet d'éviter la double nationalité et les conflits qui peuvent en résulter. Depuis quelques années, les mariages mixtes augmentant, de nouveaux problèmes sont apparus, en particulier lorsqu'une femme égyptienne ayant épousé un étranger rentrait au pays après la fin de son mariage;. des frais de scolarité étaient exigés pour la scolarisation en Égypte des enfants de ces femmes et il fallait leur obtenir des permis de séjour pour qu'ils puissent entrer en Égypte. Il a donc été décidé de supprimer les frais de scolarité pour ces enfants et la procédure pour l'obtention de leurs permis de séjour a été accélérée.
Les membres du Comité ont souhaité connaître la situation actuelle de MM. Ahmed Hussein Mustafa Kamil Agiza et Muhammad Muhammad Suleiman Ibrahim El-Zari - deux demandeurs d'asile de nationalité égyptienne extradés de Suède vers l'Égypte le 18 décembre 2001. Les experts ont en outre demandé des informations sur les garanties données au Gouvernement suédois que ces personnes ne seraient pas soumises à des traitements contraires aux dispositions du Pacte. La délégation a indiqué que le premier de ces deux individus, M. Ahmed Hussein, était dirigeant d'une organisation terroriste et avait été condamné aux travaux forcés à vie pour crimes militaires et agression commis en Égypte et en dehors du pays. Il s'était enfui avant l'exécution de sa peine et a finalement été extradé par la Suède, a expliqué la délégation. Quant à M. Muhammad Suleiman, il avait également quitté l'Égypte et a suivi un entraînement militaire dans plusieurs pays du monde, de sorte que les autorités égyptiennes n'avaient pu l'interroger sur les accusations qui pesaient contre lui concernant des activités terroristes, qu'il a poursuivies à l'extérieur du pays. L'ambassadeur de Suède les a rencontrés tous les deux cette année dans leur prison en Égypte, a indiqué la délégation. Rien ne laisse à penser que l'Égypte n'aurait pas respecté une quelconque obligation qui lui incombait dans le cadre de ces affaires.
En réponse aux préoccupations du Comité concernant la compatibilité des mesures prises par le pays dans le cadre de la lutte contre le terrorisme avec les dispositions du Pacte, la délégation a assuré que l'Égypte est très attachée à la légalité. C'est une branche indépendante du judiciaire - un tribunal de sûreté d'urgence - qui est chargé des questions terroristes, a précisé la délégation. Tout jugement de cette instance doit être approuvé par un «service de ratification» qui peut uniquement, le cas échéant, commuer la peine ou demander un nouveau procès. Si ce nouveau procès débouche sur un acquittement, celui-ci est alors définitif et ne plus être contesté. En vertu des lois de lutte contre le terrorisme, le Ministre de l'intérieur peut, pour sa part, décider de placer des suspects en détention administrative. Les personnes ainsi détenues peuvent faire appel tous les 30 jours, a précisé la délégation. L'application de ces lois d'urgence n'a jamais débouché sur la désignation de tribunaux militaires, a-t-elle assuré.
À cet égard, la délégation a expliqué que les tribunaux militaires sont des juridictions permanentes dont les attributions sont prévues par la loi. La Constitution énonce la procédure que doivent suivre ces tribunaux, a précisé la délégation. Tous les membres du pouvoir judiciaire, y compris ceux des tribunaux militaires, sont diplômés en droit et ont été formés au Centre national d'études juridiques, a précisé la délégation. Elle a tenu à souligner qu'il existe en Égypte des tribunaux de sûreté de l'État qu'il convient de distinguer des tribunaux de sécurité de l'état d'urgence - qui, eux, sont des instances créées uniquement pour la période de validité de la loi sur l'état d'urgence.
Plusieurs experts ayant souhaité obtenir davantage d'informations concernant les tribunaux militaires et d'exception, la délégation a expliqué que les tribunaux militaires ont compétence pour des crimes ordinaires commis par des membres des forces de sécurité et concernant des militaires. Les tribunaux ne peuvent se saisir d'affaires impliquant des civils que dans ces cas bien spécifiques.
Un membre du Comité a estimé qu'un certain flou persiste en ce qui concerne la place du Pacte dans l'ordre juridique interne de l'Égypte. Il a estimé que la déclaration faite par l'Égypte à l'égard du Pacte doit s'analyser comme une réserve. Estimant qu'une incertitude demeure quant à la portée de cette réserve, il a fait observer qu'il n'est pas possible de faire une réserve générale qui prive d'application des pans entiers du Pacte sans porter atteinte à l'objet et aux buts du Pacte dans son ensemble.
Un autre membre du Comité s'est étonné que la délégation ne soit pas en mesure de fournir davantage d'informations sur les chiffres exacts relatifs au nombre de peines de mort prononcées et exécutées ces dernières années.
Des membres du Comité ont indiqué disposer d'informations selon lesquelles des agents des forces de sécurité auraient torturé ou infligé des mauvais traitements aux détenus lors des arrestations et au cours des enquêtes. Ils ont donc demandé si des mesures ont été prises pour lutter contre de telles pratiques. La délégation a affirmé que le personnel des forces de sécurité relève du droit ordinaire, de sorte que le bureau du Procureur général peut renvoyer les membres de ce personnel devant des tribunaux ordinaires. En outre, le Ministère de l'intérieur, dont relèvent toutes les forces de police du pays, a mis en place plusieurs mécanismes permettant de répondre à toute pratique de violation des droits de l'homme, a précisé la délégation avant de mentionner l'existence d'un service d'inspection des forces de police. Récemment, des peines d'emprisonnement pour des périodes allant jusqu'à trois ans ont été prononcées à l'égard d'agents responsables de violations des droits de l'homme, a indiqué la délégation. Des inspections, parfois impromptues, sont en outre effectuées dans les lieux de détention afin d'enquêter sur tout ce qui pourrait s'apparenter à une violation des droits de l'homme, a poursuivi la délégation.
La délégation a souligné que cela fait près de 150 ans que les institutions judiciaires égyptiennes reconnaissent la torture comme constituant un crime. La législation nationale va même, à maints égard, plus loin que la Convention contre la torture dans la mesure où, en Égypte, la torture est considérée comme un crime, qu'elle ait ou non laissé des séquelles et qu'elle ait ou non provoqué des douleurs. Le crime de torture est imprescriptible en vertu du droit égyptien, a par ailleurs rappelé la délégation.
En ce qui concerne les droits de la femme, la délégation a notamment assuré que l'excision ne peut être pratiquée que pour des raisons de santé, faute de quoi cet acte est punissable en vertu de la loi. La délégation a par ailleurs assuré qu'aujourd'hui, la femme égyptienne est en droit d'obtenir un passeport sans aucune autorisation préalable de l'un quelconque des membres de sa famille. En ce qui concerne les problèmes d'analphabétisme, la délégation a notamment indiqué que des mesures ont été prises en faveur des filles des zones rurales.
Dans les prisons pour femmes, les gardiens sont des femmes, a assuré la délégation. Seuls les gardiens des enceintes extérieures de ces prisons pour femmes sont des hommes, a-t-elle précisé.
La délégation a par ailleurs assuré qu'il n'existe, en vertu du droit égyptien, aucune discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. S'agissant de l'affaire du Queen Boat, la délégation a déclaré que cet incident a été renvoyé devant la cour de sécurité de l'état d'urgence. Deux accusés étaient poursuivis pour outrage à la religion et blasphème – délit qui relève de la cour de sécurité de l'état d'urgence. D'autres accusés avaient à répondre de charges différentes qui ne relevaient pas de la cour de sûreté de l'état d'urgence et ont donc été renvoyés devant des tribunaux ordinaires. Un tiers de la cinquantaine d'individus impliqués dans cette affaire ont été condamnés et les autres ont été innocentés, a indiqué la délégation.
C'est en vertu de l'article 6 de la loi sur l'état d'urgence que des crimes commis par des civils peuvent être renvoyés devant des tribunaux militaires. Cet article autorise le Président de la République à référer certaines affaires civiles aux tribunaux militaires à condition que la loi sur l'état d'urgence soit en vigueur. Ces affaires ont toujours trait au terrorisme, a précisé la délégation.
Interrogée sur le nombre de personnes jugées par les tribunaux militaires et la nature des crimes qui leur sont imputés, la délégation a assuré qu'elle fournirait au Comité des statistiques sur ces questions dès que possible.
En ce qui concerne la liberté de conscience et de religion, la délégation a assuré que toutes les religions convictions et croyances sont respectées en Égypte, comme en témoigne la législation nationale qui prévoit une sanction pénale contre toute personne qui humilie une religion ou la tourne en dérision. Il est en outre interdit d'utiliser la religion pour promouvoir des vues extrémistes, a précisé la délégation. Le prosélytisme par l'intermédiaire d'une association est une attitude qui va à l'encontre de l'ordre public en Égypte, a précisé la délégation en réponse aux questions des experts s'agissant de la situation de la religion baha'ie. La délégation a par ailleurs rappelé que la loi égyptienne interdit les partis politiques fondés sur la religion.
«Il serait difficile pour l'Égypte d'être antisémite car nous sommes un peuple sémite», a par ailleurs déclaré la délégation en réponse à un membre du Comité qui avait fait état d'articles fortement antisémites publiés dans la presse égyptienne, et par des sites internet égyptiens.
S'agissant de la religion baha'ie, la délégation a notamment déclaré que les croyances baha'ie portent atteinte à d'autres religions et à l'ordre public. Le pays compte 150 personnes appartenant à cette religion, a indiqué la délégation.
L'Égypte compte plus de 16 000 organisations de la société civile, a par ailleurs indiqué la délégation. Ces organisations œuvrent dans un grand nombre de domaines, y compris dans le domaine des droits de l'homme. L'Égypte compte actuellement dix-sept partis politiques, a d'autre part fait valoir la délégation.
La pratique du hisba (qui permet à un musulman de demander des poursuites contre un autre musulman qu'il considère avoir violé une obligation islamique), connue en Islam depuis plus de 14 siècles, relève désormais du Procureur public, a par ailleurs indiqué la délégation en réponse à une question.
Plusieurs experts ayant demandé des compléments d'information s'agissant des questions relatives à l'attitude des autorités à l'égard des homosexuels, la délégation a souligné que la loi égyptienne ne pénalise pas l'orientation sexuelle. En revanche, afin de protéger la moralité publique, la loi sanctionne la prostitution, qu'elle concerne les hommes ou les femmes.

Observations préliminaires du Président du Comité
Présentant des observations préliminaires sur le rapport égyptien, le Président du Comité, M. Prafullachandra Natwarlal Bhagwati, s'est félicité de la reprise du dialogue entre l'Égypte et le Comité, huit ans après l'examen du précédent rapport de ce pays. Il a fait observer que si l'Égypte avait présenté son rapport dans les délais, le Comité aurait été en mesure de présenter plus tôt - il y a au moins quatre ans - des recommandations en vue d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. Il n'en demeure pas moins que ces huit dernières années, l'Égypte a réalisé d'importants progrès en matière de mise en œuvre des droits de l'homme, a déclaré le Président du Comité. Reste que plusieurs sujets de préoccupation ont été soulevés par les membres du Comité qu'il est impossible de tous citer, étant donné le manque de temps, a souligné M. Bhagwati.
La délégation a déclaré que le dialogue est capital pour promouvoir les droits de l'homme et que la formation et la sensibilisation sont des piliers essentiels de la promotion des droits de l'homme.



* *** *

VOIR CETTE PAGE EN :