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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DU LIECHTENSTEIN

16 Juillet 2004

Comité des droits de l'homme
16 juillet 2004

Le Comité des droits de l'homme a examiné aujourd'hui le rapport initial du Liechtenstein en portant son attention notamment sur le cadre constitutionnel, les pouvoirs du Prince, les mesures de promotion des femmes, la lutte contre l'extrémisme de droite et le racisme et le traitement des étrangers.

M. Christian Wenaweser, Représentant permanent du Liechtenstein auprès des Nations Unies à Genève et chef de la délégation du Liechtenstein, a présenté le rapport de son pays en mettant l'accent sur le fait que la promotion et la protection des droits de l'homme est une priorité réelle de la politique étrangère du Liechtenstein. À cet égard, il a exprimé sa ferme conviction que la ratification et la mise en œuvre des instruments internationaux des droits de l'homme sont essentiels pour faire avancer la cause des droits de l'homme dans le monde. Il a toutefois souligné le fossé important qui demeure entre les progrès impressionnants de la codification du droit et la pratique et a mis en exergue la nécessité de réformer les organes de traités pour renforcer leur efficacité.

La délégation du Liechtenstein était également représentée par M. Hans Peter Walch, Directeur du Bureau de l'immigration; M. Uwe Langenbahn, Directeur adjoint de la Police; et Mme Andrea Hoch, attachée diplomatique du Bureau des affaires étrangères. Répondant aux questions du Comité, la délégation a mis en avant le fait que la Constitution révisée reconnaît les plaintes individuelles non seulement pour des violations de droits reconnus pas la Constitution mais aussi pour des violations des droits garantis par le Pacte.

La délégation a rappelé que le pouvoir de l'État repose sur deux piliers: le Peuple, représenté par le Parlement; et le Prince, garant de la Constitution. Depuis la révision constitutionnelle de 2003, les pouvoirs du Parlement ont été renforcés et le droit de veto du Prince sur les lois a été limité. En outre, le veto absolu que détenait le Prince précédemment sur la nomination des juges a été supprimé et l'indépendance du pouvoir judiciaire est à présent garanti non seulement vis-à-vis du Gouvernement mais aussi du Parlement et du Prince.

La délégation a fait valoir que le droit à la vie a été explicitement inclus parmi les droits auxquels il ne peut être dérogé, ce qui offre une meilleure garantie que sa simple inclusion dans la Constitution. À cet égard, elle a mis l'accent sur les restrictions sévères à l'usage des armes à feu et l'abolition de la peine de mort.

La délégation a par ailleurs reconnu que le Liechtenstein est encore en train de rattraper son retard dans le domaine des droits des femmes, soulignant toutefois les progrès majeurs qui ont été accomplis, notamment pour promouvoir l'égalité dans le domaine de l'emploi et grâce aux efforts en matière d'éducation, de formation et de sensibilisation.

En réponse à des questions sur les mesures adoptées afin de lutter contre les manifestations extrémistes et le racisme, la délégation a assuré qu'une forte attention est accordée à la nécessité de prendre, au sein des écoles, des mesures préventives contre la violence raciste. S'agissant de la montée de l'intolérance et des préjugés à l'encontre des musulmans depuis le 11 septembre 2001, la délégation a indiqué qu'un plan d'action national contre le racisme et l'intolérance a été adopté.

Dans ses observations préliminaires, M. Abdelfattah Amor, Président du Comité, a exprimé son appréciation pour l'attitude de la délégation du Liechtenstein à l'égard des réserves et sa reconnaissance de la compétence du Comité à déterminer leur recevabilité. Il a par ailleurs salué les efforts du Liechtenstein en faveur de l'intégration des étrangers. Il a toutefois exprimé sa préoccupation face aux manifestations d'intolérance et de racisme de la part de groupes d'extrême droite qu'il a imputées à un défaut de lutte et de prévention de la part des autorités. Il s'est par ailleurs interrogé sur les garanties dont bénéficient les personnes privées de liberté et a exprimé sa perplexité face à la condition de la femme au Liechtenstein.

Les observations finales du Comité concernant le rapport du Liechtenstein et les autres rapports qui seront examinés au cours de la session seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session.


Le Comité entamera lundi matin, à partir de 10 heures, l'examen du rapport initial de la Serbie-Monténégro (CCPR/C/SEMO/2003/1).



Présentation du rapport du Liechtenstein

M. CHRISTIAN WENAWESER, Réprésentant permanent du Liechtenstein auprès des Nations Unies à Genève, a mis l'accent sur le fait que la promotion et la protection des droits de l'homme est une priorité réelle de la politiques étrangère du Liechtenstein qui estime que la ratification et la mise en œuvre des instruments internationaux des droits de l'homme sont essentiels pour faire avancer la cause des droits de l'homme dans le monde. Il a toutefois souligné le fossé important qui demeure entre les progrès impressionnant de la codification du droit et la pratique. Il a par ailleurs souligné le rôle central du travail des organes de traités tout en estimant que des mesures de réforme s'imposent pour renforcer leur efficacité. À cet égard, il a rappelé que le Liechtenstein a organisé, conjointement avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme, une réunion d'experts sur la réforme des organes de traités. Il a également indiqué que le Liechtenstein est partie aux six Conventions des Nations Unies relatives aux droits de l'homme et qu'il a déjà soumis au moins un rapport à chacun des organes de traités. Il s'est particulièrement félicité de la pratique du Comité des droits de l'homme de soumettre une liste de questions écrites et a souhaité que la discussion avec les membres du Comité soit bénéfique pour l'amélioration des politiques nationales de son pays dans le domaine des droits de l'homme.

Le rapport initial du Liechtenstein (CCPR/C/LIE/2003/1) indique que la Principauté de Liechtenstein est une monarchie constitutionnelle héréditaire de tradition démocratique et parlementaire. La position relativement forte du Prince régnant est contrebalancée par les droits étendus dont jouit le peuple dans le cadre de la démocratie directe. La Constitution garantit une série de droits fondamentaux ainsi que l'égalité devant la loi à tous les citoyens et dispose que les droits des étrangers sont déterminés en première instance par les traités internationaux ou, à défaut, par le droit de réciprocité. La Cour constitutionnelle est chargée de protéger les droits garantis par la Constitution et définis dans la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que dans d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et contrôle la constitutionnalité des lois. Quiconque estime que ses droits fondamentaux ou ses libertés individuelles ont été violés est habilité à déposer plainte ou à saisir les tribunaux. Il peut en résulter entre autres, en guise de réparation, l'annulation d'une décision administrative ou gouvernementale ou le paiement de dommages et intérêts en compensation du préjudice matériel ou immatériel causé. Le Liechtenstein souscrit au principe selon lequel il ne peut contracter d'obligations découlant d'instruments internationaux qu'à la condition de pouvoir s'en acquitter au plan interne. Un instrument international ratifié par le Gouvernement du Liechtenstein devient partie intégrante du droit interne dès son entrée en vigueur. Lorsque les dispositions de l'instrument sont suffisamment précises, aucune loi d'application n'est nécessaire. Tous ces instruments ont force de loi et font directement partie de l'ordre juridique interne, puisque le système juridique du Liechtenstein est un système moniste. De cette manière, les droits qui y sont énoncés sont garantis pour toutes les personnes résidant dans le pays, sans préjudice des réserves faites à certaines dispositions. Le rapport note que le Liechtenstein a fait une déclaration concernant l'article 3 du Pacte qui se fonde sur la disposition constitutionnelle en vertu de laquelle les femmes sont exclues du droit de succession au trône.

Le rapport fait par ailleurs valoir que la question du regroupement familial occupe une place importante dans la politique d'immigration du Liechtenstein eu égard au pourcentage extrêmement élevé d'étrangers dans la population (34 % environ) et à la petite taille du pays. Les ressortissants suisses et les ressortissants des pays appartenant à l'Espace économique européen (EEE) titulaires d'un permis de séjour temporaire ou permanent peuvent faire venir immédiatement leurs parents proches au Liechtenstein s'ils justifient d'un logement convenable et d'un revenu suffisant. Pour les ressortissants des autres pays, des dispositions particulières s'appliques et les résidents temporaires et les étudiants ne peuvent faire venir les membres de leur famille. Le Liechtenstein a décidé, par souci de prudence, d'émettre la une réserve à l'effet que le droit au respect de la vie familiale s'exerce, à l'égard des étrangers, conformément aux principes consacrés à ce jour dans la législation sur les étrangers». Tant que la pression de l'immigration persistera, le Liechtenstein ne sera pas en mesure d'assouplir les dispositions concernant l'octroi du bénéfice du regroupement familial aux ressortissants des États qui n'appartiennent pas à l'EEE. S'agissant des droits garantis par le Pacte, les citoyens liechtensteinois et les ressortissants étrangers sont traités sur un pied d'égalité mais certains autres droits sont réservés aux personnes qui ont la nationalité liechtensteinoise.


Examen du rapport

La délégation du Liechtenstein a fourni des renseignements complémentaires demandés par les membres du Comité concernant la mise en œuvre des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.


Cadre constitutionnel dans lequel le Pacte est appliqué

La délégation a précisé que la Cour constitutionnelle reconnaît aux traités internationaux les statuts de loi statutaire dans l'ordre juridique interne qui est juste en dessous de la Constitution. Elle a par ailleurs indiqué que la Constitution révisée reconnaît les plaintes individuelles non seulement pour des violations de droits reconnus par la Constitution mais aussi pour violations des droits garantis par le Pacte. La Cour constitutionnelle décide également de la conformité des ordonnances gouvernementales avec la Constitution, les lois et les traités internationaux.

En réponse à une question sur la procédure de communication individuelle, la délégation a indiqué qu'aucune plainte pour violation des droits garantis par le Pacte n'a encore été déposée devant la Cour constitutionnelle. En revanche, la première plainte contre le Liechtenstein pour violation des droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme a été déposée en 1988, soit huit ans après l'entrée en vigueur de cette convention. Il est probable que la procédure de communication en vertu du Pacte soit moins connue que celle devant la Cour européenne des droits de l'homme, a reconnu la délégation, qui a néanmoins indiqué que les dispositions du Pacte et du Protocole facultatif sont largement diffusées.

En ce qui concerne les réserves émises par le Liechtenstein concernant certaines dispositions du Pacte, la délégation a rappelé que le Liechtenstein a l'habitude de formuler une réserve chaque fois qu'une incompatibilité de la loi interne avec le traité ne peut être totalement exclue, tout en s'assurant que ces réserves ne sont pas en contradiction avec l'objet et les principes du traité considéré. Ainsi, la délégation a notamment fait valoir que certaines dispositions relatives à des étapes des procédures civiles, pénales et administratives ne permettait pas d'affirmer que le principe des auditions publiques était toujours garanti car, dans certains cas, les jugements peuvent être notifiés par écrit. De même, la forte pression en matière d'immigration a conduit à l'imposition d'un système de quotas en ce qui concerne l'octroi de permis de résidence ou de travail à certains ressortissants étrangers ainsi que de restrictions au regroupement familial, en dépit de la reconnaissance de la liberté de circulation. La délégation a en outre indiqué que la situation des apatrides fait actuellement l'objet d'un réexamen en vue d'adopter les amendements constitutionnels nécessaires à la ratification de la Convention de 1961 sur les apatrides et qui devrait déboucher sur la levée de la réserve à l'article 24. En outre, la Principauté de Liechtenstein compte bientôt retirer sa réserve à l'article 26 du Pacte, qui concerne l'égalité de tous devant la loi et le droit de toute personne, sans aucune discrimination, à l'égale protection de la loi, disposition que le pays se réservait de ne garantir «qu'en rapport avec les autres droits prévus au présent Pacte». La délégation a également indiqué que le Liechtenstein reconnaît la compétence des organes de traités notamment en ce qui concerne la recevabilité des réserves.

En réponse à des questions sur les pouvoirs du Prince, la délégation a indiqué qu'ils incluaient, avant la révision constitutionnelle de 2003, le droit de démettre le Gouvernement ou un ministre tout en précisant que le cas ne s'est jamais produit. L'ancienne procédure de nomination du Gouvernement par le Prince régnant sur proposition du Parlement demeure inchangée, la seule nouvelle disposition concernant le retrait du Gouvernement en cas de perte de confiance du Prince ou du Parlement. Les pouvoirs du parlement ont été renforcés et l'introduction d'une motion de censure du Gouvernement de la part du parlement ou du Prince a permis de clarifier les possibilités de renvoi du Gouvernement en cas de perte de confiance. En outre, avec la nouvelle Constitution, le droit de veto du Prince sur les lois a été limité dans le temps et il ne peut forcer le peuple à accepter l'entrée en vigueur d'une loi. La délégation a rappelé que le pouvoir de l'État repose sur deux piliers : le Peuple, représenté par le Parlement; et le Prince, garant de la Constitution. Depuis la révision constitutionnelle, une procédure constitutionnelle démocratique a en outre été entamée pour abolir la monarchie.

En réponse à une question sur le dualisme, la délégation a indiqué que l'incorporation d'une disposition internationale à la loi nationale dépend du fait de savoir si cette disposition a valeur exécutoire évidente ou non, auquel cas elle devra être incorporée dans la loi nationale. Au sujet de savoir si le Pacte s'applique de manière directe, la délégation a répondu par l'affirmative et précisé que la Déclaration universelle des droits de l'homme s'applique également directement.


S'agissant des dérogations à certains droits ou de leur limitation en cas de «danger manifeste», la délégation a précisé que la révision constitutionnelle de 2003 n'a pas accru les pouvoirs exceptionnels du Prince prévus dans la Constitution de 1921 qui stipulait que celui-ci pouvait «prendre les mesures exceptionnelles nécessaires pour la sécurité de l'État». Au contraire, ces pouvoirs exceptionnels se sont vus explicitement limités, notamment en ce qui concerne les droits qui ne souffrent aucune dérogation tels qu'ils sont inscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que du fait d'une validité de six mois maximum appliquée aux décrets d'exception.

Concernant le recours juridique à la déclaration de l'état d'urgence, il est toujours possible d'en adresser un à la Cour constitutionnelle, a fait valoir la délégation qui a également précisé qu'à l'issue des six mois prévus par la Constitution, l'état d'urgence ne peut être prorogé qu'avec l'approbation du parlement.

En ce qui concerne l'inviolabilité et l'immunité du Prince, le Liechtenstein a ratifié le Statut de Rome sans réserve, a fait valoir la délégation.


Égalité des hommes et des femmes et principe de non-discrimination

S'agissant des mesures adoptées pour promouvoir la participation des femmes aux processus de prise de décision, la délégation a évoqué la mise en place d'un réseau des organisations féminines qui ont notamment mené une campagne contre la violence à l'égard des femmes et discutent les propositions législatives du Gouvernement en la matière. Si la vie politique au Liechtenstein reste dominée par les hommes, la délégation a toutefois relevé une tendance vers une meilleure représentation et participation des femmes. Si le nombre de candidates aux élections parlementaires est en augmentation, leurs chances d'être élues restent toutefois faibles, même si la situation est meilleure au niveau local. Une étude sur les raisons des difficultés des femmes à entrer en politique et à se faire élire a permis d'introduire différentes mesures visant essentiellement à améliorer l'information, la motivation et la sensibilisation, mais l'État n'a pas envisagé d'introduire de système de quota ou autres mesures contraignantes pour imposer la parité, a indiqué la délégation.

La représentation des femmes dans l'administration et les institutions publiques reste également faible et se retrouve essentiellement dans les affaires sociales. La place des femmes dans le monde professionnel s'est en revanche continuellement accrue depuis les années 70 et les femmes représentaient 45% des employés en l'an 2000. Des statistiques sur les différences de salaires entre les hommes et les femmes sont en train d'être compilées et devraient être disponibles en 2005.

La création d'un prix en 1999 en vue de sensibiliser le public aux questions relatives à l'égalité des sexes a eu pour effet d'attirer une forte attention du public sur les organisations auxquelles il est attribué et d'obtenir un soutien accru à leurs programmes et activités. La délégation a également mis en avant l'initiative prise en 2000 pour s'attaquer à la question de l'égalité des chances entre hommes et femmes pour ce qui est du choix de la profession et remettre en question les rôles traditionnels dévolus en fonction du sexe.

Le Liechtenstein est encore en train de rattraper son retard dans le domaine des droits des femmes, a reconnu la délégation, mais des progrès majeurs ont été accomplis même si beaucoup reste à faire. À une question sur le nombre de femmes dans l'éducation supérieure, la délégation a indiqué que 43% des étudiants sont des femmes. La loi sur la parité est entrée en vigueur en 1999 et a pour but de promouvoir l'égalité dans le domaine de l'emploi. La loi prévoit que les employés ne peuvent faire l'objet de discrimination en raison de leur sexe, de leur situation matrimoniale ou en raison d'une grossesse. Le principe de rémunération égale figure également dans la loi mais des statistiques sur la pratique restent à compiler. Plusieurs lois concernant notamment le divorce, la sécurité sociale ou les délits sexuels, ont en outre été révisées pour assurer le principe de non discrimination. Il n'y a pas d'initiative en faveur de quota à l'heure actuelle car souvent les femmes ne se trouvent pas prête à assumer des responsabilités politiques, raison pour laquelle les efforts se concentrent sur la formation et la sensibilisation.

Au sujet de la violence conjugale, la délégation a indiqué que des pouvoirs supplémentaires ont été octroyés à la police pour notamment éloigner l'auteur de violences du foyer. Au cas où l'auteur des violences ignorerait cette interdiction, il est passible d'une amende voire d'emprisonnement, a indiqué la délégation qui a précisé qu'une dizaine de cas par an étaient enregistrés.

En réponse aux questions sur les mesures adoptées afin de lutter contre l'extrémisme de droite et le racisme, la délégation a assuré qu'une forte attention est accordée à la nécessité de prendre des mesures préventives au sein des écoles contre toute forme de comportement extrémiste, y compris par des rapports à la police. En outre, un nouvel article du Code pénal stipule que les délits motivés par le racisme et la xénophobie sont passibles de peines plus sévères que les délits exempts de telles motivations.

En ce qui concerne les activités des groupes d'extrême droite, la délégation a indiqué qu'en dépit de la persistance d'incidents isolés tels que des attaques verbales sporadiques ou des graffitis racistes sur les murs, les apparitions publiques des groupes extrémistes ont virtuellement cessé, de même que toute forme d'action raciste organisée. Le Gouvernement a décidé de s'attaquer plus largement à ce phénomène par le biais de la prévention de la violence chez les jeunes en général. Une commission nationale consultative a été créée à cet égard et un film impliquant des jeunes est en préparation dans cette optique.

En outre, le Liechtenstein a adopté une disposition dans son Code pénal pour incriminer l'appartenance à un groupe incitant à la discrimination raciale, et des formations ont été organisées, notamment en Suisse, pour les responsables chargés de l'application de la loi en matière de lutte contre la discrimination, a indiqué la délégation.

Au sujet de l'applicabilité du droit à une protection égale aux étrangers, la délégation a assuré qu'elle a été fermement établie du fait de la ratification des instruments internationaux en matière de droits de l'homme par le Liechtenstein et que la non-égalité des étrangers est limitée aux situations traditionnelles différenciant citoyens et non-citoyens.

La délégation a par ailleurs précisé les moyens d'acquisition de la nationalité en vertu du jus sanguis. Elle a en particulier précisé les conditions de la naturalisation qui peut être obtenue de deux façons : automatiquement au bout de trente ans de résidence (les années avant l'âge de 20 ans comptant double); ou par décision des habitants d'une municipalité après cinq ans de résidence. Au cours des dix dernières années, 90 personnes on acquis la citoyenneté par cette procédure et les demandes de 43 autres ont été refusées.


Droit à la vie, droit à la liberté et à la sécurité de la personne et droit des personnes privées de liberté

La délégation du Liechtenstein a souligné que le droit à la vie a été explicitement inclus parmi les droits auxquels il ne peut être dérogé. Cette garantie est considérée comme plus forte qu'une simple inclusion dans la Constitution. L'usage des armes à feu n'est permis qu'en cas de légitime défense et fait l'objet de sévères restrictions. L'usage des armes à feu est également autorisé en cas de prise d'otage ou pour prévenir un danger particulier menaçant la population. Dans tout les cas l'usage des armes à feu doit obéir au principe de proportionnalité. Le taux d'utilisation des armes à feu par les forces de police est très bas et seulement deux cas ont été répertoriés au cours des dix dernières années. Toutefois, la formation des forces de police en ce qui concerne la décision d'y avoir recours reste très stricte et le dernier cas de bavure remonte à 1989.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'il est prévu d'adopter une nouvelle disposition reconnaissant le droit d'une personne arrêtée d'informer immédiatement quelqu'un de son choix de sa détention. Une personne arrêtée est informée de ses droits, notamment celui de choisir un avocat au plus tard lors du premier interrogatoire par un magistrat, et elle peut se voir désigner un avocat commis d'office gratuitement. La personne doit en outre subir un examen médical dans les 24 heures de son incarcération. Tout détenu a par ailleurs le droit de recevoir des visites au moins 30 minutes par semaine.

L'isolement en prison n'existe pas au Liechtenstein car il n'y a pas de base juridique pour cela et les visites sont toujours possibles, a précisé la délégation, qui a néanmoins indiqué que des mesures de restrictions de contact avec d'autres prisonniers peuvent être prises. Les communications écrites ne sont pas sujettes à des limitations. Par conséquent, des plaintes ou appels ne peuvent être interceptés.

En ce qui concerne les conditions d'incarcération, le Comité européen de prévention de la torture a jugé que la prison de Vaduz (la seule du pays) «offre des conditions de détention excellentes pour 24 prisonniers». Avec cinq surveillants à temps plein, il n'y a pas de pénurie de personnel pour garder les 14 prisonniers actuellement détenus à la prison de Vaduz.


Traitement des étrangers

La délégation a assuré que les étrangers sont les bienvenus au Liechtenstein. Elle a toutefois précisé qu'une décision d'expulsion peut être prise, sur la base du principe de proportionnalité, pour un ensemble de raisons liées à l'attitude de la personne qui mettrait en danger la sécurité ou l'ordre public. Elle a indiqué qu'aucune personne n'a été expulsée au motif qu'elle représentait un fardeau pour le système de protection sociale.

En réponse à une question sur l'extradition, la délégation a indiqué que le Liechtenstein n'extrade personne à destination de pays appliquant la peine de mort.


Indépendance du pouvoir judiciaire

En ce qui concerne la nomination des juges, la révision constitutionnelle a supprimé le veto absolu que détenait le Prince précédemment et garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire non seulement vis-à-vis du Gouvernement mais aussi du Parlement et du Prince, sauf pour ce qui est du droit de grâce, a précisé la délégation. Elle a ajouté que des sanctions disciplinaires peuvent être prises à l'encontre de juges qui se conduiraient mal, pouvant mener jusqu'à leur destitution.


Liberté de religion et d'expression

En réponse à une question sur la montée de l'intolérance et des préjugés à l'encontre des musulmans depuis le 11 septembre 2001, la délégation a indiqué qu'un plan d'action national contre le racisme et l'intolérance a été adopté qui a pour objectif de sensibiliser la population aux causes et potentialités de la violence raciste et xénophobe, ainsi que de développer une stratégie globale d'intégration des étrangers dans le pays. Si des personnes font l'objet de harcèlement, ils sont invités à se présenter à la police. Mais cela se fait peu, a reconnu la délégation, qui n'a connaissance de d'un seul cas de harcèlement en public signalé à l'encontre d'une personne de couleur. Un groupe de travail particulièrement consacré à l'intégration des musulmans a été créé et comprend des représentants des deux plus importantes associations musulmanes, a-t-elle par ailleurs indiqué. Elle a en outre rappelé que les étrangers jouent un rôle actif au Liechtenstein où ils occupent 62% des emplois et contribuent au bien-être économique du pays.

La délégation a par ailleurs rappelé que l'Église catholique jouit du statut d'Église d'État et à ce titre de la protection explicite de l'État. Toutefois, les autres confessions bénéficient de la protection indirecte octroyée en vertu de la reconnaissance dans la Constitution de la liberté de conscience et de croyance. L'Église catholique bénéficie d'une contribution annuelle de l'État d'environ 300 000 francs suisses. L'Église protestante reçoit également une contribution annuelle et les autres cultes peuvent recevoir des contributions occasionnelles ou des subventions. Les musulmans représentent 4,8% de la population, a indiqué la délégation.

Au sujet des limitations qui peuvent être mises à la liberté d'expression, la délégation a indiqué qu'elles sont imposées pour protéger les droits, l'honneur ou la réputation des autres ou pour protéger la sécurité nationale et l'ordre public. Les délits contre la paix religieuse sont également incriminés, même si aucun délit de ce type n'a été rapporté au cours des dix dernières années.


Droit des minorités

S'agissant des minorités, la délégation a indiqué que si le Liechtenstein ne reconnaît pas l'existence de minorités linguistiques sur son territoire, le droit des groupes linguistiques à utiliser leur langue est parfaitement reconnu. De même, l'enseignement de la langue maternelle, des coutumes et de la culture d'origine des enfants étrangers est favorisé par les autorités, qui mettent les infrastructures nécessaires à disposition tandis que les cours sont assurés par des associations d'étrangers. La délégation a reconnu qu'un problème se pose particulièrement avec les Turcs, dont les valeurs sont éloignées des valeurs habituelles du Liechtenstein et dont l'immigration est très récente. C'est pourquoi un effort particulier d'intégration est fait en direction des ces populations parfois perçues par certains secteurs de la population comme une menace, notamment par le biais d'un dialogue constant et de la sensibilisation à cette nouvelle réalité de diversité culturelle.


Observations préliminaires

M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, a jugé le dialogue avec la délégation du Liechtenstein constructif et son rapport sérieux. Il a exprimé son appréciation pour l'attitude de la délégation, notamment en ce qui concerne les réserves et sa reconnaissance de la compétence du Comité à déterminer la recevabilité des réserves. Il s'est à cet égard félicité de l'intention du Liechtenstein de lever certaines de ces réserves. M. Amor a par ailleurs salué les efforts du Liechtenstein en faveur de l'intégration des étrangers.

M. Amor a attiré l'attention de la délégation sur certains aspects de la vie politique au Liechtenstein. À cet égard, il a exprimé sa préoccupation face aux manifestations d'intolérance et de racisme de la part de groupes d'extrême droite, qu'il a imputées à un défaut de lutte et de prévention de la part des autorités qu'il a appelé à se concentrer sur la sensibilisation à la richesse qui découle des différences culturelles. Il s'est par ailleurs interrogé sur les garanties dont bénéficient les personnes privées de liberté. M. Amor a en outre exprimé sa perplexité face à la condition de la femme et mis l'accent sur la nécessité d'un effort accru de promotion et de protection des droits des femmes ainsi que de prévention des discriminations dont elles font l'objet.

M. CHRISTIAN WENAWESER, Chef de la délégation du Liechtenstein, s'est pour sa part félicité de l'expérience de dialogue avec le Comité. Il a exprimé son appréciation pour la franchise du Comité, notamment sur les questions liées à l'intolérance et à la condition des femmes.



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