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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DU YÉMEN

12 Juillet 2005

Comité des droits de l'homme

12 juillet 2005


Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le quatrième rapport périodique du Yémen sur le respect de ses obligations en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Abdulkader Kahtan, Directeur général des relations extérieures et de la Police criminelle internationale du Yémen, a déclaré que l'avènement de la démocratie avait marqué un tournant dans l'histoire de son pays du point de vue des droits et des libertés, ajoutant que les attentes du pays en matière de droits de l'homme sont immenses mais que ses moyens et capacités ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Toutefois, le pays s'efforce de promouvoir la culture des droits de l'homme et d'éveiller les consciences.

La délégation yéménite était également composée de représentants de la Mission du Yémen auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, du Président du département des autorités locales et des Organisations de la société civile du Yémen, d'un représentant du Bureau du Procureur général et d'un représentant du Ministère des droits de l'homme. Fournissant des compléments d'information aux membres du Comité, la délégation a notamment indiqué que la législation yéménite interdit la discrimination fondée sur le sexe. Par ailleurs, la pratique de la mutilation génitale féminine, qui ne persiste que dans quelques régions isolées du pays, est interdite par la loi. La délégation yéménite a par ailleurs fait état de la création d'un ministère des droits de l'homme. La création d'un comité des droits de l'homme qui serait composé de représentants de la population et du gouvernement est actuellement à l'étude, a-t-elle précisé.

À l'issue de l'examen du rapport, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a présenté ses observations préliminaires, saluant les efforts déployés par le Yémen pour soumettre un rapport dans les délais et fournir des réponses détaillées. Elle n'a toutefois pas noté de changements significatifs depuis l'examen du rapport précédent il y a trois ans et a relevé que certaines dispositions législatives, notamment les dispositions relatives aux crimes d'honneur, à la polygamie ou à la dévolution successorale, ne sont pas conformes au Pacte.

Les observations finales du Comité sur le rapport du Yémen seront adoptées dans le cadre de séances privées et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 29 juillet 2005.

À sa prochaine séance publique, demain à 11 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Tadjikistan (CCPR/C/TJK/2004/1).


Présentation du rapport du Yémen

Présentant le rapport de son pays, M. Abdulkader Kahtan, Directeur général des relations extérieures et de la police criminelle internationale du Yémen, a notamment déclaré que son pays est déterminé à poursuivre ses efforts pour renforcer les droits et les libertés. Il a souligné que l'avènement de la démocratie dans son pays avait marqué un tournant. Dans ce contexte, il a précisé que le multipartisme est devenu un élément fondamental de la vie politique au Yémen et que des changements importants sont intervenus dans la manière de gouverner le pays. La Constitution du Yémen garantit notamment la liberté d'association et d'expression, a-t-il précisé. M. Kahtan a rappelé qu'une élection présidentielle au suffrage universel s'est tenue en 1995. Il a souligné le renforcement des capacités des entités de la société civile. Au Yémen, 4000 organisations non gouvernementales mènent des activités dans tous les domaines et en toute liberté, a-t-il notamment indiqué. Il a par ailleurs affirmé que la liberté de la presse était une réalité dans le pays. Dans ce contexte, il a évoqué un décret présidentiel portant interdiction de condamner les journalistes qui n'ont fait qu'exercer leur droit à la libre expression de leur opinion. Le représentant yéménite a par ailleurs affirmé que l'État continue à faire de son mieux pour promouvoir les droits des femmes et leur permettre une véritable participation à la vie publique.

Tous les objectifs en matière de droits de l'homme ne sont pas encore atteints, a reconnu M. Kahtan. Les attentes sont immenses mais, malheureusement, les moyens et les capacités du pays ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Toutefois, les efforts se poursuivent pour promouvoir la culture des droits de l'homme et éveiller les consciences.

Le quatrième rapport périodique du Yémen (CCPR/C/YEM/2004/4) souligne notamment que depuis la présentation de son troisième rapport périodique, le Yémen a enregistré des progrès encourageants dans le domaine des droits de l'homme. Les élections législatives – des élections libres et au scrutin direct – ont eu lieu à la date prévue, le 27 avril 2003; il s'agissait des troisièmes élections législatives organisées depuis la réunification du pays. Quelque 8,3 millions d'électeurs étaient inscrits sur les listes électorales, dont 3,4 millions, soit 48 %, étaient des femmes. Le rapport précise par ailleurs que la guerre qui avait sévi à l'été 1994 est terminée et que la page est désormais tournée. Un décret républicain a amnistié les condamnés qui figuraient sur la « liste des 16 ». Dans le cadre de l'amnistie générale décrétée, des mesures appropriées ont été prises pour régler le sort des personnes qui avaient été condamnées et celui de leurs biens; ces personnes ont eu accès à des postes correspondant à leurs qualifications et aptitudes.

Le rapport du Yémen souligne par ailleurs que le Gouvernement s'emploie à réformer le système judiciaire. Le plan de réforme judiciaire a été adopté en 1997, et le Conseil des ministres a adopté un programme et un calendrier précis à cet effet dans sa décision n° 262 de 2001. Des mesures ont été prises pour donner effet aux dispositions de la Constitution et de la loi concernant l'indépendance du pouvoir judiciaire et des tribunaux et interdire à toute personne ou entité de s'immiscer dans le travail des juges et dans le fonctionnement des tribunaux. Par ailleurs, la législation relative au rôle de la femme dans la famille et dans la vie publique a été revue, précise en outre le rapport. Une refonte exhaustive de toutes les lois est actuellement entreprise afin d'aligner celles-ci sur les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.

Le Gouvernement poursuit également ses efforts de réforme dans le domaine du régime carcéral et des commissariats de police, indique par ailleurs le rapport. Une enquête judiciaire sur les agissements d'un certain nombre de policiers et de membres des forces de sécurité qui avaient outrepassé les limites de la loi, ces dernières années, en ce qui concerne les mesures répressives prises par les autorités compétentes. Ces enquêtes ont visé 45 personnes. Certaines d'entre elles ont été reconnues coupables et condamnées à des peines d'emprisonnement ou démises de leurs fonctions, d'autres ont été contraintes d'indemniser les personnes auxquelles elles avaient causé un préjudice, d'autres encore attendent de passer en jugement et certaines enfin font encore l'objet d'enquêtes.

Examen du rapport

La délégation yéménite a fourni des renseignements complémentaires sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dans le pays et a répondu aux questions posées par des membres du Comité.

Cadre constitutionnel et juridique de l'application du Pacte

Répondant à une question du Comité relative à l'existence de mécanismes et de voies de recours permettant de donner pleinement effet aux droits protégés par le Pacte, la délégation a fait état de la création d'un Comité des droits de l'homme et des libertés publiques au sein du Parlement, chargé de réaliser des enquêtes sur les allégations de violations de droits de l'homme. Un ministère des droits de l'homme a par ailleurs été créé, a-t-elle souligné. La délégation a en outre évoqué le renforcement des capacités des organisations de la société civile et les mesures destinées à promouvoir une meilleure coopération entre ces entités et le gouvernement. Il importe que ces organisations soient suffisamment vigoureuses pour pouvoir dénoncer de manière efficace les dysfonctionnements en matière de droits de l'homme, a affirmé la délégation. La création d'un Comité des droits de l'homme qui serait composé de représentants de la population et du gouvernement est actuellement à l'étude au Yémen, a-t-elle ajouté.


Égalité entre hommes et femmes et principe de non-discrimination

La délégation a affirmé que tous les citoyens, hommes et femmes, sont égaux devant la loi. Femmes et hommes peuvent participer librement à la vie publique. Une loi de 1995 interdit par ailleurs la discrimination fondée sur le sexe en matière d'accès à l'emploi. Fournissant des informations sur les cas de mutilations génitales féminines, la délégation a souligné que cette pratique n'existe que dans des régions isolées du pays, où persiste cette pratique ancestrale. La délégation a indiqué ne pas avoir eu connaissance de nouveaux cas de mutilation. Le Yémen envisage la création d'un Comité qui serait chargé de faire en sorte que la loi de 2001 interdisant les mutilations génitales féminines soit pleinement appliquée. La délégation a déclaré ne pas disposer de statistiques concernant les mutilations génitales féminines, une pratique qui n'a plus cours dans les hôpitaux ou dans les différents services publics de santé. La législation yéménite n'établissait aucune discrimination entre les femmes et les hommes pour ce qui est de l'accès à la propriété, a également assuré la délégation.

Les dispositions relatives au droit de propriété respectent pleinement le Pacte enmatière de non-discrimination, a en outre affirmé la délégation. Elle a également souligné l'adoption de stratégies et de politiques destinées à promouvoir la condition de la femme et à garantir sa participation plus active à la vie sociale. De telles stratégies ont également pour but de promouvoir l'éducation des femmes.

Priée par le Comité de préciser si la législation yéménite contient une interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, la délégation a précisé qu'aucun texte juridique n'autorise la discrimination entre les femmes et les hommes. La délégation a reconnu que la représentation des femmes dans la magistrature est limitée et qu'elle a même diminué, mais que rien n'empêche la participation de la femme à la vie publique. Toutefois, a-t-elle indiqué, tous les présidents de tribunaux pour mineurs sont présidés par des femmes. Des femmes occupent également des postes de direction dans les administrations à travers le pays.


Mesures antiterroristes et respect des dispositions du Pacte

La délégation a déclaré que les crimes terroristes relevaient de la compétence des tribunaux ordinaires. Elle a souligné que les tribunaux militaires n'étaient pas compétents pour connaître de telles infractions.

La délégation a précisé que des personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme qui, selon certaines allégations, auraient été victimes d'arrestations à caractère politique, avaient été libérées. Dans son combat contre le terrorisme, le Yémen favorise le dialogue.


Droit à la vie

Répondant à une question sur la compatibilité de la condamnation à mort par lapidation avec le Pacte, la délégation a précisé que les condamnations à mort de femmes qui ont été reconnues coupables d'adultère ne sont pas appliquées dans la pratique car les conditions exigées pour que l'adultère soit établi sont très contraignantes. En outre, les femmes qui reconnaissent une relation adultérine échappent à la sanction, a précisé la délégation.

Répondant à une question du Comité sur le cas d'une personne frappée de schizophrénie qui aurait néanmoins été condamnée à mort et exécutée en août 2001, la délégation a affirmé ne pas pouvoir donner d'information à ce sujet, l'identité de la personne n'ayant pas été fournie par le Comité. Par ailleurs, la délégation a précisé que les personnes condamnées à la peine de mort bénéficiaient de toutes les garanties juridiques appropriées.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'en vertu de la charia islamique, la peine de mort ne peut pas être appliquée à un mineur. Une personne n'est pas pénalement responsable tant qu'elle n'a pas atteint l'âge de la majorité, à savoir, 18 ans.


Traitement des détenus et autres personnes privées de liberté

La délégation a déclaré que, conformément à ses obligations en matière d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, la législation du Yémen interdit la torture et les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Au Yémen, la torture est un crime imprescriptible. Cette interdiction de la torture est rigoureusement appliquée dans la pratique, a précisé la délégation. Toute personne qui aurait été victime d'une violation de ses droits peut exercer un recours en justice Le Yémen s'efforce de lutter contre la pratique de la torture en réalisant des enquêtes systématiques sur tous les cas de torture. La délégation a évoqué le cas d'un agent chargé de l'application de la loi qui avait été reconnu coupable de mauvais traitements par un tribunal et avait ainsi été condamné à une peine de 10 ans d'emprisonnement, assortie du paiement de dommages et intérêts.

La délégation a attiré l'attention du Comité sur le fait que la législation yéménite n'autorise pas l'emprisonnement de mineurs de moins de 12 ans.
Droit à un procès équitable

Répondant à une question relative à l'indépendance du système judiciaire, la délégation a déclaré que rien ne prouve que les 5225 plaintes reçues par la Direction des plaintes concernant le système judiciaire relatives à des irrégularités affectant l'indépendance du pouvoir judiciaire. Au Yémen, a précisé la délégation, l'indépendance et l'inamovibilité des magistrats sont garantis. La délégation a ajouté que la Constitution yéménite stipule sans équivoque l'indépendance de la magistrature, tant au plan financier qu'administratif. Le pouvoir exécutif ne dispose d'aucun moyen légal pour s'immiscer dans le cours d'une procédure judiciaire.

Liberté de religion

La délégation a déclaré qu'il n'y a aucune restriction à la liberté de religion dans le pays, conformément à la religion islamique. Il n'existe aucun cas de personne qui aurait été condamnée pour avoir renoncé à l'islam pour une autre religion.


Droit à la liberté d'expression, de réunion et d'association

Répondant à une question du Comité faisant état d'informations selon lesquelles, le 21 mars 2003, quatre personnes qui manifestaient contre la guerre en Iraq auraient été tuées, la délégation a attiré l'attention des membres du Comité sur le fait que la Constitution, qui autorise les manifestations pacifiques, soumet néanmoins l'exercice de cette liberté à l'obtention d'une autorisation. La délégation a par ailleurs souligné que des amendements importants avaient été apportés à la loi de 1990 sur la presse et les publications afin de prévenir l'emprisonnement d'un journaliste sans procès diligent.


Questions et observations complémentaires de membres du Comité

Plusieurs experts ont demandé à la délégation yéménite des informations sur la date à laquelle serait créée une commission indépendante des droits de l'homme. Ils ont également demandé si l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe faisait l'objet de dispositions législatives expresses. En outre, quelles mesures le Yémen a-t-il prises pour punir les auteurs d'actes de mutilation génitale féminine ou d'autres formes de violence à l'égard des femmes. Les membres du Comité ont par ailleurs souligné la nécessité de faire évoluer un certain nombre de pratiques discriminatoires à l'égard des femmes. Plusieurs experts ont exprimé leur préoccupation s'agissant de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ils ont demandé à la délégation de préciser quelles mesures étaient prises par le Yémen pour renforcer l'autorité judiciaire et assurer son impartialité. Un membre du Comité a exprimé sa préoccupation quant à la compétence de tribunaux militaires pour connaître d'affaires de droit commun.

Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur le rapport du Yémen, Mme Christine Chanet, Présidente du Comité, a remercié la délégation yéménite, qui a déployé des efforts certains pour présenter un rapport dans les délais et a fourni des réponses détaillées. Toutefois, Mme Chanet a estimé que cet examen n'avait pas fait apparaître de changements significatifs depuis l'examen du précédent rapport. Il semble, au contraire, que l'on tente de justifier certaines positions contraires au Pacte en se prévalant du droit interne ou de la religion. En effet, certaines dispositions législatives, notamment les dispositions relatives aux crimes d'honneur, à la polygamie ou à la dévolution successorale, ne sont pas conformes au Pacte. Mme Chanet a par ailleurs souligné que l'adoption d'une nouvelle législation n'est qu'un premier pas; il incombe ensuite à l'État partie d'en assurer la mise en œuvre. La Présidente a enfin exprimé sa préoccupation s'agissant de la liberté de religion et de la liberté d'expression dans le pays.

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Le présent communiqué de presse n'est pas un compte rendu officiel et n'est publié qu'à des fins d'information.

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