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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA MISSION INTÉRIMAIRE DES NATIONS UNIES AU KOSOVO

20 Juillet 2006

Comité des droits de l'homme
20 juillet 2006


Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport initial de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) sur la sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis le mois de juin 1999.

Présentant des observations préliminaires à l'issue de cet examen, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a notamment relevé qu'un travail considérable a été fait au Kosovo; mais la tâche étant énorme, la MINUK n'est peut-être pas en mesure de répondre à toutes les exigences, a-t-elle ajouté. Mme Chanet a regretté l'absence de véritable séparation des pouvoirs. Quant aux difficultés en matière de retours des personnes , s'il n'y a pas une totale liberté d'aller et venir, il est normal que les retours ne soient pas au rendez-vous, a-t-elle fait observer. Si les Serbes boycottent certaines actions, il faut aussi peut-être remettre en cause le comportement de la MINUK, a ajouté la Présidente du Comité; la MINUK devrait peut-être adopter une attitude qui permette de punir franchement toutes les discriminations.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales concernant le rapport présenté par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 28 juillet prochain.

Intervenant au début de l'examen du rapport de la MINUK; le Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Serbie, M. Dejan Šahovi?, a déclaré que depuis 2003, les droits de l'homme ont fait l'objet d'une politisation aiguë et n'ont pas été protégés ni respectés. Alors que les négociations sur l'avenir du Kosovo s'intensifient, les droits de l'homme des communautés ethniques minoritaires, en particulier de la communauté serbe, servent de monnaie d'échange. Cette approche bloque les progrès dans tous les domaines de la protection des droits de l'homme, a déclaré le Vice-Ministre.

Présentant le rapport de la Mission, le Conseiller juridique de la MINUK, M. Alexander Borg-Olivier a notamment souligné que les responsabilités de la MINUK ont été progressivement transférées aux Institutions provisoires du Gouvernement autonome du Kosovo. La MINUK n'a ménagé aucun effort pour assurer l'impartialité du pouvoir judiciaire, même s'il subsiste des cas de retard dans les tribunaux et des carences dans la justice civile, a-t-il poursuivi. Depuis sa création, la MINUK a entrepris une importante réforme législative, promulguant de nombreux règlements, notamment en matière pénale pour ce qui touche à la protection des droits des accusés, a-t-il ajouté. La situation, pour de nombreux Serbes du Kosovo, reste difficile, a admis le Conseiller juridique; mais la MINUK n'a pas toujours bénéficié du soutien de Belgrade, a-t-il fait observer. La réforme de l'État de droit nécessite un appui politique, a conclu M. Borg-Olivier.

Outre M. Borg-Olivier, la délégation de la MINUK était notamment composée de M. Henry McGowen, Directeur du bureau des droits de l'homme et des règles de droit de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE); Mme Ewa Eliasz, experte responsable des droits de l'homme; M. Vedat Gashi, Conseiller juridique du Premier Ministre des Institutions provisoires du Kosovo; M. Jonuz Salihaj, Ministre de la justice des Institutions provisoires du Kosovo.

La délégation a fourni aux experts des informations s'agissant, notamment, du cadre constitutionnel et juridique d'application du Pacte; de la violence à l'égard des femmes et des violences domestiques; du droit à la vie et de l'interdiction de la torture; de la traite d'êtres humains; des détentions sans mandat d'arrêt; de la liberté de circulation; de l'indépendance et de l'impartialité de la justice; et de la situation des minorités.

Le Comité examinera demain matin, à 10 heures, un projet de commentaire général révisé concernant l'article 14 du Pacte, qui porte sur le droit à un procès équitable.
Déclaration du Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Serbie

Le Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Serbie, M. DEJAN ŠAHOVI?, a remercié le Comité d'avoir prié la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) de soumettre le présent rapport comme l'avait suggéré en 2004 sa délégation. Les présentes délibérations devant le Comité revêtent une importance particulière qui va bien au-delà du contexte précis dans lequel elles s'inscrivent ici puisqu'elles devraient servir d'exemple pour les autres missions des Nations Unies. Les missions des Nations Unies n'ont en effet pas seulement des obligations déclaratives par rapport aux traités internationaux; elles ont aussi des responsabilités réelles pour leur mise en œuvre, a déclaré M. Šahovi?.

Le Vice-Ministre des affaires étrangères a exposé le contexte dans lequel la situation des droits de l'homme au Kosovo et à Metohija devrait, selon la Serbie, être examinée. Il a rappelé que la MINUK et la KFOR (Force internationale de paix au Kosovo dirigée par l'OTAN) administrent le Kosovo depuis sept ans. Malheureusement, depuis 2003, les droits de l'homme ont fait l'objet d'une politisation aiguë et n'ont pas été protégés ni respectés. Alors que les négociations sur l'avenir du Kosovo s'intensifient, les droits de l'homme des communautés ethniques minoritaires, en particulier de la communauté serbe, servent de monnaie d'échange. Cette approche bloque les progrès dans tous les domaines de la protection des droits de l'homme, a déclaré le Vice-Ministre. Il a jugé inacceptable la position selon laquelle la situation des droits de l'homme pourrait s'améliorer seulement si un certain statut de la province était garanti.

M. Šahovi? a affirmé que le rapport de la MINUK ne reflète pas la situation réelle sur le terrain; d'autres rapports établis par diverses institutions internationales présentent un tableau plus réaliste de la situation, a-t-il estimé. La situation des droits de l'homme est grave, a déclaré le Vice-Ministre des affaires étrangères. Le niveau de protection des droits de l'homme se situe en dessous des normes internationales minima, a-t-il insisté, précisant que la discrimination à l'égard des Serbes demeure très importante. Les violations les plus nombreuses concernent les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes ainsi que le droit à la liberté de mouvement.

Soulignant que la MINUK avait pour mandat de protéger et de promouvoir les droits de l'homme, M. Šahovi? a indiqué que son pays considère que cette Mission a échoué à maints égards. L'absence d'État de droit est la principale carence au Kosovo, a-t-il déclaré. En outre, la mise en place du système juridique continue d'accuser du retard, la population étant de ce fait privée de ses droits. Sept ans après l'entrée en fonction de la MINUK, ni les juges, ni les fonctionnaires ne sont certains des lois qu'ils appliquent. De plus, la MINUK n'a pas réalisé d'enquêtes appropriées sur le sort des personnes disparues. L'absence de garanties de sécurité continue d'affecter les membres des minorités, en conséquence de quoi leur liberté de circulation est très restreinte, a ajouté M. Šahovi?. Les retours de Serbes se sont majoritairement produits dans des communes à majorité serbe, a-t-il souligné. Aucune loi sur les langues n'a encore été adoptée, a-t-il également fait observer. L'impunité règne toujours au Kosovo, a déclaré le Vice-Ministre.

Présentation du rapport

Le Conseiller juridique de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), M. ALEXANDER BORG-OLIVIER, a souligné que les responsabilités de la MINUK ont été progressivement transférées aux Institutions provisoires du Gouvernement autonome du Kosovo. Il a rappelé que la résolution 1244 du Conseil de sécurité a confié à la MINUK des responsabilités importantes en matière d'instauration de l'État de droit. Les normes universelles de droits de l'homme sont devenues parties intégrantes des normes applicables au Kosovo, a fait valoir M. Borg-Olivier. La création du pouvoir judiciaire a constitué une pierre angulaire de l'État de droit du Kosovo. Le système judiciaire a été opérationnel dès 2001, en dépit, malheureusement, de quelques défaillances, a précisé le Conseiller juridique de la MINUK, ajoutant que la MINUK n'a ménagé aucun effort pour assurer l'impartialité du pouvoir judiciaire, même s'il subsiste des cas de retard dans les tribunaux et des carences dans la justice civile.

Depuis sa création, la MINUK a entrepris une importante réforme législative, promulguant de nombreux règlements, notamment en matière pénale pour ce qui touche à la protection des droits des accusés, a fait valoir M. Borg-Olivier. Le nouveau Code de procédure pénale permet au détenu de demander à tout moment au juge de se prononcer sur la légalité de sa détention, a-t-il notamment précisé. La MINUK a également conclu un certain nombre d'accords internationaux en matière de droits de l'homme, notamment des accords techniques. Au sujet du transfert des responsabilités aux autorités locales du Kosovo, en vue d'instaurer une société multiethnique, il reste encore beaucoup à faire; davantage d'efforts doivent être consentis, a concédé M. Borg-Olivier.

Le Conseiller juridique de la MINUK a par ailleurs rappelé que la Mission avait aussi pour responsabilité de faire appliquer le droit au retour. La MINUK a déployé de nombreux efforts afin que les rapatriés ne fassent l'objet d'aucune discrimination; mais certains réfugiés ne veulent pas nécessairement retourner dans leur lieu d'origine. En juin 2006, un protocole visant à faciliter les retours a été signé entre Pristina et Belgrade, a indiqué M. Borg-Olivier. Beaucoup a été fait pour créer un environnement sûr, mais il reste encore beaucoup à faire, a-t-il ajouté. En dépit de faits nouveaux encourageants, le système judiciaire et la vie économique et sociale restent limités. La situation, pour de nombreux Serbes du Kosovo, reste difficile, a admis le Conseiller juridique; mais la MINUK n'a pas toujours bénéficié du soutien de Belgrade, a-t-il fait observer. La réforme de l'État de droit nécessite un appui politique, a conclu M. Borg-Olivier.

Complétant cette présentation, le Conseiller juridique du Premier Ministre des Institutions provisoires du Gouvernement autonome du Kosovo, M. VEDAT GASHI, a rappelé que le transfert de l'autorité est en cours. Les Ministères de la justice et de l'intérieur ont été créés au début de l'année 2006, a-t-il indiqué. Il a déclaré que son gouvernement est disposé à recevoir toute assistance technique émanant du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Le Kosovo souhaite contribuer à la paix dans les régions des Balkans, a conclu M. Gashi.

Le rapport initial de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (CCPR/C/UNK/1) souligne que l'une des caractéristiques du Kosovo est l'absence de données démographiques précises, en raison des troubles qui ont marqué son histoire récente et des changements démographiques importants qui les ont accompagnés. Le dernier recensement officiellement reconnu a eu lieu en 1981: la population totale était alors estimée à 1 584 000 habitants. Un autre recensement a été organisé en 1991 mais on considère que les résultats ne sont pas sûrs à cause de la faible participation de la majorité de la communauté albanaise du Kosovo.

Le rapport, daté du premier trimestre 2006, souligne que depuis que la Serbie-et-Monténégro est devenue Haute partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme le 3 mars 2004, toute personne résidant au Kosovo peut saisir la Cour européenne des droits de l'homme d'une requête pour violation des droits de l'homme due à une action ou une omission des autorités de Serbie-et-Monténégro. En revanche, la Serbie-et-Monténégro ne peut pas être tenue responsable d'une violation alléguée des droits de l'homme due à une action ou une omission imputable à la MINUK. La MINUK n'étant pas une Haute partie contractante à la Convention européenne des droits de l'homme, les personnes vivant au Kosovo n'ont pas de moyen effectif d'obtenir réparation pour une violation alléguée des droits de l'homme en saisissant la Cour européenne des droits de l'homme. La création du groupe consultatif sur les droits de l'homme permettra de combler cette lacune en matière de protection des droits de l'homme au Kosovo.

Si une personne allègue que ses droits ont été violés par un organe administratif à l'échelon municipal, une réclamation écrite doit être adressée au chef de l'exécutif de la municipalité dans un délai d'un mois et le requérant peut introduire une requête auprès de l'Autorité centrale. Un appel en deuxième instance de cette décision est possible auprès de la Cour suprême et un recours extraordinaire peut être introduit contre une décision de justice dans le cadre d'un procès administratif. Le rapport note que la personne qui s'estime être victime de pratiques discriminatoires dans le cadre d'un emploi dans la fonction publique peut saisir le Comité de contrôle indépendant établi par la MINUK avant de saisir les tribunaux. Au sujet des propriétés bâties, les réclamations devaient être déposées auprès de la Direction du logement avant le 1er juin 2003. Le rapport rappelle que le Bureau du médiateur a été mis en place par la MINUK dans le but de renforcer la protection des droits de l'homme au Kosovo. Ce Bureau est multiethnique. Il est habilité à recevoir et à instruire des plaintes émanant de toute personne qui s'estime victime d'une violation des droits de l'homme ou d'un abus de pouvoir. Il s'efforce de traiter avec les requérants dans leur langue. Si une situation impliquant une violation des droits de l'homme est signalée au Bureau du Médiateur, celui-ci a la possibilité d'ouvrir une enquête sans qu'une plainte individuelle n'ait été déposée. Il s'agit alors d'une enquête ex officio. Il est difficile d'évaluer l'étendue de la discrimination dont sont victimes les femmes, les enfants, les minorités et les autres groupes vulnérables en raison du manque de données, poursuit le rapport. Dans la fonction publique, une représentation proportionnelle des minorités est établie, précise-t-il. Le rapport révèle que la discrimination indirecte à l'encontre des communautés minoritaires reste importante et entrave l'accès de ces communautés aux services essentiels comme l'emploi, l'éducation, la santé, la protection sociale et les services municipaux ce qui nuit aux efforts déployés pour créer des conditions propices au retour.


Examen du rapport

Cadre constitutionnel et juridique d'application du Pacte

Priée de citer des exemples d'affaires dans lesquelles des dispositions du Pacte ont été directement appliquées par les tribunaux, la délégation de la MINUK a indiqué qu'une seule affaire à ce jour répondait à ce critère. Il s'agit d'une affaire d'extradition où le tribunal de première instance de district a appliqué l'article 7 du Pacte, a précisé la délégation. S'il n'y a eu qu'un seul cas, c'est parce que les tribunaux ont préféré se référer à la Convention européenne des droits de l'homme et à sa jurisprudence, jugeant difficiles d'accès les avis du Comité des droits de l'homme, a expliqué la délégation.

La MINUK s'est toujours efforcée de transférer un maximum de compétences aux institutions locales lorsque celles-ci avaient accumulé assez d'expérience pour assumer ce transfert, a indiqué la délégation.

Le Comité ayant souhaité savoir dans quelle mesure la MINUK peut garantir le plein respect des droits de l'homme dans toutes les régions du Kosovo, y compris dans le nord, la délégation a déclaré qu'il est évident que la Mission est plus efficace dans les territoires qu'elle contrôle. Des structures judiciaires et administratives parallèles fonctionnent dans certaines parties du Kosovo, ce qui engendre un certain flou juridique qui ne manque pas d'avoir un impact négatif sur l'application de certains droits, a fait observer la délégation. C'est un fait que la MINUK ne dispose que de peu de capacités pour contrôler la situation dans les municipalités du nord, a-t-elle admis.

Interrogée sur le cadre institutionnel dans lequel s'inscrivent les responsabilités de la MINUK en matière de droits de l'homme, la délégation a notamment indiqué que la création du groupe consultatif des droits de l'homme devrait constituer un élément important pour la protection des droits de l'homme.

Plusieurs experts ont fait part de leurs inquiétudes suite au gel des activités du Médiateur pendant la réorganisation de ses fonctions. Comment se fait-il qu'il y ait maintenant au Kosovo un niveau de protection des droits de l'homme plus faible que dans le reste de l'ex-Yougoslavie, s'est interrogé un expert?

La délégation a indiqué que le transfert de l'autorité de tutelle de l'Ombusdman, du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo vers les Institutions provisoires du Gouvernement autonome, soulève un certain nombre de problèmes de compétence juridique. Néanmoins, les arrangements transitoires permettent au médiateur actuel d'examiner toutes les plaintes, a fait valoir la délégation, ajoutant que le médiateur doit aussi pouvoir superviser les actions de la MINUK.

Le Comité s'est demandé comment était assurée l'indispensable certitude juridique au regard du règlement et des instructions administratives de la MINUK, qui ne précisent pas toujours quelles sont les dispositions des anciennes lois applicables auxquelles ils se substituent.

Violence à l'égard des femmes et violence familiale

La délégation a indiqué que des problèmes en matière d'égalité entre les sexes et de discrimination ont donné lieu à des enquêtes, un certain nombre d'incidents ayant été relevés dans ces domaines. Le Bureau de la parité de la MINUK a lancé des campagnes de sensibilisation, a ajouté la délégation; il a également mis au point des indicateurs afin de faciliter la surveillance dans ce domaine et une formation particulière est offerte aux fonctionnaires.

La délégation a par ailleurs fait observer que le taux d'abandon scolaire est plus élevé chez les filles que parmi les garçons. Subsistent en outre dans l'enseignement un certain nombre de discriminations à l'égard des fillettes, a poursuivi la délégation, précisant qu'un programme allait être mis en place pour pallier ce problème.

Le Comité ayant demandé des informations statistiques sur la fréquence des violences au sein de la famille au Kosovo, la délégation de la MINUK a indiqué qu'en 2005, la Mission avait promulgué un règlement contre la violence conjugale assorti d'un système de protection des victimes. En 2006, 341 cas de violences au sein de la famille ont été notifiés, a indiqué la délégation, contre 592 en 2005 et 414 en 2004. L'assistance aux victimes comprend l'accession à un logement, une représentation juridique et un programme de protection des enfants, a précisé la délégation. Les violences au sein de la famille semblent augmenter au Kosovo du fait des changements de société, a-t-elle indiqué. Une formation sur ces problèmes spécifiques est dispensée aux juges et aux policiers, a-t-elle ajouté.

Un expert ayant fait observer que les femmes ont été exclues de tous les processus importants, même au sein de la MINUK, la délégation a souligné que la situation des femmes est un grave problème au Kosovo. À la question de savoir si une politique visant à améliorer la situation des femmes était suivie par la MINUK, la délégation a attiré l'attention sur l'adoption de mesures visant à sensibiliser le personnel des Institutions provisoires à ces questions. Il faudra un certain temps pour mettre en place un mécanisme de protection destiné à éliminer la discrimination à l'égard des femmes, a-t-elle estimé. Elle a indiqué que les cas de violence domestique sont plus nombreux en milieu rural qu'en milieu urbain. Les services de police du Kosovo commencent à traiter la question en organisant des patrouilles communautaires dans les villages, a indiqué la délégation de la MINUK.

Droit à la vie et interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants

Priée de fournir des renseignements sur les mesures prises pour poursuivre les auteurs de crimes motivés par des considérations ethniques, la délégation a expliqué que les chiffres montrent que la grande majorité des crimes qui ont pu toucher des personnes appartenant à certains groupes ethniques ne sont pas obligatoirement des crimes motivés par des considérations ethniques.

Au sujet des règles d'engagement de la KFOR, la délégation de la MINUK a rappelé que le mandat de la KFOR est totalement distinct de celui de la MINUK et qu'elle n'est donc pas en mesure de parler au nom de la KFOR.

Interrogée sur les plaintes selon lesquelles la KFOR et les services de police de la MINUK auraient recouru indûment à la force, la délégation de la MINUK a indiqué ne disposer d'aucune information détaillée à ce stade pour ce qui la concerne; elle a en outre indiqué ne pas avoir connaissance de ce genre de plaintes à l'encontre de la KFOR.

Priée de fournir des informations sur les mesures prises pour protéger la vie et la santé des personnes déplacées appartenant aux communautés rom, ashkali et égyptienne, en particulier les enfants, qui vivent dans des campements contaminés au plomb dans la partie nord de Mitrovica, la délégation a expliqué qu'une analyse approfondie a été effectuée pour trouver la source de cette contamination. La pollution était causée par la soudure illégale de batteries dans des maisons privées, a indiqué la délégation. Les familles déplacées n'ont pas toutes été contaminées. Afin d'atténuer les conséquences sur la santé, l'OMS a fourni une liste de nutriments à ingérer. En outre, de nouveaux logements vont être construits pour protéger la vie et la santé de ces minorités.

Des experts ont regretté que la délégation n'ait pas fourni d'informations sur les mesures prises pour enquêter sur le sort des 1700 personnes disparues signalées par le Comité international de la Croix-rouge à la mi-juin 2005. Des rapports ont conclu que la MINUK avait manqué à son devoir d'enquête, ont-ils insisté, se demandant pourquoi autant d'affaires restent non élucidées et pourquoi la réaction dans ce domaine est-elle si faible.

Interdiction de l'esclavage et du travail forcé ou obligatoire

Concernant les cas de traite d'êtres humains, la délégation a rapporté qu'en 2005, 445 victimes ont été recensées, contre 425 en 2004. En 2004, il a été procédé à 56 arrestations, a-t-elle ajouté. Au sujet de la mise en cause de membres du personnel international, la délégation a indiqué n'avoir connaissance que d'un seul cas où un membre du personnel international a été arrêté pour une question de traite d'êtres humains. Cette personne a été traduite en justice au Kosovo et condamnée, a précisé la délégation. Elle a en outre rappelé qu'un groupe spécial sur la traite des femmes et des enfants avait été créé, qui se réunit une fois par mois. Une nouvelle politique d'assistance directe a été mise en place en faveur des enfants et des femmes victimes. Le nombre de poursuites engagées contre des auteurs de traite est très faible en raison de l'absence d'un programme de protection de témoins satisfaisant susceptible de protéger les femmes de manière adéquate, a expliqué la délégation.

Liberté et sécurité de la personne et traitement des prisonniers

Au sujet des informations faisant état de nombreuses personnes détenues sans mandat d'arrêt par les services de police de la MINUK et par la KFOR, la délégation a rappelé qu'après 1999, le pouvoir judiciaire était quasi inexistant. Fin 2001, la situation s'est améliorée; c'est donc pendant cette période entre 1999 et 2001 qu'il a pu y avoir des détentions effectuées par la KFOR en marge des structures des tribunaux, mais c'était dans le but de maintenir un environnement de sécurité approprié, a indiqué la délégation.

Un expert s'étant dit inquiet d'apprendre que le commandant de la KFOR, avait eu la possibilité d'expulser une personne, la délégation a répondu que cette possibilité n'a été exploitée qu'une seule fois - pour empêcher une personne de retourner sur le terrain - et cela s'est produit de manière encadrée.

S'agissant des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et les postes de police, la délégation a annoncé qu'un poste d'inspecteur des services de police du Kosovo est en train d'être mis en place. Cet inspecteur sera indépendant. Il devrait être opérationnel en 2007. L'OSCE surveille déjà régulièrement les conditions de détention, notamment dans les postes de police, a ajouté la délégation.

Aujourd'hui, la responsabilité d'assurer des conditions décentes pour les détenus incombe à la MINUK, a souligné un membre du Comité.

Liberté de circulation

Priée d'expliquer le faible nombre de retours de personnes appartenant à la minorité serbe ou à d'autres minorités qui ont été contraintes de quitter le Kosovo ainsi que de personnes qui ont été déplacées à l'intérieur du Kosovo, la délégation a indiqué qu'une combinaison de problèmes socioéconomiques, sécuritaires et politiques expliquait cette situation. De surcroît, le taux de chômage est encore très élevé, a-t-elle ajouté. En outre, bien que la liberté de mouvement et la sécurité se soient améliorées, les communautés minoritaires ne le ressentent pas de la sorte. Subsiste un manque de confiance à l'égard des lois, s'agissant notamment des droits de propriété, a poursuivi la délégation. L'incertitude qui pèse sur le statut final du Kosovo accentue le problème, a-t-elle affirmé. Elle a fait valoir que les structures centrales et municipales ont adopté une politique de retour; mais sa mise en œuvre a connu des résultats mitigés, a admis la délégation. Afin d'assurer la durabilité des retours, une aide à la reconstruction a été accordée à près de 300 familles déplacées. Mais les progrès sont lents, a reconnu la délégation. L'accès aux services publics est libre pour tous, mais les minorités n'ont pas ce sentiment, a-t-elle fait observer.

Le Comité ayant demandé quelles mesures sont mises en place pour expulser les occupants sans titre provisoirement installés dans les logements et sur les terres agricoles des personnes qui ont été déplacées au cours du conflit armé ou pendant les tensions ethniques de mars 2004, la délégation a indiqué qu'un plan a été adopté le 4 mars 2006 pour résoudre ces problèmes complexes. Dans ce contexte, l'Agence pour la propriété immobilière du Kosovo a été créée en tant qu'organe indépendant, a précisé la délégation; son rôle est d'enregistrer les plaintes, d'aider les tribunaux à résoudre ces conflits, d'aider à la mise en œuvre des décisions et d'administrer les propriétés abandonnées. Cette agence s'attend à recevoir 11 000 plaintes, a indiqué la délégation. Mais il existe déjà 29 000 décisions qui attendent d'être appliquées, a-t-elle souligné.

Un membre du Comité a relevé que le nombre de retours avait augmenté en 2002 et 2003 avant de marquer le pas suite aux événements de mars 2004. Bien peu de poursuites ont été engagées contre les auteurs des violences commises en mars 2004, a relevé cet expert. Sans réponse adéquate à ce problème, la confiance ne parviendra à regagner les candidats au retour, a-t-il souligné. Un autre expert a fait état d'informations selon lesquelles la liberté de circulation serait extrêmement limitée au Kosovo pour certaines minorités.

La délégation a reconnu que les résultats dans ce domaine sont loin d'être satisfaisants. Dans un premier temps, a-t-elle expliqué, cette situation pouvait être imputée aux problèmes de sécurité; mais la situation dans ce domaine s'est grandement améliorée. La présence bien visible des agents de sécurité s'est accrue, notamment là où vivent des minorités, a fait valoir la délégation.

Un expert a souhaité connaître la raison pour laquelle on ne contraint pas les occupants de bien abandonnés à verser un loyer aux propriétaires. La majorité de la population persiste à avoir une attitude qui est loin d'être accueillante pour les candidats au retour, a fait remarquer un autre expert. Qu'est-il fait pour régler ces problèmes et pour créer un climat propice aux retours, a demandé cet expert?

La délégation a assuré que ces questions préoccupent la MINUK, qui envisage plusieurs solutions. Il n'en demeure pas moins que, dans certaines zones, le climat est propice au retour, a-t-elle souligné.

Droit à un procès équitable

Fournissant des renseignements sur les mesures prises pour renforcer l'indépendance et l'impartialité de la magistrature, la délégation a indiqué qu'un certain nombre d'instances de supervision ont été mises en place afin de renforcer l'indépendance de la justice. En outre, les salaires ont été augmentés afin de décourager la corruption. Il existe à présent un code éthique de la justice, a ajouté la délégation.

Les membres du Comité ayant souhaité savoir quelles mesures ont été prises pour garantir l'accès aux tribunaux des personnes appartenant à des minorités - Serbes et Roms en particulier -, la délégation a expliqué que cette question se rapporte à l'efficacité de la justice. Le sentiment général est que le nombre de juges est insuffisant. Aussi, la question de la répartition efficace des juges est-elle actuellement à l'examen. Des services d'informations sur la justice ont été créés à l'attention des minorités, a par ailleurs indiqué la délégation. Elle a souligné que les émeutes de mars 2004 ont entraîné une situation sécuritaire qui a empêché les Serbes d'accéder aux tribunaux pendant plusieurs mois.

Concernant la protection des témoins, la délégation a indiqué que des dispositions ont été adoptées qui permettent d'utiliser des témoignages recueillis en dehors des tribunaux. Depuis juin 2001, a en outre rappelé la délégation, des instances internationales se sont rendues à Belgrade pour entendre des témoins. Des mesures de protection sont prévues quand il existe un risque pour le témoin ou sa famille, a poursuivi la délégation; il est notamment possible de cacher l'identité du témoin.

Toutes les langues de minorités peuvent être utilisées en justice, les services de traduction et d'interprétation adéquats étant prévus. Le cas échéant, les décisions de justice sont également traduites gratuitement à l'attention des détenus, a indiqué la délégation.

Interrogée sur les informations selon lesquelles le Département de la justice de la MINUK a donné pour instruction aux tribunaux de ne pas traiter les demandes de réparation ayant trait aux dommages causés à des biens après 1999, qui ont été déposées majoritairement par des Serbes, des Roms et des Ashkalis, la délégation a déclaré que ces informations ne sont pas tout à fait exactes. En fait, c'est après 2004 que le Département de la justice de la Mission a contacté les tribunaux pour demander une suspension temporaire des audiences en raison de problèmes de sécurité. En novembre 2005, le Département de la justice a ensuite encouragé le pouvoir judiciaire à reprendre les procédures, car les questions sécuritaires n'étaient plus d'actualité.

Liberté d'opinion et d'expression, incitation à la haine raciale

Interrogée sur les mesures prises pour protéger les lieux de culte des minorités, la délégation a souligné que ces lieux sont surveillés par des membres de la KFOR. Il n'y a pas eu d'incidents majeurs concernant ces sites depuis mars 2004, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne l'interdiction de la publication de propos incitant à la haine raciale dans les médias, la délégation de la MINUK a mentionné la création, en 2000, de la Commission provisoire pour les médias au Kosovo, compétente pour condamner ceux d'entre eux qui violent le Code de conduite pour les médias au Kosovo. Priée de préciser les termes des «règlements» négociés entre la Commission provisoire et plusieurs chaînes de télévision au sujet de leur couverture des violences de mars 2004, la délégation a indiqué qu'en décembre 2004, la Commission provisoire était parvenue à un règlement avec deux chaînes de télévision (TV-21 et KTV) concernant la diffusion des événements de 2004. Ces deux chaînes ont reconnu ne pas avoir respecté le Code de conduite des médias et ont été condamnées à verser 5000 euros d'amende l'une et 10 000 euros l'autre. La chaîne de télévision RTK a également été condamnée et a accepté d'allouer 100 000 euros à la formation de son personnel.

Droit de prendre part à la direction des affaires publiques

Priée de fournir des statistiques récentes sur la représentation des groupes minoritaires dans la fonction publique, la délégation a transmis les chiffres suivants: les minorités occupent 9% des postes dans la magistrature, 11,36% des postes dans les ministères et unités centrales et 12,76% des postes de fonctionnaires au niveau municipal. La délégation a souligné que des postes ont été réservés aux Serbes dans la fonction publique, mais ceux-ci les boycottent.

Droit à l'égalité devant la loi et à une égale protection de la loi

Le Comité ayant souhaité connaître les observations de la délégation quant au degré de discrimination que connaissent toujours les Serbes, les Roms, les Ashkalis et les autres minorités, la délégation a rappelé que la MINUK a accepté une surveillance externe des minorités par le biais de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Des progrès sont à noter, a souligné la délégation, notamment suite à l'adoption récente du Règlement sur l'assistance judiciaire et suite à l'adoption, par les institutions provisoires, d'une stratégie visant à mieux faire connaître les lois anti-discriminatoires.

Droits des personnes appartenant à des minorités

Interrogée sur les mesures prises pour garantir l'introduction systématique et fiable des documents officiels publiés par le pouvoir central ou les municipalités dans les trois langues officielles du Kosovo, la délégation a expliqué que chaque ministère dispose de traducteurs, sauf le Ministère de la Justice car il vient d'être créé. En dépit de ces efforts, un problème persiste, au niveau des traductions, en raison d'un manque de ressources financières, a admis la délégation.

Concernant les mesures prises pour garantir aux enfants appartenant à des groupes minoritaires la possibilité de suivre leur scolarité dans leur langue et de recevoir un enseignement sur leur culture, la délégation a annoncé qu'un processus de réforme a été lancé en 2002-2003. Il existe 28 écoles mixtes dans lesquelles les enfants des minorités fréquentent l'école ensemble, à l'exception des Serbes. L'absence de liberté de mouvement freine le processus de scolarisation, surtout pour les Serbes, a fait observer la délégation. L'absence de coopération des communautés constitue également un frein pour le processus de scolarisation, a-t-elle ajouté. Nombre d'enfants rom vivent loin des structures scolaires, a-t-elle poursuivi. La barrière linguistique pousse également un grand nombre de familles à refuser de scolariser leurs enfants, a-t-elle précisé.

Autres questions

S'agissant de la formation aux droits de l'homme, la délégation a rappelé que c'est une responsabilité essentielle de la MINUK que de promouvoir ce type de formation dans toutes les structures des institutions provisoires. De nombreux programmes de formation sont en cours dans les ministères et dans les municipalités. En outre, des unités en charge des droits de l'homme vont être installées dans les ministères pour veiller à la mise en œuvre des normes.

Il est inquiétant de voir autant de problèmes dans un territoire administré par une autorité internationale, a déploré un membre du Comité. Un autre s'est dit déçu par les réponses, s'interrogeant en outre sur les raisons pour lesquelles tout prend autant de temps. Un expert a regretté que tout semble être comme suspendu jusqu'à ce qu'il soit décidé du statut définitif du Kosovo.

La délégation de la MINUK a assuré que des changements remarquables sont intervenus dans la situation des droits de l'homme au Kosovo. Les bases nécessaires à la décision sur le statut final ont été jetées et de grandes réalisations ont été menées à bien, même si tous n'en ont pas profité sur un pied d'égalité. Peut-être la barre a-t-elle été placée trop haut, s'est interrogée la délégation.


Observations préliminaires

Présentant des observations préliminaires sur le rapport de la MINUK relative à la situation des droits de l'homme au Kosovo, la Présidente du Comité, MME CHRISTINE CHANET, a déclaré que quelles que soient les divergences d'appréciation sur l'avenir du Kosovo, il n'appartient pas au Comité d'émettre un avis sur ce point-là. En revanche, un point commun peut réunir l'ensemble des personnes dans cette salle: l'ensemble de la population au Kosovo doit pouvoir profiter de l'ensemble de ses droits protégés par le Pacte.

La Présidente a relevé un certain nombre de points positifs, citant notamment les nombreuses structures nouvelles qui ont été esquissées. Un travail considérable a été fait, a-t-elle reconnu; mais la tâche étant énorme, la MINUK n'est peut-être pas en mesure de répondre à toutes les exigences, a-t-elle suggéré.

Mme Chanet a relevé la franchise dont a fait preuve la délégation sur un certain nombre de sujets tels que la discrimination fondée sur le sexe ou la question de l'incertitude juridique. Elle a regretté l'absence de véritable séparation des pouvoirs. Il faut trouver un véritable moyen de garantir l'indépendance des juges, a-t-elle insisté. Quant aux difficultés en matière de retours, s'il n'y a pas une totale liberté d'aller et venir, il est normal que les retours ne soient pas au rendez-vous, a-t-elle fait observer.

Parmi les autres sujets de préoccupation soulevés, la Présidente du Comité a relevé les questions de la mise en détention, des conditions de détention et bien entendu des minorités. À cet égard, compte tenu du contexte difficile, il est normal que tous les problèmes ne soient pas réglés, a-t-elle déclaré. Si les Serbes boycottent certaines actions, il faut aussi peut-être remettre en cause le comportement de la MINUK, a affirmé Mme Chanet. La MINUK devrait peut-être adopter une attitude qui permette de punir franchement toutes les discriminations.

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